jeudi 9 février 2017

Le « Judaïsme Orthodoxe » n'est pas plus crédible que les mouvements qu'il condamne


ב״ה



Le « Judaïsme Orthodoxe » n'est pas plus crédible que les mouvements qu'il condamne



Cet article peut être téléchargé ici.



Ce mercredi 8 février 2017, un article a été publié sur le site sioniste religieux « Arutz Sheva » par un certain rabbin « orthodoxe moderne » nommé Dov Fischer. Le sujet de son article (à lire dans son intégralité, en anglais, ici) concerne la décision prise par de nombreuses organisations juives orthodoxes américaines (l'OU, la RCA, Young Israel et l'Aguda) de déclarer « non orthodoxe » l'ordination de femmes comme rabbins ou la nomination de femmes à des hauts postes communautaires.



Ce n'est pas de ce sujet-là que je veux traiter, mais des attaques lancées par ce rabbins contre les mouvements non orthodoxes au sein du judaïsme et des arguments qu'il avance afin de « démontrer » que la seule voie traditionnelle et authentique du judaïsme est le judaïsme dit orthodoxe.



Pour faire court, il prétend que le judaïsme orthodoxe est éternel, qu'il ne change pas pour s’accommoder des tendances passagères, que c'est le seul mouvement n'ayant pas abandonné la Tôroh et la Halokhoh, et que tous les mouvements, exceptés l'orthodoxie, ont adopté des pratiques empruntées au christianisme, tandis que l'orthodoxie serait restée imperméable à toute influence étrangère.



Tout cela n'est que de la propagande et un tissu de mensonges éhontés et d'ignorance à peine voilée ! Quand quelqu'un emploie certains arguments pour délégitimer l'adversaire, ces arguments se doivent d'être basés sur la vérité, et non sur l'arrogance ou un aveuglement spirituel, car autrement cela discrédite intégralement l'argumentation.



Nous avons démontré à d'innombrables reprises sur ce blog que le judaïsme orthodoxe n'était non seulement pas traditionnel, mais qu'il était le produit d'innovations et changements s'étant produits sur de longues périodes, et qui continuent encore à se produire. Mais plus grave encore, le judaïsme orthodoxe n'a absolument rien à voir avec les prescriptions de la Tôroh, du Talmoudh, et des écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim. Le judaïsme orthodoxe n'est pas plus « juif », authentique et crédible que tous les autres mouvements non orthodoxes qu'il condamne. C'est même une religion différente de celle prescrite dans la Tôroh et le Talmoudh !



Le judaïsme orthodoxe est-il aussi « pur de toute influence étrangère », « éternel » et « immuable » qu'il prétend l'être ?



  • Pratiquement tous les rabbins des temps passés ont rejeté le sionisme et ont affirmé que les Trois Serments rapportés dans le Talmoudh1 et de nombreux Midhroshim étaient non seulement halakhiques mais plus encore qu'ils étaient encore pleinement en vigueur. Or, de nos jours, la quasi-totalité des rabbins orthodoxes sont sionistes et affirment soit que les Trois Serments ne sont pas halakhiques (mais aggadiques) soit qu'ils étaient limités dans le temps et ne s'appliquent plus aujourd'hui. Donc, jusqu'à quel point être sioniste peut-il être appelé « traditionnel » ?
  • La pratique ridicule des Kapporôth est une innovation qui fut combattue dès ses origines par de nombreux rabbins. Or, de nos jours, faire les Kapporôth est une norme au sein du judaïsme orthodoxe.
  • Il n'y a aucune trace d'un Qaddish des endeuillés dans tout le Talmoudh, les écrits des Ga`ônim et la majorité des Ri`shônim. Et pourtant, de nos jours, tous les orthodoxes en récitent un.
  • L'office de la Qabbalath Shabboth est né au 16ème siècle et fut inventé par les kabbalistes de Safed. Il s'agit donc d'une innovation n'ayant pas toujours fait partie du judaïsme authentique. Or, tous les orthodoxes tiennent aujourd'hui un office de Qabbalath Shabboth.
  • Les orthodoxes prétendent qu'il est défendu de changer le Siddour et qu'il faut garder tout le rituel de prière tel qu'il aurait été institué. Sauf que la plupart des textes incorporés dans les Siddourim d'aujourd'hui ne s'y sont pas toujours trouvés, et la plupart étaient des prières ou Piyoutim personnels qui n'avaient pas pour vocation d'être récités par tous.
  • Il n'existe aucune trace de cérémonie de Bar Miswoh dans le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim. Pourtant, tous les orthodoxes tiennent des cérémonies de Bar Miswoh, et y récitent même une bénédiction non mentionnée dans le Talmoudh.
  • Toutes les fêtes sionistes, comme Yom HaAtsmaout, Yom Yeroushalayim, Yom HaShoah, etc., sont acceptés et célébrés par la plupart des orthodoxes. Étranges pour des gens qui prétendent rejeter toute innovation et changement, et se tenir à la « tradition. »
  • Aujourd'hui, une grande partie des femmes orthodoxes couvrent leurs têtes avec des perruques, alors que traditionnellement les femmes juives portaient/portent des foulards et des voiles.
  • Aujourd'hui, tous les garçons orthodoxes sont encouragés (voire, implicitement forcés) d'aller étudier dans une Yashivoh. Les orthodoxes prétendent qu'il en fut toujours ainsi, alors que c'est relativement récemment que cette tendance s'est développée. Jusque là, seule une minorité de garçons allaient étudier à la Yashivoh, tandis que la majorité apprenait un métier. Il n'a jamais été traditionnel que tout le monde aille étudier en Yashivoh. En fait, bon nombre d'illustres rabbins reçurent leur éducation religieuse à la maison, sans fréquenter de Yashivôth.
  • Traditionnellement, les filles juives ne sont pas censées aller à l'école, mais être éduquées à la maison par leurs mères. Il en fut toujours ainsi, jusqu'à ce que le Hofés Hayim ne donne, au vingtième siècle, son approbation pour la création d'écoles religieuses pour filles, qui furent appelées « Beth Yaakov. » N'est-ce pas là un changement de la tradition et un accommodement avec les tendances étrangères ?
  • Un grand nombre de Minhoghim des `ashkanazim ont clairement des influences chrétiennes que les rabbins orthodoxes tentent de gommer ou de faire oublier.
  • Même la façon dont les Miqwôth sont construites de nos jours dans le monde orthodoxe n'est pas traditionnelle, mais a été rendue possible par le développement des techniques modernes de construction. Les Miqwôth orthodoxes n'ont plus rien à voir avec celles des temps anciens. Quant au type de Miqwah appelé « Bor Al Gabbai Bor » utilisé parmi les Hasidhim Loubavitch, c'est une innovation datant du premier Rabbi de Loubavitch (19ème siècle)
  • Les jeunes filles non mariées se rendaient traditionnellement au Miqwah. En fait, jusqu'à très récemment, la pratique dans les communautés séfarades était que les jeunes filles s'y rendaient avant chaque fête, ou du moins avant Yôm Hakkippourim. De nos jours, les orthodoxes prétendent que seules les femmes mariées devraient se rendre au Miqwah.
  • La pratique consistant à prendre le deuil durant les trois semaines entre le 17 Tammouz et le 9 `ov n'a aucune source dans le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim, et elle était inconnue ou opposée dans les communautés séfarades jusqu'à récemment. Même la plupart des Ri`shônim ne font jamais mention de cette pratique consistant à restreindre sa joie durant ces trois semaines. Or, de nos jours, cette pratique est considérée comme allant de soi, obligatoire et « traditionnelle » dans les milieux orthodoxes.
  • Prendre le deuil durant la période de la Saphirath Ho´ômar (entre Pasah et Shovou´ôth) n'est nulle part mentionné dans le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim et de la plupart des Ri`shônim.
  • Imposer aux hommes d'avoir constamment la tête couverte, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, est une innovation orthodoxe. Cela n'est jamais prescrit dans la Tôroh, le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim. Même le Hofés Hayim l'admet dans son Mishnoh Barouroh, où il écrit qu'étant donné que de nos jours la pratique des Gôyim consisterait à retirer leurs couvre-chefs lorsqu'ils entrent dans leurs lieux de culte, les juifs devraient s'accoutumer à garder leurs têtes couvertes constamment. En réalité, avant le 20ème siècle il n'était pas rare de voir des rabbins la tête découverte.
  • Les orthodoxes prétendent qu'il serait défendu de changer la manière « traditionnelle » de s'habiller, et c'est pourquoi ils continuent à s'habiller tout en noir, de la tête au pied, avec un chapeau, un costume et un pantalon noir, ainsi qu'une chemise blanche. Mais ce qu'ils oublient de dire c'est que cette façon de s'habiller n'est pas traditionnelle, mais est le produit de décrets successifs imposés aux `ashkanazim par les Gôyim, qui voulaient justement abolir leurs tenues vestimentaires juifs. Par conséquent, le déguisement des orthodoxes d'aujourd'hui n'a rien d'un habillement juif originel.
  • Bon nombre des pratiques qu'ils attribuent à la « Qabboloh » sont de la pure hérésie, idolâtrie et superstition, qui ne tirent pas leurs origines dans la Tôroh, le Talmoudh, et ni même dans le Zôhar et d'autres livres « kabbalistiques » qu'ils adulent, mais sont des pratiques s'étant développées au fur et à mesure du temps, souvent suite à des influences non juives.
  • La façon de procéder aux conversions orthodoxes est totalement en contradiction avec le procédé traditionnel expliqué dans le Talmoudh et comme cela se faisait encore à l'époque des Ri`shônim.
  • Les orthodoxes ont introduit au fur et à mesure du temps de nombreuses innovations dans le domaine de la Kashrouth, en faisant un business bien lucratif. Si nos ancêtres avaient vécu à cette époque-ci, les orthodoxes les auraient déclaré « hérétiques », car ils n'auraient sans aucun doute pas suivi les innovations orthodoxes.
  • Les orthodoxes prétendent qu'il faudrait suivre le Shoulhon ´oroukh, alors qu'il y a d'innombrables pratiques et règles mentionnées dans le Shoulhon ´oroukh qu'ils ne suivent pas.
  • De même, ils prétendent qu'il faudrait obéir à tout ce que disent les « Gadhôlim » (les Grands de la Génération), et pourtant ils sont très sélectifs sur les décisions qu'ils suivent et sur celles qu'ils ignorent.



Nous pourrions multiplier indéfiniment les exemples !



Le but ici n'est pas de légitimer les mouvements non orthodoxes, comme l'Open Orthodoxy, le mouvement libéral, le mouvement conservative ou encore le mouvement reconstructionniste. Mais les orthodoxes devraient se regarder dans un miroir avant de prétendre être un mouvement traditionnel fidèle à la Tôroh et à la Halokhoh, ce qu'ils sont loin d'être. Il n'y a rien qui fasse du judaïsme orthodoxe un mouvement plus « propre », plus « pur », plus « authentique » que ceux qu'il combat. Bien au contraire, à certains égards le judaïsme orthodoxe est même plus éloigné de la Tôroh et de la Halokhoh que ces mouvements alternatifs (qui sont tout autant dans l'erreur, mais pour d'autres raisons). Les orthodoxes ne sont pas bien placés pour faire la leçon aux autres et imposer leur version falsifiée du judaïsme à tout le peuple juif.



Personne n'a le monopole sur le judaïsme. Mais lorsqu'on s'oppose à une pratique, voire carrément à un mouvement entier, il faut alors le faire sur base d'arguments concrets, solides et objectifs, et non, comme le font les orthodoxes, pour le simple objectif de détruire l'autre, se grandir soi-même et imposer sa vision des choses à tous. Ce n'est pas la voie de la Tôroh, ni celle du Talmoudh, d'agir de la sorte !



Au contraire, nos Sages nous ont appris à dialoguer, à raisonner, à apporter des arguments concrets. Même lorsqu'ils répondaient aux hérésies des Sadducéens et d'autres Minim, ainsi qu'aux arguments des grecs ou des romains, nos Sages le faisaient d'une façon rationnelle, posée et respectueuse, jamais dans l'agression ou l'humiliation de l'autre. Et c'est ainsi qu'ils ont ramené vers le judaïsme authentique les égarés et autres hérétiques. Mais par leur arrogance et agressivité, les orthodoxes éloignent davantage les égarés, alors qu'eux-mêmes sont des guides aveugles empêtrés dans les mêmes contradictions et erreurs qu'ils dénoncent !



Le judaïsme orthodoxe ne remonte pas au Sinaï, mais est le produit de diverses évolutions (qui se poursuivent encore, d'ailleurs), et s'est principalement façonné en réponse au développement des Lumières et du mouvement libéral, lorsqu'ils ressentirent un besoin urgent de standardiser la pratique juive et interdire toute innovation (sauf celles qui proviennent d'eux, évidemment), se déclarant ainsi être la seule voie valable, ce qui a pour conséquence de rendre hérétique toute personne ou mouvement qui ferait les choses différemment d'eux, alors que le judaïsme authentique permet une multiplicité d'opinions valides sur diverses questions. Le judaïsme orthodoxe est une machine à fabriquer des robots et à tuer toute diversité. Et lorsqu'ils condamnent les autres en se prétendant être la voie authentique, c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité !

1Kathoubbôth 119b
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