mardi 20 octobre 2020

Emission de semence en vain - Introduction

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 



Introduction

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Cela fait longtemps que des lecteurs du blog, ainsi que des élèves, me demandent de traiter des sujets de la masturbation et de « l’émission de semence en vain » (הוֹצָאַת זֶרַע לַבַּטָּלָה « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh »), mais du point de vue de l’école rationaliste du judaïsme. Après avoir réfléchi à certains e-mails et aux témoignages qui me sont parvenus, je me suis rendu compte que c'était probablement l'un des sujets les plus importants mais les moins discutés qui affectent les Juifs orthodoxes et leur bien-être social et émotionnel.

 

L'impact de ce problème sur le bien-être sexuel, émotionnel et social de l'homme Juif orthodoxe, alors qu'il grandit à travers l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte, ne peut être surestimé. (Je parle spécifiquement de la masturbation masculine, car il s'agit d'un blog halakhique, et il n'y a pas de discussion approfondie sur la masturbation féminine dans les sources halakhiques. C'est évidemment un sujet très important en soi, mais puisque je ne suis pas sexologue, je n'en discuterai pas ici). L'impact général de cette question sur la société orthodoxe est très significatif. Vous n’avez pas idée du nombre de religieux qui m’en ont déjà parlé. De toute évidence, l'homme orthodoxe a les mêmes problèmes sexuels que tout autre être humain, Juif ou non, mais plusieurs facteurs propres à notre communauté en font un sujet qui convient vraiment à un blog comme celui-ci (et croyez-moi, mon blog est lu même dans des milieux religieux juifs que vous ne soupçonneriez pas).

 

Premier facteur. La société juive orthodoxe évite de discuter de sujets à caractère sexuel. En apparence, cela est souvent justifié par des affirmations selon lesquelles discuter de ces questions en public est une violation des principes de pudeur ou « ani´outh ». Cet argument a un certain mérite bien sûr…sauf lorsque le sujet est complètement ignoré et que qu’on n’en discute pas même en privé pour proposer aux jeunes des alternatives ! Malheureusement, comme ces sujets ne sont pas discutés ni en public ni en privé, les jeunes sont moins bien guidés, ils ne savent souvent pas vers qui se tourner pour obtenir de vrais conseils, et les conseils donnés, dans les rares cas où ils sont donnés, sont souvent mal informés, pour en dire le moins. En outre, lorsqu’on regarde la littérature juive traditionnelle, comme par exemple le ṬoNo’’Kh, le Midhrosh, ou encore le Ṭalmoudh, nous constatons qu’AIUCUN sujet n’était tabou. Hashshém ית׳, à travers les Prophètes, et nos Sages, à travers le Midhrosh et le Ṭalmoudh, osaient aborder tous les sujets avec de nombreux détails qui feraient rougir bon nombre de religieux. C’est une méthode saine, car lorsqu’on ose parler de tout avec nos jeunes et enfants, ils n’auront pas la tentation d’aller chercher leurs réponses dans des sources inappropriées, ni de développer une attitude hypocrite de piété en public et de débauche en privé.

 

Deuxième facteur. On entend souvent parler d’une interdiction de la masturbation masculine, l'interdiction halakhique bien connue sous le nom de « gaspillage de la semence » ou « émission de semence en vain ». Lorsqu'une activité humaine normale telle que la masturbation est interdite, cela peut être une source de culpabilité et de honte énorme pour un jeune orthodoxe qui n'est pas familier avec le développement sexuel normal et ne sait pas où il peut se tourner pour obtenir de l'aide. Jusqu'à 80% des adolescents de sexe masculin normaux se masturbent, et même si ces chiffres étaient différents pour les adolescents orthodoxes, il y a certainement encore un grand pourcentage de garçons Juifs orthodoxes qui le font. L'impact psychologique de masse de jusqu'à 80% de nos enfants étant engagé dans une activité dont ils ont appris que la Ṭôroh condamne et considère comme un péché est quelque chose qui doit être énorme. Je ne suis pas un psychologue social. Cependant, je sais par ma propre expérience du fait d’avoir évolué dans cet environnement et par les nombreuses personnes qui ont eu le courage d'en discuter ouvertement, que cette question est extrêmement importante.

 

Troisième facteur. La tendance à une compréhension plus mystique de notre religion et à l'abandon d'une perspective plus rationaliste est celle que les lecteurs de ce blog connaissent très bien. Quiconque connaît le sujet de la masturbation dans la littérature juive est sûrement conscient de l'association entre la gravité du « péché » de la masturbation et les sources Qabbalistiques. Bien qu'il existe clairement des sources halakhiques traditionnelles pour l'interdiction (dont nous discuterons en détail lorsque nous entrerons dans la discussion principale de cette série d'articles), les sources Qabbalistiques se sont emparées de ce sujet et l’ont transformé en l'un des péchés majeurs d'importance cosmique, au-delà de ce que dicte réellement la Halokhoh, ainsi que nous le découvrirons. Cela peut être une source majeure de désespoir pour les adolescents aux prises avec le problème, d'autant plus qu'ils sont également les moins équipés pour comprendre et faire la différence entre la vraie Halokhoh et les déclarations effrayantes que l’on retrouve dans des sources Qabbalistiques.

 

Quatrième facteur. Une grande partie du discours halakhique sur la masturbation est basée sur les travaux des érudits halakhiques médiévaux (les Ri`shônim) qui ont été fortement influencés par les croyances de leur temps concernant les « dangers » pour la santé lorsqu’on « gaspille la semence ». C’est un fait que peu de Juifs orthodoxes acceptent d’admettre : les Ri`shônim interprétaient souvent certains sujets halakhiques à la lumière de la science connue de leur époque, qui n’était pas toujours exacte, loin de là même. Comprendre cela est essentiel à toute discussion rationaliste sur le sujet, et nous allons bien sûr approfondir cela de manière beaucoup plus détaillée. Cependant, les jeunes orthodoxes d'aujourd'hui apprennent souvent dans la Yashivoh (et je suis bien placé pour en témoigner, puisque je suis passé par le système) qu'une analyse historique qui associe le processus halakhique à toute sorte de lien avec la compréhension scientifique et culturelle actuelle n'est rien de moins qu'une hérésie pure et simple. En tant que tel, un jeune orthodoxe croira souvent qu'il est en train de détruire son cerveau et sa force vitale lorsqu'il se masturbe, car c'est ce que disent les « livres saints » (Saphorim), et il ne pourrait pas comprendre que ces choses étaient souvent simplement en correspondance complète avec les croyances « scientifiques » de l'époque où elles ont été rédigées. Cela ajoute à la culpabilité et à la consternation de la jeunesse malheureuse et non guidée de notre époque.

 

Cinquième facteur. La signification de l'idée que les Juifs sont un peuple élu est souvent interprétée aujourd'hui comme voulant dire que les Juifs sont en quelque sorte intrinsèquement différents de tous les autres. Or, de nombreux sages du judaïsme, comme le Rambo’’m ז״ל, avaient une vision radicalement différente de la signification de l’élection des Juifs. Cependant, la croyance que les Juifs sont intrinsèquement différents est une idée répandue dans de nombreux cercles orthodoxes aujourd'hui. Cela conduit à des soupçons sur les écrits scientifiques et culturels auxquels certains jeunes orthodoxes peuvent parfois être exposés. Ainsi, les rares jeunes orthodoxes qui peuvent tomber sur un article, ou même rencontrer un thérapeute ou un enseignant, ou un professionnel de la santé qui peuvent offrir des conseils raisonnables sur le sujet, les rejettent souvent en raison de ces soupçons.

 

Sixième facteur. Le tabou contre la lecture de livres et d'articles profanes, en particulier ceux concernant des questions sexuelles, fait qu'il est de moins en moins probable qu'un jeune orthodoxe ait un jour la chance d'être exposé à des écrits responsables sur un comportement sexuel normal. Le peu de matériel lié à la sexualité qu'un jeune orthodoxe peut voir sera souvent inapproprié et trompeur, et parfois simplement pornographique et potentiellement dangereux pour son développement sexuel sain. Cela rend difficile pour le Boḥour de Yashivoh typique de comprendre ce qui est scientifique et responsable, et ce qui est dangereux et malsain.

 

Il y aurait davantage de choses à écrire dans cet article d’introduction, mais je pense avoir suffisamment démontré pourquoi c'est un problème particulier pour un homme Juif orthodoxe grandissant dans le monde orthodoxe d'aujourd'hui. Je pense qu'il est évident que la santé sexuelle et le développement des hommes de notre communauté ont un impact profond sur la santé de notre communauté en général. Parce que je ne suis pas un spécialiste des sciences sociales, je choisirai de ne pas entrer dans les détails sur le type d'impact que cela a sur notre société. J'espère que vous conviendrez au moins avec moi qu'il s'agit d'un sujet extrêmement important et qu'une approche halakhique rationaliste peut être très bénéfique pour le Juif rationaliste.

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