mercredi 28 octobre 2020

Emission de semence en vain - Toum`oh Watohoroh et l’émission de semence

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


Toum`oh Watohoroh et l’émission de semence

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire la 1ère partie, voir ici ; pour (re)lire la 2ème partie, voir ici.

 

Avant de commencer le sujet de l'article d'aujourd'hui, j'aimerais ajouter une source pour illustrer le point que j'essayais de faire valoir dans le dernier article. Si vous vous souvenez, j'ai développé l'idée que le Zôhar, et son interprétation de la Poroshoh de `ônon, sont devenus très influents dans la façon dont nous considérons le péché de `ônon. Ceci a influencé notre interprétation de la Halokhoh dans la mesure où le péché de la masturbation s'est identifié au péché de `ônon, alors qu’il est tout à fait évident que le péché de `ônon n'était clairement pas qu'il se masturbait et répandait sa semence, mais plutôt qu'il refusait de maintenir le nom de son frère.

 

Le meilleur exemple de cette influence qabbalistique dans la Halokhoh est le Qiṣour Shoulḥon ´oroukh. Le Qiṣour, comme il est communément appelé, était l'une des œuvres les plus influentes de Halokhoh des 19ème et 20ème siècles, et a agi (et continue de le faire) comme un guide halakhique pratique pour des générations de Juifs fidèles à la Halokhoh pendant des générations. Voici ses paroles :[1]

 

Il est interdit d’émettre de la semence en vain. Ce péché est plus grave que tout autre péché dans la Ṭôroh. Ceux qui se masturbent et répandent de la semence en vain, non seulement c'est une interdiction sévère, mais celui qui fait cela est excommunié, et concernant ces personnes il est dit « Vos mains sont remplies de sangs » et c'est comme s'il était coupable de meurtre. Voir ce que Rash’’i écrit à ce sujet à la Poroshath Wayyéshév concernant l'histoire de ´ér et `ônon qui sont morts à cause de ce péché. Parfois, celui qui commet ce péché perd ses enfants en bas âge, ou ils seront malades, ou une personne souffrira de la pauvreté.

 

Il y a tellement de choses à dire sur cette citation, mais les points que je voudrais faire valoir sont les suivants. Un ouvrage pratique halakhique d'une incroyable influence vient de reprendre le thème de notre dernier article pour boucler la boucle. Le péché de ´ér et `ônon était, d’après lui, d’avoir répandu leurs semences (spécifiquement par la masturbation). Cela s'apparente à un meurtre. On en souffre horriblement. Il interprète même Rash’’i ז״ל de cette façon, bien que ce soit loin d'être le cas comme nous l'avons vu dans notre dernier article. La source ultime de tout cela dans le Qiṣour Shoulḥon ´oroukh et l'interprétation de la Poroshoh est complètement et totalement tirée du Zôhar. Rien ne provient du ṬoNo’’Kh, de la Mishnoh, du Midhrosh ou de la Gamoro`, mais exclusivement du Zôhar ! Cela démontre clairement et indéniablement ce que j'essayais de faire valoir.

 

Je voudrais maintenant passer à un domaine d'influence dont nous n'avons pas l'habitude de parler lorsque nous discutons de la Halokhoh pratique à l'époque moderne. Les lois de Toum`oh Watohoroh, ou pureté et impureté rituelles. L’impureté rituelle est un concept qui devint à un moment de notre histoire très influent dans la pratique quotidienne des Juifs traditionnels. Surtout à l'époque du Bayith Shéni, c'était la raison pour laquelle nos ancêtres, les ancêtres de ce qui devint finalement le judaïsme halakhique, furent appelés « Péroushim » ou pharisiens dans la littérature profane. Cependant, nous n'adhérons plus à ces règles, pour des raisons qui sortent du cadre de ce blog. Cependant, il y a quelques domaines où l'influence des lois de Toum`oh Watohoroh se fait encore sentir de nos jours (bien qu’elles ne s’appliquent plus), et notre sujet actuel est l'un d'entre eux.

 

Dans Wayyiqro` 15, nous avons les trois versets suivants :

 

16. Et un homme, lorsque sortira de lui une couche de semence, il lavera alors avec les eaux toute sa chair, et sera impur jusqu’au soir. 17. Et tout vêtement, et tout cuir, sur lequel se serait trouvée une couche de semence, sera nettoyé avec les eaux et sera impur jusqu’au soir. 18. Quant à une femme avec laquelle un homme aurait couchée avec une couche de semence, ils se laveront avec les eaux et seront impurs jusqu’au soir. {P}

טז וְאִישׁ, כִּי-תֵצֵא מִמֶּנּוּ שִׁכְבַת-זָרַע--וְרָחַץ בַּמַּיִם אֶת-כָּל-בְּשָׂרוֹ, וְטָמֵא עַד-הָעָרֶב. יז וְכָל-בֶּגֶד וְכָל-עוֹר, אֲשֶׁר-יִהְיֶה עָלָיו שִׁכְבַת-זָרַע--וְכֻבַּס בַּמַּיִם, וְטָמֵא עַד-הָעָרֶב. יח וְאִשָּׁה, אֲשֶׁר יִשְׁכַּב אִישׁ אֹתָהּ שִׁכְבַת-זָרַע--וְרָחֲצוּ בַמַּיִם, וְטָמְאוּ עַד-הָעָרֶב.  {פ{

 

La signification de l’impureté est un sujet qui dépasse le cadre de cet article, mais il y a plusieurs observations qui sont très pertinentes pour notre discussion ici, puisque ces versets sont régulièrement utilisés pour condamner la masturbation. Tout d'abord, ces versets font clairement référence à une « semence » qui a été éjaculée de quelque manière que ce soit, à la fois par des relations conjugales normales et par la masturbation. En effet, cette « impureté » s'étend même à la femme qui a des semences à l'intérieur de son vagin en raison de rapports sexuels normaux. Il est donc clair que cette semence rend une personne « impure » même après avoir fait ce qui est traditionnellement considéré comme une grande Miṣwoh, une obligation pour chaque homme de procréer et de se livrer à une activité sexuelle normale pour améliorer sa relation et satisfaire ses besoins sexuels normaux et ceux de sa femme. . Ceci est similaire à bien des égards à « l’impureté » qui survient sur une personne après s'être engagée dans l'une des actions les plus grandes et les plus saintes que l'on puisse faire, celle de prendre soin d'un corps humain après la mort.

 

La raison pour laquelle une grande Miṣwoh peut amener quelqu'un à « l’impureté » dépasse le cadre de cet article, mais elle a fait l'objet de nombreux sermons au fil des ans. Pour nos besoins ici, en tant que blog dédié au rationalisme halakhique, je veux juste souligner que « l’impureté » rituelle n’a aucune corrélation avec un acte qui serait halakhiquement interdit. En d’autres mots, le fait qu’un certain acte puisse rendre impur n’indique pas du tout que l’acte serait interdit par la Halokhoh (avoir des relations sexuelles avec sa femme rend impur ; et pourtant c’est une Miṣwoh d’en avoir. Laver, habiller et inhumer un mort rendent impur ; et pourtant ce sont des Miṣwôth). Néanmoins, quelle qu'en soit la raison, dans le domaine de l’émission de semence, le thème de l’impureté a eu une influence significativement négative en rendant l’acte tout à fait « tabou ».

 

L’impureté à laquelle la Ṭôroh se réfère interdit à un Kôhén d'accomplir la ´avôdoh, et en fait à quiconque de gravir le Har Habbayith. Elle interdit à une personne d'entrer en contact avec des objets sacrés liés au service dans le Béth Hammiqdosh. Rien de tout cela n'a de pertinence à notre époque et ne concerne pas ce qu'une personne est autorisée à faire ou interdite de faire. Cette impureté n’avait aucun rapport avec le fait que l’acte accompli serait mauvais, mais uniquement vis-à-vis des objets sacrés, du Béth Hammiqdosh et du Har Habbayith. Cependant, me direz-vous, il est bien connu que ´azro` Hassôphér ע״ה a décrété que celui qui est impur après avoir répandu de la semence ne peut pas lire la Ṭôroh.[2] Sauf qu’il est également bien connu que cette Ṭaqqonoh de ´azro` Hassôphér fut abolie, car irréaliste et impraticable pour la majorité des Juifs, et n'est donc plus d'actualité aujourd'hui, ainsi que cela est rapporté dans le Ṭalmoudh[3] et le Mishnéh Ṭôroh[4] du Rambo’’m ז״ל.

 

Malgré cela, c'est devenu la pratique de nombreux Juifs, pour la plupart des Ḥassidim, d'aller à la Miqwoh chaque jour afin d'accomplir la Ṭaqqonoh ´azro` Hassôphér (qui ne s’applique même plus). Il serait difficile de surestimer l'impact de cette coutume d'aller à la Miqwoh sur l'idée globale de l'interdiction et de « l’impureté » associée à « l'émission de semence ». Dans l'esprit de la plupart des gens, on nettoie non seulement l'impureté rituelle, mais on efface le péché. Tout cela en dépit du fait que « l’impureté » est parfois le résultat de l'une des plus grandes Miṣwôth, et n'est donc pas du tout liée au péché et à la prohibition.

 

Les livres de Ḥasidhouth et les œuvres des Maqoubbolim de Ṣaphoth (Safed) mêlent souvent les questions de Toum`oh avec le péché de gaspiller la semence. En même temps, dans ces mêmes livres, la sainteté spéciale de l'acte conjugal est considérée comme quelque chose qui apporte la pureté et la sainteté au monde. On aurait l'impression à la lecture de ces ouvrages, que la Toum`oh ne vient que du « gaspillage » de la semence, et non des relations conjugales normales. La source extrêmement influente de cette conception est la « `iggarath Haqqôdhash » qui a servi de base à presque toutes les discussions qabbalistiques sur l’intimité sexuelle qui ont succédé à ce texte (son origine remonte au 13ème ou 14ème siècle et fut diversement attribuée à plusieurs kabbalistes différents).

 

Le point que je voudrais faire valoir à travers tout cela est le suivant. L'accent mis aujourd'hui par les Ḥasidhim sur la Ṭaqqonoh de ´azro` Hassôphér est l'un des rares vestiges modernes de la pratique de Toum`oh Watohoroh. (Ironiquement, les Ḥasidhim n’accordent pas autant d’importance aux neuf autres Ṭaqqonôth émises par ´azro` Hassôphér.) Si vous combinez cela avec la croyance que la Toum`oh proviendrait du péché tel que cela a été souligné par les kabbalistes, on obtient un péché qui porte une énorme quantité de « poids métaphysique » négatif. Dans le monde non rationaliste de l'orthodoxie aujourd'hui, cela en fait un péché assez effrayant !

 

Rien de tout cela, bien sûr, n'a un véritable poids halakhique. La Toum`oh, nous l'avons montré très clairement, n'est pas le résultat d'actes interdits. La pratique de la Miqwoh dans les temps modernes sur base de la soi-disant Ṭaqqonoh de ´azro` n'est pas halakhiquement requise, et même si elle est recommandée pour une raison spirituelle, n'a certainement rien à voir avec le péché de répandre sa semence (comme cela s'appliquerait aussi à celui qui a eu des rapports sexuels normaux).

 

Dans le prochain article, j'espère commencer la discussion halakhique sur l'origine de ce péché tel qu'interprété par les sources halakhiques. Cela prendra évidemment du temps, alors j'espère que vous êtes prêt pour une belle balade.



[1] Qiṣour Shoulḥon ´oroukh 151 :1

[2] Barokhôth Chapitre 3

[3] Barokhôth 22a

[4] Hilkôth Qiryath Shama´ 4 :8

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