samedi 2 janvier 2016

Exposer les fausses notions : Mahisoh – Séparation à la Synagogue

ב״ה

Exposer les fausses notions

Mahisoh – Séparation à la Synagogue


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  1. Introduction

C'est l'un des sujets les plus sensibles à traiter, mais il fallait bien qu'il soit de toute façon abordé, car on se doit de révéler la vérité sans concession, ni complaisance, avec une entière objectivité.

L'une des caractéristiques d'une synagogue Orthodoxe est la présence d'une Mahisoh séparant les hommes et les femmes. Elle peut prendre la forme d'un rideau, d'un panneau, voire carrément d'un balcon réservé aux femmes. Cela surprendra certainement beaucoup de monde, mais il n'y a aucune mention d'une telle séparation dans le Talmoudh, et encore moins dans les écrits des Ri`shônim, qui ne traitent jamais du sujet de la Mahisoh.

Nous allons analyser chaque argument des défenseurs de la Mahisoh un par un.

  1. Passage en revue des arguments

  1. Les femmes avaient une section à elles dans le Béth Hammiqdosh

L'argument principal consiste à dire que les hommes et les femmes étaient déjà séparés dans le Béth Hammiqdosh. C'est fallacieux !

Concernant les célébrations de Simhath Béth Hashô`évoh, qui se déroulaient chaque jour de Hôl Hammô´édh Soukkôth, la Mishnoh rapporte ceci1 :

Celui qui n'a pas vu la joie de la cérémonie de la libation d'eau n'a jamais u de joie de sa vie. À la sortie du premier Yôm Tôv de la fête, ils descendaient à la Cour des Femmes et y opéraient un grand changement.
מי שלא ראה שמחת בית השואבה לא ראה שמחה מימיו במוצאי יום טוב הראשון של חג ירדו לעזרת נשים ומתקנין שם תיקון גדול

Tout naturellement, la Gamoro` sur cette Mishnoh s'interroge sur la nature du « grand changement » dont on parle ici2 :

Quel était ce « grand changement » ? Rébbi `ali´azar a dit : « Comme nous l'avons appris, au départ [les murs de la Cour des Femmes] étaient à découvert, mais par la suite ils l'entourèrent d'un balcon, et décrétèrent que les femmes devaient s'asseoir en haut et les hommes en-dessous ». Nos rabbins ont enseigné : À l'origine, les femmes étaient à l'intérieur [de la Cour des Femmes] et les hommes à l'extérieur, et ils en arrivaient à de la légèreté. Ils instituèrent que les femmes soient assises à l'extérieur [de la Cour des Femmes] et les hommes à l'intérieur, et ils en arrivaient quand même à de la légèreté. Ils instituèrent alors que les femmes soient assises en haut et les hommes en-dessous.3
מאי תיקון גדול? אמר רבי אלעזר כאותה ששנינו חלקה היתה בראשונה והקיפוה גזוזטרא והתקינו שיהו נשים יושבות מלמעלה ואנשים מלמטה. תנו רבנן: בראשונה היו נשים מבפנים ואנשים מבחוץ והיו באים לידי קלות ראש. התקינו שיהו נשים יושבות מבחוץ ואנשים מבפנים ועדיין היו באין לידי קלות ראש. התקינו שיהו נשים יושבות מלמעלה ונשים מלמטה.

À première vue, il pourrait sembler que la עֶזְרַת נָשִׁים « ´azrath Noshim » (Cour des Femmes) était entouré d'un balcon permanent, dans lequel les femmes restaient toute l'année. Mais les commentateurs de la Mishnoh, à l'unanimité (le Ramba''m ז״ל, le Mé`iri ז״ל, le Ro`''sh ז״ל, le Bartinôro` ז״ל, ou encore le Tif`arath Yisro`él ז״ל), s'accordent pour dire que ce balcon n'était érigé que pour ִמְחַת בֵּית הַשּׁוֹאֵבָה « Simhath Béth Hashô`évoh – la cérémonie de la libation d'eau ». Le Talmoudh Yarousholmi rapporte également ce changement qui ne se produisait qu'à cette occasion.4 De même en est-il de la Tôsafto`.5

Et lorsqu'on lit la description des festivités qui se déroulaient durant cette cérémonie, le haut degré de joie et comment les gens se lâchaient, dansaient et chantaient dans les rues6, nous pouvons comprendre la nécessité de séparer les femmes des hommes à cette occasion particulière de l'année.

Il est donc évident qu'il n'y avait pas de séparation permanente entre les hommes et les femmes dans le Béth Hammiqdosh. Par conséquent, la synagogue étant calqué sur le Béth Hammiqdosh, elle ne devrait pas non plus inclure une séparation permanente des sexes, mais seulement pour certaines occasions particulières où l'atmosphère est trop festive que pour pouvoir garantir la décence, comme par exemple lors des festivités modernes de Pourim, où les hommes se saoulent tellement qu'ils en arrivent à faire n'importe quoi. (Voir l'article intitulé « S'enivrer à Pourim ».)

Certains me répondront que le balcon était sans doute provisoire, mais qu'il y avait néanmoins une Cour des Femmes dans le Béth Hammiqdosh, ce qui prouve qu'une pièce était bien prévue exclusivement pour les femmes. Ce serait donc la preuve d'une séparation des sexes dans le Béth Hammiqdosh même. Ceux qui avancent un tel argument n'ont jamais vu un plan du Béth Hammiqdosh et ne se sont jamais intéresser de connaître la fonction de chacune des sections.

Le Béth Hammiqdosh était divisé en sections. Plus une section était proche du קֹדֶשׁ הַקֳּדָשִׁים « Qôdhash Haqqodhoshim – Saint des Saints », plus elle était sainte. La première d'entre elles était la Porte Est ou « Porte de Nicanor », qui permettait d'entrer à l'intérieur du Béth Hammiqdosh. Dès qu'on y était, on arrivait dans la Cour des Femmes, qui était le passage obligatoire pour avancer davantage à l'intérieur du Béth Hammiqdosh. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, cette section n'était pas exclusivement réservée aux femmes. On l'a appelée ainsi tout simplement parce que les femmes n'avaient pas le droit d'aller plus loin une fois qu'elles avaient passé la Porte Est, à moins qu'elles aient à apporter des Qorbonôth (offrandes) ou des Bikkourim (les prémices des fruits).7 Dans diverses sources de la Mishnoh et de la Gamoro`, ainsi que dans le témoignage de Flavie Joseph (un historien Juif du premier siècle de l'ère courante), il est clair que les hommes et les femmes étaient présents dans la Cour des Femmes toute l'année, sans aucune séparation. En fait, comme cela a été dit plus haut, la Cour des Femmes était le passage obligé pour aller plus loin à l'intérieur du Béth Hammiqdosh, et puisque nous avons vu qu'une séparation dans la Cour des Femmes n'était construite qu'une seule fois dans l'année et retirée pour le reste de l'année, les mélanges hommes-femmes étaient courants dans cette section du Béth Hammiqdosh, qui était une sorte de hall d'attente pour les femmes et les hommes.

Mais plus encore, étant donné que les femmes ne pouvaient pas aller plus loin que la Cour des Femmes, nos Sages ont ordonné que de nombreuses cérémonies religieuses s'y déroulent, afin qu'elles ne soient pas exclues et puissent elles aussi y assister. Citons parmi elles la lecture publique de la Tôroh par le Kôhén Godhôl à Yôm Hakkippourim8, ou encore le grand rassemblement du Haqhél qui avait lieu tous les sept ans, au cours duquel le Roi d'Israël devait faire la lecture publique du livre de Davorim9.

Voici ci-dessous un plan du Béth Hammiqdosh (cliquez sur l'image pour l'agrandir) :


Ainsi, utiliser le terme « Cour des Femmes » pour « démontrer » que les sexes étaient séparés dans le Béth Hammiqdosh est une distorsion de la réalité.

  1. Il y a toujours eu une section réservée aux femmes dans les Synagogues

Cet argument est la prolongation logique du précédent : puisqu'il y avait une séparation complète des sexes dans le Béth Hammiqdosh (ce que nous avons démontré comme étant faux), et que la synagogue en est une représentation miniature, les sexes doivent également y être totalement séparés. Ils ajoutent également qu'une telle séparation a toujours existé dans les synagogues.

Premièrement, le fait que la synagogue soit appelé מִקְדָּשׁ מְעַט « Miqdosh Ma´at – Sanctuaire miniature » dans la `aggodhoh (la partie non légale et contraignante du Talmoudh) ne démontre pas que nous devrions faire des parallèles entre le Béth Hammiqdosh et la synagogue. D'ailleurs, même nos maisons sont décrites comme devant être des sanctuaires miniatures. Est-ce à dire que nous devons les organiser comme l'était le Béth Hammiqdosh ? Et si nous disons que la synagogue est un réplique miniature du Béth Hammiqdosh, nous devrions alors aller jusqu'au bout du parallèle et interdire d'entrer dans les synagogues avec des chaussures, un bâton à la main ou encore avec sa bourse à la ceinture, des choses qui étaient interdites dans le Béth Hammiqdosh. Pourquoi donc se focaliser sur la Mahisoh (qui était inexistante dans le Béth Hammiqdosh) et négliger les autres règles relatives au respect du Béth Hammiqdosh ? La `aggodhoh a un but purement moral, comme nous l'avons dit à maintes reprises à travers divers articles publiés sur ce blog. Lorsque HaZa''l disent que la synagogue est un sanctuaire miniature, c'est pour nous enseigner à nous y comporter avec sérieux, car c'est une maison de prière. Par conséquent, dans la salle de prière, on n'y crie pas, on n'y courre pas, on n'y prend pas ses repas, ou encore on n'y dort pas. (Quant à la maison, cela signifie simplement qu'on doit y accomplir les Miswôth sans se dire que puisqu'on est en privé, nous pouvons négliger nos devoirs envers HaShem. De même, lorsque nos Sages disent que la table de nos maisons a remplacé l'autel du Béth Hammiqdosh, cela signifie simplement que tout comme on n'apportait pas d'animaux Taréfôth ou Navélôth, nous ne devons pas manger des aliments interdits même dans l'intimité de nos maisons.)

Deuxièmement, il n'existe en réalité aucune preuve d'une quelconque séparation dans les synagogues antiques, bien au contraire, toutes les sources anciennes démontrent d'une mixité dans les lieux de culte.

  • Lecture publique de la Tôroh dans les temps bibliques

Nous lisons ceci dans la Tôroh concernant la lecture publique de la Tôroh durant la fête de Soukkôth10 :

Et Môshah leur ordonna ce qui suit: À la fin de chaque septième année, à l'époque de l'année de relâche, lors de la fête de Soukkôth, alors que tout Israël vient comparaître devant `adhônoy, ton Dieu, dans l'endroit qu'Il aura choisi, tu feras lecture de cette Tôroh en présence de tout Israël, qui écoutera attentivement. Convoques-y le peuple entier, hommes, femmes et enfants, ainsi que l'étranger qui est dans tes murs, afin qu'ils entendent et s'instruisent, et révèrent `adhônoy, votre Dieu, et s'appliquent à pratiquer toutes les paroles de cette Tôroh.
וַיְצַו מֹשֶׁה, אוֹתָם לֵאמֹר: מִקֵּץ שֶׁבַע שָׁנִים, בְּמֹעֵד שְׁנַת הַשְּׁמִטָּה--בְּחַג הַסֻּכּוֹת. בְּבוֹא כָל-יִשְׂרָאֵל, לֵרָאוֹת אֶת-פְּנֵי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, בַּמָּקוֹם, אֲשֶׁר יִבְחָר: תִּקְרָא אֶת-הַתּוֹרָה הַזֹּאת, נֶגֶד כָּל-יִשְׂרָאֵל--בְּאָזְנֵיהֶם. הַקְהֵל אֶת-הָעָם, הָאֲנָשִׁים וְהַנָּשִׁים וְהַטַּף, וְגֵרְךָ, אֲשֶׁר בִּשְׁעָרֶיךָ--לְמַעַן יִשְׁמְעוּ וּלְמַעַן יִלְמְדוּ, וְיָרְאוּ אֶת-יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם, וְשָׁמְרוּ לַעֲשׂוֹת, אֶת-כָּל-דִּבְרֵי הַתּוֹרָה הַזֹּאת

Et dans le Na''Kh, nous lisons ceci concernant la lecture publique du jour de Rô`sh Hashonoh11 :

Tout le peuple se réunit ensemble, comme un seul homme, sur la place qui s'étend devant la Porte de l'Eau12. On demanda à ´azro`, le Scribe, d'apporter le livre de la Tôroh de Môshah, que `adhônoy avait prescrite à Israël. ´azro` le Kôhén apporta la Tôroh devant l'assemblée, hommes et femmes et quiconque était capable de comprendre, le premier jour du septième mois.
וַיֵּאָסְפוּ כָל-הָעָם, כְּאִישׁ אֶחָד, אֶל-הָרְחוֹב, אֲשֶׁר לִפְנֵי שַׁעַר-הַמָּיִם; וַיֹּאמְרוּ, לְעֶזְרָא הַסֹּפֵר--לְהָבִיא אֶת-סֵפֶר תּוֹרַת מֹשֶׁה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה אֶת-יִשְׂרָאֵל. וַיָּבִיא עֶזְרָא הַכֹּהֵן אֶת-הַתּוֹרָה לִפְנֵי הַקָּהָל, מֵאִישׁ וְעַד-אִשָּׁה, וְכֹל, מֵבִין לִשְׁמֹעַ--בְּיוֹם אֶחָד, לַחֹדֶשׁ הַשְּׁבִיעִי

De ces sources, nous apprenons que les hommes et les femmes s'assemblaient pour écouter la lecture publique de la Tôroh, et il n'y a aucune mention d'une quelconque Mahisoh.

  • Lecture publique de la Tôroh durant le Haqhél à l'époque du Deuxième Béth Hammiqdosh

Comme nous l'avons mentionné plus haut, d'après le Talmoudh13, à l'époque du Second Béth Hammiqdosh, le roi faisait la lecture publique du Séfar Davorim lors du Haqhél dans la Cour des Femmes. Puisque les femmes sont astreintes à la Miswoh du Haqhél, comme nous l'avons lu dans Davorim 31:10-12, cela implique qu'elles étaient bien présentes à cette cérémonie, de la même manière qu'elles y étaient du temps de ´azro` et Nahamyoh. La Cour des Femmes était le seul endroit dans le Béth Hammiqdosh où l’impressionnante foule de pèlerins pouvait être contenue, ainsi que la seule partie qui était accessible à tous.

On me répondra que la Mishnoh du Talmoudh Bavli, dans Soukkoh 41a, explique que cette cérémonie avait lieu le premier jour de Hôl Hammô´édh Soukkôth, et puisque nous avons vu plus haut qu'à Hôl Hammô´édh un balcon particulier était construit dans la Cour des Femmes pour séparer les hommes des femmes, c'est que cette lecture n'était pas mixte. Sauf qu'en rapportant cette même Mishnoh, le Talmoudh Yarousholmi a une version différente. Au lieu de nous dire que cette cérémonie du Haqhél se déroulait le deuxième jour de Soukkôth (le premier de Hôl Hammô´édh), il est dit qu'elle avait lieu « le jour après la fin de Soukkôth ».14 Puisque le balcon dans la Cour des Femmes n'était construit qu'à cause des réjouissances de Simhath Béth Hashô`évoh, que le Ramba''m écrit clairement que ce balcon était démonté immédiatement après la conclusion de Soukkôth, le soir-même, et que la cérémonie du Haqhél ne se déroulait que le lendemain de la conclusion de Soukkôth, nous pouvons conclure, sans l'ombre du moindre doute, qu'il n'y avait pas de Mahisoh pour cette cérémonie, comme le reste de l'année.

  • Aucune mention de la moindre Mahisoh dans les sources juives antiques

Vous pouvez lire tout le TaNa''Kh, la Mishnoh, la Gamoro`, les Midhroshim, le Sifré, le Sifro`, etc., bref, n'importe laquelle des sources authentiques du Judaïsme, vous ne trouverez aucune mention de la moindre Mahisoh dans les synagogues. Même dans les écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim, il n'en a jamais été question. Le Ramba''m n'en parle pas, le Ramba''n ז״ל non plus, pas même le Ri''f ז״ל, le Ro`''sh, le R''i ז״ל, le Ra`ava''dh, etc. Personne ! Même Rabbi Yôséf Qa`rô, dans son Shoulhon ´oroukh, n'en parle pas !

Certains me diront que la Mahisoh faisait tellement partie intégrante du Judaïsme qu'il n'était pas nécessaire d'en faire mention. Le Shama´, la Tafilloh, les Tafillin, les Sisith, etc., ne font-ils pas également partie intégrante de notre foi ? Et pourtant, nous avons une lecture abondante sur ces sujets ! C'est justement parce qu'une pratique est centrale et importante qu'on en parle même abondamment, de façon à nous assurer que nous l'accomplissons et la respectons dans les moindres détails et de la meilleure façon possible. Or, le Talmoudh, les Ga`ônim et les Ri`shônim ne traitent même pas de la hauteur d'une Mahisoh, des matières dans lesquelles elle peut être construite, à quel endroit de la synagogue la construire, s'il faut préférer un balcon des femmes ou une séparation opaque, si la Mahisoh doit séparer la synagogue horizontalement (les hommes devant la barrière et les femmes derrière la barrière) ou verticalement (les hommes du côté droit de la barrière et les femmes du côté gauche), etc. Rien, le néant complet ! Il est inconcevable qu'ils nous aient parlé de la façon de construire les synagogues, comment les décorer, où placer l'arche sainte, le pupitre, etc., mais qu'ils n'aient pas pu prendre ne serait-ce qu'une petite minute pour nous parler de la Mahisoh séparant les hommes et les femmes. Mais lorsqu'on comprend qu'il n'y avait pas de Mahisoh, aussi bien dans le Béth Hammiqdosh que dans les synagogues, ce silence sur cet article devenu aujourd'hui incontournable dans les synagogues dites « Orthodoxes » est plus que logique. Comment parler d'une chose qui n'a jamais été ?

Certains feront alors des pirouettes en invoquant le passage talmudique suivant15 :

Rov Kahano` a dit : « S'il y a des hommes à l'extérieur [d'une pièce] et des femmes à l'intérieur, il n'y a pas de préoccupation pour cause de Yihoudh. S'il y a des hommes à l'intérieur et des femmes à l'extérieur, il y a une préoccupation pour cause de Yihoudh ». Dans une Baraytho` il a été enseigné l'inverse. `abbayé a dit : « À présent que Rov Kahano` a tranché ainsi, bien que la Baraytho` ait enseigné l'inverse, j'agirai avec rigueur ! ». `abbayé faisait une séparation de cruches, tandis que Ravo` faisait une séparation de joncs. `avin a dit : « Le moment le plus douloureux de l'année16 est une fête de pèlerinage17 ! »
אמר רב כהנא אנשים מבחוץ ונשים מבפנים אין חוששין משום ייחוד אנשים מבפנים ונשים מבחוץ חוששין משום ייחוד במתניתא תנא איפכא אמר אביי השתא דאמר רב כהנא הכי ותנא מתניתא איפכא אנא נעביד לחומרא אביי דייר גולפי רבא דייר קנה אמר אבין סקבא דשתא ריגלא

Tout d'abord, ce passage parle du problème du Yihoudh (l'interdiction pour un homme de s'isoler avec une femme, ou pour une femme de s'isoler avec plusieurs hommes). De ce passage nous voyons qu'après les temps mishnaïques, dans les temps ammoraïques, il fut décidé de strictement séparer les hommes des femmes lors de tout rassemblement mixte. C'est pourquoi, chaque fois que des hommes et des femmes s'assemblaient, par exemple pour un sermon ou un mariage, `abbayé ז״ל formait une séparation de cruches entre les hommes et les femmes de sorte que si quelqu'un tentait de passer de la partie des hommes à celle des femmes, ou vice-versa, les cruches seraient déstabilisées, alertant ainsi tout le monde. Quant à Ravo` ז״ל, il formait une séparation de joncs, de sorte que si quelqu'un tentait de passer d'un côté à l'autre, les joncs produiraient un bruit qui alerterait tout le monde. Mais rien de tout cela ne s'appliquait à la synagogue. D'ailleurs, aucun des Pôsqim et codes halakhiques n'a même jamais mentionné ce passage talmudique comme source de la nécessité d'une Mahisoh à la synagogue. Le contexte même indique clairement que l'on parle ici de rassemblements mixtes où il est à craindre que de l'indécence puisse se produire.

Le pire moment de l'année était une fête de pèlerinage, comme nous le dit ce passage susmentionné, ce qui confirme tout ce que nous avons dit depuis le début. Étant donné que les gens s'habillaient dans des tenues attractives, mangeaient et buvaient beaucoup, et qu'avec l'interdiction de travailler ils avaient beaucoup plus de temps libres, il était plus probable à ces moments-là, et sous l'effet de l'alcool et d'une gaîté démesurée, d'en arriver à des transgressions. En outre, lors des fêtes de pèlerinage, avec l'abondance des pèlerins, les hommes et les femmes étaient beaucoup plus en contact, ce qui pouvait occasionner des problèmes de Yihoudh. C'est d'après certains l'origine de la pratique de beaucoup de jeûner le premier Lundi, premier Jeudi, et deuxième Lundi qui suivent Les fêtes de Pésah et Soukkôth. (Nous en avions parlé dans l'article intitulé « Les jeûnes Beha''b ».) Rien de ce qui est dit dans ce passage talmudique n'a la moindre pertinence pour le sujet de la synagogue. Mais comme il a été dit plus haut, certains moments de l'année, comme Pourim, nécessiteraient sans aucun doute une Mahisoh, vu le comportement abjecte de bon nombre d'hommes lors de cette fête. (Mais si nous suivons les instructions du Ramba''m, qui a interdit de boire excessivement, cela ne causerait même pas problème.)

  • Aucune preuve archéologique de la moindre Mahisoh dans les synagogues antiques

De nombreuses synagogues antiques ont été mises à jour grâce à des fouilles archéologiques, et l'écrasante majorité d'entre elles n'étaient pas du tout dotées d'une Mahisoh. Dans certains cas, des balcons ont été retrouvés dans les ruines d'anciennes synagogues, et beaucoup les ont, au départ, considérés comme des preuves sans équivoque qu'une section était réservée aux femmes. Mais cette thèse s'est entièrement dégonflée avec le temps. Après réexamen d'une centaine de synagogues des temps talmudiques découvertes en Palestine et en-dehors, il s'est avéré que seules cinq en Palestine étaient réellement pourvues de balcons, et aucune en-dehors de la Palestine. En outre, nous savons que ces balcons n'étaient pas destinés exclusivement aux femmes, mais servaient de salles d'étude ou de conversation. Et lorsqu'il y avait beaucoup trop de monde lors d'occasions particulières, ces balcons pouvaient alors servir à placer les femmes, de façon à éviter les contacts de promiscuité qui ont souvent lieu lorsqu'il y a une grande foule. Autrement, ils n'étaient pas séparés.

Notons également que le bas des escaliers menant à ces balcons de synagogues palestiniennes était souvent situé dans la salle de prière elle-même. C'est notamment le cas des synagogues de Hourbéth Shama´ et Béth `alfa`, qu datent respectivement des quatrième et cinquième siècles. Par conséquence, toute femme désirant monter au balcon se serait retrouvée, d'une manière ou d'une autre, mélangée aux hommes, ce qui contredit la supposition selon laquelle, dans les synagogues, les hommes et les femmes étaient strictement séparés et ne pouvaient pas se voir, ni se croiser. La peinture ci-dessous, de Maurycy Gottlieb (1856-1879), représentant des fidèles priant à la synagogue le jour de Yôm Hakkippourim (où il y a toujours beaucoup de monde), illustre cela très bien. Il ne s'agissait de balcons en hauteur, comme ceux que l'on retrouve dans bon nombre de synagogues contemporaines, les femmes étaient très près des hommes, et les hommes pouvaient voir sans aucun problème les femmes. C'est exactement ce genre de balcon ou galerie que l'on a retrouvé dans cinq anciennes synagogues palestiniennes :


  • Pas de Mahisoh parce que les femmes ne se rendaient pas à la synagogue

Face à ces évidences dérangeantes, certains avancent que l'absence de la moindre mention d'une Mahisoh dans les sources anciennes et le fait que les synagogues antiques ayant été mises à jour n'étaient pas pourvues de balcons pour les femmes ou d'une Mahisoh, seraient dus au fait que les femmes ne se rendaient généralement pas à la synagogue mais priaient plutôt à la maison. Bien qu'il soit vrai que les femmes ne se rendaient pas régulièrement à la synagogue, cela n'a aucune incidence sur la Mahisoh ou un balcon pour les femmes. Puisque la Halokhoh ne le leur interdit pas, des femmes pouvaient se trouver dans une synagogue à tout moment. Certaines même s'y rendaient quasiment quotidiennement. Voici quelques exemples de la présence de femmes à la synagogue :

Talmoudh, ´avôdhoh Zoroh 38a-b
Un Israélite peut placer de la viande sur les charbons, et qu'un idolâtre vienne et la remue jusqu'à ce que l'Israélite revienne de la synagogue ou du Béth Hammidhrosh, et il n'y a rien à craindre. Une femme peut placer une marmite sur une poêle, et qu'une idolâtre vienne la remuer jusqu'à ce qu'elle revienne du bain public ou de la synagogue, et il n'y a rien à craindre.
מניח ישראל בשר על גבי גחלים ובא עובד כוכבים ומהפך בו עד שיבא ישראל מבית הכנסת או מבית המדרש ואינו חושש שופתת אשה קדירה על גבי כירה ובאת עובדת כוכבים ומגיסה עד שתבא מבית המרחץ או מבית הכנסת ואינה חוששת

Les gens cuisinaient généralement dans leurs cours, afin d'éviter de faire sentir ou remplir de fumée leurs maisons. Il arrivait parfois qu'une femme Israélite et une femme idolâtre partagent une même cour dans laquelle toutes les deux cuisinaient. La Halokhoh ne permet pas à la famille de la femme Israélite de consommer les plats cuits par leur voisine idolâtre. Cependant, si la femme idolâtre avait remué la préparation de l'Israélite tandis qu'elle se rendait au bain public ou à la synagogue pour quelques minutes, la femme idolâtre n'était pas considérée comme ayant cuisiné l'aliment. Cela démontre que les femmes étaient autant habituées à se rendre aux bains publics qu'à la synagogue.

Talmoudh, Sôtoh 22a
Une veuve avait une synagogue dans son quartier. Pourtant, elle se rendait chaque jour au Béth Midhrosh de Rébbi Yôhonon pour y prier. Il lui dit : « Ma fille, n'y a-t-il pas de synagogue dans ton quartier ? ». Elle lui dit : « Rébbi, mais n'ai-je pas une récompense pour les pas ? »18.
אלמנה דהואי בי כנישתא בשיבבותה כל יומא הות אתיא ומצלה בי מדרשיה דר' יוחנן אמר לה בתי לא בית הכנסת בשיבבותך אמרה ליה רבי ולא שכר פסיעות יש לי

Rébbi Yôhonon ז״ל n'est pas surpris que cette femme se rendait quotidiennement à la synagogue, juste qu'elle se déplaçait si loin alors qu'il y avait une synagogue là où elle vivait.

Dans le traité Sôfrim 18:4, il est rapporté qu'à Shabboth les gens se rendaient tôt à la synagogue. Mais à Yôm Tôv, l'office du matin se tenait plus tard car les femmes préparaient le repas pour la fête (faire à manger à Yôm Tôv est permis). Cela montre que les femmes avaient l'habitude de se rendre à la synagogue. Pour éviter qu'elles ne maquent pas la prière, on acceptait de tenir l'office plus tard qu'à Shabboth. Si leur présence n'était pas importante, un tel accordement n'aurait jamais été fait, puisque les hommes auraient tout simplement pu commencer l'office sans elles, pendant qu'elles préparaient les repas.

Dans le Talmoudh Yarousholmi19, la question suivante est posée : dans une ville dans laquelle tous les résidents sont des Kôhanim, lorsqu'ils doivent réciter la Birkath Kôhanim à la synagogue, qui doit répondre « `omén » ? (Les Kôhanim n'ont, en effet, pas le droit de répondre à leur propre bénédiction.) La réponse donnée est « Les femmes et les enfants ». Cela indique clairement que les femmes faisaient partie de l'assistance. Et n'oublions pas que la Birkath Kôhanim est récitée chaque jour en Palestine, et pas seulement pour Yôm Tôv. Cela signifie que dans un tel cas (où tous les hommes étaient des Kôhanim), les femmes se rendaient à la synagogue chaque jour !

La Gamoro`20 tranche clairement qu'une femme peut être appelée à la Tôroh et la lire en public, mais que la seule raison pour laquelle cela ne se fait pas est pour préserver l'honneur de la communauté. (Nous l'expliquerons dans un futur article, Dieu voulant.) Cette Halokhoh nous montre que non seulement les femmes se rendaient à la synagogue, mais qu'elles pouvaient également, du moins d'un point de vue théorique, y prendre une part active.

Nous ne pouvons donc pas prétendre que l'absence de Mahisoh dans les synagogues antiques était due au fait que les femmes ne s'y rendaient pas. (Moi-même, jusqu'à récemment, je le croyais. Mais il n'y a pas de honte à admettre que l'on s'est trompé.) Certes, elles ne s'y rendaient pas autant que les hommes, mais elles y étaient quand même présentes de façon régulière.

  1. La source de la Mahisoh est l'interdiction de ´arwath Dovor

Certains rabbins avancent que la source de la Mahisoh dans les synagogues est le verset suivant de la Tôroh21 :

Car `adhônoy, ton Dieu, marche au milieu de ton camp pour te sauver et livrer tes ennemis devant toi ; ton camp doit donc être saint. Il ne doit pas voir chez toi une ´arwath Dovor, car Il Se retirerait de derrière toi.
כִּי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ מִתְהַלֵּךְ בְּקֶרֶב מַחֲנֶךָ, לְהַצִּילְךָ וְלָתֵת אֹיְבֶיךָ לְפָנֶיךָ, וְהָיָה מַחֲנֶיךָ, קָדוֹשׁ: וְלֹא-יִרְאֶה בְךָ עֶרְוַת דָּבָר, וְשָׁב מֵאַחֲרֶיךָ

Ils prétendent que ce verset nous enseigne la nécessité de séparer les hommes et les femmes afin d'éviter les comportements frivoles. Mais il n'en est pas ainsi !

Premièrement, la séparation des sexes n'est pas même le sujet du verset, qui nous parle plutôt de la nécessité de préserver le camp de toute forme d'impureté et choses indécentes. Plus particulièrement, lorsqu'on regarde le passage dans son contexte, on parle des excréments. Puisque l'arche sainte se trouvait au milieu du camp des Israélite, il était interdit de déféquer en plein milieu du camp. Un espace réservé à cela était prévu à l'extérieur, de façon à ne pas souiller le camp par les déjections humaines. (De même, un homme ayant des émissions séminales anormales, ce que l'on appelle un Ba´al Qari, devait également sortir du camp, et ne pouvait le réintégrer qu'au coucher du soleil, après s'être immergé au Miqwah.) Le terme עֶרְוַת דָּבָר « ´arwath Dovor » signifie littéralement « chose relative à la nudité/l’indécence ». C'est sur base de ce passage que nos Sages de mémoire bénie ont déduit les interdictions de réciter le Shama´ ou faire la prière en présence d'une nudité ou d'excréments.22 Mais jamais ils ne l'ont connecté à la séparation des sexes à la synagogue, ce qui n'est pas du tout le sujet.

Ainsi, les rabbins modernes qui ont appliqué ce verset dans le contexte de la Mahisoh ont créé un nouveau Midhrosh Halokhoh, ce qui est strictement interdit puisque c'était la prérogative exclusive des Sages du Sanhédhrin ! Nous ne pouvons inventer des choses qui ne proviennent pas du Talmoudh, en faisant des liens imaginaires !

Il convient de noter que le premier à avoir popularisé cet argument fut le Rov Yôséf Ber Soloveitchik (1903-1993), qui reconnut lui-même qu'il est difficile de trouver la moindre source pouvant soutenir l'obligation d'avoir une Mahisoh. Par conséquent, il en conclut que la Mahisoh était un précepte rabbinique institué afin créer une haie de protection autour de la Tôroh (ce qui est complètement faux).

Certains me diront qu'au vue de la génération basse dans laquelle nous nous trouvons et le haut degré d'impudeur de bon nombre de femmes, il serait irréaliste de permettre aux hommes et femmes de prier ensemble à la synagogue sans exposition à la nudité de celles qui seraient moins bien couvertes. Je leur répondrais qu'il est tout à fait exact que l'impudeur ne cesse de croître. Par conséquent, si la synagogue est la maison de Dieu, un lieu de culte doté d'une certaine sainteté, et dans lequel on ne doit pas trouver de la nudité, la solution à ce problème est très simple : ne pas tolérer dans la synagogue les femmes mal habillées ! Certains commerces orthodoxes affichent bien à l'entrée que les clientes mal habillées ne seront pas servies. Une pancarte peut être affichée sur laquelle il est écrit que ceux et celles qui ne respectent pas la sainteté de la synagogue n'ont rien à y faire. En fait, du temps des Ri`shônim, et même parmi les `aharônim, on mettait systématiquement dehors les personnes qui parlaient pendant la prière ou la lecture de la Tôroh, même si cela amenait à ne plus avoir de Minyon ! On ne doit donc pas faire de compromis avec la sainteté de la synagogue, et ceux qui ne la respectent pas, n'ont rien à y faire, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, que ce soit à cause de leur habillement impudique ou leurs causeries pendant la prière.

  1. Les origines réelles de la Mahisoh

À présent que nous avons vu tout cela, la question évidente qui se pose est : quelles sont donc les origines réelles de la Mahisoh dans les synagogues ?

La plus ancienne source à avoir été rapporté un passage tiré du Sédhar `éliyohou Rabboh, un livre datant de la fin de la période des Ga`ônim (dixième siècle). Là, nous lisons au Chapitre 9 que « un homme ne doit pas prier au milieu de femmes, parce qu'il est susceptible d'être distrait par leur présence ». Mais la toute première mention explicite d'une Mahisoh se trouve dans des fragments retrouvés dans la Ganizoh du Caire, datant du onzième siècle. Ce ne fut pas pour des raisons religieuses ou halakhiques, mais en guise de compromis avec la coutume musulmane qui s'était imposée de ne pas du tout autoriser les femmes dans les mosquées. Au dixième siècle, la mosquée al-Aqsa fut dotée de nombreuses Maqsourath (la version islamique de la Mahisoh) divisant les espaces entre hommes et femmes, ainsi que d'entrées séparées pour chaque sexe, et ce modèle se répandit rapidement pour être adopté par la quasi totalité des mosquées ultérieures. Et un peu plus tard, en Palestine et le reste du monde musulman, plus aucun espace ne fut accordé aux femmes dans certaines mosquées. C'est ce qui a amené les autorités des communautés juives en terre d'Islam à adopter eux aussi le concept de la Mahisoh dans les synagogues. Nous avons déjà expliqué que lorsque l'Islam s'est répandu, pour ne pas paraître plus laxistes que les Musulmans, certaines pratiques rigoristes furent adoptées dans certaines communautés, comme par exemple interdire aux femmes Niddôth de se rendre à la synagogue ou prier, car les femmes Musulmanes, lorsqu'elles sont dans leur cycle menstruel, ne peuvent pas entrer dans une mosquée et ne prient pas non plus (même à la maison) jusqu'à la fin de leur cycle. Puisque c'est quelque chose qui fut « imposée » par les circonstances, les Ri`shônim séfarades n'en font jamais mention, car la Mahisoh ne fait pas partie de notre religion, et n'entre donc pas dans le domaine de notre Halokhoh. En outre, la Mahisoh n'était pas tant pas répandue que cela du temps des Ri`shônim, car la plupart des pays musulmans furent tolérants vis-à-vis des Juifs ; ce n'est vraiment que par période ou là où un régime islamique totalitaire et intolérant régnait que les synagogues étaient dotées de Mahisoh pour éviter que les Juifs soient mal vus des Musulmans.

Mais il faudra réellement attendre la fin du dix-neuvième siècle que la Mahisoh soit pour la première fois érigée au rang d'obligation. Là encore, ce n'est même pas pour des considérations halakhiques que les rabbins Orthodoxes l'imposèrent (en dépit des tentatives de justifications religieuses), mais cette exigence fut promulguée dans le cadre de leur combat contre la Réforme (le mouvement libéral) et la Haskoloh (le pendant juif du mouvement des Lumières), afin de se différencier d'eux. Jusqu'alors, dans les synagogues, les femmes s'étaient toujours assises d'un côté et les hommes de l'autre, ou les femmes à l'arrière et les hommes à l'avant, mais sans aucune partition entre les deux. Le Rov Shalômôh Ganzfried (1804-1886), qui est l'auteur du célèbre « Qisour Shoulhon ´oroukh », rassembla 70 dirigeants religieux de la Hongrie du dix-neuvième siècle et leur fit signer une lettre relative à la Mahisoh dans les synagogues.23 Cette année 5776, cela fait exactement 150 ans que ce décret fut signé (le Pasaq Din date de l'an 5626, dans la ville de Milholowitz), et voici quelques-unes des points qui y sont rapportés :

  1. Il est interdit d'entrer prier dans une synagogue dans laquelle ne se trouve pas une Mahisoh opaque, de sorte que les hommes ne puissent pas voir les femmes.
  2. Si la Mahisoh n'est pas bonne, il est interdit d'entrer et y prier, même s'il n'y a pas de femmes.
  3. Il est préférable de prier seul que dans un tel endroit, même à Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim.
  4. Il est interdit de prier dans une synagogue dans laquelle la Bimoh n'est pas au milieu de la synagogue.
  5. Il est interdit d'introduire des innovations ou changer quoique ce soit à la façon dont sont construites les synagogues.

Parmi les signataires de ce Pasaq Din, on retrouve le Divré Hayim de Sanz (Rabbi Hayim Halberstam, 1750-1876), le fondateur de la Hasidhouth Sanz, qui l'a commenté en disant : « Toutes les choses déjà mentionnées sont interdites d'après les Pôsqim et le Shoulhon ´oroukh, et il est interdit de changer la moindre tradition et coutume d'Israël concernant la construction de la synagogue, ni la moindre tradition que nous avons reçue de nos pères et des générations antérieures ». Mais tout cela n'est que mensonge, et il n'y a pas pires falsificateurs du Judaïsme que les Hasidhim, qui invoqueront toujours la « tradition » là où il n'y en a pas !

Nous avons démontré qu'il n'existe aucune tradition de la Mahisoh dans les synagogues. De quelle « tradition » parle-t-il ? Nous avons démontré qu'il n'existe aucune mention de la Mahisoh dans le TaNa''Kh, le Talmoudh, les Midhroshim, les écrits des Ga`ônim et ceux des Ri`shônim. De quels « Pôsqim » parlent-ils, si ce n'est les Pôsqim Hongrois ? Le Shoulhon ´oroukh ne fait jamais mention de la Mahisoh. Pourquoi ment-il que cela se trouverait dans le Shoulhon ´oroukh ? Mais depuis lors, les gens ont été éduqués à croire aveuglément que cela fait partie de la « tradition » et est requis par la « Halokhoh ».

Signalons toutefois que ce décret a pris du temps avant d'être adopté partout. Jusqu'à la fin de la première moitié du vingtième siècle, il y avait encore un nombre conséquent de synagogues affiliées à l'Orthodoxie dans lesquelles il n'y avait pas de Mahisoh. J'ai pu recevoir la semaine dernière divers témoignages de Juifs Orthodoxes ashkénazes et séfarades d'un certain âge, qui m'ont attesté que durant leur jeunesse, il n'y avait pas de Mahisoh dans les synagogues Orthodoxes qu'ils fréquentaient. Les femmes étaient simplement assises à l'arrière de la salle de prière, et les hommes à l'avant. Et même au Kothél Hamma´aravi, jusqu'à il y a très peu de temps (les gens ont souvent la mémoire courte), il n'y avait aucune séparation entre les hommes et les femmes. Voici d'ailleurs quelques anciennes photos attestant que les sexes étaient mélangés au Kothél :






Certains rabbins, dont deux avec lesquels j'ai pu discuter du sujet personnellement, reconnaissent que la Mahisoh n'est pas halakhique et est seulement une coutume qui s'est développée avec le temps, mais interdisent néanmoins de la changer sous prétexte qu'une coutume du peuple d'Israël a le même statut qu'une loi de la Tôroh. Cet argument est fallacieux, et ce, pour deux raisons :

  1. Il n'y a que les Minhoghim institués et/ou approuvés par les Sages du Sanhédhrin qui ont une valeur contraignante et immuable. (Nous l'avions clarifié dans l'article intitulé « Exposer les fausses notions : Minhagh Yisro`él Tôroh Hi` ».) Or, la Mahisoh a vu le jour plusieurs siècles après l'ère talmudique.
  2. De nombreuses coutumes ont été abolies dans le passé, pour diverses raisons : la coutume était basée sur une erreur, n'était pas raisonnable ou illogique, c'était une coutume basée sur de la superstition, c'était une coutume qui nous fut imposée par une autre religion (par exemple, lorsque les Hasidhim de Tôladhôth `aharôn ont pu quitter l'Europe et immigrer en Palestine, ils ont abandonné le mode d'habillement hassidique, qui leur fut en fait imposé par des décrets successifs par les Chrétiens, pour adopter le mode d'habillement oriental Yéroushalmite), etc. Ainsi, à moins d'avoir été approuvée par le Sanhédhrin, une coutume n'a aucun statut d'éternité, et encore moins lorsqu'elle est basée sur des erreurs ou des mensonges.

  1. Conclusion

  1. Nous avons vu que l'obligation de séparer les hommes et les femmes par une Mahisoh n'avait aucune dans le Talmoudh et la littérature halakhique allant de l'ère talmudique jusqu'au dix-neuvième siècle. Par conséquent, comme les gens honnêtes pourront l'admettre, la Mahisoh n'est qu'un Minhogh tardif, pas un Din.
  2. Nous avons démontré, qu'au niveau historique, la Mahisoh ou une section exclusivement réservée aux femmes, n'existait pas dans les synagogues antiques.
  3. La toute première mention d'une Mahisoh dans une synagogue date du onzième siècle, en Égypte, et cela fut causé par l'influence musulmane. Malgré cela, aucun des Ga`ônim et des Ri`shônim ne prit la peine de traiter de ce sujet, car cela est étranger à notre religion et la majorité des synagogues n'en étaient pas dotées.
  4. Même le Shoulhon ´oroukh ne rédige pas même une ligne sur la nécessité d'une Mahisoh à la synagogue.
  5. Ce n'est qu'à la fin du dix-neuvième siècle, afin de combattre la Réforme et la Haskoloh, que la Mahisoh fut élevée au rang d' « obligation ». Mais jusqu'à la première moitié du vingtième siècle, bon nombre de synagogues Orthodoxes n'avaient pas de Mahisoh.
  6. Même le Kothél, qui est un lieu de prière depuis la destruction du Béth Hammiqdosh en l'an 70 de l'ère courante, n'a jamais eu, jusqu'à très récemment (lorsque les Harédhim ont mis la main sur les lieux de culte), de Mahisoh pour séparer les hommes et les femmes, qui priaient ensemble au même endroit.
  7. Cette pratique n'a pas de statut halakhique et n'émane pas de nos Sages de mémoire bénie. C'est purement et simplement une innovation.
  8. La synagogue est un lieu revêtue d'une certaine sainteté. Par conséquent, si la crainte est qu'on pourrait y trouver des femmes habillées d'une manière impudique, c'est aux femmes à s'adapter à la sainteté du lieu et non à la synagogue d'être adaptée pour elles. En d'autres mots, ou bien elles s'habillent convenablement ou bien elles ne s'y rendent pas.
  9. Quant aux hommes qui auraient un problème à voir des femmes dans une synagogue, même habillées de façon décente, car cela pourrait les distraire ou faire naître en eux des mauvaises pensées, je leur répondrais en leur rapportant que nos Sages de mémoire bénie disent que si un homme sent qu'il aura des difficultés à se rendre à un mariage parce qu'il a une faiblesse au niveau des femmes, cet homme a l'interdiction de s'y rendre. En d'autres mots, les gens vont à un mariage pour réjouir les mariés de leur présence, ce qui est une grande Miswoh. Si quelqu'un a de mauvaises pensées, on ne va pas interdire aux autres de s'y rendre pour lui éviter d'en avoir. Le problème se situe chez lui et pas chez les autres. Par conséquent, il ne doit pas y aller. Il en est de même pour la synagogue. Si voir des femmes, même pudiques, le dérange (alors qu'il est censé être là uniquement pour prier et s'occuper d'HaShem, pas des autres), qu'il reste chez lui !
  10. La séparation construite dans la Cour des Femmes du Béth Hammiqdosh n'était que temporaire, et servait uniquement lors des jours de Hôl Hamô´ésh Soukkôth à l'occasion des réjouissances de Simhath Béth Hashô`évoh. Autrement, tout le reste de l'année, il n'y avait aucune séparation, et les hommes et les femmes étaient régulièrement mélangés dans la Cour des Femmes, car de nombreuses cérémonies religieuses s'y déroulaient pour l'ensemble du peuple, hommes, femmes et enfants. Cette section n'a pas été appelée « Cour des Femmes » car elle était exclusivement réservée aux femmes, mais tout simplement parce que les femmes n'avaient pas le droit d'aller au-delà, excepté pour apporter des Qorbonôth ou des Bikkourim. De la même manière, les lépreux, les naziréens et d'autres personnes encore ne pouvaient accéder à certaines sections du Béth Hammiqdosh, et étaient limités à certains endroits seulement. Puisque la Cour des Femmes était le seul endroit du Béth Hammiqdosh auquel tout le monde pouvait accéder, sans discrimination, de nombreuses cérémonies religieuses s'y déroulaient pour l'ensemble de ceux qui s'y rendaient, sans séparation entre les sexes, et qui n'auraient autrement jamais pu assister au moindre rituel (puisque presque tout se faisait au-delà de la Cour des Femmes, dans des parties où tout le monde n'avait pas le droit de se rendre). De ce fait, ce balcon ne peut être utilisé comme modèle de la nécessité d'une Mahisoh à la synagogue, et d'ailleurs personne, jusqu'au dix-neuvième siècle, n'a jamais fait ce parallèle.
1Soukkoh 5:1
2Ibid., 51b-52a
3Voir également la Mishnoh de Middôth 2:5, qui le rapporte
4Soukkoh 5:2
5Ibid., 4:1
6Ibid., 51a
7Voir, par exemple, la Mishnoh de Bikkourim 1:5 ou encore la Tôsafto` de ´arakhin 2:1
8Yômo` 69a-b
9Sôtoh 40b-41a
10Davorim 31:10-12
11Nahamyoh 8:1-2
12Voir le plan de la page 4
13Sôtoh 40b-41a
14Yarousholmi, Sôtoh 7:7
15Qiddoushin 81b
16Où il est à craindre de l'immoralité
17Puisque de nombreuses personnes se rassemblent
18C'est-à-dire, pour la distance supplémentaire qu'elle a parcourue rien que pour pouvoir assister à l'office
19Barokhôth 9d
20Maghilloh 23a
21Davorim 23:15
22Voir, par exemple, Barokhôth 25b

23Voir dans le Sis `ali´azar 7:8
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