jeudi 10 décembre 2015

Les trente-neuf Malo`khôth : Bôrér – Sélectionner

ב״ה

Les trente-neuf Malo`khôth expliquées clairement

Bôrér – Sélectionner


Cet article peut être téléchargé ici.

  1. Introduction

Ouvrez n'importe quel livre de Halokhôth de Shabboth, et vous verrez que la partie relative à la Malo`khoh de בּוֹרֵר « Bôrér » est assez longue. Dans la pratique religieuse dominante, Bôrér est l'une des Malo`khôth les plus détaillées, avec de très nombreuses applications. Et pourtant, c'est un dévoiement total du sens originel de cette Malo`khoh.

Retournons au processus de préparation du pain. Dans notre leçon précédente, où nous avions analysé la Malo`khoh de Zôrah, nous avons appris que le blé était vanné afin de séparer la balle non consommable du grain. L'étape suivante nécessite une seconde séparation, mais cette fois au moyen de la main, pour séparer d'autres débris du blé restant. (Même aujourd'hui, si vous achetez certains produits alimentaires, il pourrait être indiqué sur l'emballage que de petits résidus de matières non comestibles pourraient être mélangés dans la nourriture.) Cette action est connue sous le nom de « Bôrér », qui signifie littéralement « sélectionner ». (Il est souvent employé dans le sens de « triier ».)

De ce cas classique de Bôrér, nous déduisons que sélectionner un élément d'un mélange est une forme d'ouvrage, et ne peut, par conséquent, pas être réalisé à Shabboth. Contrairement à la pratique dominante, cette Malo`khoh ne s'applique, là encore, qu'aux aliments et éléments naturels. (J'y reviendrai dans un article qui sera intitulé « Jusqu'où va l'application de la Malo`khohde Bôrér ? ».)

Pour comprendre l'application pratique de cette Malo`khoh, nous devons d'abord comprendre ce qu'est un mélange.

  1. Définition halakhique d'un « mélange »

Dans la Halokhoh, un « mélange » peut se produire de diverses façons. Des éléments peuvent être mélangés :

  1. en étant mêlés ensemble,
  2. en étant attachés les uns aux autres, ou
  3. en étant absorbés les uns dans les autres.

Par exemple :

  • un mélange mêlé serait un bol contenant des noix de différentes sortes
  • un mélange attaché serait des fruits et leurs pelures
  • un mélange absorbé serait des croûtons dans de la soupe.

Comme nous pouvons le voir, la compréhension halakhique d'un « mélange » est différente de la définition Française courante. En Français, nous ne dirions pas, par exemple, qu'un fruit et sa pelure constituent un « mélange ». Mais quand il s'agit de la Malo`khoh de Bôrér, la Halokhoh considère que les deux sont mélangés : ils font tous deux partie de la même entité, mais on peut en sélectionner un, laissant ainsi l'autre à part. Cette action de choisir ou sélectionner est au cœur de la définition de « Bôrér », comme nous l'expliquerons.

Dans le même temps, il y a certains groupements qui pourraient être appelés « mélange », mais que la Halokhoh ne considère pas comme tel. Prenons la catégorie du mélange absorbé. Là, si les deux éléments en question peuvent aisément être distingués l'un de l'autre, il n'y a aucun soucis de Bôrér. Ainsi, bien que nous ayons dit que des croûtons dans une soupe pourraient poser des questions de Bôrér (surtout s'ils se sont ramollis), un morceau de pomme de terre dans la même soupe ne constituera aucun problème. La pomme de terre est suffisamment large que pour clairement voir qu'elle ne fait pas corps avec la soupe, et n'est donc pas quelque chose de « mélangé » à la soupe. Le critère de « mélange absorbé » est donc, par rapport aux deux autres, purement subjectif et dépendra de la perception de chacun.

Ainsi, un « mélange », au niveau halakhique, est un mélange qui donne l'impression d'une unité,

  1. Définition halakhique de « sorte »

De ce que nous avons dit jusque là, nous pouvons comprendre que pour avoir un mélange, vous avez besoin d'au moins deux sortes d'éléments distincts. Comment définissons-nous les cas où un élément fait partie d'une sorte différente de l'autre ?

Les deux critères de base pour faire cette distinction sont le goût et le nom. Lorsque deux éléments ont des goûts différents, bien qu'ils puissent extérieurement se ressembler, la Halokhoh les considère comme des sortes différentes. Ainsi, un kumquat et une orange se ressemblent extérieurement, mais ils n'ont pas le même goût. De même en est-il d'un kaki et d'une tomate.

Des kakis, que l'on pourrait confondre avec des tomates

Des kumquats, que l'on pourrait confondre avec des oranges

La notion de goût est donc une façon simple de faire la différence entre deux aliments. Mais la notion de « nom » est plus subtile. Elle signifie que vous pourriez très bien avoir deux aliments qui ont le même goût (ou se ressemblent très forts), mais sont décrits par des noms différents, et sont, par conséquent, des « sortes » différentes.

Les variétés de fruits sont un bel exemple. Rendez-vous dans un supermarché et vous verrez des Boskoops rouges, des Granny Smith verts, ou encore des Golden jaunes. Ce sont toutes des pommes, et elles ont toutes le même goût, mais les gens les considère être suffisamment différentes que pour leur donner des noms différents et les vendre séparément. À cause de cela, elles sont des « sortes » halakhiques différentes de pommes.


Comme nous allons le voir, il existe des méthodes très faciles d'éviter de transgresser la Malo`khoh de Bôrér, dans pratiquement chaque situation. Sélectionner des aliments est une activité que nous pouvons faire à Shabboth, dès lors que cela se fait de la façon définit par la Tôroh.

  1. Conditions pour permettre une sélection

Les Sages ont identifié trois conditions pour permettre de sélectionner à Shabboth. Les voici :

  1. vous devez sélectionner l'aliment que vous voulez à la main,
  2. vous comptez consommer l'aliment sélectionné immédiatement après l'avoir sélectionné, et
  3. vous devez retirer l'aliment que vous désirez de la chose que vous ne désirez pas (et non l'inverse).

En Hébreu, ces trois conditions sont connues sous les noms de :

  1. ְיָד « Bayodh » (avec la main),
  2. מִיָד « Miyodh » (immédiatement), et
  3. אֹכֶל מִתּוֹךְ פָּסֹלֶת « `ôkhél Mittôkh Posôlath » (la nourriture du déchet).

Nous allons expliquer ce que veulent dire ces conditions. Nous tenterons de comprendre également la raison pour laquelle nos Sages ont estimé que sélectionner de cette manière était acceptable à Shabboth.

Imaginons qu'un Shabboth après-midi, Sho`oul et son fils s'asseyent à table pour étudier la Sidhroh de la semaine. Sho`oul a préparé un bol contenant des pretzels, des cacahuètes et de petits crackers. Cela présente un cas classique de « Bôrér », qui nous aidera à explorer les trois conditions.

  • Condition n°1 – Sélectionner à la main

Si vous voulez manger les pretzels, retirez-les donc du bol à la main. L'idée est qu'il ne faut faire usage d'aucun outil qui est spécifiquement fait pour trier, comme par exemple une passoire ou un entonnoir.

Mais quand est-ce qu'un ustensile ordinaire peut-il être utilisé ? Lorsqu'il sert seulement de prolongation de votre main. En d'autres mots, lorsqu'il n'y a aucune différence d'efficacité dans la sélection de l'aliment. Disons donc que Sho`oul rapporte un bol contenant des morceaux ronds de cantaloup, de miellat, et de pastèque. S'il ne désire consommer que les morceaux de pastèque et les retirer du mélange pour les manger, il n'a pas l'obligation de sortir les morceaux de pastèque à la main, mais peut les prendre au moyen d'une fourchette ou d'une cuillère. Ici, l'ustensile est juste un moyen plus propre et poli de prendre de la nourriture.


Mais lorsqu'un ustensile est employé parce qu'on n'aurait pas pu réaliser la sélection à la main (ou pas aussi efficacement), c'est interdit.

  • Condition n°2 – Sélectionner immédiatement avant la consommation

L'idée ici est que plutôt que préparer à manger à l'avance, nous devons procéder à la sélection uniquement lorsque nous sommes prêts à faire usage de l'aliment.

Pour revenir à Sho`oul et son bol, s'il ne désire consommer que les pretzels, il ne pourra pas les retirer du bol à l'avance. Plutôt, lorsqu'il veut en consommer quelques-uns, il peut prendre du bol autant de pretzels qu'il le désire. Le principe est donc que que nous ne devrions prendre que ce dont on a besoin sur le moment.

Mais qu'en est-il s'il n'est pas pratique de procéder à la séparation immédiatement avant de faire usage de l'aliment que l'on désire ? Disons que vous préparez une salade de fruits que vous comptez servir en dessert pour le repas de Shabboth matin. Cela nécessite de peler des fruits, ce qui est un acte de Bôrér parce que vous sélectionner une partie du fruit d'une autre partie. Par conséquent, pour éviter le problème de Bôrér, vous devez préparer votre salade directement avant d'être prêt à l'utiliser. Mais cela signifie-t-il que vous devez littéralement la préparer directement avant de la servir, ou pouvez-vous la préparer avant que le repas n'ait été servi ? La Halokhoh considère un repas comme une unité de temps, ce qui signifie que tout ce que vous avez besoin de faire pour un repas peut être fait avant que le repas ne soit servi. Ce n'est donc pas au moment où vous compterez consommer votre salade que vous devrez la préparer.

Mais attention : la Halokhoh ne vous permet pas de préparer la salade avant de vous rendre à la Synagogue le matin, afin de gagner du temps pour après la prière. La raison à cela est qu'il y aurait alors eu une longue interruption non liée à la préparation du repas entre le moment où vous avez terminé votre acte de Bôrér et le moment où vous avez vraiment utilisé votre salade de fruits.

La règle générale est donc : en principe, la sélection doit se faire immédiatement avant d'en faire usage. Mais il est permis de procéder à la sélection plus tôt, dès lors que la sélection s'inscrit dans le cadre des choses nécessaires à la préparation du repas que vous comptez consommer à ce moment-là.

  • Condition n°3 : Sélectionner ce que l'on désire

Dans la troisième condition de Bôrér, la Halokhoh emploie l'expression de אֹכֶל מִתּוֹךְ פָּסֹלֶת « `ôkhél Mittôkh Posôlath », qui signifie littéralement [séparer] la nourriture du déchet. Rien que par cette expression, nos Sages nous montrent clairement que cette Malo`khoh ne s'applique qu'à la nourriture, et rien d'autre. Dans ce contexte, le « `ôkhél » (nourriture) est l'aliment du mélange que vous désirez utiliser, tandis que le « Posôlath » (déchet) est la partie du mélange que vous ne désirez pas utiliser (ou qui n'est pas utilisable, comme par exemple lorsqu'on sépare le blé de la balle).

Cela signifie qu'à Shabboth, lorsqu'on sélectionne, on doit choisir ce qu'on désire utiliser, plutôt que retirer ce qu'on ne ne veut pas utiliser. Si Sho`oul désire manger des pretzels, mais pas les petits crackers, les pretzels sont donc le « `ôkhél », tandis que les petits crackers sont le « Posôlath ». Mais si son fils désire manger les petits crackers, mais pas les pretzels, ce sera alors l'inverse pour lui.

Les Sages ont requis cette façon de sélectionner parce que c'est la façon dont nous mangeons normalement (la façon ordinaire de manger se dit en Hébreu דֶּרֶךְ אֲכִילָה « Darakh `akhiloh », une indication de plus que cette Malo`khoh ne concernait que la nourriture), et la Malo`khoh de Bôrér est permise lorsqu'elle est réalisée de la façon normale de manger.


Ceux qui appliquent la Malo`khoh de Bôrér à d'autres choses que la nourriture (ce qui est le cas de la majorité des Juifs d'aujourd'hui), comme par exemple en interdisant de sélectionner entre des livres dans une pile, des vêtements dans une penderie, etc., sont dans l'exagération et dans l'erreur, car leur comportement est basé sur une innovation venue après l'ère des Ri`shônim ! Ce qui signifie que cette application de la Malo`khoh de Bôrér même à ce qui ne concerne pas la nourriture n'existait ni dans les temps bibliques, ni dans les temps talmudiques, ni du temps des Ga`ônim, ni du temps des Ri`shônim, qui ont toujours appliqué cette Malo`khoh uniquement à la nourriture !
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