ב״ה
Exposer
les fausses notions
Le
Ramba''m fut-il influencé par la philosophie grecque ?
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Le
Ramba''m ז״ל
fut
fréquemment accusé par ses détracteurs d'avoir été influencé
par les philosophes grecs, en particulier Aristote. Dans ses
désaccords avec le Ramba''m le Ramba''n ז״ל
y
fait allusions à de nombreuses reprises. C'est également ce
qu'exprima le Go`ôn de Wilno`1
ז״ל
en
formulant son opposition face à la position du Ramba''m sur les
amulettes et les démons. Cette accusation est si encrée dans
l'esprit des gens que Rabbi Nahmon de Breslev alla jusqu'à
affirmer qu'il était certain que Dieu pardonnera au Ramba''m d'avoir
rédigé le Môréh Navoukhim, qui serait imprégné de philosophie
grecque. Ce qui est incroyable, c'est qu'aujourd'hui aucun de ceux
qui avancent cet argument n'a même jamais lu par lui-même le Môréh
Navoukhim et n'a la moindre connaissance de la philosophie grecque
(ils seraient incapables de dire où est-ce que le Ramba''m s'appuya
sur la philosophie grecque dans ses ouvrages), mais ils se contentent
juste de répéter les même allégations qu'ils considèrent vraies
juste parce qu'elles furent émises par d'illustres rabbins d'antan.
Il
est important de bien comprendre que dans le cadre de sa mission de
réfutation des doctrines païennes et étrangères qui s'étaient
frayées un chemin au sein de la communauté juive de son époque, le
Ramba''m s'est énormément penché sur les écrits de bon nombre de
Gôyim. Il a autant lu les livres de cultes idolâtres que les
philosophes grecs, arabes ou autres. Personne ne l'accusa d'être
sous influence zoroastrienne ou musulmane parce qu'il avait lu les
livres des zoroastriens et le Qour`an !
Dans
le Môréh Navoukhim, le Ramba''m écrit quelque chose qui renvoie à
la figure de ses détracteurs leur accusation. Ses propos nous
donnent également un avant-goût de son honnête intellectuelle et
du courage dont il faisait preuve dans sa lutte contre toute idée
qui allait à l'encontre de la pensée rationnelle.
Dans
le cadre de son exposé sur la notion de Providence Divine2,
le Ramba''m présente cinq opinions différentes. Les deux premières
sont celles des atomistes,
une école de philosophes grecs, et celle d'Aristote. Bien qu'il soit
d'accord avec Aristote sur certaines de ses idées, il estime que
celle-ci va à l'encontre de la pensée juive. Il passe ensuite aux
opinions des asharistes,
une école de philosophes musulmans qui croyaient que tout est
prédestiné et que rien n'arrivait sans l'implication de Dieu dans
les moindres détails. Rien n'arrive par chance ni hasard. Ils furent
par conséquent contraints de renier le concept de récompense et de
punition et voyaient Dieu comme un capricieux et un être
fondamentalement injuste. (Que Dieu nous préserve d'un tel
blasphème !)
Il
passe ensuite aux mutazilistes
qui croient que l'homme a une liberté de choix et que Dieu est
juste, mais que Ses voies sont trop profondes et dépassent notre
compréhension. Lorsqu'on voit un homme juste qui souffre, on doit
l'accepter comme étant de la justice bien que l'on ne sache pas du
tout en quoi cela est-il juste. On doit supposer que Dieu le
récompensera dans le Monde-à-Venir. Parfois, quelqu'un souffre
tellement qu'il pourra obtenir une plus grande récompense dans
l'au-delà. Si cette doctrine des mutazilistes vous semble familiers,
c'est normal, puisque c'est en réalité l'approche normative
dominante du Judaïsme aujourd'hui ! Le Ramba''m explique
clairement que bien que cette doctrine soit similaire à la notion de
יִסּוּרִים
שֶׁל אַהֲבָה « Yissourim
Shal `ahavoh – afflictions par amour » défendue par
certains Sages dans le Talmoudh au traité Barokhôth,
elle n'a aucune source dans la Tôroh ! Il avance également que
certains des Ga`ônim furent influencés par cette
école dans leur pensée philosophique après avoir entendu cette
doctrine directement des mutazilistes.
Le
Ramba''m se lance alors dans une réfutation systémique et
analytique de chacune de ces positions, démontrant de façon
magistrale les failles que chacune d'elles comprend. Il présente
alors ses propres idées sur la question de la Providence Divine en
prenant soin de les introduire de la manière suivante :
Je vais maintenant
t'exposer ce que je pense moi-même sur ce principe fondamental, à
savoir sur la Providence Divine. Dans cette croyance dont je vais te
parler, je ne m'appuie pas sur des preuves démonstratives, mais
plutôt sur ce qui m'a paru être l'intention évidente du Livre de
Dieu et des écrits des Prophètes. Mais l'opinion que j'admets offre
moins d’invraisemblance que les opinions précédentes et
s'approche davantage du raisonnement de l'Intelligence.
Ses
opinions ne seront pas basées sur les philosophes grecs ou
musulmans, ni même les écrits rabbiniques, mais purement et
simplement sur la Tôroh et les écrits des Prophètes et la façon
la plus rationnelle et intelligente de les comprendre !
En
outre, dans son Môréh Navoukhim, le Ramba''m consacre deux
chapitres entiers à expliquer d'où il tirait ses idées.3
Il
y a une profondeur remarquable dans cette déclaration du Ramba''m et
elle a des implications sur de nombreux sujets de la théologie
juive. C'est comme cela que l'on doit analyser chaque point de la
pensée juive. Le Ramba''m offre un équilibre et une dialectique
constante entre la réalité et la façon de la comprendre. Ceux qui
l'accusent d'avoir été sous influence de philosophies étrangères
sont ceux qui n'ont rien compris ! Les illustres rabbins qui ont
lancé une telle accusation contre lui avaient tout simplement un
problème avec sa faculté de toujours tenter de concevoir des
explications rationnelles, ce qui amena le Ramba''m a rejeté
certaines positions philosophiques de nos Sages de mémoire bénie.
Ces illustres rabbins se disaient donc que la seule chose pouvant
expliquer cela était que le Ramba''m fut sous influence d'écoles de
pensée non juives, ce qui est complètement faux !
Le
Rov Sa´adhyoh Go`ôn ז״ל,
dans son commentaire sur le Séfar Yasiroh, fait comprendre
que les Tanno`im (Sages de l'époque de la Mishnoh) possédait déjà
une tradition de rationalisation de la religion et l’impératif de
la vivre sous une perspective rationnelle. À l'évidence, donc, le
Ramba''m n'était pas un innovateur lorsqu'il expliquait
rationnellement le Judaïsme et puisait dans la science de son temps.
C'était au contraire une méthode de pensée qui remontait à
l'antiquité. Le fait de lire les ouvrages des Gôyim, même
idolâtres, ne diminue en rien son œuvre ni la minutie et le génie
de sa pensée. Au contraire, cela réduit au silence les critiques
lancées contre lui selon quoi il se serait laissé égarer par les
grecs. Le Ramba''m ne faisait que ce que les Israélites avaient fait
depuis de nombreuses générations tandis que ce sont ses détracteurs
qui avaient perdu le contact avec leur tradition !
1Yôréh
Dé´oh 179
2Môréh
Navoukhim, Volume 3, Chapitre 17
3Ibid.,
Chapitres 22 et 23