lundi 2 novembre 2020

Emission de semence en vain - La véritable raison pour laquelle le Ṭalmoudh « interdit » la masturbation

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


La véritable raison pour laquelle le Ṭalmoudh « interdit » la masturbation

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire :

·        La première partie

·        La deuxième partie

·        La troisième partie

·        La quatrième partie

·        La cinquième partie

 

Dans le dernier article, il a été démontré que le « péché » de Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh n'a rien à voir avec le meurtre. Nous avions terminé par la question de savoir pourquoi les Ḥakhomim du Ṭalmoudh l'ont comparé à un meurtre et avions promis d'y répondre dans de futurs articles. Plus important encore, nous nous devons de décrire exactement ce qu'est le « péché » et ce qu'est l’ « interdiction » et ses véritables origines. Puisqu'il est clair que nulle part dans la Ṭôroh (voir la deuxième partie de cette série d’articles) il n'y a une interdiction claire de la masturbation, les origines du péché doivent donc être définies.

 

Pour ce faire, une analyse des sources talmudiques est nécessaire. Veuillez revenir en arrière et relire la quatrième partie concernant la Gamoro` de Niddoh 13a-b. Je crois que nous pouvons commencer à comprendre ce que la Gamoro` de Niddoh interdisait, si nous revenons au sens des mots « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh ». Le terme est généralement traduit par « émettre de la semence pour rien / en vain ». Il est important de noter que le seul endroit dans la littérature talmudique et mishnique où ce terme apparaît est dans la Gamoro` de Niddoh que nous avions analysée. Dans la littérature halakhique médiévale (l’époque des Ri`shônim), ce terme a été compris comme signifiant que « gaspiller » le sperme est un péché, c'est-à-dire toute émission de sperme à des fins autres que la procréation, et s'apparente donc en quelque sorte au meurtre. Nous avons déjà mentionné trois exemples dans la cinquième partie qui prouvent que le Ṭalmoudh n'a clairement pas compris le terme de cette manière. Ces preuves étaient a) l'autorisation explicite du Ṭalmoudh permettant des relations sexuelles anales avec son conjoint, b) L’autorisation du Ṭalmoudh de l'éjaculation dans le cadre d'un examen visant à déterminer le statut médical de l’homme c) La compréhension du Ṭalmoudh que les émissions séminales non intentionnelles pourraient être une chose positive. J'ajouterai quelques preuves supplémentaires ici, car je pense qu’il est important pour les lecteurs de ce blog de les garder à l’esprit.

 

·        Dans Yavomôth 34a (et dans d'autres endroits), le Ṭalmoudh affirme qu'une épouse ne tombe jamais enceinte dès le premier rapport sexuel. Laissant de côté l'exactitude scientifique discutable de cette déclaration, les Ḥakhomim croyaient que c'était le cas. De toute évidence, ils n'étaient pas préoccupés par le « gaspillage de semence » lorsqu'un nouveau marié a des relations sexuelles avec son épouse pour la première fois.

·        Dans Yavomôth 34b, la Gamoro` apporte une Barrayṭo` de Niddoh dans laquelle Ribbi `ali´azar ז״ל recommande que pendant les 24 mois après qu'une femme a eu un enfant (pendant lesquels elle allaitait l'enfant), on devrait pratiquer ce que l'on appelle maintenant la « méthode de retrait » (avoir des rapports sexuels et se retirer et éjaculer à l'extérieur). Ribbi `ali´azar craignait que si elle tombait enceinte pendant cette période, elle ne puisse pas allaiter son enfant tout en supportant une autre grossesse en même temps. Notez que c'est le même Ribbi `ali´azar qui a dit dans Niddoh : « quiconque tient son pénis et urine, on considère qu'il est en train de causer un déluge sur le monde. (...) Il est préférable que les gens soupçonnent que ses enfants soient des Mamzérim, plutôt qu’il ne se rende mauvais même un instant devant l'Omniprésent ». De toute évidence, même les opinions rabbiniques les plus strictes citées par la Gamoro` ne croyaient pas que l'interdiction avait quoi que ce soit à voir avec le « gaspillage de semence ».

 

·        Yavomôth 12b (et d'autres endroits) permet des rapports sexuels normaux et l'utilisation de la contraception avec un conjoint pour qui il est dangereux de tomber enceinte

·        les rapports sexuels normaux avec son conjoint qui ne peut pas avoir d'enfants sont autorisés

·        les rapports sexuels normaux avec une femme ménopausée sont autorisés

 

Une fois que nous avons établi que l’ « interdiction » n'a rien à voir avec le « gaspillage de semence », nous pouvons maintenant comprendre la vraie signification de la Gamoro` et pourquoi l'acte de masturbation était considéré comme un péché. La Gamoro` a commencé par l'interdiction de toucher inutilement ses organes génitaux. La Gamoro` a discuté avec dédain de la pratique de s’exciter volontairement. La Gamoro` a déclaré clairement que ces interdictions ne s'appliquaient pas au fait de toucher ses parties génitales lorsqu'il n'y avait pas de crainte d’auto-excitation, et elle a également clairement déclaré que l'excitation de soi n'était pas un problème quand c'est dans le contexte du mariage, quand il n'y aurait pas de péché impliqué dans l'accomplissement du plaisir sexuel avec son conjoint. Il est donc évident de comprendre qu'il ne s'agit pas ici de « gaspillage de la semence », mais plutôt que les Ḥakhomim nous apprennent que s’exciter dans un contexte qui peut conduire à un comportement sexuel inapproprié (adultère, débauche sexuelle avec différents partenaires féminins, pédophilie, etc.) est mal.

 

Le terme לַבַּטָּלָה « Labbattoloh » ne signifie pas gaspillage dans le sens où l'on craint que du sperme ne soit renversé, ce qui n'entraînera pas de grossesse. Cela signifie plutôt que la personne qui se livre délibérément à ce comportement prend ses pulsions sexuelles normales, qui peuvent et devraient être utilisées dans le contexte approprié d'une relation sexuelle saine, et qu'elle la gaspille à des fins qui peuvent l'égarer. Finalement, cela peut conduire à des choses terribles si l'on prend l'habitude de satisfaire ses pulsions sexuelles de manière malsaine.

 

Les différentes déclarations suivent alors logiquement. Le Ṭalmoudh poursuit en comparant la masturbation aux trois péchés cardinaux, l'adoration des idoles, le meurtre et l'adultère. Bien que cela semble assez grave, aucune personne raisonnable n'imaginerait que cela est censé être pris à la lettre. Le Ṭalmoudh fait tellement de déclarations de ce genre, par exemple :

 

·        Bavo` Maṣi´a` 58b : le Ṭanno` a enseigné une Barrayṭo` devant Rov Naḥmon bar Yiṣḥoq : Quiconque humilie un autre en public, c'est comme s'il versait du sang.

·        Sôtoh 46b : Ribbi Yôḥonon dit au nom de Ribbi Mé`ir : Quiconque n'accompagne pas un invité lorsqu'il quitte son domicile ou ne se laisse pas accompagner est comme un déverseur de sang.

·        Shabboth 105b : Ribbi Shim´ôn ban `al´ozor dit au nom de Ḥilpho` bar ´aghro`, qui a dit au nom de Ribbi Yôḥonon ban Nouri : Celui qui déchire ses vêtements dans sa colère, ou qui brise ses vases dans sa colère, ou qui disperse son argent dans sa colère, devrait être comme un adorateur d'idoles à tes yeux, car c'est la ruse du mauvais penchant. Aujourd'hui, il lui dit de faire cela, et demain il lui dit de faire cela, jusqu'à ce que finalement, quand il ne se contrôle plus, il lui dise d'adorer les idoles et il va adorer les idoles.

 

La liste de ces déclarations peut durer indéfiniment, je viens donc d'apporter quelques exemples célèbres de déclarations similaires. La troisième citation, tirée de Shabboth 105b cependant, je pense qu'elle est particulièrement pertinente pour notre discussion. Ribbi Yôḥonon ban Nouri nous enseigne une leçon très similaire à celle enseignée dans Niddoh concernant la masturbation délibérée dans un contexte qui peut nous conduire sur un chemin destructeur. Tout comme briser des récipients dans la colère n'est pas techniquement parlant une interdiction en soi, un tel comportement, s'il devient habituel, peut conduire quelqu'un sur un chemin destructeur. De même, la masturbation, lorsqu'elle est effectuée dans un contexte inapproprié, peut entraîner une personne sur une voie dangereuse.

 

L'expression correcte de la sexualité du point de vue des Ḥakhomim se situe dans le contexte du mariage (ou du moins, dans le contexte d'une relation adulte, consentante et engagée si l'on admet certaines circonstances historiques et halakhiques, comme une relation de Pilaghshouth). C'est pourquoi les Ḥakhomim ont encouragé le mariage à un jeune âge, de sorte que le comportement sexuel souvent promiscuité qui est susceptible de se produire lorsque les jeunes restent célibataires ne les conduirait pas sur un chemin destructeur. Je vous invite à (re)lire l’article intitulé « L’âge approprié pour se marier ». Il est extrêmement courant pour un jeune homme en bonne santé d'avoir une envie sexuelle normale et, en raison de cette stimulation, de se masturber. Si un jeune homme avec une pulsion sexuelle normale et saine apprend ce que sont censées être des interactions sexuelles sûres, saines et appropriées, il n'y a aucune raison pour que cet acte mène dans une direction inappropriée. En fait, lorsqu'elle est correctement dirigée, elle lui donnera, espérons-le, l'occasion de réfléchir à ce qu'est une relation sexuelle saine. Un jour, il trouvera le bon partenaire et s'engagera dans ce qui est censé être l'un des aspects les plus gratifiants d'une vraie relation adulte.

 

Au lieu de cela, trop souvent, ce que nous enseignons à ce jeune homme est la culpabilité et la honte. Aucune tentative n'est faite pour lui apprendre que les pulsions sexuelles font partie intégrante de l'être humain. Aucune tentative n'est faite pour lui apprendre que rechercher une satisfaction saine de ces pulsions est non seulement acceptable mais encouragé par Hashshém ית׳. Que les pulsions qu’il ressent sont l’indication que l’être humain n’a pas été créé pour être seul mais en couple, avec un partenaire, et qu’il devrait ainsi penser dans le long terme à se trouver quelqu’un avec qui vivre une relation sérieuse et Koshér plutôt que de rester célibataire. Lui dire cela le rend-il plus susceptible de prendre le mauvais chemin et de rechercher la satisfaction de ses désirs sexuels de manière inappropriée ? Absolument pas ! Cela le conduira-t-il à être plus susceptible de commettre de vrais péchés ? Absolument pas !

 

Nous avons la responsabilité d’enseigner à nos jeunes que la masturbation, dans certains contextes et à une fréquence raisonnable, est un comportement sain normal. Par conséquent, si un jeune homme orthodoxe se sentait coupable de se masturber et qu'il allait parler à un responsable bien formé, il lui dirait que c'est normal et ne pas s'en inquiéter. Le responsable saisirait alors l’opportunité de lui enseigné le comportement sexuel normal, l’influence des hormones et lui permettrait ainsi de bien gérer sa culpabilité. Si au contraire on lui apprend que ce qu'il a fait est un péché terrible semblable à un meurtre, il sera alors coincé dans une terrible spirale de sentiments de honte, de haine de soi, de faiblesse et peut-être même de colère. Dans beaucoup de cas, ces sentiments peuvent conduire à des actes graves, à quitter le chemin de la Ṭôroh, à l’hypocrisie, à la promiscuité, à la débauche ou pire. Il y a de nombreux récits et témoignages de ce genre.

 

Une de ces histoires que je vous conseille de lire (si vous comprenez l’anglais) se trouve ici. Dans ce cas, la culpabilité à l'égard de la masturbation a conduit à agir par colère et à adopter un mauvais comportement social. Heureusement, ce jeune homme a pu obtenir par la suite une aide appropriée. Ce qui m'a le plus frappé, c'est comment, après avoir reçu un enseignement approprié, il a appris à respecter les femmes de manière appropriée. Cet autre article-ci (en anglais, sur l’importance de mettre en place une éducation sexuelle saine pour les garçons Juifs orthodoxes) peut également vous conduire à plus d'informations sur ce sujet.

 

Maintenant que nous avons traité de ce sujet d’un point de vue biblique et talmudique, nous allons passer à la période des Ri`shônim dans le prochain article.

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