mardi 29 septembre 2020

Les Hôsha´anôth de Soukkôth

 

בס״ד

 

L’histoire des Barokhôth & Ṭaphillôth

 

Les Hôsha´anôth de Soukkôth

 


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Durant la période précédant Rô`sh Hashshonoh et Yôm Hakkippourim j’ai reçu pas mal de messages de diverses personnes et eut des discussions sur les Ṭaphillôth obligatoires ou facultatives, celles que l’on pourrait omettre et celles que l’on devrait absolument dire durant ces deux fêtes, où les offices sont en réalité inutilement longs et peu inspirants, var la plupart ne comprend rien à ce qui est dit et répété. Cela m’a donné l’idée de commencer une série d’articles sur l’histoire cachée (et très souvent passionnante) des diverses Barokhôth et Ṭaphillôth que l’on retrouve dans les Siddourim d’aujourd’hui. J’ai eu l’occasion de commencer avec l’article intitulé L’origine de la bénédiction de « Boroukh Sha`omar ».

 

Avec la fête de Soukkôth qui approche, j’ai estimé qu’il serait une bonne idée de dire quelques mots sur les Hôsha´anôth qui sont récitées en processions autour de la Bimoh dans les synagogues à l’occasion de la fête de Soukkôth. Sur le lien suivant, vous pouvez voir le rituel des Hôsha´anôth d’après les rites ashkénazes et séfarades.  Ce qui frappe tout de suite les yeux, c’est que le rituel est composé de nombreuses courtes phrases à répéter, et au milieu desquelles ont été ajouté plusieurs Piyoutim (poèmes liturgiques) attribués au Rov Sa´adhyoh Go`ôn ז״ל (pour le rite séfarade). Les questions naturelles qui se posent sont : est-ce nécessaire que le rituel soit si long ? En fut-il toujours ainsi ? Que faisait-on à l’origine ?

 

Cela en surprendra beaucoup mais le rituel était très minimaliste à l’époque du Béth Hammiqdosh. Voici ce que nous lisons dans la Mishnoh :[1]

 

La Miṣwoh de la ´arovoh comment ? Il y avait un endroit en dessous de Yarousholayim appelé Môṣo`. Ils descendaient là-bas et rassemblaient de là-bas de hautes branches de ´arovoh, puis ils venaient et les dressaient sur les côtés de l'autel, avec leurs sommets courbés sur l'autel. Ils sonnaient une Ṭaqi´oh, une Ṭarou´oh, et encore une Ṭaqi´oh. Chaque jour, ils faisaient le tour de l'autel une fois en disant : « De grâce, ô Hashshém, sauve-nous ; de grâce, ô Hashshém, fais-nous prospérer ». Ribbi Yahoudhoh dit : « `ani Wohô, sauve-nous ». Et ce jour-là,[2] ils tournaient autour de l'autel sept fois. Au moment de leur départ, que disaient-ils ? « Ô autel, la beauté est à toi ! Ô autel, la beauté est à toi ! » Ribbi `ali´azar dit : « A Yoh et à toi, ô autel ! A Yoh et à toi, ô autel ! »

מִצְוַת עֲרָבָה כֵּיצַד, מָקוֹם הָיָה לְמַטָּה מִירוּשָׁלַיִם, וְנִקְרָא מוֹצָא. יוֹרְדִין לְשָׁם וּמְלַקְּטִין מִשָּׁם מֻרְבִּיּוֹת שֶׁל עֲרָבָה, וּבָאִין וְזוֹקְפִין אוֹתָן בְּצִדֵּי הַמִּזְבֵּחַ, וְרָאשֵׁיהֶן כְּפוּפִין עַל גַּבֵּי הַמִּזְבֵּחַ. תָּקְעוּ וְהֵרִיעוּ וְתָקָעוּ .בְּכָל יוֹם מַקִּיפִין אֶת הַמִּזְבֵּחַ פַּעַם אַחַת, וְאוֹמְרִים, אָנָּא ה' הוֹשִׁיעָה נָּא, אָנָּא ה' הַצְלִיחָה נָּא. רִבִּי יְהוּדָה אוֹמֵר, אֲנִי וָהוֹ הוֹשִׁיעָה נָּא. וְאוֹתוֹ הַיּוֹם מַקִּיפִין אֶת הַמִּזְבֵּחַ שֶׁבַע פְּעָמִים. בִּשְׁעַת פְּטִירָתָן, מָה הֵן אוֹמְרִים, יֹפִי לְךָ מִזְבֵּחַ, יֹפִי לְךָ מִזְבֵּחַ. רִבִּי אֱלִיעֶזֶר אוֹמֵר, לְיָהּ וּלְךָ מִזְבֵּחַ. לְיָהּ וּלְךָ, מִזְבֵּחַ

 

Cette Mishnoh susmentionnée énumère les mots qui étaient récités durant les Haqqophôth (processions) dans le Béth Hammiqdosh : soit les mots אָנָּא ה' הוֹשִׁיעָה נָּא, אָנָּא ה' הַצְלִיחָה נָּא, ou אֲנִי וָהוֹ הוֹשִׁיעָה נָּא. Aussi simple que cela ; une seule phrase, et non tout un long rituel (aussi beau puisse-t-il être). Si ces simples mots constituaient une supplique suffisante à l’époque du Béth Hammiqdosh, qui sommes-nous pour composer quoique’ ce soit d’autre de plus élaboré ?

 

Toutes les autres suppliques des Hôsha´anôth se poursuivant par le mot לְמַעַנְךָ furent ajoutées par le Rov Sa´adhyoh Go`ôn (882-942). Quant aux derniers paragraphes des Hôsha´anôth, qui commencent par כְּהוֹשַׁעְתָּ, ils furent composés par le grand `al´ozor Haqqalir (570-640).

 

Remarquez également une autre différence majeure entre la manière dont les Haqqophôth se faisaient dans les temps talmudiques et aujourd’hui : la Mishnoh nous apprend qu’originellement les Haqqophôth ne se faisaient pas avec les Quatre Espèces mais uniquement avec de la ´arovoh (saule de rivière). (Un peu avant, dans la Mishnoh 3 :9, on nous apprend que les Quatre Espèces n’étaient prises et secouées que durant le Hallél, au moment où on arrivait au milieu du ahillim 118.)

 

L’organisation des Haqqophôth telle qu’on la connait de nos jours, ainsi que les Piyoutim qui les accompagne, remonte au temps des Ga`ônim, après l’ère talmudique. Après la conclusion de l’office de Mousoph, le Shaliaḥ Ṣibbour commençait en disant הוֹשַׁע נָא (« Sauve, de grâce »), que les membres de l’assemblée répétaient ; ensuite, le Shaliaḥ Ṣibbour faisait répéter ses Ṭaphillôth personnelles pour le salut dans une version plus longue. Le septième jour, ils modifiaient les courts הוֹשַׁע נָא et les faisaient répéter sept fois. Par la suite, ces cris de הוֹשַׁע נָא se développèrent en courtes litanies. Durant l’ère des Ga`ônim il était de coutume partout de réciter des Piyoutim avec הוֹשַׁע נָא comme refrain ; le Rov Sa´adhyoh Go`ôn témoigne d’ailleurs qu’à son époque le nombre de tels Piyoutim personnels était extrêmement conséquent. Ces Piyoutim, que chaque Shaliaḥ Ṣibbour développait, étaient très variés dans leur contenu : souvent, il s’agissait d’hymnes, appelés Divré Shavaḥ Ouphiyoutim ou Shavaḥ Wahôdho`oh ; il y avait aussi des requêtes, appelées Divré Baqqoshoh ou Ṭaḥanounim. Mais pour finir,  tous ces Piyoutim reçurent le même nom tiré de leur refrain commun, et on les appela donc Hôsha´anôth.

 

Dans les milieux séfarades, ce sont les Hôsha´anôth du Rov Sa´adhyoh Go`ôn qui sont en usage aujourd’hui, tandis que dans les milieux ashkénazes, romains et Rômoniyôth, ce sont les Hôsha´anôth de `al´ozor Haqqalir qui sont en vigueur. Dans les milieux séfarades, la structure des Hôsha´anôth s’est compliquée à cause du fait que la fête de Soukkôth a acquis avec le temps le caractère de Yôm Hakkippourim, avec des prières de Ṭashouvoh et de Saliḥôth qui furent attachées aux Hôsha´anôth.

 

Malgré la très grande opposition qu’il y eut au début, des Hôsha´anôth furent par la suite composées également pour le Shabboth, où des Haqqophôth n’avaient pas lieu. Le contenu de ces Hôsha´anôth tourne autour de requêtes pour une année d’abondance, avec une demande pour l’ère messianique.

 

D’après les informations que l’on retrouve dans le Halokhôth Gadhôlôth, les Hôsha´anôth finirent par être adoptées par la suite également en Terre Sainte, et en plus de Mousoph elles se faisaient aussi après l’office de Minḥoh. Aux 10ème et 11ème siècles des Haqqophôth étaient organisées à Yarousholayim, autour du Mont des Oliviers, pour lesquelles des pèlerins venaient de loin et en grand nombre.

 

C’est comme cela que nous sommes passés d’une seule phrase à prononcer lors des Haqqophôth à un long rituel de nombreuses phrases à répéter à notre époque.



[1] Soukkoh 4 :5

[2] Hôsha´ano` Rabboh

mercredi 23 septembre 2020

L’origine de la bénédiction de « Boroukh Sha`omar »

 

בס״ד

 

L’origine de la bénédiction de « Boroukh Sha`omar »

 


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J’ai reçu la question suivante :

 

Dans les Siddourim actuels (à part dans le vôtre) il y a les bénédictions de « Baroukh Sheamar » et de « Yishtabakh » (qui se disent entre les Tehillim) que les séfarades et ashkénazes récitent tous les jours. Apparemment, il est très important de les dires d’après bon nombre de Poskim et révèlent de grands secrets .Pourtant, est-ce  vraiment une obligation de les dire ? Sont-ce des prières issues du Talmud créées par nos Sages ou  une source dans le Zohar ou autres ?

 

Si c est un rajout tardif dans les Siddourim, pourquoi avoir ajouté ces deux prières et quelles sont les sources ?

 

Merci Rav pour vos réponses si précieuses !! 

 

L’origine de la bénédiction de בָּרוּךְ שֶׁאָמַר « Boroukh Sha`omar » est enveloppée dans un drap de mystère. Aucun des deux Ṭalmoudhim (Yaroushlami et Bavli) ne mentionne la moindre bénédiction à réciter avant ou après les Pasouqé Dhazimro`, pour la bonne et simple raison que d’après le Ṭalmoudh les Pasouqé Dhazimro` sont optionnelles. N’étant donc pas obligatoires, et ne constituant donc l’accomplissement d’aucune Miṣwoh, une bénédiction avant et après n’étaient pas nécessaires. D’ailleurs, la nature optionnelle des Pasouqé Dhazimro` est mentionnée par le Rambo’’m ז״ל lui-même dans son Mishnéh Ṭôroh :[1]

 

Et les premiers Ḥakhomim ont fait l’éloge de quelqu’un qui lit des Zamirôth tirées du Livre des Ṭillim chaque jour, à savoir, depuis « ahilloh Ladhowidh » jusqu’à la fin du livre.

וְשִׁבְּחוּ חֲכָמִים הָרִאשׁוֹנִים, לְמִי שֶׁקּוֹרֶא זְמִירוֹת מִסֵּפֶר תִּלִּים בְּכָל יוֹם, וְהֶן מִ"תְּהִלָּה, לְדָוִד" (תהילים קמה,א), עַד סוֹף הַסֵּפֶר

 

C’est cette absence de source talmudique qui fait que la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » ne se trouve pas dans notre Siddour. Néanmoins, elle apparaît dans le plus ancien Siddour, à savoir, celui du Rov ´amrom Go`ôn ז״ל, qui écrit :

 

Et lorsque les Israélites entrent dans les Boṭṭé Kanosiyôth pour prier, le chantre de l’assemblée ouvre par « Boroukh Sha`omar Wahoyoh Ho´ôlom. Boroukh Hou`, etc. »

וכשנכנסין ישראל בבתי כנסיות להתפלל עומד חזן הכנסת ופותח: ברוך שאמר והיה העולם ברוך הוא וכו׳

 

N’étant mentionné nulle part dans les deux Ṭalmoudhim pour la raison mentionnée plus haut (nature non obligatoire des Pasouqé Dhazimro`), il semble plus que probable que les Ga`ônim, après avoir standardisé le rituel de la prière quotidienne, donnant un statut de quasi obligation aux Pasouqé Dhazimro`, aient par la suite composé la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » pour ajouter à l’importance de la récitation quotidienne des Pasouqé Dhazimro`. C’est ce qui ressort également du Mishnéh Ṭôroh du Rambo’’m, puisqu’après avoir mentionné la nature optionnelle des Pasouqé Dhazimro`, le Rambo’’m écrit :[2]

 

Et les Ḥakhomim instituèrent une bénédiction avant les Zamirôth, qui est « Boroukh Sha`omar », et une bénédiction après eux, qui est « Yishṭabbaḥ ».

וְתִקְּנוּ חֲכָמִים בְּרָכָה לִפְנֵי הַזְּמִירוֹת, וְהִיא בָּרוּךְ שֶׁאָמַר, וּבְרָכָה לְאַחֲרֵיהֶן, וְהִיא יִשְׁתַּבַּח

 

Beaucoup ont cru que le Rambo’’m, par l’expression « akhomim », se référait aux Sages du Ṭalmoudh. Or, il n’en est pas ainsi. Il arrive fréquemment que le Rambo’’m se réfère aux Ga`ônim par le terme « akhomim », selon le contexte. Et il s’avère qu’ici il fait la distinction entre les Sages du Ṭalmoudh et les Ga`ônim en employant deux expressions différentes dans la même Halokhoh : « akhomim Hori`shônim » (les premiers Sages) pour se référer aux Sages talmudiques, et simplement « akhomim » (les Sages) pour se référer aux Ga`ônim. Ces derniers sont donc les auteurs des deux Barokhôth qui entourent les Pasouqé Dhazimro`.

 

Mais la confusion s’est répandue au sein du peuple d’Israël quant à l’origine de ces bénédictions en raison d’un commentaire du Mishnoh Barouroh qui fait remonter l’origine de ces Barokhôth à beaucoup plus loin dans le temps :[3]

 

Boroukh Sha`omar – Cette louange fut instituée par les Hommes de la Grande Assemblée au moyen d’une note qui est tombée des cieux, et qu’ils trouvèrent avec une écriture à l’intérieur. Et elle contenait 87 mots, dont le Simon était : « Rô`shô Katham Poz ». Cela signifie que le début de la Ṭaphilloh est une bénédiction de 87 mots. Par conséquent, il n’y a pas lieu de retirer ou d’ajouter aux 87 mots.

ברוך שאמר - שבח זה תקנוהו אנשי כנה"ג ע"י פתקא דנפל מן שמיא ומצאוהו כתוב בו ויש בו פ"ז תיבות וסימנו ראשו כתם פז ר"ל ראש התפלה הוא ברכה של פ"ז תיבות ע"כ אין לגרוע ולא להוסיף על פ"ז תיבות.

 

Cette déclaration du Mishnoh Barouroh suscite deux questions : Premièrement, sur quelle base le Mishnoh Barouroh avance-t-il que la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » tire son origine d’une prière qui fut écrite sur une note qui tomba des cieux à l’époque des Hommes de la Grande Assemblée ? Et deuxièmement, quelle est la source du Mishnoh Barouroh quant au fait qu’il y aurait une grande importance à accorder au nombre de mots présents dans la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » ?

 

La source la plus ancienne renvoyant au nombre de mots que devrait compter la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » est le « Péroushé Siddour Haṭṭaphilloh » par le Rôqéaḥ (1160-1230), qui écrit :

 

Dans « Boroukh Sha`omar » il y a 87 mots, car ils furent institués pour correspondre à « Rô`shô Katham Poz ». Et il n’y a pas lieu d’y ajouter. Et ils furent institués pour correspondre à « Ho`addarath Waho`amounoh ». Car il a été trouvé ainsi dans le Séphar Riqmoh qu’il fut écrit par les Mal`okhim, car « Ho`addarath Waho`amounoh » est un chant provenant d’eux.

בברוך שאמר יש פ"ז תבות, כי נתקן כנגד ראשו כתם פז, ואין להוסיף עליו, ונתקן כנגד האדרת והאמונה, שכך נמצא בספר רקמה שנכתב בכתיבת מלאכים, שהאדרת והאמונה שיר שלהם

 

Le Rôqéaḥ écrit donc que l’importance du nombre 87 est qu’il se rapporte au Posouq suivant :[4]

 

Sa tête est comme l’or le plus pur, ses boucles qui pendent sont noires comme le corbeau.

רֹאשׁוֹ, כֶּתֶם פָּז; קְוֻצּוֹתָיו, תַּלְתַּלִּים, שְׁחֹרוֹת, כָּעוֹרֵב

 

L’éditeur du Rôqéaḥ, qui est le Rov Möshah Hershler, écrit ceci dans une note de pas de page :

 

Dans le Siddour Tahingen, dans la section qui concerne les prières de Yôim Hakkippourim : la prière de « Ho`addarath Waho`amounoh » contient 87 mots exactement comme « Boroukh Sha`omar ». En récitant « Boroukh Sha`omar » on doit faire preuve d’une grande Kawwonoh, étant donné que c’est un chant du monde céleste. Mais je n’ai pas trouvé que la prière de « Ho`addarath Waho`amounoh » contient 87 mots.

 

Rov Möshah Hershler nous informe donc de la source sur laquelle s’est appuyé le Rôqéaḥ mais indique toutefois que la version actuelle du « Ho`addarath Waho`amounoh » que nous avons actuellement compte 88 mots, ce qui ne correspond donc pas aux 87 mots qu’est censée compter la bénédiction de « Boroukh Sha`omar ».

 

Bien que le Rôqéaḥ ne fasse aucunement mention d’une note qui serait tombée du ciel, il relie la récitation de « Boroukh Sha`omar » à la récitation de « Ho`addarath Waho`amounoh », une prière qu’il affirme avoir été écrite par les Mal`okhim. Le Liqqouté Mahari’’kh (décédé en 1922) relie directement les deux prières :

 

Notre Minhogh est de réciter « Ho`addarath Waho`amounoh » à Shabboth et Yôm Tôv après le Grand Hallél et avant la bénédiction de « Boroukh Sha`omar ». La raison est donnée dans le Siddour du Rov Shabbothay Sôphér et dans le Séphar `ôr Ṣaddiqim : Parce qu’il est écrit qu’au moment où les Juifs récitent « Boroukh Sha`omar », les Mal`okhim dans les cieux récitent « Ho`addarath Waho`amounoh ».

 

L’un des premiers Siddourim à parler d’une note qui serait tombée du ciel est le Siddour du Rov Ya´aqôv d’Emden (le Ya`avé’ṣ, 1697-1776), où il est écrit :

 

La prière du « Boroukh Sha`omar » est un chant d’une grande louange. Il est bien connu parmi ceux qui ont compilé les Siddourim qu’une note tomba du ciel sur laquelle le chant était écrit en 87 mots sous la forme que l’on trouve dans le Nôsaḥ `ashkanaz. C’était l’opinion du `ar’’i. Nous prenons soin de ne pas changer les mots du « Boroukh Sha`omar » par rapport à la version que nous avons.

 

Bien que la version du « Boroukh Sha`omar » qui fait partie des Siddourim qui suivent le Nôsaḥ `ashkanaz contiennent bien 87 mots, il existe des versions du « Boroukh Sha`omar » qui contiennent bien plus que 87 mots, parmi lesquelles la version que l’on retrouve dans le Siddour du Rov ´amrom Go`ôn (ce qui est( significatif, puisque c’est le Siddour le plus ancien), celle du Rambo’’m ou encore les Siddourim qui suivent le Minhagh Sfard.

 

Vous avez donc trois théories pour expliquer l’origine de « Boroukh Sha`omar » :

a)    Elle fut composée par les Ga`ônim

b)    Elle provient des Hommes de la Grande Assemblée sur base d’une note qui serait tombée du ciel

c)     Elle fut composée par une source anonyme pour correspondre à « Ho`addarath Waho`amounoh », qui aurait été écrite par les Mal`okhim.

 

Je vous laisse libre de conclure par vous-même quelle version est crédible. Pour notre part, en tant que rationalistes, nous ne croyons pas un instant aux thèses b) et c).

 

Vous avez mentionné le Zôhar dans votre question. Il y a effectivement un lien. En effet, certains se sont posés la question de savoir comment se fait-il que nous récitons la bénédiction de « Boroukh Sha`omar », bien qu’elle ne soit jamais mentionnée dans le Ṭalmoudh ? La réponse avancée par le Birkhé Yôséph (1724-1806) est :

 

Il n’y a pas lieu d’en être surpris. Il est évident que « Boroukh Sha`omar » fut composé bien avant l’époque du Ṭalmoudh, puisqu’il est mentionné dans le Zôhar… En outre, le Ṭalmoudh Yaroushlami mentionne la règle concernant celui qui parle entre « Yishṭabbaḥ » et « Yôṣér `ôr »… Par conséquent, nous pouvons conclure que la bénédiction de « Yishṭabbaḥ » était d’usage à l’époque du Ṭalmoudh Yaroushlami, qui précède le Ṭalmoudh Bavli. Puisque « Boroukh Sha`omar » et « Yishṭabbaḥ » forment une paire, ils doivent avoir été composés en même temps, l’un devant être récité avant les Pasouqé Dhazimro` et l’autre après.

 

Aucun des arguments du Birkhé Yôséph n’est concluant ou pertinent. En effet, concernant le Zôhar, ainsi que cela a été démontré à maintes reprises à travers le blog, ce n’est pas opinion unanime des Rabbonim que le Zôhar serait un texte de Ribbi Shim´ôn ban Yôḥo`y, mais fut écrit au 13ème siècle. Deuxièmement, il n’existe aucune version du Ṭalmoudh Yaroushlami qui fasse mention de la bénédiction de « Yishṭabbaḥ ». C’est le Haggohôth Maymôniyôth[5] et le Manhigh qui furent les premiers à affirmer avoir vu dans le Ṭalmoudh Yaroushlami une mention de la bénédiction de « Yishṭabbaḥ ». Mais un tel passage n’a jamais été trouvé dans aucun des différents manuscrits du Ṭalmoudh Yaroushlami. Par conséquent, rien ne démontre l’antiquité de ces deux bénédictions qui, fort probablement ne sont pas plus anciennes que l’époque des Ga`ônim.



[1] Hilkôth Ṭaphilloh Ouvirkhath Kôhanim 7 :12

[2] Ibid.

[3] Mishnoh Barouroh, Simon 51, Sa´iph Qoton 1

[4] Shir Hashshirim 5 :11

[5] Hilkôth Ṭaphilloh, Chapitre 7

lundi 21 septembre 2020

Les Saliḥôth comme autrefois

 

בס״ד

 

Les Saliḥôth comme autrefois

 



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À partir de l'époque des Ga`ônim (589-1038), les Juifs ont développé le Minhogh de se lever à `ashmôrath Habbôqar (les dernières heures de la nuit) pendant les ´asarath Yamé Haṭṭashouvoh (les Dix Jours de Repentance) pour réciter des Saliḥôth (prières et poèmes de demandes de pardon). Contrairement à la croyance de beaucoup de gens qui pensent que l'objectif des Saliḥôth est de prier pour sa vie individuelle, l'intention principale est en réalité de prier pour le Kalol Yisro`él, de s'éveiller à la Ṭashouvoh (repentir), de supplier Hashshém ית׳ de nous pardonner pour nos péchés et d’avoir pitié de Son peuple dans son exil et ses tribulations.

 

Nous demandons qu'Il ne regarde pas nos transgressions et nos péchés, mais Se souvienne de l'alliance qu'Il a faite avec nos ancêtres et avec nous ; qu’Il Se souvienne de la ´aqédhath Yiṣḥoq et de la Masirouth Naphash (don de soi) de tous les Ṣaddiqim qui ont donné leurs vies ´al Qiddoush Hashshém (pour sanctifier Son nom) ; nous prions pour le rassemblement des exilés, la construction de `araṣ Yisro`él et de Yarousholayim, la construction du Béth Hammiqdosh et le retour de la Shakhinoh (Présence Divine) à Ṣiyôn.

 

C’est toujours la meilleure approche pour un individu : se joindre aux prières du Ṣibbour (grand public), et redoubler ses prières envers le Kalol Yisro`él, la demeure de la Shakhinoh, et Qiddoush Hashshém dans le monde. C’est précisément de cette manière que les prières personnelles seront également acceptées.

 

Au temps des Ga`ônim, le Minhogh était de réciter les Saliḥôth pendant les dix jours de Ṭashouvoh ; c'était le MInhogh (coutume) des deux grandes Yashivôth à Babylone, et c'était aussi le MInhogh répandu pendant la période des Rabbonim appelés Ri`shônim (1000-1500). Le Rambo’’m ז״ל le rapporte d’ailleurs dans son Mishnéh Ṭôroh :[1]

 

Tous [les membres de] la Maison d'Israël se sont accoutumés à abonder dans la Ṣadhoqoh et dans les bonnes œuvres, et à s'occuper dans les Miṣwôth, depuis Rô`sh Hashshonoh jusqu'à Yôm Hakkippourim, plus que tous les [autres] jours de l'année. Et eux tous se sont accoutumés à se lever la nuit durant ces dix jours-là, et à prier dans les Botté Kanosiyôth avec des paroles de supplications et des paroles poignantes, jusqu'à ce que le jour luise.

נָהֲגוּ כָּל בֵּית יִשְׂרָאֵל לְהַרְבּוֹת בִּצְדָקָה וּבְמַעֲשִׂים טוֹבִים וְלַעְסֹק בַּמִּצְווֹת, מֵרֹאשׁ הַשָּׁנָה עַד יוֹם הַכִּפּוּרִים, יָתֵר מִכָּל יְמוֹת הַשָּׁנָה.  וְנָהֲגוּ כֻּלָּם לָקוּם בַּלַּיְלָה בַּעֲשֶׂרֶת יָמִים אֵלּוּ, וּלְהִתְפַּלַּל בְּבָתֵּי כְּנָסִיּוֹת בְּדִבְרֵי תַּחֲנוּנִים וְדִבְרֵי כִּבּוּשִׁין עַד שֶׁיֵּאוֹר הַיּוֹם

 

C’était la pratique majoritaire, que gardent encore les Dôr Da´im. Dans quelques rares endroits, le Minhogh était de réciter les Saliḥôth tout le mois de `aloul.

 

Vers la fin de la période des Ri`shônim, les communautés séfarades ont accepté le Minhogh de réciter les Saliḥôth tout le mois de `aloul et les dix jours de Ṭashouvoh, comme rapporté dans le Shoulḥon ´oroukh :[2]

 

 

 

Ils sont accoutumés à se lever à `ashmôrath pour dire des Saliḥôth et des Ṭaḥanounim, à partir de Rô`sh Ḥôdhash `aloul, en poursuivant jusqu’à Yôm Hakkippourim.

נוֹהֲגִים לָקוּם בְּאַשְׁמֹרֶת לוֹמַר סְלִיחוֹת וְתַחֲנוּנִים מֵרֹאשׁ חֹדֶשׁ אֱלוּל וֲֵילָךְ עַד יוֹם הַכִּפּוּרִים

 

La raison principale de ce Minhogh est que tous ces jours sont dignes de Ṭashouvoh, puisque nous voyons qu’à Rô`sh Ḥôdhash `aloul Möshah Rabbénou ע״ה est monté sur le mont Sinaï pour demander pardon pour le peuple d'Israël à cause du péché du veau d'or, et y est resté jusqu’à Yôm Hakkippourim, lorsque Hashshém lui a répondu :[3] סָלַחְתִּי כִּדְבָרֶךָ « J’ai pardonné conformément à ta parole ».

 

Dans le monde ashkénaze, le Minhogh accepté est de commencer à réciter les Saliḥôth le jour de Môṣo`é Shabboth qui précède Rô`sh Hashshonoh, à condition qu'il y ait quatre jours pour les réciter avant Rô`sh Hashshonoh, comme rapporté par le Ramo’’` ז״ל dans ses gloses sur le passage du Shoulḥon ´oroukh susmentionné. La raison originelle de ce Minhogh est qu’à la base les jours de Saliḥôth il était de coutume de jeûner. Or, puisque durant les dix jours de Ṭashouvoh il y avait au moins quatre jours où il n’était pas approprié de jeûner, à savoir, les deux jours de Rô`sh Hashshonoh, le Shabboth Shouvoh, et la veille de Yôm Hakkippourim (puisqu’il convient de bien manger pour se préparer au jeûne), ces quatre jours étaient compensés avant Rô`sh Hashshonoh.

 

Comme on le comprend des Ga`ônimn, du Rambo’’m et du Shoulḥon ´oroukh, le meilleur moment pour réciter les Saliḥôth est aux premières heures du matin, c'est-à-dire vers la fin de la nuit, car c'est un moment de compassion et de grâce, un temps d'anticipation juste avant l'apparition du jour et la révélation de l’œuvre de Hashshém dans le monde. À ce moment précis, tout le monde dort, le monde est calme et non pollué par les pensées et les mauvaises actions, et la Ṭaphilloh irradie des profondeurs du cœur, pénètre toutes les barrières et est acceptée.

Au cours des dernières générations, les gens se sont habitués à s'endormir tard le soir et l'heure normale de se réveiller se situe entre 6 h et 7 h du matin, environ deux heures après `ashmôrath Habbôqar. Si les gens se levaient à `ashmôrath, ils seraient fatigués toute la journée, et leur travail et leurs études seraient probablement affectés. Par conséquent, aujourd'hui, beaucoup de gens ont tendance à se lever pour les Saliḥôth environ une heure, ou une demi-heure, avant l'heure à laquelle ils prient habituellement Shaḥrith. Et bien que l'aube se soit déjà levée, Badhi´avadh (post factum) le temps est toujours propice pour réciter les Saliḥôth.

 

Il convient de signaler que ni les Ga`ônim ni les Ri`shônim n’ont fixé la récitation des Saliḥôth comme obligatoire ; ce n’est qu’un Minhogh. Par conséquent, quelqu'un qui a du mal à se réveiller pour les Saliḥôth n'est pas obligé de le faire. De même, quelqu'un qui ne peut pas s'endormir tôt, et le fait de se réveiller pour les Saliḥôth entraînera de la fatigue et une incapacité à remplir ses devoirs au travail - il est préférable pour lui de ne pas se réveiller pour les Saliḥôth même pendant les dix jours de Ṭashouvoh. Et s'il le veut, pendant la journée, il peut réciter les sections des Saliḥôth qu'un individu est autorisé à dire.

 

Puisque ni les Ga`ônim ni les Ri`shônim n'ont explicitement établi la récitation des Saliḥôth, en conséquence, les Saliḥôth manquent d'un Nôsoḥ (formulation) standard, et chaque communauté a ajouté ses propres supplications et poèmes. Néanmoins, il existe un cadre général utilisé dans toutes les communautés, comme cela apparaît dans le Siddour du Rov ´amrom Go`ôn ז״ל, avec la récitation Treize Attributs de la Miséricorde étant le point focal de la Ṭaphilloh des Saliḥôth.

 

De ce fait, bien que la récitation des Piyoutim (poèmes liturgiques) puisse être inspirante, ils n’ont pas de statut d’obligation. De ce fait, lorsque les fidèles manquent de temps, de concentration, etc., ils peuvent en sauter certains (voire tous) et dire les Saliḥôth principales, en s'efforçant de réciter ces Saliḥôth qui suscitent en eux une plus grande Ṭashouvoh. Comme cela est dit dans le tout premier chapitre du Shoulḥon ´oroukh :[4] טוֹב מְעַט תַּחֲנוּנִים בְּכַוָּנָה מֵהַרְבּוֹת בְּלֹא כַּוָּנָה « Mieux vaut peut de supplications avec Kawwonoh que d’abonder sans Kawwonoh ».

 

De même, lorsque les enseignants voient que les élèves ont du mal à se concentrer sur toutes les Saliḥôth, ils peuvent réorganiser l'ordre afin que les élèves puissent avoir une meilleure Kawwonoh (concentration).



[1] Hilkôth Ṭashouvoh 3 :9

[2] `ôraḥ Ḥayyim 581 :1

[3] Bamidhbor 14 :20

[4] `ôraḥ Ḥayyim 1 :4

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