mercredi 27 avril 2016

Il n'y a pas de période de deuil durant la Safirath Ho´ômar

ב״ה

Il n'y a pas de période de deuil durant la Safirath Ho´ômar


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Il existe une pratique très répandue au sein de l'orthodoxie juive consistant à suivre toute une série de pratiques de deuil durant la période de la Safirath Ho´ômar, à savoir :

  • interdiction de tenir des mariages et des célébrations de mariage
  • interdiction de se couper les cheveux et de se raser
  • interdiction d'écouter de la musique instrumentale
  • interdiction d'acheter et de porter des vêtements neufs

La période sur laquelle ces pratiques seront respectées varie d'une communauté à l'autre :

  1. la pratique dominante consiste à les respecter à partir du premier jour du compte du ´ômar jusqu'au trente-troisième jour
  2. la pratique majoritaire chez les Safaradhim consiste à les respecter à partir du premier jour du compte du ´ômar jusqu'au matin du trente-quatrième jour
  3. certains ont la pratique de les respecter à partir de Rô`sh Hôdhash `iyor jusqu'au matin du 3 Siwon
  4. d'autres enfin ont la pratique de les respecter à partir du 2 `iyor jusqu'à la veille de Shovou´ôth

Dans toutes les approches susmentionnées, exceptée celle des Safaradhim, le deuil est suspendu le trente-troisième jour du ´ômar, que l'on appelle communément ל״ג בָּעוֹמֶר « La''g Bo´ômar ». Le seul fait que les Safaradhim ne suspendent pas les pratiques de deuil ce jour-là démontre que le 33ème jour du ´ômar n'est en réalité pas une fête officielle du Judaïsme. Quant aux Dôr Da´im et Talmidhé HaRamba''m, non seulement nous ne célébrons pas La''g Bo´ômar, mais nous ne suivons pas non plus de période de deuil durant la Safirath Ho´ômar.

Lorsque vous demandez aux « Orthodoxes » pourquoi est-ce qu'ils respectent un deuil durant la Safirath Ho´ômar, et pourquoi s'achève-t-il (ou est-il suspendu) précisément le 33ème jour du ´ômar, trois réponses sont généralement avancées :

  1. Il est dit dans le Talmoudh que 24 000 des disciples de Rébbi ´Aqivo` ז״ל ont été frappés par une plaie qui ne cessa que le 33ème jour du ´ômar.
  2. Le 33ème jour du ´Omar, Rébbi Shim´ôn ban Yôho`y ז״ל aurait rédigé et terminé le Zôhar.
  3. Ce serait également ce jour-là que Rébbi Shim´ôn ban Yôho`y décéda.

Concernant les points 2 et 3, voir les articles intitulés « Qui a écrit le ''Zôhar'' ? » et « Cinq choses à savoir sur La''g Bo´ômar ». Nous allons analyser le point 1 et voir ce qu'il en retourne réellement.

Le Talmoudh Bavli, dans Yavomôth 62b, nous dit que Rébbi ´aqivo` avait douze mille pairs de disciples de Gavath à `antipras. (Cela fait un total de 24 000 disciples. Mais dans la version que l'on retrouve dans le Midhrosh1, le mot « pairs » n’apparaît pas, suggérant qu'ils étaient 12 000 disciples au total. De l'autre côté, ailleurs, le Bavli2 parle plutôt de 24 000 pairs de disciples, ce qui fait donc 48 000 disciples.) Tous ces disciples sont morts d'une « plaie » causée par le fait qu'ils ne se respectaient pas les uns les autres. À la suite de leur mort, le Bavli dit que le monde fut privé de l'étude de la Tôroh jusqu'à ce que Rébbi `aqivo` ne se rende dans le sud de la Palestine et ne forme cinq disciples d'une érudition remarquable, parmi lesquels Rébbi Shim´ôn abn Yôho`y. Le Bavli cite alors une source tirée des Tanno`im selon quoi les disciples de Rébbi ´aqivo` (peu importe leur nombre exact) avaient péri durant la période de la Safirath Ho´ômar, entre Pasah et Shovou´ôth. (Plus tard, le Bavli écrit qu'ils sont morts d'une sorte de maladie. Mais du Talmoudh Yarousholmi il ressort clairement qu'ils sont en fait tombés au combat durant la révolte de Bar Kôzivo`. Pour chaque divergence entre les deux Talmoudhin, nous nous alignons derrière le Yarousholmi. Ainsi, lorsqu'on dit que les disciples de Rébbi ´aqivo` moururent d'une plaie parce qu'ils ne se respectaient pas les uns les autres, cela signifie en réalité qu'HaShem les fit mourir au combat dans la révolte Judéenne contre Rome pour la raison précédemment citée.)

Mais malgré tout cela, et cela a toute son importance, le Bavli ne cite jamais La''g Bo´ômar (le 33ème jour du ´ômar), impliquant par-là que la mort de ces disciples s'est produite durant l'entièreté de la période de la Safirath Ho´ômar.

Deuxièmement, ce passage ne fait aucune mention de quelques pratiques de deuil que l'on devrait observer pour marquer cette tragédie. En fait, il n'a jamais existé de recommandation à prendre le deuil pour cette tragédie durant tout le premier millénaire qui suivit cet événement. Bien au contraire, le Talmoudh et d'autres sources anciennes décrivent constamment la période de la Safirath Ho´ômar comme une période de joie et de célébrations. Les écrits des Juifs du 7ème siècle, par exemple, considéraient les jours entre Pasah et Shovou´ôth comme une période de joie.

Certains, afin de défendre coûte que coûte ces pratiques de deuil observées de nos jours par la majorité des Juifs, prétendent qu'elles tireraient leur source des écrits des Ga`ônim. Il est vrai qu'on y trouve ceci3 :

Concernant votre question sur la raison pour laquelle nous ne tenons pas de fiançailles, ni de mariage entre Pasah et Shovou´ôth... Vous devez savoir qu'il n'y a là aucune interdiction, mais que c'est plutôt une coutume de deuil, car HaZa''l disent que Rébbi ´aqivo` avaient 12 000 pairs de disciples et qu'ils sont morts entre Pasah et Shovou´ôth... Depuis lors, les générations précédentes se sont accoutumées durant ces jours-là à ne pas se marier.

Certains, en lisant les mots « depuis lors » concluent que cela signifie que cette pratique s'est développée du temps de la Mishnoh elle-même. Sauf qu'il n'existe aucune source pour l'attester, et aussi bien la Mishnoh que la Gamoro` n'en font mention. Comme l'a dit le ´oroukh Hashoulhon ז״ל, la seule conclusion valable consiste à dire que cette coutume s'est développée durant la période des Ga`ônim.

Deuxièmement, notez que ce passage indique clairement que cette pratique n'est en rien une interdiction. C'est en fait la raison pour laquelle aucune pratique de deuil à observer durant la période de la Safirath Ho´ômar n'est mentionnée dans les écrits des Ri`shônim (qui ont suivi les Ga`ônim).

Troisièmement, d'autres écrits des Ga`ônim ne font mention que de la pratique consistant à ne pas se marier durant ces semaines-là. Jamais ils ne mentionnent d'autres pratiques de deuil, contrairement aux « Orthodoxes » d'aujourd'hui qui interdisent d'écouter de la musique, d'acheter des vêtements neufs, de jouer d'instruments de musique, de se couper les cheveux, etc., du premier au trente-troisième jour du ´ômar. Des écrits des Ga`ônim nous voyons en fait que l'on est censé être joyeux durant la période de la Safirath Ho´ômar. Cependant, puisque d'un côté nous ne sommes pas censés être triste, dans le deuil, etc., mais que de l'autre côté il convenait de faire quelque chose de symbolique pour ne pas oublier la catastrophe ayant frappé les pairs de disciples de Rébbi ´aqivo`, on demanda de ne s'abstenir que du mariage. Pourquoi le mariage ? Pour la simple raison que le mot « pair », qui se dit en Hébreu זוּג « Zough », signifie aussi « couple ». Par conséquent, afin de commémorer le décès des pairs de disciples, les gens s'abstenaient d'unir des couples. Mais à l'exception de cette seule restriction, toutes les autres formes de joie et célébrations étaient permises, car la période de la Safirath Ho´ômar ne doit pas être une période de deuil et de tristesse, contrairement à ce qu'elle est devenue aujourd'hui.

Durant le Moyen-âge, les jours qui suivaient Pasah étaient une période de grands dangers pour les Juifs ashkénazes. C'était la saison des accusations de meurtres rituels portées contre eux par les Catholiques, des pogroms et le lancement d'expéditions punitives et militaires contre les Juifs, comme les Croisades qui exterminèrent les Juifs de Rhénanie en Mai 1096. À cause de cela, il devint ordinaire pour les Juifs ashkénazes de prendre le deuil les semaines qui suivaient Pasah, tellement ordinaire que les rabbins de cette époque-là furent convaincus qu'il y avait quelque chose d'intrinsèquement grave concernant les jours séparant Pasah de Shovou´ôth. Le fait que les disciples de Rébbi ´aqivoh` moururent durant la même période confirma leur jugement. On commença alors à s'imposer progressivement durant toute la période de la Safirath Ho´ômar certaines des pratiques de deuil que l'on connaît aujourd'hui. Et tout cela a été expliqué par de nombreux éminents rabbins, parmi lesquels le Rov Samson Raphaël Hirsch ז״ל, le ´oroukh Hashoulhon, et beaucoup d'autres, qui rejetaient catégoriquement le lien entre La''g Bo´ômar et les événements rapportés dans le Talmoudh.

1Baré`shith Rabboh 61:50
2Nadhorim 50a

3Halokhôth Pasouqath Min Hagga`ônim 97
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