mardi 15 mars 2016

Les Houmrôth ont-elles une valeur contraignante éternelle ?

ב״ה

Exposer les fausses notions

Les Houmrôth ont-elles une valeur contraignante éternelle ?


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Certaines personnes, lorsqu'elles sont confrontées à la nature inappropriée des Minhoghim (coutumes) et Houmrôth (mesures de rigueur) qu'elles suivent, plutôt que réfléchir aux arguments qu'on leur avance, et répondre avec des arguments solides, se défendent en déclarant simplement que מִנְהַג יִשְׂרָאֵל תּוֹרָה הִיא « Minhagh Yisro`él Tôroh Hi` - la coutume d'Israël est la Tôroh », מִנְהַג אֲבוֹתֵינוּ תּוֹרָה הִיא « Minhagh `avôthénou Tôroh Hi` - la coutume de nos ancêtres est la Tôroh », ou toute autre variante, pour indiquer que toute coutume ou pratique que l'on a acceptée sur soi, ou dont on aurait héritée, ne pourrait être abolie et devrait être suivie, respectée, et transmise éternellement. Mais nous avions déjà expliqué dans l'article intitulé « Minhagh Yisro`él Tôroh Hi` » que ces adages susmentionnés ne concernaient que les Minhoghim développés, enseignés ou approuvés par HaZa''l, nos Sages de mémoire bénie. Tous les autres Minhoghim post-talmudiques peuvent être abandonnés à tout moment, ainsi que les Houmrôth personnelles que chacun se serait imposé. Nous pourrons clairement le comprendre en comparant les Houmrôth et Minhoghim aux vœux.

Dans Bamidhbor Chapitre 30, la Tôroh rapporte quelques lois de base relatives aux נְדָרִים « Nadhorim » (vœux volontaires), et commence par l'ordre de se tenir à tout vœu que l'on aurait fait en prenant soin de l'accomplir. Le Talmoudh1 cite une très célèbre maxime de Rébbi Nothon ז״ל qui décourageait vigoureusement la pratique consistant à faire des Nadhorim : הנודר כאילו בנה במה, והמקיימו כאילו מקריב עליו קרבן « Celui qui fait un vœu, c'est comme s'il avait construit une Bammoh ; et celui qui l'accomplit, c'est comme s'il avait offert dessus un sacrifice ». Une fois que le Béth Hammiqdosh avait été construit, il était interdit de construire ou faire usage d'une Bammoh, c'est-à-dire un autel privé.

Le Ramba''m ז״ל cite le commentaire de Rébbi Nothon dans la Halokhoh de conclusion des Hilkôth Nadhorim, dans son Mishnéh Tôroh, mais il ajoute un point important, faisant la différence entre deux sortes de vœux : les נִדְרֵי אִסּוּר « Nidhré `issour » (des interdictions que l'on s'impose soi-même, alors que la Tôroh n'a pas interdit ces choses, comme par exemple s'interdire de boire du vin ou consommer certains aliments pendant une période de temps spécifique) et les נִדְרֵי הֶקְדֵּשׁ « Nidhré Haqdésh » (des promesses faites d'apporter une offrande sacrificielle au Béth Hammiqdosh ou de faire un don matériel au Béth Hammiqdosh). D'après le Ramba''m, Rébbi Nothon ne décourageait d'accomplir des vœux que dans des situations de Nidhré `issour, c'est-à-dire lorsque quelqu'un s'interdit lui-même ce que la Tôroh a pourtant permis. Ceux qui agissent ainsi transgressent en cela l'interdiction biblique de בַּל תּוֹסִיף « Bal Tôsif » (ajouter quoique ce soit à ce qui a été prescrit par la Tôroh). C'est exactement ce que font les gens en s'imposant des Houmrôth qu'ils traitent alors de la même manière que des Miswôth de la Tôroh. Rébbi Nothon connecte les Nadhorim à la pratique interdite des Bommôth, en ce que faire des vœux en s’interdisant des choses permises par la Tôroh constitue une tentative de servir Dieu et atteindre une certaine spiritualité à travers des moyens différents que ceux prescrits par la Tôroh. C'est donc un blasphème aussi grave que d'apporter des sacrifices sur un autel privé lorsque le Béth Hammiqdosh existe, car c'est comme dire à HaShem ית׳ « Bien que Tu ais demandé de n'apporter des sacrifices que dans le Béth Hammiqdosh, moi j'estime approprié de T'en apporter n'importe où, même si ce n'est pas dans le Béth Hammiqdosh ». En faisant cette comparaison entre le fait de faire des Nadhorim et d'apporter des sacrifices sur une Bammoh, Rébbi Nothon veut nous faire comprendre que même lorsque quelqu'un a fait un vœu, il est prié de chercher à l'annuler par le processus de la הַתָרָה « Hathoroh » (annulation des vœux), plutôt que de de s'y tenir (l'accomplir). Par contre, concernant les engagements pris à l'égard du Béth Hammiqdosh, le Ramba''m tranche qu'il est considéré une Miswoh de tenir ses engagements et d'accomplir ce que l'on a promis. Ce n'est que dans des circonstances qui nous dépassent, comme par exemple lorsqu'on a de graves problèmes financiers et d'autres choses du même genre, qu'il est fortement recommandé de chercher à annuler ses Nidhré Haqdésh.

Cette distinction entre « Nidhré `issour » et « Nidhré Haqdésh » est la décision originale du Ramba''m, et n'apparaît pas explicitement dans les sources talmudiques. Mais elle est logique, s'appuie sur le bon sens et des versets bibliques. Par exemple, le Ramba''m s'appuie sur un verset tiré des Tahillim, dans lequel nous lisons : נְדָרַי, לַיהוה אֲשַׁלֵּם « Mes vœux envers `adhônoy Je les accomplirai ».2 Dowidh Hammalakh ע״ה exprime son désir de respecter les vœux qu'il avait pris durant ses périodes de détresse, et du contexte dans lequel ce verset apparaît, il ressort très clairement qu'il parlait des offrandes sacrificielles qu'il avait promises : לְךָ-אֶזְבַּח, זֶבַח תּוֹדָה; וּבְשֵׁם יהוה אֶקְרָא. נְדָרַי, לַיהוה אֲשַׁלֵּם; נֶגְדָה-נָּא, לְכָל-עַמּוֹ. בְּחַצְרוֹת, בֵּית יהוה-- בְּתוֹכֵכִי יְרוּשָׁלִָם: הַלְלוּ-יָהּ « À Toi, j’offrirai un sacrifice de reconnaissance, et je proclamerai le nom de `adhônoy. Mes vœux envers `adhônoy Je les accomplirai, à la face de tout Son peuple, dans les parvis de la Maison de `adhônoy, dans tes enceintes, ô Jérusalem. Halalou Yoh ! ».3 Ces versets suggèrent donc fortement qu'une fois que quelqu'un a pris un engagement d'apporter des offrandes sacrificielles au Béth Hammiqdosh, il est encouragé et tenu de le faire, contrairement aux autres vœux, que l'on doit, au contraire, chercher à faire annuler.

Refuser de chercher l'annulation de ses vœux (ou de renoncer à certaines Houmrôth) reflète une insistance arrogante sur l'autorité absolue, contraignante, voire même « sainte » de ses paroles. Dans la Maghillath `astér, on nous parle de la politique du roi `ahashwérôsh selon laquelle tout édit royal qui avait été tamponné du sceau royal ne pouvait plus être annulé.4 Afin d'assurer son infaillibilité, `ahashwérôsh déclara que ses paroles étaient inaltérablement contraignantes, de façon à ne jamais devoir confesser s'être trompé ou avoir commis une erreur de jugement. L'exhortation de nos Sages consistant à rechercher l'annulation d'un vœu a pour but de justement contrer cette tendance existant chez certaines personnes qui prétendent détenir une telle autorité infaillible, comme par exemple les Rébbé`im dans le mouvement hassidique, ou encore les pseudos « Grands de la Génération » dans les milieux Harédhim. Celui qui a pris un vœu est exhorté à courber humblement sa tête et faire ce qu'il faut pour procéder à l'annulation de son vœu, car s'interdire une chose permise par Dieu, et se tenir à cette interdiction comme s'il s'agissait d'une loi de la Tôroh, est une insulte faite à Dieu et Sa Tôroh ! Et beaucoup de gens sont coupables d'un tel blasphème ! (N'oubliez pas que l'on ne parle ici que des Nidhré `issour, car lorsqu'il s'agissait de Nidhré Haqdésh, on devait plutôt faire ce qu'il fallait pour tenir ses engagements.)

Que Dieu nous préserve de tous ces gens qui transforment le Judaïsme, cette foi extraordinaire, en une religion dogmatique qui est chaque fois plus stricte que la propre volonté de Dieu, et en contradiction avec la Tôroh et les paroles de HaZa''l.

1Nadhorim 22a
2Tahillim 116:14, 18
3Ibid., versets 17-19

4`astér 8:8
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