vendredi 15 avril 2016

Pourquoi ce Shabboth est-il appelé « Shabboth Haggodhôl » ?

ב״ה

Exposer les fausses notions

Pourquoi ce Shabboth est-il appelé « Shabboth Haggodhôl » ?


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Pour la plupart des Juifs d'aujourd'hui, le dernier Shabboth qui précède la fête de Pasah est connu sous le nom de ַבָּת הַגָּדוֹל « Shabboth Haggodhôl – le Grand Shabboth ». D'où cela provient-il ?

Cela en surprendra beaucoup, mais la toute première fois que cette expression fur employée pour désigner le Shabboth précédent Pasah est à trouver dans les écrits de Rash''i ז״ל.

Par exemple, dans son ouvrage סֵפֶר הַפַּרְדֵּס « Séfar Happardés » (que vous pouvez intégralement télécharger ici en Hébreu), il commence de la manière suivante son explication sur l’appellation de ce Shabboth :

Les gens sont accoutumés à appeler le Shabboth qui précède Pasah « Shabboth Haggodhôl », mais ils ne savent pas ce qui rend ce Shabboth plus important que n'importe quel autre.

Dans les écrits des Ri`shônim (auxquels Rash''i appartient), l'expression « Les gens sont accoutumés » se réfère toujours à des pratiques post-talmudiques ayant été adoptées par diverses communautés. Et puisque celle à laquelle Rash''i fait ici mention ne remonte pas à nos Sages et n'a pas de sources traditionnelles sur laquelle s'appuyer, les gens de son époque ne connaissaient pas vraiment la raison pour laquelle on appelait « Shabboth Haggodhôl » le Shabboth précédent Pasah.

Rash''i poursuit en apportant une explication :

Les Israélites sortirent d’Égypte un jeudi, comme cela est rapporté dans le Sédhar ´ôlom. Ils préparèrent l'agneau pour le sacrifice pascal le Shabboth précédent, le 10 Nison. Lorsqu'ils reçurent l'instruction d'agir de la sorte, ils s'exclamèrent : « Si nous sacrifions un animal que les Égyptiens tiennent pour sacré, devant leurs propres yeux, ils nous lapideront certainement ! ». Mais Dieu leur dit : « À présent, voyez les choses extraordinaires que J'accomplirai en votre faveur ! ». Sur ce, les Israélites prirent chacun un agneau et le gardèrent durant quatre jours. Lorsque les Égyptiens virent cela, ils voulurent se lever [contre eux] et se venger, mais furent frappés de toutes sortes d'horribles afflictions et ne purent faire le moindre mal aux Israélites. En raison de [ce] miracle que Dieu eut accompli ce jour-là, le Shabboth précédent Pasah, on le connu sous le nom de « Shabboth Haggodhôl ».

C'est l'explication populaire que bon nombre d' « Orthodoxes » nous ressassent encore aujourd'hui, mais il apparaît très clairement de son introduction que Rash''i ne donne ici qu'une réponse personnelle à une question que beaucoup se posaient depuis un certain temps. Et en fait, il existe de très nombreuses autres explications ayant été données pour expliquer l'origine de cette appellation.

D'autres disent que la raison se trouve dans la Haftoroh lue ce Shabboth-là1, qui décrit l'ère messianique et se termine par le verset suivant2 :

Voici, Je vous envoie `éliyoh le Prophète avant que ne vienne le jour grand (Haggodhôl) et redoutable de `adhônoy.
הִנֵּה אָנֹכִי שֹׁלֵחַ לָכֶם, אֵת אֵלִיָּה הַנָּבִיא--לִפְנֵי, בּוֹא יוֹם יְהוָה, הַגָּדוֹל, וְהַנּוֹרָא

Tout comme d'autres Shabbothôth particuliers de l'année reçurent leurs noms des Haftorôth qui y sont lues (Shabboth Hazôn, Shabboth Nahamou, Shabboth Shouvoh), d'après cette approche il en est de même pour Shabboth Haggodhôl ; nous l'appelons ainsi tout simplement parce que « Haggodhôl » est un mot apparaissant dans la Haftoroh lue ce Shabboth-là.

D'autres rejettent cette explication sur base de deux arguments pertinents. Premièrement, le nom des Shabbothôth particuliers de l'année sont tirés des premiers mots contenus dans les Haftorôth lues ces Shabbothôth-là. Or, dans le cas de Shabboth Haggodhôl, le mot « Haggodhôl » n'apparaît qu'à la toute fin de la Haftoroh qui y est lue ! Deuxièmement, le Tour ז״ל et le Lavoush ז״ל affirment que cette Haftoroh ne fut choisie qu'après que ce Shabboth commença à se faire appeler « Haggodhôl ». (En réalité, les Haftorôth lues de nos jours n'ont jamais été choisies à l'époque talmudique, et c'est aussi pour cela qu'elle diffèrent de communauté en communauté. Nos Sages ont juste demander de lire des passages tirés des Prophètes chaque Shabboth après la lecture de la Paroshoh, mais n'ont jamais spécifié lesquels.) Par conséquent, nous ne pouvons prétendre qu'il est de « tradition » de lire cette Haftoroh ce Shabboth-là et que c'est en raison de cela que ce Shabboth reçut ce nom de « Shabboth Haggodhôl ».

Une autre explication rapportée dans le Shibbôlé Hallaqat se rapporte à la coutume qu'a le rabbin de chaque communauté de faire un long sermon, peut-être le plus long de l'année, ce Shabboth-là, dans lequel il explique en longueur les lois relatives à la fête. Ce Shabboth est donc comparable à Yôm Hakkippourim, qui est décrit comme étant un צוֹמָא רַבָּה « Sômo` Rabboh – Grand Jeûne »3 en raison de la longueur des prières qui y sont faites (et non en raison de la longueur du jeûne, puisqu'elle est la même que pour Tish´oh Ba`ov). D'autres s'opposent à cette approche en disant qu'elle ne se focalise que sur le sermon, mais que c'est en réalité le jour lui-même qui est appelé « Grand » en raison de l'importance du sermon qui y est fait, et non parce que le sermon serait long. D'autres encore rejettent cette approche en disant que la pratique consistant à faire de longs discours ce Shabboth-là n'est née qu'après que l'on donna à ce Shabboth le nom de « Shabboth Haggodhôl » ; par conséquent, il ne peut s'agir de la raison pour cette appellation. D'après eux, ce Shabboth est appelé ainsi parce qu'à l'origine de nombreuses prières supplémentaires qui étaient faites.

Voici quatre autres explications moins connues ayant été avancées :

  • Tout comme un enfant devient « Godhôl » (adulte) lorsqu'il accepte sur lui les Miswôth, de même en fut-il des Israélites lorsqu'ils acceptèrent leur toute première Miswoh (qui fut la célébration de Pasah).

  • Dans la Tôroh, l'offrande du ´ômar est apporté מִמָּחֳרַת הַשַּׁבָּת « à partir du lendemain du Shabboth ». D'après la tradition rabbinique (et par opposition aux Sadducéens et aux Karaïtes), le terme « Shabboth » ici se référait au premier jour de Pasah. Ainsi, « Shabboth Haggodhôl » se réfère au septième jour de la semaine, comparé au type de Shabboth inférieur (au niveau des interdictions) que représente le premier jour de la fête.

  • D'après un Midhrosh, durant leur esclavage en Égypte les Israélites ne travaillaient pas à Shabboth. Cependant, immédiatement à la sortie du Shabboth ils se remettaient au travail. Ce Shabboth particulier ayant précédé Pasah, les Israélites n'étaient plus esclaves et ne craignirent donc plus de devoir retourner à leurs durs labeurs. Sur base de ce Midhrosh, certaines personnes décidèrent d'appeler « Haggodhôl » ce Shabboth.

  • Certaines sources, principalement originaires de l'Italie médiévale, semble indiquer que peut-être que le dernier Shabboth précédent toute fête était appelé « Haggodhôl », mais qu'avec le temps on ne garda plus cette appellation que pour celui qui précédait Pasah.

Comme d'habitude, chaque fois que d'innombrables explications existent pour une pratique spécifique, la probabilité que l'une d'entre elles soit correcte diminue, ainsi que l'authenticité-même de cette pratique !

Comme cela a été dit, nous ne trouvons cette appellation de « Shabboth Haggodhôl » dans aucun passage talmudique ou midrashique. Le tout premier à en avoir fait mention fut Rash''i !

1Mais d'après le Lavoush, cette Haftoroh n'est lue que si ce Shabboth tombe littéralement la veille de Pasah
2Mal`okhi 3:23

3Mishnoh, Pé`oh 7:4
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