mercredi 30 mars 2016

Le récit de la création de l'homme et de la femme vu par le Ramba''m II

ב״ה

Le récit de la création de l'homme et de la femme vu par le Ramba''m

Deuxième Partie


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La deuxième fois que le Ramba''m ז״ל aborde le sujet dans son Môréh Navoukhim, c'est au chapitre 30 du deuxième volume, où il va plus en profondeur dans l'analyse de l'histoire racontée par la Tôroh.

Ce qui doit être un sujet de sérieuse méditation, c'est qu'après avoir parlé de la création de l'homme, dans les six jours de la création, en disant : זָכָר וּנְקֵבָה, בָּרָא אֹתָם « Il les créa mâle et femelle »1, et après avoir entièrement conclu [le récit de] la création, en disant : וַיְכֻלּוּ הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ, וְכָל-צְבָאָם « Ainsi furent achevés le ciel et la terre et toute leur armée »2, on ouvre un nouveau chapitre, [pour raconter] comment Hawwoh fut créée de `odhom. On y parle de l'arbre de la vie et de l'arbre de la science, de l'aventure du serpent et de ce qui en arriva, et on présente tout cela comme ayant eu lieu après que `odhom eut été placé dans le Gan ´édhan. Tous les docteurs tombent d'accord que tout cet événement eut lieu le vendredi, et que rien ne fut changé, en aucune façon, après les six jours de la création. Il ne faut donc rien voir de choquant dans aucune de ces choses ; car, comme nous l'avons dit, il n'y avait encore jusque-là aucune nature fixe.3

Outre cela, ils ont dit d'autres choses que je dois te faire entendre, en les recueillant dans différents endroits, et je dois aussi appeler ton attention sur certains points, comme ils ont fait eux-mêmes à notre égard.4 Il faut savoir que tout ce que je vais te citer ici des discours des docteurs sont des paroles d'une extrême perfection, dont l'interprétation était claire pour ceux à qui elles s'adressaient, et qui sont d'une très grande précision. C'est pourquoi je n'en pousserai pas trop loin l'explication et je ne les exposerai pas longuement, afin de ne pas révéler un secret5 ; mais il suffira, pour les faire comprendre à un homme comme toi, que je les cite dans un certain ordre et avec une rapide observation.

HaZa''l disent que toute l'histoire rapportée aux chapitres 2 et 3 de Baré`shith s'est passée au sixième jour. Le Ramba''m déclare qu'il n'y a « rien de choquant dans aucune de ces choses ; car il n'y avait encore jusque-là aucune nature fixe ». Ce qu'il veut dire c'est que l'histoire du péché dans le Gan ´édhan fait partie de la création, d'un récit de la nature fondamentale de la réalité, mais n'est pas un récit historique sur un individu ! Dans la Tôroh, la partie historique commence à partir du chapitre 5. Les déclarations de nos Sages sur les trois premiers chapitres de la Tôroh ne sont donc pas à prendre au sens littéral, mais sont des enseignements d'une grande profondeur, dont le Ramba''m va nous donner des avant-goûts. (Nous avons déjà insisté à de nombreuses reprises sur la non littéralité des Midhroshim de nos Sages. Voir par exemple l'article intitulé « Que sont les Midhroshim ? ».)

C'est ainsi qu'ils disent6 que `odhom et Hawwoh furent créés ensemble, unis dos contre dos ; [cet homme double] ayant été divisé, Il [Dieu] en prit la moitié, qui fut Hawwoh, et elle fut donnée à l'autre [à `odhom] pour compagne. Les mots אַחַת מִצַּלְעֹתָיו « `ahath Missal´ôthow »7 signifie « un de ses deux côtés », et on a cité pour preuve צֶלַע הַמִּשְׁכָּן « Sala´ Hammishkon »8, que le Targoum rend par סְטַר מַשְׁכְּנָא « côté du tabernacle », de sorte, disent-ils, qu'ici [il faudrait traduire] : מִן סִטְרוֹהִי « de ses côtés ». Comprends bien comment on a dit clairement qu'ils étaient en quelque sorte deux et que cependant ils ne formaient qu'un, selon ces mots : עֶצֶם מֵעֲצָמַי, וּבָשָׂר מִבְּשָׂרִי « un membre de mes membres et une chair de ma chair »9, ce qu'on a encore confirmé davantage, en disant que les deux ensemble étaient désignés par un seul nom : לְזֹאת יִקָּרֵא אִשָּׁה, כִּי מֵאִישׁ לֻקְחָה-זֹּאת « Elle sera appelée `ISHOH, parce qu'elle a été prise du `ISH »10 ; et, pour faire mieux encore ressortir leur union, on a dit : וְדָבַק בְּאִשְׁתּוֹ, וְהָיוּ לְבָשָׂר אֶחָד « Il s'attachera à sa femme, et ils seront une seule chair »11. Combien est forte l'ignorance de ceux qui ne comprennent pas qu'il y a nécessairement au fond de tout cela une certaine idée ! Voilà donc qui est clair.12

HaZa''l nous disent que contrairement à ceux qui croient que Dieu aurait créée la femme à partir de la « côte » de l'homme, le terme צֶלַע « Sala´ » ne désigne pas du tout une côte, ni quelque os que ce soit, mais plutôt un צַד « Sadh », un côté, dans le sens de « aspect ». Le Ramba''m cite toutes ces choses afin de nous dire que la femme ici est un aspect de l'homme. Bien avant, au chapitre 6 du premier volume de son Môréh Navoukhim, il avait expliqué une autre signification de ce même terme. Là-bas, le Ramba''m disait que אִשָּׁה « `ishoh » peut se référer à un être humain féminin et également à un animal féminin. Mais il nous donna également un troisième sens : celui de quelque chose qui doit être joint à un partenaire.

Au chapitre 17 du premier volume, le Ramba''m présentait la position de Platon selon quoi le mâle est une forme tandis que la femelle est une substance. La substance de l'or peut prendre de nombreuses formes : un anneau, une statue, un sceptre, etc., mais elle ne peut jamais devenir une grenouille. Le Ramba''m y introduisait également le concept de הֶעְדֵד « Ha´adhér ». Tout dans le monde possède trois composants fondamentaux : sa substance (« `ishoh »), sa forme (« `ish » ; cette forme que prend la substance), et « Ha´adhér » (c'est-à-dire son potentiel à adopter des formes alternatives). Une chair possède son aspect féminin (par exemple, du métal ou du bois), son aspect masculin (la forme d'une chaise) et son potentiel pour être transformée en quelque chose d'autre.

Mettant tout cela ensemble, nous voyons que le récit de la création de l'homme au chapitre 2 de Baré`shith développe le récit donné au chapitre 1. Il nous dit qu'à l'intérieur de chaque personne, il existe un aspect mâle et un aspect femelle. Il n'y a jamais de forme sans substance ou de substance sans forme. `odhom ע״ה est l'intellect. Hawwoh ע״ה est la substance. Et tout comme le terme « `ishoh » se réfère à quelque chose qui cherche constamment à être joint à un partenaire, une substance nécessite toujours une forme. Ainsi, dans l'histoire, c'est la femme qui est sujette à la tentation. Alors que la forme essentielle et originelle de l'homme est son intellect, la tentation de Hawwoh consiste à prendre différentes formes, celle de la passion, du désir et de l'imagination.

Un autre sujet qu'ils ont exposé dans le Midhrosh et qu'il faut connaître est celui-ci : Le serpent, disent-ils, était monté par un cavalier, et il était aussi grand qu'un chameau ; ce fut son cavalier qui séduisit Hawwoh, et ce cavalier fut Sammo`él.13 Ce nom, ils l'appliquent au Soton : ils disent, par exemple, dans plusieurs endroits, que le Soton voulait faire faillir notre père `avrohom, en sorte qu'il ne consentit pas à offrir Yishoq [en holocauste], et de même il voulut faire faillir Yishoq, en sorte qu'il n'obéit pas à son père ; et, dans cette occasion, je veux dire, au sujet du sacrifice de Yishoq, ils s'expriment ainsi : « Sammo`él se rendit auprès de notre père `avrohom et lui dit : Eh quoi, vieillard, tu as donc perdu ton bon sens, etc. »14. Il est donc clair que Sammo`él est le Soton. Ce nom, de même que celui du נָחָשׁ « Nohosh » (serpent), indique une certaine idée ; en rapportant comment ce dernier vint tromper Hawwoh, ils disent : « Sammo`él était monté sur lui ; mais le Très-Saint Se riait du chameau et de son cavalier ».15

Ce qui mérite encore de fixer ton attention, c'est que le serpent n'eut aucune espèce de rapport avec `odhom et ne lui adressa pas la parole, mais qu'il ne conversa et n'eut de communication qu'avec Hawwoh ; ce fut par l'intermédiaire de Hawwoh qu'il arriva du mal à `odhom et que le serpent le perdit. La parfaite inimitié n'a lieu qu'entre le serpent et Hawwoh, et entre la postérité de l'un et celle de l'autre, bien que sa postérité à elle soit indubitablement celle de `odhom.16 Ce qui est encore plus remarquable, c'est que ce qui enchaîne le serpent à Hawwoh, c'est-à-dire la postérité de l'un à celle de l'autre, c'est [d'une part] la tête et [d'autre part] le talon, de sorte qu'elle le dompte par la tête17, tandis que lui il la dompte par le talon.18 Voilà donc qui est également clair.

Sammo`él est le Soton, qui d'après HaZa''l est un aspect de l'homme. Dans l'histoire de la ´aqédhoh (ligature d'Isaac), le Soton prend différentes formes pour parler à `avrohom `ovinou ע״ה et le détourner de sa mission. Il est la force qui dirige l'homme loin du bien, ce que l'on appelle communément le יֵצֶר הָרַע « Yésar Hora´ » (mauvais penchant). (Voir l'article intitulé « Qui est le Soton dans la tradition juive ? ».) Lorsque le Yésar Hora´ implante ses dents dans l'aspect matériel de l'homme (la « `ishoh ») le péché se produit.

Au tout début de ses « Shamônah Paraqim », le Ramba''m explique que l'être humain est doté de cinq facultés : nutritives, sensorielles, imaginatives, appétitives et rationnelles.

  1. La faculté nutritionnelle (ֹחַ הַזָּן « Kôah Hazzon ») : elle existe également chez les animaux, et même chez les plantes.
  2. La faculté sensorielle (ֹחַ הַחוֹשׁ « Kôah Hahôsh ») : elle inclut les cinq sens, et existe aussi chez les animaux.
  3. La faculté imaginative (ֹחַ הַדִּימְיוֹן « Kôah Haddimyôn ») : elle est basée sur une combinaison de l'imagination et de la mémoire (elle ne peut( imaginer que ce avec quoi on a eu une certaine expérience). Les animaux supérieurs en sont également dotés.
  4. La faculté appétitive (ֹחַ הַמִּתְעוֹרֵר « Kôah Hammith´ôrér ») : comme le Ramba''m l'écrit dans ses Shamônah Paraqim : « L'appétitif est cette faculté par laquelle l'homme désire, ou exècre une chose, et de laquelle émane les activités suivantes : la poursuite d'un objet ou le fait de s'en éloigner, l'attirance et l'évitement, la colère et l'affection, la peur et le courage, la cruauté et la compassion, l'amour et la haine, et de nombreuses autres qualités psychiques similaires. Toutes les parties du corps sont soumises à ces activités, telle que la capacité de la main à saisir, celle du pied à marcher, celle de l’œil à voir, et celle du cœur à rendre quelqu'un audacieux ou timide. De même, les autres membres du corps, qu'ils soient externes ou internes, sont des instruments de la faculté appétitive ».
  5. La faculté rationnelle (ֹחַ הַשֶּׂכֶל « Kôah Hassakhal ») : elle est unique à l'être humain. C'est normalement cette faculté qui doit toujours guider quelqu'un.

Le Ramba''m cite HaZa''l comme ayant décrit le Soton en train de monter le serpent. « Monter » peut signifier « contrôler ».19 Il assimile la faculté imaginative au Soton.20 Le serpent (la faculté appétitive) était contrôlé par la faculté imaginative au lieu de l'être par l'intelligence. L'homme prenait des décisions sur la base de ce qui l'attirait, de ce qui était désirable à ses yeux. Par les paroles : הוּא יְשׁוּפְךָ רֹאשׁ, וְאַתָּה תְּשׁוּפֶנּוּ עָקֵב « elle t'écrasera la tête et tu la mordras au talon »21, HaShem voulait dire qu'il nous incombe de tenter de contrôler la faculté imaginative qui nous assaille en nous attachant ardemment à notre faculté rationnelle.

Voici encore un de ces passages étonnants, dont le sens littéral est extrêmement absurde, mais [dans lesquels], dès que tu auras parfaitement bien compris les chapitres de ce traité, tu admireras l'allégorie pleine de sagesse et conforme à [la nature de] l'être. « Au moment, disent-ils, où le serpent s'approcha de Hawwoh, il l'entacha de souillure. Les Israélites s'étant présentés au Mont Sinaï, leur souillure a été enlevée ; quant aux Gôyim, qui ne se sont pas présentés au Mont Sinaï, leur souillure n'a pas été enlevée ».22 Médite aussi là-dessus.

Certaines personnes peuvent se libérer d'un mode de vie animal, tel `avrohom `ovinou (qui, d'après le Ramba''m, n'avait pas et ne suivait pas la Tôroh, mais mena néanmoins une vie élevée. Voir à ce titre l'article intitulé « `avrohom `ovinou a observé l'intégralité de la Tôroh »). Mais la plupart ne le peuvent pas. Un code de Mafoursomôth, une convention de normes morales, n'est pas l'idéal, mais chaque culture et société en a besoin afin de réguler le comportement et empêcher l'anarchie. Une fois que l'homme a quitté le domaine de l'intelligence, et que la passion domine, l'ordre a besoin d'être imposé. Lorsqu'il y a un désir pour le matériel, il doit y avoir des règles régissant les droits de propriété et le vol.

Au chapitre 40 du volume 2 de son Môréh Navoukhim, le Ramba''m parle de trois sortes d'autorité : celle des dirigeants, celle des érudits et celle des prophètes. Les dirigeants peuvent conduire le peuple au moyen de leur faculté imaginative, mais pas au moyen de leur intelligence rationnelle. Qu'est-ce qui fait que le vol est mal ? On peut dire que l'interdiction du vol fut donnée par intérêt personnel : je ne veux pas que les gens s'emparent de ce qui est à moi, je ne vais donc pas voler ce qui appartient à autrui. Il peut y avoir d'autres types d'intérêts personnels ; un puissant dirigeant n'a pas du tout peur que les gens volent ce qui est à lui, mais il pourrait tout à fait interdire le vol parce qu'il désire qu'on l'honore et le considère comme un dirigeant bien disposé envers son peuple. On peut donc avoir un dirigeant et un système de règles qui crée de façon efficace une moralité sociétale, mais qui est basé sur l'intérêt personnel.

Par contre, les érudits peuvent conduire les gens au moyen de leur intelligence rationnelle, mais pas au moyen de leur faculté imaginative. Ils ne sont par conséquent appréciés que par l'élite, puisque le petit peuple désire qu'on le fasse rêver et non pas qu'on le fasse réfléchir.

De l'autre côté, les prophètes peuvent conduire les gens au moyen des deux facultés : ils savent comment se rapporter à la faculté imaginative du peuple et ses désirs. C'est l'autorité de la Tôroh. Elle tire l'homme hors de son état animal (en parlant son langage) et lui permet de mener une vie basée sur l'intelligence rationnelle.

L'idée du serpent qui souille l'humanité par son venin est que les gens naissent en pensant à ce qu'ils veulent, à ce qui leur paraît désirable, et ainsi de suite. Ce poison fut retiré au Sinaï ; la Tôroh régule nos vies et nous permet par-là de nous focaliser exclusivement sur ce qui est vrai ou faux, pas sur ce qui est désirable ou indésirable. La Tôroh est donc le moyen d'une fin, et non une fin en elle-même.

Un autre passage qu'il faut connaître est celui-ci : « L'arbre de la vie a [une étendue de] cinq cent ans de marche, et toutes les eaux de la création se répandent de dessous lui ».23 On y a déclaré qu'on a pour but [de désigner] par cette mesure l'épaisseur de son corps, et non pas l'étendue de ses branches : « Le but de cette parole, disent-ils, n'est pas son branchage, mais c'est son tronc (Qôrtô) qui a [une étendue de] cinq cent ans de marche ». Par קוֹרְתּוֹ « Qôrtô », on entend son bois épais qui est debout ; ils ont ajouté cette phrase complémentaire, pour compléter l'explication du sujet et lui donner plus de clarté. Voilà donc qui est clair aussi.24

Au chapitre 14 du troisième volume de son Môréh Navoukhim, le Ramba''m se réfère également à une distance de cinq cent ans de marche, qui est la mesure donnée par le Talmoudh comme correspondant à l'épaisseur de chacune des sphères. La connaissance des sphères est la première étape vers la métaphysique, que le Ramba''m considère être la forme de connaissance la plus élevée. Ainsi, le tronc de l'arbre de vie est l'astronomie, et les branches sont la métaphysique.

Au chapitre 30 du premier volume, le Ramba''m expliquait que « manger » peut se référer à l'acquisition de la connaissance intellectuelle, et que « l'eau » fait allusion à la sagesse. De ce fait, l'idée selon laquelle les eaux de la création se répandent de dessous l'arbre est que l'arbre est la source de la sagesse, et en manger se réfère au fait d'acquérir la connaissance. L'arbre de vie est donc le symbole de la façon dont on se connecte à Dieu (atteignant par-là la vie éternelle) au moyen de l'absorption en nous de la connaissance. Quelqu'un peut consommer de l'Arbre de Vie et vivre pour toujours. Quand Dieu déclare concernant l'Arbre de Vie : וְעַתָּה פֶּן-יִשְׁלַח יָדוֹ, וְלָקַח גַּם מֵעֵץ הַחַיִּים, וְאָכַל, וָחַי לְעֹלָם « Et maintenant, il pourrait étendre sa main et cueillir aussi du fruit de l'arbre de vie ; il en mangerait et vivrait à jamais »25, ce n'est pas négatif, c'est juste la déclaration d'une possibilité.

Il faut aussi connaître le passage suivant : « Quant à l'arbre de la science, le Trés-Saint n'a jamais révélé cet arbre à aucun homme et ne le révélera jamais ».26 Et cela est vrai ; car la nature de l'être l'exige ainsi.27

Concernant l'Arbre de la Science (ou Connaissance), l'homme l'atteint au moyen de ses désirs. מִמֶּנּוּ, לָדַעַת, טוֹב וָרָע « de lui-même, il y a une connaissance du bien et du mal »28. Ces états n'existent pas avec Dieu. (Voir ce que nous avions expliqué dans la première partie.)

Le passage suivant mérite également que tu l'apprennes : « וַיִּקַּח ה׳ אֱלֹהִים, אֶת-הָאָדָם ''Et HaShem Dieu prit l'homme''29, c'est-à-dire, Il l'éleva ; וַיַּנִּחֵהוּ בְגַן-עֵדֶן ''et Il l'établit (Wayyanihéhou) dans le Gan ´édhan'', c'est-à-dire, Il lui donna le repos (Haniah Lô)30 ».31 On n'a donc pas entendu le texte [dans ce sens] qu'Il [Dieu] l'aurait retiré d'un endroit et placé dans un autre endroit, mais [dans ce sens allégorique] qu'Il éleva le rang de son être, au milieu de ces êtres qui naissent et périssent, et qu'Il l'établit dans une certaine position.32

מָקוֹם « Moqôm » (un endroit, une place, un lieu) peut désigner une situation de la vie ainsi qu'un lieu physique.33 L'homme se trouvait à l'origine dans un état idyllique où la faculté rationnelle régnait en maître. Être expulsé du Gan ´édhan signifie être réduit à un état inférieur. Le récit de `odhom dans l’Éden n'est pas le récit historique d'un individu spécifique qui a échoué dans une épreuve (ce qui n'en aurait pas fait un récit pertinent pour tout le monde au message éternel) mais plutôt une description de la nature de tout être humain. Nous avons été créés comme des êtres se trouvant en-dehors du Gan ´édhan.

1Baré`shith 1:27
2Ibid., 2:1
3C'est-à-dire : jusqu'à la fin du sixième jour, la nature des choses n'était pas encore établie par des lois immuables ; il n'y a donc rien de choquant dans les relations du 2ème chapitre de Baré`shith, dès qu'on admet que tout se passa dans le courant du sixième jour
4Le Ramba''m veut dire qu'il fera comme ont fait les docteurs, en se bornant à appeler l'attention du lecteur sur certains points, sans développer ses idées
5Une allusion à Mishlé 11:13
6Le Ramba''m se réfère à un passage du Midhrosh Baré`shith Rabboh, où il est dit que `odhom fut créé à la fois homme et femme, et qu'il avait deux visages, tournés de deux côtés. Ce Midhrosh est également rapporté dans le Talmoudh (´érouvin 18a)
7Baré`shith 2:21
8Shamôth 26:20
9Baré`shith 2:23
10Ibid.
11Ibid., verset 24
12Le Ramba''m veut dire : Il est clair que ce récit renferme une certaine idée philosophique ; il se contente de l'indiquer, mais ne juge pas convenable de l'exposer clairement
13Le Ramba''m se réfère ici aux Pirqé Darébbi `ali´azar Chapitre 13
14Midhrosh Baré`shith 56
15Encore ici, le Ramba''m ne se prononce pas sur l'idée philosophique qui est cachée sous ce récit et indiquée par les noms qui y sont employés. Ce qu'ils veut nous dire est ceci (et nous développerons davantage) : Le mot נָחָשׁ « Nohosh » (serpent) indique la faculté imaginative et est en rapport avec le mot נַחַשׁ « Nahash » qui désigne la divination, où l'imagination joue un grand rôle ; le nom de סַמָּאֵל « Sammo`él » provient du verbe סמא « aveugler », et indique donc la faculté appétitive, ou la concupiscence, qui aveugle l'homme ; enfin, Dieu qui Se rit du chapeau (serpent) et de son cavalier, c'est l'intelligence
16Il faut se rappeler que Dieu dit au serpent : וְאֵיבָה אָשִׁית, בֵּינְךָ וּבֵין הָאִשָּׁה, וּבֵין זַרְעֲךָ, וּבֵין זַרְעָהּ « Et Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne » (Baré`shith 3:15).. Ainsi que nous l'expliquerons, le serpent représente la faculté imaginative ; le Ramba''m veut indiquer ici ce sens allégorique : Que l'imagination n'affecte pas directement l'intelligence, représentée par `odhom, et qu'elle ne trouble cette dernière que par un intermédiaire, qui est, ou la matière, ou la faculté sensible, représentée par Hawwoh
17C'est-à-dire, en le frappant sur la tête
18La postérité de la femme, ou l'être humain, par sa faculté rationnelle et spéculative, ou par son intelligence, l'emporte sur l'imagination, qui a son siège dans la tête et en détruit les fantômes. Mais souvent la faculté imaginative et les passions qui en naissent frappent l'homme au talon, c'est-à-dire l'empêchent de marcher en avant, de développer ses facultés intellectuelles et d'arriver à la conception des choses intelligibles
19Voir Môréh Navoukhim, Volume 1, Chapitre 70
20Voir, Ibid., Volume 2, Chapitre 12
21Baré`shith 3:15
22Le Ramba''m se réfère à deux passages talmudiques : Shabboth 146a et Yavomôth 103b. Le sens à leur donner, d'après le Ramba''m, est celui-ci : La faculté imaginative, en éveillant les passions, entache l'homme de souillure ; les Israélites, en recevant une loi morale qui dompta leurs passions, se sont purifiés de cette souillure, dont les Gôyim restaient toujours entachés
23Midhrosh Baré`shith Rabboh 15 ; cité également dans le Talmoudh Yarousholmi (Barokhôth Chapitre 1)
24Le Ramba''m voyait dans l'arbre de la vie la science qui est la véritable vie de l'âme humaine. Cette science embrasse une étendue de cinq cent ans de marche, c'est-à-dire elle s'étend sur tout ce qui existe au-dessus de la sphère de la lune ; car selon les Sages, il y a cinq cent ans de chemin de la terre au ciel ou à la dernière des sphères célestes (Talmoudh Bavli, Haghighoh 13b). Ces choses sublunaires, qui seules sont complètement accessibles à la science humaine, sont désignées par le tronc de l'arbre ; ses branches, qui s'étendent bien au-delà de la sphère de la lune, représentent la science des sphères célestes et la métaphysique, dont l'homme ne peut acquérir qu'une connaissance plus ou moins imparfaite
25Baré`shith 3:22
26Midhrosh Baré`shith Rabboh 15, à la fin, où, après avoir rapporté les opinions de plusieurs Sages sur l'espèce à laquelle appartenait l'arbre de la science, on cite celle de Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi, qui disait que l'arbre de la science ne devait jamais être désigné avec précision, afin qu'aucun homme ne pût connaître le fruit qui avait conduit au péché
27Pour comprendre ce passage, il faut se rappeler la distinction que le Ramba''m a établie, au chapitre 2 du premier volume, entre la connaissance du vrai et du faux et celle du bien et du mal. (Voir la première partie.) L'intelligence, par laquelle l'homme connait le vrai et le faux, fut donnée à l'homme dès le moment de la création, et c'est elle qui le rendait semblable à Dieu ; mais la connaissance de ce qui est beau ou laid, bien ou mal, n'est qu'une suite du péché de l'homme et de la perte de son état d'innocence. D'après le Ramba''m donc, le passage du Midhrosh qui vient d'être cité veut dire que ce n'est pas Dieu qui révèle directement à l'homme, en lui donnant l'intelligence, la connaissance de ce qui est beau ou laid, bienséant ou inconvenant, et que les objets de cette connaissance n’existeraient pas pour lui, s'il n'avait pas péché et s'il n'était pas entraîné par ses désirs et ses mauvais penchants
28Baré`shith 3:22
29Ibid., 2:15
30Les verbes « établir » et « se reposer » ont exactement la même racine
31Midhrosh Baré`shith Rabboh 16
32C'est-à-dire, dans une situation morale qui l'élevait au-dessus de tous les être d'ici-bas, et c'est cette situation qui est désignée allégoriquement par les mots « Gan ´édhan – Jardin d’Éden »

33Voir Môréh Navoukhim, Volume 1, Chapitre 10
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