ב״ה
Prier
sur les tombes des Saddiqim
Première
Partie
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- Le problème
Lors
des derniers siècles passés, un nouveau Minhogh s'est
progressivement développé : les gens visitent les tombes des
Saddiqim et y prient. Certains le font sur une base régulière
même pour les défunts de leurs familles, afin de les honorer. Cela
se fait généralement le septième et/ou le trentième jour qui suit
le décès d'un être cher, ou lors de l'anniversaire annuel du décès
(Yohrtzeit).
Dans
cette série de cinq articles, nous tenterons de clarifier ce qu'il
conviendrait de faire pour se tenir au mieux aux directives et
enseignements de HaZa''l
sur ce sujet sensible.
Dans
cette première partie, nous parlerons de la validité de la pratique
consistant à organiser des Minyonim, réciter des Tahillim et des
Mishnoyôth sur les tombes des Saddiqim.
Qu'une
pratique soit suivie par une grande partie du peuple juif ne signifie
pas qu'elle soit valable et appropriée, d'autant plus que l'exil a
pour conséquence que beaucoup adoptent des pratiques qu'ils
n'auraient jamais dû adopter. À l'évidence, des rabbins de grande
renommée acceptent et encouragent les pratiques susmentionnées sur
la base d'enseignements « kabbalistiques » obscures. Mais
de nombreux autres les rejettent et les interdisent sur la base du
Talmoudh Yarousholmi.
Le
Talmoudh Bavli semble soutenir les deux opinions, mais comme nous le
verrons, la tendance générale même dans le Talmoudh Bavli consiste
à décourager les pratiques susmentionnées, en accord ainsi avec le
Talmoudh Yarousholmi, pour la simple raison qu'elles sont, en
réalité, explicitement interdites dans la Mishnoh (qui fait
toujours plus autorité que la Gamoro`).
Le
but de cette série d'articles est d'informer ceux qui souhaitent
pratiquer la vraie Hasidhouth
(piété) et les inviter à le faire sans entrer en conflit avec la
Halokhoh.
- Peut-on prier et/ou lire des passages de la Tôroh dans un cimetière ?
Voici
ce que nous lisons dans la Gamoro`1 :
Et
il a été enseigné : « Un homme ne doit pas
marcher dans un cimetière avec sa Tafillin sur la tête, ou un
Séfar Tôroh à la main, et réciter le Shama´.2
Et s'il le fait, il entre dans la catégorie de ''Celui qui moque
le pauvre blasphème Celui qui l'a fait''3. »4
Dans ce cas-ci, l'acte est interdit à l'intérieur des quatre
`ammôth du mort. Mais au-delà de quatre `ammôth l'obligation
{de réciter le Shama´, etc.} s'applique, car un maître a dit :
« Un mort occupe quatre `ammôth au niveau de la
récitation du Shama´ ». Mais dans ce cas-ci5,
il6
est exempt, même au-delà de quatre `ammôth.7
|
והתניא
לא יהלך אדם בבית הקברות ותפילין בראשו
וספר תורה בזרועו וקורא ואם עושה כן
עובר משום (משלי
יז)
לועג
לרש חרף עושהו התם תוך ארבע [אמות]
הוא
דאסור חוץ לארבע אמות חייב דאמר מר מת
תופס ד'
אמות
לק"ש
הכא חוץ לד'
אמות
נמי פטור
|
Le
Ramba''m8
ז״ל,
le Ri''f9
ז״ל,
Rabbi Yôséf Migga`sh10
ז״ל,
et de nombreux autres Ri`shônim, ajoutent à ce texte du Talmoudh
l'interdiction d'également faire la Tafilloh dans un cimetière.
C'est également ce qui est indiqué dans le Shoulhon ´oroukh11
de Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל.
Cet ajout de l'interdiction de prier également dans un cimetière
provient des versions anciennes du Talmoudh qui étaient à la
disposition des Ri`shônim, avant que les Chrétiens ne commencent à
brûler et censurer le Talmoudh.
Sur
la base de ce passage talmudique (et d'autres), voici ce que tranche
le Ramba''m12 :
On
ne récite pas {le Shama´} ni dans une maison de bain, ni dans
des latrines, quand bien même il ne s'y trouverait pas
d'excrément, ni dans un cimetière, ni à côté d'un mort. Et si
on s'éloigne de quatre `ammôth de la tombe ou du mort, il est
permis de réciter. Quiconque récite {le Shama´} dans un lieu où
nous ne {pouvons} pas réciter doit {le} réciter à nouveau.
|
אֵין
קוֹרְאִין,
לֹא
בְּבֵית הַמֶּרְחֵץ;
וְלֹא
בְּבֵית הַכִּסֵּא,
אַף
עַל פִּי שְׁאֵין בּוֹ צוֹאָה;
וְלֹא
בְּבֵית הַקְּבָרוֹת,
וְלֹא
בְּצַד הַמֵּת עַצְמוֹ--וְאִם
הִרְחִיק אַרְבַּע אַמּוֹת מִן הַקֶּבֶר
אוֹ מִן הַמֵּת,
מֻתָּר
לִקְרוֹת.
וְכָל
מִי שֶׁקָּרָא בִּמְקוֹם שְׁאֵין
קוֹרְאִין בּוֹ,
חוֹזֵר
וְקוֹרֶא
|
Il
répète également cette injonction concernant la Tafilloh13 :
La
pureté de l’endroit où l’on prie ; quel est le cas ?
On ne doit pas prier dans un endroit souillé, ni dans un
établissement de bains, ni dans des latrines, ni au milieu d’un
tas d’ordures, ni dans un endroit dont on peut présumer qu’il
n’est pas propre, sans l’examiner. En
règle générale : on ne peut pas prier dans un endroit où
on ne doit pas réciter le Shama´.
Et de même que l’on doit s’éloigner d’excréments,
d’urine, d’une mauvaise odeur, d’un corps, et de la vision
d’une nudité pour la récitation du Shama´, ainsi, on doit
s’écarter [de toutes ces choses] pour la Tafilloh.
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טַהְרַת
מְקוֹם הַתְּפִלָּה כֵּיצַד:
לֹא
יִתְפַּלַּל בִּמְקוֹם הַטִּנֹּפֶת,
וְלֹא
בַּמֶּרְחֵץ,
וְלֹא
בְּבֵית הַכִּסֵּא,
וְלֹא
בָּאַשְׁפָּה,
וְלֹא
בִּמְקוֹם שְׁאֵינוּ בְּחֶזְקַת טַהְרָה
עַד שֶׁיִּבְדְּקֶנּוּ.
כְּלָלוֹ
שֶׁלַּדָּבָר--כָּל
מָקוֹם שְׁאֵין קוֹרִין בּוֹ קִרְיַת
שְׁמַע,
אֵין
מִתְפַּלְּלִין בּוֹ.
וּכְשֵׁם
שֶׁמַּרְחִיקִין מִצּוֹאָה וּמֵי
רַגְלַיִם וְרֵיחַ רָע וּמִן הַמֵּת
וּמֵרְאִיַּת הָעֶרְוָה,
לְקִרְיַת
שְׁמַע--כָּךְ
מַרְחִיקִין,
לַתְּפִלָּה
|
Il
convient également de préciser que lorsque le Talmoudh et le
Ramba''m (et les autres Ri`shônim) permettent de réciter le Shama´
après s'être éloigné de quatre `ammôth du corps, c'est
uniquement dans le cas où l'on était en train de transporter le
corps du défunt pour l'amener vers le cimetière, ou que l'on était
en train de surveiller le corps dans une pièce (en attendant qu'il
soit enterré), et que l'heure de la récitation du Shama´ est
arrivée à ce moment-là. Dans ces cas-là, tous ceux qui ne sont
pas nécessaires pour transporter la civière mortuaire doivent
s'éloigner d'au moins quatre `ammôth du corps du défunt et réciter
le Shama´. De même, si le corps est gardé par deux gardes, l'un
des deux reste auprès du défunt, tandis que l'autre s'éloigne du
corps pour réciter le Shama´. Puis, il retourne auprès du corps et
c'est l'autre garde qui s'éloigne cette fois-ci pour lui aussi
réciter le Shama´. Et si l'heure de récitation du Shama´ est
arrivée alors qu'on était au cimetière, tous ceux qui ne sont pas
nécessaires pour enterrer le défunt doivent s'éloigner de quatre
`ammôth de l'entrée du cimetière et réciter le Shama´. C'est
pourquoi, toute personne qui récite le Shama´ dans les quatre
`ammôth d'un mort ou tandis qu'il se trouve encore dans le
cimetière, n'est pas quitte de son obligation et devra recommencer
une fois qu'il sera sorti du cimetière. C'est aussi ce que rapporte
Rabbi Yôséf Qa`rô, dans son Shoulhon ´oroukh14 :
Il
est interdit de procéder à la récitation du Shama´ dans les
quatre `ammôth d'un mort ou dans un cimetière. Et si on {le}
récite {quand même}, on n'est pas quitte.
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אסור
לקרות קריאת שמע תוך ארבע אמות של מת או
בבית הקברות ואם קרא לא יצא
|
Tous
ces Hasidhim qui
organisent des Minyonim dans des cimetières et sur les tombes-mêmes
des Saddiqim, le font au mépris de la Halokhoh, et selon TOUS
les avis, comme nous l'avons montré ci-dessus. Mais quelle est leur
justification pour piétiner autant la Halokhoh ?
Au
dix-huitième siècle, il existait un Minhogh consistant à organiser
un Minyon pour faire la Tafilloh sur la tombe des grands rabbins.
Rabbi Hayim Dowidh
`azoula`y ז״ל,
le célèbre Hydha''`,
discute de ce Minhogh dans son Shém Haggadhôlim15,
et il écrit que le Shoulhon ´oroukh, dans `ôrah
Hayim
71:4, suit le Ramba''m, et interdit de réciter le Shama´ dans
un cimetière. Le Hydha''`
propose alors l'idée suivante pour néanmoins justifier cette
pratique : les éminents rabbins sur lesquels prient les gens
sont considérés être vivants, sur la base de la Gamoro` de
Barokhôth 18b qui enseigne que les Saddiqim sont
vivants même après la mort. Il cite également comme soutient le
Séfar Hasidhim16,
qui rapporte que Rébbi Yahoudhoh Hannosi` ז״ל,
le compilateur de la Mishnoh, après ses propres funérailles avait
l'habitude de sortir de sa tombe chaque ´arav Shabboth pour réciter
le Qiddoush pour sa femme et ses enfants. Il en conclut que cela ne
peut être possible que s'il était effectivement vivant, et en tant
qu'être vivant il était donc toujours astreint à l'accomplissement
des Miswôth, puisque les morts sont libérés de leurs
obligations. Et c'est sur la base de ce raisonnement du Hydha''`
que les Hasidhim
justifient leur pratique anti-halakhique de tenir des Minyonim dans
des cimetières, sur les tombes des Saddiqim.
Le
premier problème avec ces arguments du Hydha''`
est qu'il n'y a absolument AUCUNE source, ni dans la Talmoudh,
ni dans aucune Midhrosh, rapportant que Rébbi Yahoudhoh Hannosi`,
après avoir été enterré, continuait à réciter le Qiddoush ou
accomplir toute autre Miswoh.
Deuxièmement,
le Talmoudh est clair sur le sens de l'enseignement selon lequel les
Saddiqim, même après leur mort, sont vivants : cela
signifie qu'ayant été des Saddiqim, la mort ne marque en
rien une fin, mais la continuité de leurs vies, même cette fois
dans l'au-delà, le Gan ´édhan. En outre, leurs enseignements
continuent à être partagés bien après leur mort, ce qui fait que,
d'une certaine manière, ils sont encore bel et bien vivants, car
leurs paroles raisonnent encore parmi les vivants.
Troisièmement,
concernant le récit du Séfar Hasidhim,
bien qu'il soit vrai qu'il fut à l'origine composé par l'éminent
Rabbi Yahoudhoh Hahosidh ז״ל,
il est également bien connu que bon nombre de ses disciples
ajoutèrent des sections supplémentaires dans son livre, exactement
comme pour le Zôhar, manipulé par Rabbi Môshah de Léon. Cette
section pourrait donc bien être l'une de celles qui furent ajoutées.
Cela rend par conséquent ce témoignage irrecevable.
Une
autre source talmudique interdit également toute étude de la Tôroh
dans un cimetière, alors que c'est chose courante dans le monde
Hassidique d'organiser, lors de l'anniversaire de décès d'un
Saddiq, une session d'étude et la récitation de quelques
Mishnoyôth sur la tombe du Saddiq en question. Cette source
talmudique est Bavo` Qammo` 16b. Là, le Talmoudh cite le
passage de 2 Divré Hayyomim 32:33 qui rapporte que lors du
décès du roi Hizqiyohou
ע״ה,
il mérita un grand honneur. Le Talmoudh demande quel fut ce grand
honneur qu'on lui fit et répond que les sages et prophètes de cette
époque-là organisèrent une session d'étude de la Tôroh à sa
tombe. Les Tôsofôth ז״ל
se
demandent tout logiquement comment cela pu-t-il être autorisé alors
que le Talmoudh, dans Barokhôth 18a, l'interdit ? Les
Tôsofôth expliquent qu'ils s'éloignèrent d'au moins quatre
`ammôth de la tombe pour ne pas transgresser cette interdiction. Il
convient d'avoir à l'esprit que dans les temps bibliques et
talmudiques, on n'enterrait pas les morts dans la terre, mais on les
plaçait plutôt dans des grottes, qui étaient dotées à
l'intérieur d'étagères creusées dans les parois rocheuses et sur
lesquelles les civières mortuaires étaient placées. Par
conséquent, en organisant une session d'étude à l'extérieur de
l'entrée de la grotte, il leur était permis d'étudier la Tôroh.
Mais
Rabbi Yôséf Migga`sh17
manipula la compréhension de ce passage talmudique. Il enseigne que
sur la tombe d'un éminent rabbin l'interdiction talmudique
susmentionnée ne s'applique pas. Tout comme il a enseigné la Tôroh
quand il était en vie, nous continuons également à l'honorer après
sa mort par l'étude de la Tôroh sur sa tombe. Mais là encore, il a
pondu cela sans aucune base dans le Talmoudh.
En
outre, bien que le Shoulhon ´oroukh18
permette de réciter des versets tirés du TaNa''Kh et même de faire
des Daroshôth (exégèse de versets bibliques) dans un cimetière si
cela honore le défunt, cela n'a absolument rien à voir avec une
permission d'étude de la Tôroh, qui est interdite dans un
cimetière. Néanmoins, même cette permission de Rabbi Yôséf Qa`rô
est problématique en vertu d'une règle qu'il stipule lui-même dans
son introduction au Béth Yôséf : il a écrit qu'il baserait
ses décisions légales sur le consensus des décisions prises par
les Trois Grands Ri`shônim, à savoir, le Ri''f, le Ramba''m et le
Ro`''sh ז״ל.
Or, ici, il a basé sa décision de permettre la récitation de
versets tirés du TaNa''Kh et même de faire des Daroshôth sur Rabbi
Yôséf Migga`sh, cité plus haut, sans prendre en considération les
avis des Trois Grands Ri`shônim, qui ont tous les trois interdit
toute étude de la Tôroh, de quelque sorte que ce soit, dans un
cimetière. Pourquoi a-t-il fait cela ? Pour la même raison
qu'il rapporte plusieurs autres pratiques étranges (souvent
superstitieuses) qui ne sont pas en phase avec la Halokhoh :
parce que c'était la pratique de l'époque ! l ne voulait pas
rapporter une décision qui ne serait pas acceptée par rapport à la
pratique acceptée par les gens de son temps. (Il existe de nombreux
cas dans le Shoulhon ´oroukh pour illustrer son manque de
courage halakhique et sa tendance à manipuler la Halokhoh pour
tolérer les erreurs de son temps.)
1Barokhôth
18a
2Et
il en est ainsi, quand bien même il n'aurait pas sa Tafillin de la
tête, ni de Séfar Tôroh dans ses mains
3Mishlé
17:5
4Le
Talmoudh explique que le terme
רָשׁ
« Rosh »
(employé ici pour désigne un pauvre, alors que le mot le plus
courant est עָנִי
« ´oni »)
désigne également un mort et déduit de ce verset de nombreuses
Halokhôth concernant le comportement à avoir en présence d'un
cadavre, comme l'interdiction de porter des Tafillin ou de tenir un
Séfar Tôroh dans un cimetière, étant donné que, d'une certaine
manière, on se moque ainsi du défunt, qui n'est plus capable
d'accomplir les Miswôth. C'est également le cas pour la récitation
du Shama´.
5Dans
le cas d'un endeuillé dont le proche n'a pas encore été enterré,
ce qui est le sujet de cette page de la Gamoro`.
6L'endeuillé.
7Ainsi,
peu importe que le corps soit situé à plus de quatre `ammôth de
lui, un endeuillé est exempt de la récitation du Shama´, jusqu'à
ce que le défunt aura été enterré.
8Mishnéh
Tôroh, Hilkôth `éval 14:13
9Sur
Barokhôth 11a
10Shou''th
47
11Yôréh
Dé´oh 367:3
12Hilkôth
Qiryath Shama´ 3:2
13Hilkôth
Tafilloh Ouvirakhath Kôhanim 4:8
14`ôrah
Hayim 71:7
15Article
199
16Section
1129
17Shou''th
Chapitre 47
18Yôréh
Dé´oh 344:17