בס״ד
Qui
sont les Dorda´im ?
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Depuis
les premières années du Moyen-âge la communauté juive yéménite
suivait les enseignements du Rambo''m (Ribbénou Môshah ban Maymôn,
dit Maïmonide, que nous appelons simplement « Ribbénou »)
sur pratiquement toutes les questions halakhiques, et leur Siddour
était quasiment identique au texte de la prière se retrouvant dans
le Séphar Ho`ahavoh du Mishnéh
Tôroh de Ribbénou. La tradition yéménite est, de ce fait,
complètement distincte des branches séfarades et achkénazes du
judaïsme.
Aux
16ème et 17ème siècles les enseignements de
la Qabboloh, plus particulièrement sous la forme promue par
Yishoq Louria (le `ari) et son école, devinrent très
populaires au Yémen comme dans d'autres pays. À la suite de cela,
de nombreux individus et communautés à travers le monde
(principalement les Mizrohim et les
Hasidhim) abandonnèrent les rites traditionnels
en faveur du rite séfarade modifié utilisé par Louria et son
cercle immédiat de disciples.
Cette
division se refléta également au sein des Juifs yéménites. Le
sous-groupe Sha`am adopta un rite influencé par le
séfaradisme kabbalistique. D'autres conservèrent la liturgie
yéménite ancestrale, qu'ils acceptaient ou non les enseignements
kabbalistiques lurianiques. Au 18ème siècle, afin
d'assurer la survie et continuité du texte yéménite originel, le
Rov Yihya` Sa`lah (surnommé le Mahari''s)
fit la promotion d'un compromis et introduisit une nouvelle édition
du Siddour yéménite qu'il créa. Il suivait dans le fond le
rituel yéménite traditionnel (maïmonidien), mais faisait quelques
concessions aux kabbalistes, comme par exemple en incluant le Piyout
du Lakhoh Dhôdhi, la prière de `onno` Bakhôah,
etc. Cette nouvelle tendance fût appelée « Baladh »
(qui signifie « du pays », c'est-à-dire du Yémen), par
opposition au rituel séfarade lurianique qui fût appelé « Sha`am »
(littéralement, « du nord », en référence à la Syrie,
d'où venaient les Juifs qui introduisirent la Qabboloh au
Yémen). La différence entre les Baladhim et les Sha`amim
affecta également les questions halakhiques, la communauté Baladhi
continuant à suivre Ribbénou de façon quasiment exclusive, tandis
que la communauté Sha`ami accepta le Shoulhon
´oroukh.
Les
Dorda´im émergèrent sur le devant de la scène à la fin du
19ème siècle. Le mouvement Dôr Dé´oh fût
formé par des individus qui s'opposaient à l'influence de la
Qabboloh qui avait été introduite au Yémen au 17ème
siècle. Ils soutenaient que les croyances fondamentales du judaïsme
étaient progressivement et rapidement piétinées et abandonnées en
faveur du mysticisme de la Qabboloh. Scandalisés par la
direction que prenaient l'éducation et le développement social du
Yémen, ils ouvrirent leur propre réseau éducatif dans le pays. Ils
étaient également mécontents de l'influence que les kabbalistes
étaient en train d'avoir sur diverses coutumes et rites, en plus de
voir dans la Qabboloh une influence hautement superstitieuse
contraire à la philosophie rationaliste de Ribbénou. Par exemple,
au Yémen, beaucoup avaient adopté la pratique superstitieuse de
cuire du pain sans sel et de préparer « la table de
l'apaisement », en invitant plus de dix enfants âgés de 7 ou
8 ans qui attendaient à l'extérieur. Les adultes préparaient la
table, puis répandaient sur elle des cendres fines. Ils émiettaient
du pain, plaçaient les miettes sur la table contenant les cendres,
et sortaient de la cuisine en s'adressant aux démons, leur disant :
« Ceci est votre part ! » Quelques secondes
après, ils ouvraient brusquement les portes, et les enfants
accouraient dans la pièce, saisissaient les morceaux de pain sans
sel et les mangeaient. Les Dorda´im s'opposèrent
vigoureusement à ces Minhoghim car, en plus de la stupidité
de la chose, ils étaient bibliquement prohibés à cause de
l'interdiction des Darakhé
Ho`amôri.
Les
Dorda´im considéraient les kabbalistes comme des êtres
irrationnels qu'ils contribuaient à un déclin dans le statut social
et économique des Juifs yéménites. Tous ces problèmes amenèrent
le Rov Yihya` Qa`phih à établir le mouvement Dôr
Dé´oh. Ses objectifs étaient :
- combattre l'influence du Zôhar et les développements successifs de la Qabboloh moderne, qui était alors trop intrusive dans la vie yéménite, et que les Dorda´im considéraient irrationnelle et idolâtre ;
- restaurer une approche rationnelle du judaïsme enracinée dans les sources authentiques, comme le Talmoudh, les écrits du Rov Sa´adhyoh Go`ôn, et plus particulièrement ceux du Ribbénou ;
- préserver l'observance de la pratique traditionnelle et originelle du judaïsme tel qu'il fût enseigné et codifié par le Sanhédhrin jusqu'au 3ème siècle.
Depuis,
la communauté juive yéménite peut être classée en trois
catégories : Sha`ami, Baladhi et Dôr Dé´oh
(ou « Rambamiste »). Et toute personne ou communauté
adhérant aux principes énumérés plus haut et ci-dessous peut être
considérée comme faisant partie des Dorda´im, même si elle
n'est pas d'origine yéménite.
Les
Dorda´im accordent une importance particulière à la
doctrine juive de l'unité absolue d'HaShem, qu'ils considèrent
avoir été compromise par les formes populaires de la Qabboloh
qui prévalent aujourd'hui. Pour soutenir cette approche, ils font
appel aux écrits philosophiques de Ga`ônim
et Ri`shônim tels que le Rov Sa´adhyoh Go`ôn, Ribbénou
Bahayé `ibn Paqoudhoh, le Rov Yahoudhoh
Halléwi et Ribbénou.
Les
points suivants sur l'unité du Tout-Puissant sont d'une importance
capitale pour les Dorda´im et les Talmidhé HaRambo''m :
- Il est incomparable à quoi que ce soit ayant été créé ;
- Il n'est ni mâle ni femelle, mais en raison des limites du langage humain nous devons employer certains termes allégoriques et métaphoriques afin de transmettre le fait qu'Il existe ;
- Son existence est qualitativement différente de toutes les autres existences, et ces dernières dépendent de Lui et sont préservées par Lui, alors que Lui demeure infiniment et inaltérablement distinct et indépendant de toute création ;
- Il est une unité incomparable à la moindre unité dans la création. Son unité n'en est pas une qui pourrait être divisée ou qui comprendrait des parties, ce qui ne pourrait avoir lieu que dans le cas d'une unité soumise au temps et à l'espace. Son unité n'est pas non plus à comprendre dans le sens d'une espèce ou d'une sorte ;
- aucune qualité de la création ne s'applique à Lui, que ce soit l'espace, le temps, le changement, le concept d'un corps, d'une forme, d'une image, le concept de remplir un corps, une forme, ou un lieu, ni d'autres facettes de la création, car Il est parfait, unique, qu'Il Se suffit à Lui-même et n'a aucun besoin de toutes ces choses. Il n'est pas une force ni une puissance qui possède ou remplit quelque chose d'autre, et il n'y a pas non plus en Lui le moindre aspect de multiplicité, ce qui aurait été le cas si le monde était littéralement en Lui. Toute phrase biblique ou talmudique donnant l'impression d'attribuer la moindre qualité de la création à HaShem doit être comprise différemment que dans son sens littéral, car Il transcende tous les aspects de la création. Aucun d'eux ne peut s'appliquer à Lui ;
- la Splendeur de la Réalité de Son Être est si grande qu'aucun esprit ne peut saisir même la plus infime partie d'elle, car Il n'a point de parties, ainsi qu'il est écrit : גָּדוֹל יְהוָה וּמְהֻלָּל מְאֹד; וְלִגְדֻלָּתוֹ, אֵין חֵקֶר « Grand est `adhônoy et abondante est la reconnaissance de Sa guidance ; et Sa grandeur n'a point d'investigation ». (Tahillim 145:3) Il faut, de ce fait, être conscient constamment que la Vérité Sublime de Son Être transcende absolument tout ce qu'on pourrait exprimer, mais que toute référence à Lui ne doit se faire que pour parler de ce qu'Il n'est pas ou par des métaphores.
Concernant
la Qabboloh, les points les plus fondamentaux pour comprendre
l'opposition des Dorda´im vis-à-vis de la compréhension
communément acceptée de la Qabboloh portent sur la
Singularité transcendante absolue du Créateur et les lois relatives
à la ´avôdhoh Zoroh (idolâtrie). Les Dorda´im
soutiennent que les formes populaires de la Qabboloh prévalant
aujourd'hui sont contraires à l'Unité absolue et incomparable du
Créateur et transgressent diverses lois interdisant l’idolâtrie
et le polythéisme, et plus particulièrement l'interdiction du
Ribbouy Rashouyôth (le fait
d'adorer ou de concevoir dans son esprit une multiplicité de
règnes), dont Ribbénou traite dans son Mishnéh Tôroh.
Le
problème ne concerne pas l'existence de la Qabboloh en tant
que telle, mais sa compréhension et définition. Le mot « Qabboloh »
est employé dans des sources juives anciennes et par Ribbénou
lui-même pour simplement désigner « la tradition »
reçue des Prophètes, et non un mysticisme de quelque nature que ce
soit. En outre, les Dorda´im acceptent que dans les temps
talmudiques il existait une tradition mystique secrète dans le
judaïsme, connue sous les noms de Ma´aséh Markovoh et
Ma´aséh Varé`shith. Et
Ribbénou explique que ces termes désignent respectivement quelque
chose de similaire à la physique et à la métaphysique d'Aristote
telles qu'interprétées à la lumière de la Tôroh. Les
Dorda´im rejettent donc la notion selon laquelle la tradition
serait représentée par les idées et idéaux populairement appelés
aujourd'hui « Qabboloh ».
Les
Dorda´im
et Talmidhé
HaRambo''m
ne s'opposent pas non plus au mysticisme en tant que tel. Par
exemple, le Rov Yôséph Qa`phih,
illustre dirigeant des Dorda´im
en `aras
Yisro`él, publia l'ancien texte mystique appelé « Séphar
Yasiroh »
avec sa traduction du commentaire que le Rov Sa´adhyoh
Go`ôn avait fait sur ce livre. De même, Ribbénou Bahayé
`ibn Paqoudhoh et Ribbénou `avrohom ban HaRambo''m sont
particulièrement respectés parmi les Dorda´im
et Talmidhé
HaRambo''m,
alors qu'ils ont composé de nombreux textes mystiques.
Ainsi,
les Dorda´im
ne rejetteront pas la théorie des dix Saphirôth
telle qu'elles sont mentionnées dans le Séphar
Yasiroh.
En effet, contrairement à la Qabboloh
actuelle, les Saphirôth
n'y sont absolument pas décrites comme des entités divines ni même
des attributs ; elles sont simplement des nombres, considérés
comme les paramètres dimensionnels utilisés dans la création du
monde.
Par
contre, les Dorda´im
considèrent que le problème provient du Séphar
Habbahir
et du Zôhar,
où les Saphirôth
ont été hypostasiées comme des attributs divins ou des émanations
divines, et où il est enseigné que l'on ne peut pas vraiment
s'adresser directement au `én
Sôph
mais uniquement par l'une ou plusieurs de ces Saphirôth,
et dans les Siddourim
séfarades actuels chaque fois que le Nom Divin apparaît il est
vocalisé différemment sous forme de code afin de montrer quelle
Saphiroh
il faudrait avoir à l'esprit. Ce problème est omniprésent dans les
écrits de Yishoq
Louria, où il est enseigné qu'en raison de certaines catastrophes
dans les cieux, les récipients des Saphirôth
se seraient fracturés et leurs canaux se seraient reformés en des
aspects personnalisés à l'intérieur de la Manifestation d'HaShem
appelés Parsouphim,
enseignant que le but de chaque pratique religieuse serait d'assister
leur unification. Pour les Dorda´im,
cet enseignement est proche du polythéisme.
Le
Zôhar est également considéré comme une véritable
supercherie et un livre rempli d'hérésies et d’idolâtries.
Concernant
la pratique religieuse, les Dorda´im s'opposent à l'abandon
par l'orthodoxie juive d'un grand nombre de pratiques talmudiques
qu'elle remplace par des coutumes nouvelles et des innovations, dont
certaines sont clairement contraire à la loi talmudique. Cela
concerne premièrement, mais pas uniquement, les coutumes dérivées
de la Qabboloh. Aux yeux des Dorda´im et Talmidhé
HaRambo''m, il n'existe aucune autorité ayant le pouvoir
d'instituer des règles et pratiques nouvelles, que ce soit dans le
sens de l'indulgence ou de la rigueur, depuis la dissolution du
Sanhédhrin en l'an 425 de l'ère courante, ou au plus tard
depuis que le Talmoudh fût scellé, et le rôle des rabbins
venus après cette période consiste uniquement à enseigner et
codifier la loi telle qu'elle a été enseignée et codifiée par le
Sanhédhrin.
Pour
les Dorda´im et Talmidhé HaRambo''m, le Mishnéh
Tôroh de Ribbénou est le code halakhique le plus complet et
fidèle au Talmoudh ; de ce fait, c'est le seul ouvrage
qu'il est utile d'étudier et d'appliquer afin de mettre en pratique
la loi talmudique. En outre, le texte actuel du Talmoudh est
majoritairement corrompu par de très nombreuses variations
textuelles et des censures. Or, les Ri`shônim, dont Ribbénou
fait partie, possédaient les manuscrits les plus anciens et
authentiques. Par conséquent, les Dorda´im et Talmidhé
HaRambo''m concluent que le Mishnéh Tôroh est le
meilleur accès à ce qu'enseignait originellement le Talmoudh.
Les
Dorda´im ne considèrent toutefois pas que toutes les
coutumes locales, qu'elles soient séfarades ou achkénazes ou d'une
autre ethnie, seraient illégitimes si elles diffèrent de la
Halokhoh de Ribbénou. C'est ainsi qu'eux-mêmes ont préservé
certaines pratiques non maïmonidiennes sur des sujets mineurs (il
existe entre trente et cinquante divergences entre les Dorda´im
et le Mishnéh Tôroh). Cependant, ils soutiennent, sur base
d'anciennes autorités telles que le Rov Yôséph Qa`rô ou encore le
Rov Dowidh `ibn `abbi Zimro`, que les positions de Ribbénou doivent
faire autorité non seulement au Yémen mais également en `aras
Yisro`él, en Égypte et au Proche-Orient en général.
Il
y a un rapport entre la position des Dorda´im sur la Halokhoh
et sur tous les autres sujets, puisque l'un des arguments des
Dorda´im pour accepter le Mishnéh Tôroh comme étant
l'ouvrage halakhique le plus fidèle est que l'écrasante majorité
des Pôsaqim (décisionnaires) ultérieurs, y
compris le Rov Yôséph Qa`rô, étaient des croyants en la Qabboloh,
ce qui a grandement influencé leurs positions, et ils ne devraient
donc pas être acceptés comme faisant autorité au niveau pratique.
Les
aspects de la loi juive talmudique sur lesquels les Dorda´im
pourraient particulièrement insister, et qu'ils considèrent comme
ayant été abandonnés par l'écrasante majorité des Juifs
d'aujourd'hui incluent :
- les lois sur la ´avôdhoh Zoroh qui interdisent tout usage d'intermédiaires ou de médiateurs entre l'homme et HaShem, de prier ou faire des requêtes à des forces invisibles telles que les rabbins passés ou les Saphirôth, de supplier tout être invisible autre qu'HaShem, etc. ;
- les lois sur la législation se rapportant à la fonction et à la nécessité d'un Sanhédhrin ;
- les lois sur le peuplement de la Terre d'Israël telles qu'elles ont été rapportées par Ribbénou dans les Hilkôth Malokhim Oumilhomôth ;
- certaines lois concernant la Kashrouth, comme par exemple le fait d'immerger la viande dans de l'eau bouillante avant de la cuire ;
- la préservation de la prononciation exacte et précise de toutes les lettres hébraïques, et l'enseignement de la grammaire hébraïque ancienne ;
- un système éducatif conservant les méthodes d'enseignement talmudiques ;
- une insistance sur la mémorisation de la Tôroh. Par exemple, les sept hommes appelés à la Tôroh doivent lire par eux-mêmes la portion qui leur est dévolue, et non pas par l'intermédiaire d'un Ba´al Qôré` qui lirait pour tout le monde ;
- l'obligation même pour les femmes non mariées de couvrir leurs têtes, et pas uniquement les femmes mariées ;
- un homme devrait aspirer à porter un Talith Godhôl et des Taphillin toute la journée, chaque fois que cela est possible, et en conformité avec la loi talmudique, contrairement à la pratique orthodoxe consistant à ne les porter que pour les prières du matin. C'est ainsi que les Dorda´im et Talmidhé HaRambo''m portent un Talith Godhôl même pour la prière du soir, et tout au long de la journée même en-dehors des moments de prière. Et conformément à la loi talmudique, même les garçons âgés de moins de 13 ans peuvent porter des Taphillin et un Talith Godhôl, ou encore lire dans la Tôroh en public ;
- les Dorda´im n'utilisent pas les Siddourim modernes, car ils incluent des prières et Piyoutim composés par les kabbalistes. Les Dorda´im se réfèrent plutôt à des Siddourim antérieurs à la Qabboloh, comme par exemple le Siddour de Ribbénou, le Siddour du Rov Sa´adhyoh Go`ôn, le Nôsah `aras Yisro`él, etc. Cela a pour résultat que les offices de prières de ces communautés sont relativement courts par rapport à ceux du monde orthodoxe.
Comme
cela a été dit plus haut, tout individu ou communauté adhérant à
ces points peut être appelé « Dôr Dé´oh » ou
« Rambamiste ».