samedi 10 septembre 2016

La Miswoh de Rô`sh Hashonoh est-elle de sonner du Shôphor ou de l'écouter ?

ב״ה

La Miswoh de Rô`sh Hashonoh est-elle de sonner du Shôphor ou de l'écouter ?

Perspective maïmonidienne


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Poursuivons notre analyse des lois, pratiques et coutumes relatives aux fêtes de Tishri.

Dans son énumération des 613 Miswôth de la Tôroh, le Ramba''m ז״ל écrit ceci dans son Séphar Hammiswôth sur la Miswoh Positive n°170 : הציווי שנצטווינו לשמוע קול שופר ביום אחד בתשרי « Il s'agit du commandement qui nous a été enjoint d'écouter le son du Shôphor le premier jour de Tishri. » Le Ramba''m définit clairement la Miswoh comme étant une obligation d'écouter le son du Shôphor, et non de sonner du Shôphor. De même, dans le passage d'introduction des Hilkôth Shôphor Wasoukkoh Walôlov de son Mishnéh Tôroh, le Ramba''m écrit : מִצְוַת עֲשֵׂה שֶׁלַּתּוֹרָה, לִשְׁמֹעַ תְּרוּעַת הַשּׁוֹפָר בְּרֹאשׁ הַשָּׁנָה « Il est un commandement positif de la Tôroh d'écouter le son du Shôphor à Rô`sh Hashonoh. »

Pour comprendre l'importance et le sens de la formulation du Ramba''m, nous nous devons de relever une distinction simple entre différentes sortes de Miswôth positives. La plupart des Miswôth nécessitent un accomplissement personnel. Par exemple, on a l'obligation personnelle de mettre les Taphillin chaque jour, d'étudier la Tôroh, de placer des Sisith à nos vêtements à quatre coins dont on se couvre, ou encore de prendre un Lôlov à Soukkôth. Le dénominateur commun entre ces Miswôth est qu'elles nécessitent toutes que la personne accomplisse personnellement l'acte, car on ne peut s'acquitter de ces devoirs-là par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre.

Une deuxième catégorie de Miswôth inclut celles que l'on peut accomplir par un intermédiaire. Par exemple, un père a l'obligation de circoncire lui-même son fils nouveau-né, mais la Miswoh s'accomplit généralement par l'intermédiaire d'un Môhél professionnel. Les pères n'ont pas l'obligation absolue d'étudier l'art de la circoncision et ont l'option de simplement payer quelqu'un d'autre pour accomplir l'acte en leur faveur. Autre exemple, les mariés sont censés réciter eux-mêmes les bénédictions du mariage, mais on accorde généralement cet honneur à d'autres personnes qui les réciteront en leur faveur. De même, les gens qui ont construit une nouvelle maison engagent souvent quelqu'un d'autre pour ériger le garde-fou autour du balcon, plutôt que d'accomplir eux-mêmes la Miswoh. Il est également possible de demander à quelqu'un d'autre de séparer la Taroumoh ou le Ma´asér de ses produits à sa place. Dans tous ces cas, la personne s'acquitte de son devoir par le principe halakhique de ְלוּחוֹ שֶׁל אָדָם כָּמוֹתוֹ « Shalouhô Shal `odhom Komôthô – l'émissaire/agent d'un homme est comme lui-même », qui établit que l'agent qui a été désigné par quelqu'un est considéré comme la personne qui l'a désigné.

Il existe encore une troisième catégorie de Miswôth, qui est composée de Miswôth nécessitant la récitation d'un texte particulier. Les exemples courants sont la lecture de la Maghilloh à Pourim, ou encore la récitation du Qiddoush à Shabboth. En règle générale, une personne à table récite le Qiddoush en faveur des autres convives, tandis que les fidèles s'acquittent de leur obligation de lire la Maghilloh en écoutant le lecteur. Il convient de signaler que dans ces cas, l'obligation est de lire ou réciter, et non d'écouter, le dit texte. Cependant, on a l'option de s'acquitter de son devoir en écoutant la récitation, à cause du fameux principe de וֹמֵעַ כָּעוֹנֶה « Shôméa´ Ko´ônah – celui qui écoute est comme celui qui répond », qui établit qu'écouter [un texte] est comme le réciter, et par-là il s'acquitte de son devoir de réciter le Qiddoush.

La question que de nombreux érudits se sont posés concernant la Miswoh du Shôphor est : Dans quelle catégorie doit-on classer cette Miswoh ? Une possibilité consiste à dire que cette Miswoh du Shôphor est comparable aux Miswôth telles que la récitation du Qiddoush et de la Maghilloh. Dans le fond, d'après cette approche, la Tôroh exige de chaque individu qu'il sonne personnellement du Shôphor, tout comme on est chacun tenu de réciter le Qiddoush chaque Shabboth. Cependant, tout comme le principe de « Shôméa´ Ko´ônah » permet à quelqu'un qui a écouté la récitation du Qiddoush d'être considéré comme ayant récité le texte, de même, quelqu'un qui écoute les sons du Shôphor peut être considéré comme ayant sonné du Shôphor.

Une autre possibilité consiste à dire qu'écouter le Shôphor n'exige pas l'application du principe de « Shôméa´ Ko´ônah. » Plutôt, la définition essentielle de la Miswoh est d'écouter le Shôphor, et non de sonner du Shôphor. Les fidèles rassemblés à la synagogue accomplissent leur devoir, pas parce qu'ils sont considérés comme ayant personnellement sonné du Shôphor, mais plutôt parce que c'est précisément là ce qu'exige la Miswoh : écouter le son du Shôphor !

D'après la première approche qui a été présentée, le Shôphor appartient à la même catégorie que des Miswôth telles que la récitation de la Maghilloh et du Qiddoush, des Miswôth qui nécessitent qu'un certain texte soit récité, ou dans ce cas-ci qu'un son soit produit, mais dont on peut s'acquitter en écoutant quelqu'un d'autre le réciter ou produire le son, étant ainsi considéré comme ayant soi-même récité le texte ou produit le son. Mais d'après la deuxième approche, la Miswoh du Shôphor appartient à la première catégorie de Miswôth, celles que l'on doit accomplir personnellement, et pas par un agent, émissaire ou intermédiaire. Cette approche affirme que la Tôroh exige d'écouter le Shôphor, et ceux qui écoutent avec leurs propres oreilles, et non celles des autres, accomplissent ainsi leur obligation, pas à travers la personne qui sonne du Shôphor, mais plus directement en faisant précisément ce qu'exige la Miswoh, à savoir écouter de ses propres oreilles.

Le Ramba''m suit très clairement la deuxième approche. Il définit explicitement l'obligation du Shôphor comme nécessitant d'écouter le son du Shôphor, et non pas d'en sonner. Pour montrer la cohérence de sa position, le Ramba''m écrit qu'avant de sonner du Shôphor on doit réciter la bénédiction suivante : בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, אֲשֶׁר קִדְּשָׁנוּ בְּמִצְווֹתָיו וְצִוָּנוּ לִשְׁמֹעַ קוֹל שׁוֹפָר « Béni Tu es HaShem notre Dieu, Roi de l'univers, Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d'écouter le son du Shôphor. »1 Nos Sages ont enseigné qu'avant l'accomplissement de chaque Miswoh, qu'elle soit biblique ou rabbinique, une bénédiction devait être récitée. Mais ils n'ont pas toujours formulé des bénédictions pour toutes les Miswôth, laissant parfois à chacun la possibilité de composer sa propre bénédiction pour les Miswôth dont aucune formule n'a été donnée. La Miswoh du Shôphor est l'une des ces Miswôth pour lesquelles aucune formule n'a été donnée par nos Sages (c'est également le cas de la Miswoh de l'allumage des lampes de Shabboth). Ainsi, la formule choisie par le Ramba''m reflète clairement la définition de cette Miswoh comme étant une obligation d'écouter et non de sonner du Shôphor. Le Pasaq du Ramba''m est l'opposé de l'opinion de Rabbénou Ta''m2 ז״ל, qui soutient qu'avant de sonner du Shôphor on devrait plutôt réciter la bénédiction de בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, אֲשֶׁר קִדְּשָׁנוּ בְּמִצְווֹתָיו וְצִוָּנוּ עַל תְּקִיעַת שׁוֹפָר « Béni Tu es HaShem notre Dieu, Roi de l'univers, Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a enjoint de sonner du Shôphor. » La formule de Rabbénou Ta''m définit l'obligation comme nécessitant de sonner du Shôphor, et non d'écouter le son du Shôphor. (Il convient de signaler que Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל, dans son Shoulhon ´oroukh3, suit l'opinion du Ramba''m, puisqu'il rapporte la formule du Ramba''m comme étant la bénédiction à réciter avant de sonner du Shôphor.)

Le Ramba''m exprime davantage son opinion par son fameux Pasaq dans lequel il valide un son produit par un Shôphor volé.4 La Halokhoh disqualifie généralement une Miswoh accomplie par un objet volé. Par exemple, si quelqu'un a volé un Lôlov et l'a utilisé pour la Miswoh des Quatre Espèces à Soukkôth, il n'a pas accomplit son obligation du Lôlov, étant donné qu'il l'a réalisée avec un objet volé. Mais le Ramba''m soutient que celui qui utilise un Shôphor volé pour sonner à Rô`sh Hashonoh a techniquement accompli son obligation. Il explique ceci : שׁוֹפָר הַגָּזוּל שֶׁתָּקַע בּוֹ, יָצָא יְדֵי חוֹבָתוֹ--שְׁאֵין הַמִּצְוָה אֵלָא בִּשְׁמִיעַת הַקּוֹל אַף עַל פִּי שֶׁלֹּא נָגַע בּוֹ וְלֹא הִגְבִּיהוֹ הַשּׁוֹמֵעַ, וְאֵין בַּקּוֹל דִּין גָּזֵל « Un Shôphor volé, si on sonne avec on est quitte de son obligation, car la Miswoh ne consiste qu'à écouter le son, bien que celui qui écoute ne l'a pas touché ou ne l'a pas soulevé. Or, il n'y a pas de statut de vol avec un son. » En d'autres mots, l'objet de la Miswoh, pour ainsi dire, n'est pas le Shôphor en lui-même, mais plutôt le son qu'il produit et que l'on écoute. Le Shôphor est simplement le moyen par lequel on crée « l'objet » de la Miswoh. Et puisqu'un son est intangible, il ne peut être « volé » dans le sens strict et légal du terme. Par conséquent, celui qui écoute le son d'un Shôphor volé a accompli son obligation, étant donné qu'il n'a pas réellement accompli cette Miswoh avec un article volé, mais ses oreilles !

Le Ramba''m développe davantage cette position dans l'une de ses Tashouvôth5, dans laquelle on lui demanda d'expliquer la raison pour laquelle on devrait réciter la bénédiction de לִשְׁמֹעַ קוֹל שׁוֹפָר « Lishamôa´ Qôl Shôphor » (écouter le son du Shôphor) au lieu de la bénédiction de עַל תְּקִיעַת שׁוֹפָר « ´al Taqi´ath Shôphor » (de sonner du Shôphor). Il a répondu que si nous définissions l'obligation comme une exigence de sonner du Shôphor, tout le monde devrait alors personnellement sonner du Shôphor, et il n'y aurait alors plus la possibilité de s'acquitter de son devoir en écoutant le son du Shôphor. Le fait que la Halokhoh permette à l'assemblée d'accomplir la Miswoh en écoutant le son du Shôphor démontre que la Miswoh est définie par le fait d'écouter, et non par l'acte de sonner du Shôphor.

Le Ramba''m sous-entend dans sa réponse qu'il y a une différence fondamentale entre sonner du Shôphor et réciter un texte. Concernant la récitation d'un texte, comme le Qiddoush par exemple, le mécanisme de « Shôméa´ Ko´ônah » permet à celui qui écoute de devenir comme celui qui récite, et de ce fait celui qui écoute le Qiddoush accomplit son obligation puisque, halakhiquement parlant, il a « récité » le texte du Qiddoush. Le Ramba''m part du principe que ce mécanisme n'est limité qu'aux Miswôth qui impliquent la parole. Quelqu'un qui écoute des mots peut être considéré comme les ayant lui-même prononcés grâce au mécanisme de « Shôméa´ Ko´ônah. » Mais sonner du Shôphor diffère de la récitation d'un texte et n'est, par conséquent, pas sujet à la règle de « Shôméa´ Ko´ônah. » La Halokhoh offre à ceux qui écoutent un texte la possibilité d'avoir le statut de ceux qui le récitent, mais elle n'étend pas ce mécanisme à ceux qui écoutent le son d'un Shôphor. Le Ramba''m raisonne, de ce fait, que si la Halokhoh permet à l'assemblée d'accomplir la Miswoh du Shôphor en écoutant le son du Shôphor, c'est que nous devons conclure que cette Miswoh se définit comme étant une obligation d'écouter le Shôphor, et non pas comme une obligation de sonner le Shôphor !

1Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shôphor Wasoukkoh Walôlov 3:11
2Citée par le Ro`''sh, Rô`sh Hashonoh 4:10
3`ôrah Hayim 585:2
4Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shôphor Wasoukkoh Walôlov 1:3

5Tashouvôth HaRamba''m n°142
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