ב״ה
Cuisson
dans un four ou micro-ondes Gôy
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Question :
Est-il
possible de cuire dans un four goy? Sous quelles conditions? L'odeur
de la nourriture taref doit-elle avoir disparue? Le four doit-il être
propre? Doit-on le chauffer quelques minutes pour faire fondre toute
graisse interdite? Peut-on cuire dans un four à micro-ondes sans
couvercle hermétique?
Réponse :
Concernant les questions relatives au four, je reprendrais une partie
de ce qui a été dit dans l'article intitulé « Lorsqu'on
utilise le même four ».
Nous
lisons ceci dans le Talmoudh Bavli1 :
Rov
a dit : « La viande grasse [d'un animal
rituellement] égorgée qui a été rôtie avec2
de la viande maigre d'une Navéloh3
est interdite ». Quelle en est la raison ? C'est
parce qu'elles s'engraissent l'une l'autre.4
Mais Léwi a dit : « Même de la viande maigre d'un
[animal rituellement] égorgé qui a été rôtie avec de la
viande grasse d'une Navéloh est permise ». Quelle en
est la raison ? C'est parce qu'il s'agit simplement d'une
odeur, et l'odeur n'est rien du tout. Léwi émit une décision
pratique5
dans la maison du Résh Goloutho`6
dans le cas d'une chèvre [rôtie] avec « autre chose »7.
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אמר
רב בשר שחוטה שמן שצלאו עם בשר נבילה
כחוש אסור מאי טעמא מפטמי מהדדי ולוי
אמר אפילו בשר שחוטה כחוש שצלאו עם בשר
נבילה שמן מותר מאי טעמא ריחא בעלמא הוא
וריחא לאו מילתא היא עביד לוי עובדא בי
ריש גלותא בגדי ודבר אחר
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À
la lecture de ce passage talmudique, certains Pôsqim soutiennent que
Rov ז״ל
et
Léwi ז״ל
sont
tous les deux d'accord que Lakhattahilloh (a priori) on ne
doit pas faire rôtir un morceau de viande Koshér avec un morceau de
viande non Koshér dans le même four. Mais Badhi´avodh (a
posteriori, c'est-à-dire si cela a déjà été fait), Rov interdit
de consommer la viande Koshér, tandis que Léwi le permet. C'est une
façon de comprendre cette Gamoro`.
Par
contre, d'autres Pôsqim, tel que le Ra''n8
ז״ל
(Rabbénou
Nissim de Gérone, 1320-1380), démontrent du passage talmudique
susmentionné que Léwi permet de rôtir de la viande Koshér dans le
même four que de la viande non Koshér même Lakhattahilloh,
et non pas Badhi´avodh. En fait, cela est clairement soutenu dans le
Talmoudh Yarousholmi9,
qui le dit explicitement.
Les
Ga`ônim et la majorité des Ri`shônim ont tranché comme Léwi
Badhi´avodh, parmi lesquels le Halokhôth Gadhôlôth (Shim`ôn
Qiyaro`, qui a vécu durant la première moitié du 8ème siècle),
le Ri''f ז״ל
(Rabbénou
Yishoq `alfasi, 1013-1103), le Ramba''m ז״ל
(Rabbénou
Môshah ban Maymôn (1135-1204), le Rashba''` ז״ל
(Rabbénou
Shalômôh ban `addarath, 1235-1310), ou encore le Ra''n.
Lakhattahilloh, d'après ces Pôsqim, nous ne devrions pas le
faire, mais si cela a été fait cela ne rend pas interdite la viande
Koshér.
Nous
devons nous rendre compte qu'en ces temps-là, avoir des fours
individuels était difficile, voire impossible. De ce fait, les fours
pouvaient très bien être utilisés aussi bien par les Israélites
que les Gôyim, d'où cette discussion talmudique susmentionnée sur
ce qu'il faudrait faire si nous faisons rôtir notre viande Koshér
en même temps qu'un Gôy fait rôtir sa viande Navéloh. À nos
époques, chaque famille possède son propre four chez elle, mais la
discussion n'en reste pas moins pertinente. Par exemple, elle peut
s'appliquer lorsqu'on visite de la famille non pratiquante, voire
même non juive (si l'on est un converti). Dans un tel cas, pour ne
pas consommer la viande non Koshér qui pourrait nous être servie,
on pourra apporter sa propre viande Koshér et la faire rôtir dans
le four de la famille non pratiquante ou non juive, même s'ils
l'utilisent pour rôtir de la viande non Koshér et même s'ils font
rôtir en même temps que nous leur viande non Koshér. Le Talmoudh
explique que la divergence entre Rov et Léwi porte sur l'importance
à accorder à l'odeur. Si, comme Rov, on considère que le transfert
d'odeur d'une viande à l'autre a une importance, le fait de rôtir
une viande Koshér avec une viande non Koshér dans le même four
rend la viande Koshér interdite, car l'odeur de la viande non Koshér
a imprégné la viande Koshér. Mais si, comme Léwi, on considère
qu'un transfert d'odeur n'a aucune importance (on ne parle pas d'un
transfert de goût, mais d'odeur), le fait que la viande Koshér ait
pu être imprégnée de l'odeur de la viande non Koshér ne rend pas
interdite la viande Koshér. (Il convient de préciser qu'en tous les
cas, les deux viandes ne devront pas se toucher.)
À
présent, il convient de préciser quelque chose d'essentiel. Lorsque
la Gamoro` parle de la viande Koshér rôtie dans le même four que
la viande non Koshér, elle parle du cas où les deux viandes ont
été cuites simultanément dans le même four. Mais si la viande
non Koshér fut rôtie en premier, puis retirée, et que seulement
alors la viande Koshér fut placée dans ce même four et rôtie, il
n'existe aucune base halakhique pour dire que cela est interdit, même
d'après la position de Rov. L'affirmation selon laquelle
quelques restes de la viande précédente pourraient être présents
dans le four est tirée par les cheveux et inexacte pour plusieurs
raisons, parmi lesquelles :
- si cela ne s'est pas produit le même jour, les restes de la viande non Koshér ne peuvent pas imprégner un goût (le principe de נוֹתֵן טַעַם לִפְגָּם « Nôthén Ta´am Lifgom », qui stipule que si 24h sont passées, la propriété de pouvoir transmettre le goût disparaît) ;
- et quand bien même la viande Koshér aurait été rôtie dans le même four au cours de la même journée où a été rôtie la viande non Koshér, les restes dans les parois du four sont insignifiants en termes de quantité, et s'applique alors la règle de בָּטֵל בְּשִׁשִּׁים « Botél Bashishim » (si de la matière interdite s'est malencontreusement mélangée à une matière permise, cela ne porte pas à conséquence si la matière interdite équivaut à moins d'1/60ème de l'ensemble) ;
- pas un seul des Ri`shônim n'a même affirmé que les restes de la viande non Koshér dans les parois du four constituait un problème. Vous pourrez chercher comme bon vous semble, mais vous n'en trouverez pas un seul !
À
la lumière de tout cela, nous pouvons répondre aux questions
posées :
« Est-il
possible de cuire dans un four goy? ». Oui !
« Sous
quelles conditions? ». Si des aliments non
Koshér d'un Gôy ont été cuits dans un four, puis retirés, un
Israélite peut y mettre ses aliments Koshér afin de les cuire dans
ce même four, et cela d'après tous les avis. Par contre, il y a
divergence d'opinion lorsqu'on cuit des aliments Koshér en même
temps que des aliments non Koshér dans le même four. Bien que le
Bavli soit ambigu sur la question et que la plupart des Pôsqim
soutiennent que cela ne peut se faire que Badhi´avodh, le
Yarousholmi tranche explicitement que cela peut se faire
Lakhattahilloh, et telle est l'approche d'une minorité de
Pôsqim.
« L'odeur
de la nourriture taref doit-elle avoir disparue? ».
Comme nous l'avons vu dans le Talmoudh, si les deux aliments (Koshér
et non Koshér) sont cuits simultanément dans le même four, il y a
une divergence d'opinion entre Rov et Léwi quant au pouvoir de
l'odeur. D'après le premier cité, l'odeur est un paramètre
significatif à prendre en compte. Par conséquent, il ne permet
cette cuisson simultanée qu'à un niveau Badhi´avodh. Par contre,
pour le deuxième cité, l'odeur n'est pas la même chose que le
goût, et il n'y a donc pas lieu d'être strict. Mais rappelions que
cette divergence ne concerne que le cas d'aliments cuits
simultanément. Lorsqu'un aliment est cuit après l'autre, aussi bien
Rov que Léwi s'accordent à dire qu'il n'y a aucun problème avec
l'odeur.
« Le
four doit-il être propre? ». Même s'il est
préférable qu'il soit propre, cela n'est pas essentiel.
« Doit-on
le chauffer quelques minutes pour faire fondre toute graisse
interdite? ». Les restes d'aliments non
Koshér dans le four ne sont pas considérés significatifs d'un
point de vue halakhique. Quand bien même il s'en mélangerait
malencontreusement avec les aliments Koshér, la règle de Botél
Bashishim vient annuler le problème.
Concernant
la question sur le four à micro-ondes : Il arrive régulièrement
que l'on doive utiliser le même four à micro-ondes que les Gôyim,
par exemple sur son lieu de travail. Je suppose que c'est par rapport
à une telle situation (ou semblable à celle-ci) que la question a
été posée.
Puisque
l'odeur ne cause aucun souci lorsque des aliments sont cuits les uns
à la suite des autres, le couvercle n'a pas à être hermétique et
il n'y a pas de problème même si un peu de vapeur s'en échappe.
(Bien que certains Pôsqim exigent une double couverture, comme par
exemple un ustensile renversé + un sac plastique par dessus, ce
n'est qu'une Houmroh, pas un Din.)
1Pasohim
76b
2C'est-à-dire
dans le même four, mais sur des broches différentes, et qui ne se
touchent pas
3Un
animal n'ayant pas été égorgé rituellement
4Le
raisonnement de Rov est celui-ci : L'odeur de la viande grasse
pénètre la viande maigre et la rend grasse, et alors, en retour,
l'odeur de la viande maigre, qui est interdite, pénètre la viande
permise et la rend interdite également
5Et
non pas seulement théorique, en accord avec sa position
6La
plus haute autorité de la communauté juive à Babylone
7C'est-à-dire
du porc, que l'on désignait souvent par l'expression « autre
chose ». La viande de chèvre et celle de porc avaient été
rôties ensemble, mais Léwi a permis la consommation de la viande
de chèvre
8Dans
son commentaire sur Houllin 32a
9Taroumôth
10:2