samedi 10 septembre 2016

Combien de sons de Shôphor devons-nous sonner à Rô`sh Hashonoh ?

ב״ה

Combien de sons de Shôphor devons-nous sonner à Rô`sh Hashonoh ?


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Nous poursuivons notre passage en revue des lois, coutumes et pratiques relatives aux fêtes de Tishri.

Écouter la sonnerie du Shôphor est la Miswoh centrale de Rô`sh Hashonoh. Le Ramba''m ז״ל l'explique dans les termes suivants1 :

Il est un commandement positif de la Tôroh d'écouter le son du Shôphor à Rô`sh Hashonoh, ainsi qu'il est dit2 : « Ce sera pour vous un jour de Tarou´oh. »
מִצְוַת עֲשֵׂה שֶׁלַּתּוֹרָה, לִשְׁמֹעַ תְּרוּעַת הַשּׁוֹפָר בְּרֹאשׁ הַשָּׁנָה, שֶׁנֶּאֱמָר "יוֹם תְּרוּעָה, יִהְיֶה לָכֶם

Le Minhogh presque universellement accepté de nos jours consiste à sonner 100 sons de Shôphor à Rô`sh Hashonoh. Mais ce ne fut pas toujours le cas, et même aujourd'hui ce n'est pas le Minhogh de toutes les communautés.

La Tôroh ne donne pas le nombre exact de sons de Shôphor que nous devrions sonner à Rô`sh Hashonoh. Elle ne nous donne qu'une description vague de cette fête comme étant יוֹם תְּרוּעָה « un jour de Tarou´oh » ou זִכְרוֹן תְּרוּעָה « un souvenir de la Tarou´oh. »3 Même les Sages du Talmoudh ne mentionnent jamais la pratique actuelle consistant à sonner 100 sons de Shôphor, et dans la littérature rabbinique post-talmudique différents Minhoghim sont rapportés. Nous allons tenter de faire un historique pour comprendre comment nous en sommes arrivés à ce Minhogh de 100 sons du Shôphor.

  1. Neuf sons de Shôphor

La pratique biblique d'origine, que nous avons reçue par tradition orale, consistait à ne sonner que neuf sons de Shôphor : trois Tarou´ôth, dont chacune était précédée et suivie par une Taqi´oh, pour un total de neuf sons. Ce nombre est déduit du fait que la Tôroh possède trois versets qui mentionnent la Tarou´oh et un autre qui indique que chaque Tarou´oh doit être précédée et suivie d'un son Taqi´oh, ce qui fait donc neuf sons au total.4 Bien que certains Sages talmudiques expriment leur opinion que cette exigence de sonner neuf sons de Shôphor est d'origine rabbinique, la position majoritaire est que cette exigence est bien d'origine biblique.5

  1. Vingt-sept sons

Au troisième siècle de l'ère courante, Rébbi `abbohou ז״ל de Césarée décréta que les trois ensemble de Taqi´oh-Tarou´oh-Taqi´oh devaient être répétés trois fois, chaque fois avec un type différent de Tarou´oh à cause du doute existant à cette époque-là quant au son exact de la Tarou´oh demandée par la Tôroh (si ce son était comme l'actuel Shavorim, l'actuelle Tarou´oh, ou les deux à la fois). C'est pourquoi, pour le premier ensemble nous sonnons trois fois Taqi´oh-Shavorim-Tarou´oh-Taqi´oh, pour le deuxième ensemble nous sonnons trois fois Taqi´oh-Shavorim-Taqi´oh, tandis que pour le troisième ensemble nous sonnons trois fois Taqi´oh-Tarou´oh-Taqi´oh. C'est ainsi que le décret de Rébbi `abbohou tripla le nombre total de sonneries et le fit passer à 27.

Du temps même où le Talmoudh fut rédigé, le décret de Rébbi `abbohou avait été universellement accepté. Le Ramba''m explique très bien cette option de la façon suivante6 :

Du fait de la longueur des années et des nombreux exils, nous avons un doute concernant la Taqi´oh qui est mentionnée dans la Tôroh, et nous ne savons pas quelle est sa nature ; si c'est un [son semblable au] gémissement de femmes qui se plaignent [à l'occasion d'un décès], ou [si ce son est plutôt semblable aux] soupirs qu'un homme préoccupé par un cas de force majeure laisse entendre à plusieurs reprises, ou les deux en même temps : le soupir, et le gémissement qui lui fait suite, et qui est appelé Tarou´oh. Car telle est l'habitude de celui qui se plaint ; il soupire au début, puis gémit. C'est pourquoi nous faisons toutes les possibilités] : le soupir et le gémissement.
תְּרוּעָה זוֹ הָאֲמוּרָה בַּתּוֹרָה, נִסְתַּפַּק לָנוּ בָּהּ סָפֵק לְפִי אֹרֶךְ הַשָּׁנִים וְרֹב הַגָּלִיּוֹת, וְאֵין אָנוּ יוֹדְעִין הֵיאַךְ הִיא: אִם הִיא הַיְּלָלָה שֶׁמְּיַלְּלִין הַנָּשִׁים בִּנְהִיָּתָן בְּעֵת שֶׁמְּיַבְּבִין, אוֹ הָאֲנָחָה כְּדֶרֶךְ שֶׁיֵּאָנַח הָאָדָם פַּעַם אַחַר פַּעַם כְּשֶׁיִּדְאַג לִבּוֹ מִדָּבָר גָּדוֹל, אוֹ שְׁנֵיהֶם כְּאֶחָד הָאֲנָחָה וְהַיְּלָלָה שֶׁדַּרְכָּהּ לָבוֹא אַחֲרֶיהָ הֶן הַנִּקְרָאִין תְּרוּעָה, שֶׁכָּךְ דֶּרֶךְ הַדּוֹאֵג מִתְאַנֵּחַ תְּחִלָּה וְאַחַר כָּךְ מְיַלֵּל; לְפִיכָּךְ אָנוּ עוֹשִׂין הַכֹּל, הָאֲנָחָה וְהַיְּלָלָה

Évidemment, les Talmidhé HaRamba''m, Dôr Da´im et Rambamistes ont le Minhogh de sonner 27 sons.

  1. Trente sons

Le décret de Rébbi `abbohou inclut trois sons Shavorim-Tarou´oh. Or, de nombreuses autorités rabbinique les considèrent comme étant deux sons distincts et par conséquent dénombrent un total de 30 sons et non 27.

Le Ro`''sh ז״ל (Rabbénou `oshér ban Yahi`él, Allemagne-Espagne, 1250-1327) a fait remarquer que le compte de 30 ou 27 dépend de la question suivante : Doit-on prendre une respiration entre les sons Shavorim et Tarou´oh du Shavorim-Tarou´oh, ou est-ce que les deux sons doivent être sonnés dans un même souffle ?

  1. Quarante sons

Les Sages talmudiques ont rapporté qu'un ensemble de 27 ou 30 sons est sonné avant Mousof et un autre ensemble est sonné durant la répétition de la ´amidhoh de Mousof. Mais le Talmoudh ne détermine pas de combien de sons est constitué ce deuxième ensemble. Certains Pôsqim exigent que le deuxième ensemble soit également constitué de 30 sons (voir plus bas), mais le Ri''f ז״ל (Rabbénou Yishoq `alfasi, Algérie-Espagne, 1013-1103) a expliqué qu'après qu'un ensemble complet de 30 sons a été sonné avant Mousof, seuls 10 sons supplémentaires devaient être sonnés durant la répétition de la ´amidhoh de Mousof : Taqi´oh-Tarou´oh-Taqi´oh pour les Malakhiyôth, Taqi´oh-Shavorim-Taqi´oh pour les Zikhrônôth, et Taqi´oh-Shavorim-Tarou´oh-Taqi´oh pour les Shôphorôth, ce qui fait un total de 40 sons.

Le Minhogh des 40 sons est déjà mentionné dans les Shé`ithôth (le tout premier rassemblement de Tashouvôth après que le Talmoudh fut achevé. Il date du 8ème siècle de l'E.C., et fut rédigé à Babylone) et par d'autres Ri`shônim comme étant le Minhogh communément accepté dans la majorité des communautés de leurs époques. Le Ra`avé''n ז״ל (Rabbénou `ali´azar ban Nothon, Allemagne, 1090-1170) avança comme explication que ces 40 sons symbolisaient les 40 jours durant lesquels la Tôroh fut donnée à Môshah Rabbénou ע״ה, et la tradition rapporte que tout le temps que Môshah Rabbénou passa sur le Mont Sinaï la deuxième fois le son du Shôphor s’entendait constamment. (La première fois qu'il était monté sur le Mont Sinaï, le peuple avait mal compté les 40 jours au bout desquels il était censé redescendre, et ils commirent le péché du Veau d'Or. Afin qu'ils ne puissent plus se tromper une seconde fois, le son du Shôphor se fit entendre chaque jour la deuxième fois que Môshah Rabbénou monta sur le Mont Sinaï.)

  1. Quarante-deux sons

Rabbénou Ta''m ז״ל (Rabbénou Ya´aqôv ban Mé`ir Tam, France, 1100-1171 ; petit-fils de Rash''i ז״ל) recommanda que le Minhogh courant de son temps qui consistait à sonner 40 sons soit légèrement altéré en sonnant un seul ensemble de Taqi´oh-Shavorim-Tarou´oh-Taqi´oh pour chacune des trois bénédictions intermédiaires de la ´amidhoh de Mousof (Malakhiyôth, Zikhrônôth et Shôphorôth), plutôt que trois ensembles différents avec des Tarou´ôth différentes. Il arguait que même si un Shavorim ou une Tarou´oh seule est la façon correcte de sonner, en sonnant une Shavorim-Tarou´oh on accomplissait aussi la Miswoh Badhi´avodh (a posteriori). Les deux sons supplémentaires ajoutés par Rabbénou Ta''m donnent un total de 42 sons.

Ce Minhogh des 42 sons fut également approuvé par le Ramo''` ז״ל (Rabbi Môshah `issarlès, Pologne, 1520-1572).

  1. Soixante sons

Certains Pôsqim exigent qu'un ensemble complet de 30 sons soit sonné durant la répétition de la ´amidhoh de Mousof en plus de l'ensemble complet de 30 sons qui a déjà été sonné avant Mousof. La Gamoro` explique que cette pratique fut institué par les Rabbins afin de « troubler le Soton. »7

Les Tôsofôth8 ז״ל mentionnent que Rabbénou Nothon ban Yahi`él ז״ל (Italie, 1035-1102) a écrit dans son œuvre maîtresse, le ´oroukh, qu'il doit y avoir un total de 30 sons et non 10 dans la répétition de la ´amidhoh de Mousof, avec 10 sons pour chacune des trois bénédictions intermédiaires de la ´amidhoh afin de s'assurer qu'à au moins une reprise le bon son Tarou´oh sera produit.

Ce Minhogh consistant à sonner 60 sons fut également adopté par le Sama''q ז״ל (Rabbi Yishoq de Corbel, France, décédé en 1280) et est mentionné dans le Mishnoh Barouroh9 du Hofés Hayim ז״ל (Rabbi Yisro`él Mé`ir Kagan Hakkôhén, Pologne, 1838-1933). C'est le Minhogh de la majorité des communautés ashkénazes d'aujourd'hui.

  1. Soixante-et-un

Le Ba´al Hamma`ôr ז״ל (Rabbi Zakharyoh Halléwi Gerondi, Espagne, né aux environs de 1125 et décédé après 1186) a une explication totalement différente sur le moment où doit être sonné le Shôphor. Il écrit qu'aucun son n'est sonné avant Mousof. Le premier ensemble de Taqi´ôth est sonné durant la répétition de la ´amidhoh de Mousof lorsqu'il est permis de s'asseoir. Le deuxième ensemble de Taqi´ôth est sonné après Mousof lorsque les gens se lèvent pour quitter la synagogue. À la fin, une Taqi´oh extrêmement longue, appelée « Taqi´oh Gadhôloh », est alors sonnée pour troubler le Soton. Le nombre total de sons du Shôphor lorsqu'on inclut cette Taqi´oh Gadhôloh est par conséquent de 61.

  1. Cent sons

Rabbénou Nothon ban Yahi`él (que l'on a déjà cité plus haut) mentionnait déjà qu'à son époque le Minhogh consistait à sonner un total de 100 sons. Il explique qu'ils correspondent aux 100 gémissements émis par la mère de Sisro` lorsque ce dernier n'est pas retourné à la maison après être allé attaquer les Israélites.10 D'après le ´oroukh, ces 100 sons de Shôphor doivent être sonnés de la manière suivante :
  • 30 sons avant Mousof,
  • 30 sons durant la ´amidhoh silencieuse de Mousof,
  • 30 sons durant la répétition de la ´amidhoh de Mousof,
  • et 10 sons à la fin de l'office.

Dans les communautés ashkénazes où le Shôphor n'est pas sonné durant la ´amidhoh silencieuse de Mousof, les 30 sons manquants sont sonnés durant le Qaddish qui suit la répétition de la ´amidhoh de Mousof.

Beaucoup ont trouvé étrange qu'une chose pratiquée à la synagogue soit basée sur ce qu'a fait la mère non Israélite d'un général qui haïssait les Israélites. C'est pourquoi, avec le temps, d'autres explications ont été avancées par les `ashkanazim pour justifier ce Minhogh des 100 sons de Shôphor. Le Mashakh Hokhmoh ז״ל (Rabbi Mé`ir Simhoh de Dvinsk, Pologne, 1843-1926), par exemple, cita un Midhrosh11 selon lequel une femme qui s'apprête à accoucher crie cent fois ; ses 99 premiers cris sont causés par sa peur de mourir, mais son dernier cri est dû au fait qu'elle réalise qu'elle est, après tout, sur le point de donner la vie. De même, explique le Mashakh Hokhmoh, il faut sonner 100 sons de Shôphor à Rô`sh Hashonoh ; les 99 premiers sons sont sonnés en raison de la peur du jugement du jour, tandis que le son final est dû à la confiance dans le fait qu'HaShem ית׳ nous jugera favorablement.

Rabbi Ménahém Mendel Kosher (Pologne-`aras Yisro`él, 1895-1983), dans son Tôroh Shalémoh, cite un autre Midhrosh qui raconte que Soroh `imménou ע״ה gémit à 100 reprises lorsqu'elle apprit que son fils Yishoq ע״ה avait été emporté pour être sacrifié. C'est plutôt sur ce Midhrosh qu'il base le Minhogh des 100 sons de Shôphor à Rô`sh Hashonoh.

  1. Cent-un sons

Dans de nombreuses communautés séfarades, une Taqi´oh supplémentaire est sonnée juste avant le ´olénou à la fin de Mousof, faisant ainsi un total de 101 sons.

Certains disent que ces 101 sons correspondent à la valeur numérique des lettres du nom מיכאל « Mikho`él », l'ange-gardien du peuple d'Israël. D'autres suggèrent qu'ajouter ce 101ème son est une autre façon de troubler le Soton.

Ce sont donc là les origines et raisons des différents Minhoghim existant dans diverses communautés.

1Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shôphor Wasoukkoh Walôlov 1:1
2Bamidhbor 29:1
3Wayyiqro` 23:24
4Voir le Talmoudh Bavli, Rô`sh Hashonoh 33b-34a ; Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shôphor Wasoukkoh Walôlov 3:1
5Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shôphor Wasoukkoh Walôlov 1:1 ; `arbo´oh Tourim, `ôrah Hayim 590 ; Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayim 590:1
6Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shôphor Wasoukkoh Walôlov 3:2
7Rô`sh Hashonoh 16a-b
8Commentaire sur Rô`sh Hashonoh 33b
9592:4
10Shôphtim 5:28

11Wayyiqro` Rabboh 27:7
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