jeudi 11 février 2016

La prosternation israélite

ב״ה

Exposer les fausses notions

La prosternation israélite


Cet article peut être téléchargé ici.

Il existe de très nombreux mythes et malentendus concernant la prosternation israélite dans la prière. L'écrasante majorité des Juifs ne se prosternent plus durant la prière, et deux raisons fallacieuses sont souvent avancées :

  1. Depuis que les Musulmans nous ont repris la prosternation, les Juifs ne peuvent plus se prosterner.
  2. Il serait interdit de se prosterner sur un sol en pierre en-dehors du sol du Har Habbayith (Mont du Temple).
  3. Il ne serait permis de se prosterner que si l'on est quelqu'un du même niveau que Yahôshoua´ bin Noun ע״ה. Puisque personne ne peut prétendre pouvoir l'égaler, personne ne doit se prosterner en priant.

Concernant le premier argument, depuis quand une pratique juive est-elle abandonnée sous prétexte qu'elle a été reprise par d'autres religions ? Devrions-nous cesser de porter une Kippoh, un Boukhari ou un Tarboush sur la tête parce que les évêques Catholiques et le Pape portent également une calotte et les Musulmans une Taqiya, qui ressemblent toutes les deux à la Kippoh et au Tarboush ? Quel Juif sensé oserait avancer une telle stupidité ? Et pourtant, ils le font concernant la prosternation ! En outre, même après l’avènement de l'Islam, les Israélites ont continué pendant des siècles à se prosterner quotidiennement en priant. Cela est attesté dans de nombreux écrits des Ri`shônim, ainsi que dans les récits de voyageurs et explorateurs ayant visité diverses communautés. Citons notamment l'ouvrage אֶבֶן סַפִּיר « `avan Sappir », rédigé en 1864, par Rabbi Yahoudhoh Halléwi Sappir, un illustre rabbin et voyageur Yarousholmite (de Jérusalem), qui, décrivant les prières quotidiennes des Témonim, écrit1 :

Ils tombent sur leurs faces, après la prière, étendant leurs bras et leurs pieds, comme la coutume des `ashkanazim à Yôm Kippour.

Notons d'ailleurs que les `ashkanazim qui prétendent que se prosterner depuis que les Musulmans ont repris cette pratique est interdit se contredisent, puisqu'ils se prosternent au sol chaque année durant les prières de Yôm Hakkippourim. Si cela était interdit, même le faire ce jour-là ne serait pas permis.

Quant aux deux autres arguments, ils sont basés sur une mauvaise compréhension (ou manipulation) du passage talmudique suivant2 :

Rov se trouvait à Babel lors d'un jeûne public. Il se leva et lu dans le Rouleau. Il commença par une bénédiction, mais ne conclut pas par une bénédiction. [Plus tard,] tous tombèrent sur leurs faces3, mais Rov ne tomba sur sa face. Pourquoi Rov ne tomba-t-il pas sur sa face ? Il y avait là un sol en pierres et il a été enseigné « ''et ne placez pas de pierre taillé dans votre pays pour faire dessus la Hishtahawa`oh''.4 Sur elle tu ne peux pas faire une Hishtahawa`oh dans votre pays. Mais tu peux faire une Hishtahawa`oh sur les pierres du Béth Hammiqdosh ». C'est en accord avec [l'opinion] de ´oullo`, qui a dit : « La Tôroh n'interdit qu'un sol en pierres ».5 S'il en est ainsi, pourquoi seul Rov est mentionné ? Tous [n'auraient-ils pas dû] également [s'en abstenir] ? C'était devant Rov.6 Mais n'aurait-il pas pu rejoindre l'assemblée et tomber sur sa face ? Il ne voulait pas déranger l'assemblée.7 Ou si tu préfères, je peux dire que Rov avait l'habitude d'étendre ses mains et et ses pieds8, et qu'il suivait l'opinion de ´oullo`, car ´oullo` a dit : « La Tôroh n'a interdit que le fait d'étendre ses mains et ses pieds ».9 Mais n'aurait-il pas pu tomber sur sa face sans étendre ses mains et ses pieds ? Il ne voulait pas changer sa pratique.10 Ou si tu préfères, je peux dire que pour quelqu'un d'important, la règle est différente, comme cela a été enseigné par Rébbi `al´ozor, car Rébbi `al´ozor a dit : « Quelqu'un d'important n'a le droit de tomber sur sa face que s'il est [certain d'être] exaucé comme Yahôshoua´ bin Noun, car il est écrit11 : ''Et HaShem dit à Yahôshoua´ : Relève-toi, etc.'' ».12 Nos Rabbins ont enseigné : « La Qiddoh [signifie tomber] sur les faces, car il est dit13 : ''Et Bath-Shava´ s'inclina (Wattiqqôdh) la face contre terre''. La Kari´oh [signifie se tenir] sur les genoux, et c'est ainsi qu'il est dit14 : ''[il se releva] de son inflexion (Mikkarôa´) sur les genoux''. La Hishtahawa`oh c'est étendre les mains et les pieds, car il est dit15 : ''Moi, ta mère et tes frères, viendrons-nous nous prosterner (Lahishtahawôth) pour toi à terre ?'' »... Rov Hiyo` bar `avin a dit : « J'ai observé que `abbayé et Ravo` se penchaient sur le côté ».16
רב איקלע לבבל בתענית צבור קם קרא בספרא פתח בריך חתם ולא בריך נפול כולי עלמא אאנפייהו ורב לא נפל על אנפיה מ"ט רב לא נפיל על אפיה רצפה של אבנים היתה ותניא ואבן משכית לא תתנו בארצכם להשתחות עליה עליה אי אתה משתחוה בארצכם אבל אתה משתחוה על אבנים של בית המקדש כדעולא דאמר עולא לא אסרה תורה אלא רצפה של אבנים בלבד אי הכי מאי איריא רב אפילו כולהו נמי קמיה דרב הואי וליזיל לגבי ציבורא ולינפול על אפיה לא בעי למיטרח ציבורא ואיבעית אימא רב פישוט ידים ורגלים הוה עביד וכדעולא דאמר עולא לא אסרה תורה אלא פישוט ידים ורגלים בלבד וליפול על אפיה ולא ליעביד פישוט ידים ורגלים לא משני ממנהגיה ואיבעית אימא אדם חשוב שאני כדרבי אלעזר דאמר רבי אלעזר אין אדם חשוב רשאי ליפול על פניו אלא אם כן נענה כיהושע בן נון דכתיב ויאמר ה' אל יהושע קום לך [וגו'] תנו רבנן קידה על אפים שנאמר ותקד בת שבע אפים ארץ כריעה על ברכים וכן הוא אומר מכרוע על ברכיו השתחואה זו פישוט ידים ורגלים שנאמר הבוא נבוא אני ואמך ואחיך להשתחות לך ארצה... אמר רב חייא בר אבין חזינא להו לאביי ורבא דמצלי אצלויי

Ceux qui utilisent cette Gamoro` ne comprennent pas qu'elles clarifient précisément les situations dans lesquelles les prosternations sont permises ou interdites. Pourquoi « prosternations » au pluriel ? Tout simplement parce que, comme nous le voyons, il existe trois types de prosternations lorsqu'on prie :

  1. La כְּרִיעָה « Kari´oh » : C'est une prosternation par laquelle on se tient littéralement sur ses genoux


  1. La קִדָּה « Qiddoh » : C'est une prosternation par laquelle nous nous tenons face contre terre


  1. La הִשְׁתַּחֲוַאָה « Hishtahawa`oh » (ou הִשְׁתַּחֲוָיָה « Hishtahawoyoh » : C'est une prosternation par laquelle nous nous tenons allongés par terre, le visage contre le sol et les mains et les pieds déployés en longueur


Ce sont là les trois positions que l'on peut adopter en faisant les Tahanoun, les prières de supplication après les Shamônah ´asréh. Ce que nous apprenons du Talmoudh, c'est que la Kari´oh et la Qiddoh peuvent être faites sur n'importe quelle surface, même un sol en pierres. Par contre, la Hishtahawa`oh ne peut pas se faire sur un sol en pierres, excepté s'il s'agit du sol en pierres à l'intérieur du Béth Hammiqdosh. Ainsi, lorsque les gens affirment qu'il est interdit de se prosterner sur un sol en pierres en dehors du Béth Hammiqdosh, ils font preuve d'un manque de connaissance flagrant, puisqu'ils ne distinguent pas entre les trois types de prosternation, dont une seule est interdite sur un sol en pierres. En outre, ce ne sont pas les pierres de l'ensemble du Har Habbayith sur lesquelles ont peut faire une Hishtahawa`oh, mais uniquement celles à l'intérieur du Béth Hammiqdosh.

Il nous reste à présent à clarifier l'argument selon lequel seuls des gens aussi importants que Yahôshoua´ bin Noun pourrait se prosterner. Tout d'abord, ce n'est pas du tout ce que nous dit le Talmoudh. Ce qui est dit, c'est qu'un homme important (éminent) ne doit pas faire de supplications en ayant le visage contre le sol, à moins qu'il soit certain de pouvoir être exaucé comme l'a été Yahôshoua´ bin Noun, qui était un homme d'une droiture exceptionnelle. Là encore, on ne parle ni d'une Kari´oh ni d'une Qiddoh, mais d'une Hishtahawa`oh. Et le Talmoudh précise toutefois qu'un homme important peut faire la Hishtahawa`oh s'il prend alors soin de ne pas presser sa face contre le sol. En d'autres mots, il peut s'allonger par terre, tout en veillant à tourner légèrement son visage sur le côté et non face contre terre, ou encore en posant sa tête sur son bras. C'est ainsi que reprenant notre Gamoro`, le Ramba''m ז״ל écrit dans son Mishnéh Tôroh17 :

Lorsqu'on fait la tombée sur les faces après la prière, certains font une Qiddoh et d'autres font une Hishtahawoyoh. Mais il est interdit de faire une Hishtahawoyoh sur des [sols en] pierres, à moins que ce soit dans le Sanctuaire, comme nous l'avons expliqué dans les Hilkôth ´avôdhoh Zoroh. Quelqu'un d'important n'a le droit de tomber sur sa face que s'il sait en lui-même qu'il est intègre comme Yahôshoua´. Cependant, il peut pencher légèrement sa face, mais ne pas la presser au sol.
כִּשְׁהוּא עוֹשֶׂה נְפִילַת פָּנִים אַחַר תְּפִלָּה, יֵשׁ מִי שְׁהוּא עוֹשֶׂה קִדָּה, וְיֵשׁ מִי שְׁהוּא עוֹשֶׂה הִשְׁתַּחֲוָיָה; וְאָסוּר לַעֲשׂוֹת הִשְׁתַּחֲוָיָה עַל הָאֲבָנִים אֵלָא בַּמִּקְדָּשׁ, כְּמוֹ שֶׁבֵּאַרְנוּ בְּהִלְכּוֹת עֲבוֹדָה זָרָה. וְאֵין אָדָם חָשׁוּב רַשָּׁאי לִפֹּל עַל פָּנָיו, אֵלָא אִם כֵּן הוּא יוֹדֵעַ בְּעַצְמוֹ שְׁהוּא צַדִּיק כִּיהוֹשׁוּעַ; אֲבָל מַטֶּה הוּא פָּנָיו מְעַט, וְאֵינוּ כּוֹבֵשׁ אוֹתוֹ בַּקַּרְקָע

La Halokhoh n'est donc pas qu'un homme important est interdit de Hishtahawa`oh, mais simplement qu'il ne doit pas presser sa face contre le sol en le faisant, à moins d'être certain qu'il soit aussi intègre que Yahôshoua´ bin Noun. Si ce n'est pas le cas, il tournera alors légèrement sa face pour qu'elle ne soit pas contre le sol. Un « homme important », dans ce contexte, désigne simplement le dirigeant d'une communauté, celui vers qui les gens se tournent pour être guidés et instruits. Voici donc comment quelqu'un d'important peut faire la Hishtahawa`oh sans presser son visage contre le sol (la tête sur le bras) :


En outre, remise dans son contexte, il est clair et évident que lorsque la Halokhoh interdit à un homme important de faire une Hishtahawa`oh en pressant son visage contre le sol, c'est uniquement lorsqu'il est en public. La raison à cela est que si les gens le voient prier dans cette position et que l'on apprend par la suite qu'il ne fut pas exaucé, puisque Yahôshoua´ bin Noun et d'autres grands hommes bibliques furent exaucés quasiment instantanément après avoir fait une Hishtahawa`oh face contre terre, on pourrait en arriver à douter de sa droiture (les gens se diraient « S'il n'a pas été exaucé, c'est parce qu'il n'est peut-être pas aussi intègre qu'il le prétend »). Par conséquent, un homme important ne doit pas le faire publiquement. Mais en privé, s'il fait une Hishtahawa`oh, il doit presser son visage contre le sol, comme n'importe qui. Que ce soit en public ou en privé, un homme important qui estime être intègre peut sans problème faire une Hishtahawa`oh la face contre le sol.

Si quelqu'un fait une Hishtahawa`oh sur un sol en pierres, soit il place un tapis (ou n'importe quoi d'autre) qui fera ainsi une séparation entre son visage et le sol, soit il tourne son visage sur le côté ou la fait reposer sur son bras (comme sur la dernière image ci-dessus). Cette règle n'a rien à voir avec la stature de la personne, mais avec le fait qu'il n'est permis de faire une Hishtahawa`oh sur un sol en pierres que dans le Béth Hammiqdosh. Par contre, une Kari´oh et une Qiddoh sont permises sur toutes les surfaces, un sol en pierres y compris.

Il n'y a donc aucune raison d'accepter l'erreur majoritaire selon laquelle « il est interdit de se prosterner ». C'est de la pure bêtise et un reniement de nos traditions ancestrales authentiques. C'est ainsi que priaient tous les Israélites quotidiennement depuis les temps bibliques, dans la période talmudique, du temps des Ga`ônim et une grande partie de l'ère des Ri`shônim, bien longtemps après l'Islam. Une minorité de Juifs ont perpétué cette pratique, et les Témonim le faisaient également jusqu'au moment de leur immigration massive en Palestine, au début des années 1950, lorsque les Sionistes leur ont fait abandonner une grande partie de leurs traditions et pratiques afin de se conformer à l'ashkénazification et laïcisation de la société israélienne. Aujourd'hui, seuls les Dôr Da´im et les Talmidhé HaRamba''m (et peut-être d'autres Juifs encore dont je n'ai pas connaissance) font leurs prosternations quotidiennes dans les Shamônah ´asréh et les Tahanoun.

Sur la base des mots וַיִּשְׁתַּחוּ שָׁם, לַיהוָה « et ils se prosternèrent là pour `adhônoy »18, de nombreux Midhroshim affirment que c'est par le mérite des prosternations dans la prière que le Béth Hammiqdosh subsista, et ce sera par le mérite des prosternations dans la prière qu'il sera rebâtit ! Cela signifie que si nous voulons voir notre rédemption arriver, nous devons revenir vers Dieu (faire Tashouvoh), mais aussi vers la pratique authentique et véritable de notre religion, qui inclut notamment de se prosterner en priant. Nous ne pouvons pas être hypocrites en exigeant d'un côté qu'HaShem nous envoie la rédemption, tout en pratiquant de l'autre côté un Judaïsme falsifié fait de mains d'hommes qui n'a rien à voir avec ce qui est prescrit dans le TaNa''Kh et la Halokhoh de nos Sages de mémoire bénie !

Tout de suite la Tashouvoh (repentance), tout de suite la Ga`ouloh (rédemption) !

1`avan Sappir, Page 68
2Maghilloh 22b-23a
3Après les Shamônah ´asréh. Cela démontre davantage ce que j'affirmais dans l'article intitulé « La prière communautaire comme du temps de HaZa''l », à savoir, que la lecture de la Tôroh était faite avant la prière, et était la première étape de la prière communautaire
4Wayyiqro` 26:1
5Ce qui signifie que faire une Hishtahawa`oh sur de la pierre est permis. C'est seulement si le sol est fait en pierre que cela est interdit. Ainsi, on peut très bien faire une Hishtahawa`oh sur une pelouse sur laquelle se trouvent des cailloux. Par contre, on ne pourra pas le faire sur un trottoir en pierres ou un sol en pierres
6En d'autres mots, la raison pour laquelle seul Rov n'est pas tombé sur sa face est que la pierre ne se trouvait que là où il se tenait, tandis que les autres membres de l'assemblée n'avaient pas de sol en pierres devant eux
7Ils auraient été contraints de se relever pour le laisser passer. Pour ne pas les déranger, il est donc resté à sa place et n'est pas tombé sur sa face, à cause du sol en pierres devant lui
8En faisant ses supplications
9Sur un sol en pierres
10En d'autres mots, tomber sur sa face est permis sur un sol en pierres, mais étendre ses mains et ses pieds est interdit. Puisque Rov avait l'habitude de le faire en faisant ses supplications, et que le sol était en pierres, mais qu'il ne voulait pas dévier de sa pratique, il s'est alors abstenu même de tomber sur sa face
11Yahôshoua´ 7:10
12Ainsi, d'après cette approche, Rov ne tombait jamais sur sa face pour ses prières de supplication
131 Malokhim 1:31
14Ibid., 8:54
15Baré`shith 37:10
16Étant des hommes éminents, ils ne pouvaient pas tomber sur leurs faces. De se fait, ils se couchaient au sol le visage sur le côté
17Hilkôth Tafilloh Ouvirakhath Kôhanim 5:15

181 Shamou`él 1:28
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...