samedi 23 janvier 2016

Les trente-neuf Malo`khôth : Bishoul - Troisième Partie

ב״ה

Les trente-neuf Malo`khôth expliquées clairement

Bishoul – Cuire


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  1. Introduction

Nos Sages de mémoire bénie ont dit1 : וַעֲשׂוּ סְיָג לַתּוֹרָה « et faîtes une clôture à la Tôroh ». C'est-à-dire, émettez des lois qui préservent contre la possibilité de transgresser la Halokhoh. Dans cette leçon, nous allons analyser un certain nombre de lois que HaZa''l ont émises pour empêcher de transgresser, même par inadvertance, la Malo`khoh de Bishoul à Shabboth.

Gardez à l'esprit que toutes les lois relatives à la Malo`khoh de Bishoul ne s'appliquent que dans le cas d'une cuisson effectuée au moyen du feu ou d'un dérivé du feu. (Pour une explication sur l'expression « dérivé du feu », voir la première leçon sur cette Malo`khoh.)

  1. Shahiyoh – Laisser de la nourriture sur une flamme

Cuire est évidemment une activité quotidienne. Par conséquent, les Sages craignaient que l'on en arrive momentanément à oublier que c'est Shabboth, ou qu'en oubliant que cuire n'est pas autorisé à Shabboth, on s'occupe de ses affaires comme d'ordinaire.

C'est pourquoi, ils interdirent de laisser de la nourriture non cuite sur une flamme ouverte durant Shabboth. C'est une interdiction appeléeְהִיָּ‏ה « Shahiyoh » dans le langage halakhique. D'après la Tôroh, il n'y aurait aucun problème à le faire, puisque la cuisson s'effectue d'elle-même. Pourquoi donc HaZa''l l'ont-ils interdit ? Tout simplement parce que nous pourrions en arriver à ajuster la flamme si elle est ouverte et facilement accessible, contribuant ainsi à contrôler la cuisson, ce qui est interdit.

Pour éviter ce problème, et aussi pour créer une différence entre Shabboth et les autres jours (voir l'article intitulé « Exposer les fausses notions : ´ouvadhin Dahôl – Les activités de semaine »), nos Sages ont stipulé que nous ne pourrions laisser des aliments non cuits que sur une flamme couverte, c'est-à-dire que l'on ne voit plus. C'est la source de cette plaque de métal rabattue placée au-dessus des brûleurs de la cuisinière/gazinière, et appelée en Yiddish un בלעך « blèkh ».


Ainsi, à l'origine, un blèkh est simplement une plaque métallique que l'on place au-dessus de la cuisinière/gazinière, afin qu'elle couvre complètement la flamme, au point qu'on ne la voit plus, mais cette plaque est suffisamment fine que pour laisser la chaleur passer à travers et réchauffer l'aliment que l'on a déposé dessus. De cette manière, on peut réchauffer à Shabboth un aliment cuit qui s'était refroidi, ou laisser sur le feu un aliment qui n'avait pas terminé de cuire avant l'entrée de Shabboth de façon à ce qu'il cuise pendant Shabboth, et tout cela sans même manipuler la flamme.

Aujourd'hui, la majorité des « Orthodoxes », lorsqu'ils entendent le mot « blèkh », l'assimilent à la plaque chauffante électrique sur laquelle ils placent leurs aliments pour les réchauffer, ou sur laquelle ils déposent avant l'entrée de Shabboth des aliments non cuits qui continueront donc de cuire pendant Shabboth. Puisque les « Orthodoxes » considèrent généralement que cuire avec de l'électricité est tout autant interdit que de cuire avec du feu, car à leurs yeux l'électricité est du feu, ils utilisent donc cette plaque chauffante électrique, étant donné que la « flamme est couverte » (il n'y a pas de flamme à une plaque chauffante électrique), et qu'il n'y a en plus pas du tout de boutons (ce qui fait qu'elle garde toujours une chaleur constante et qu'il n'y a aucune possibilité d'altérer la flamme). À première vue, cela pourrait paraître ingénieux, mais cela ne sert en réalité à rien du tout !

En effet, les règles de Bishoul ne s'appliquent que lorsqu'on cuit avec du vrai feu ou son dérivé. Or, lorsqu'on cuit avec une cuisinière électrique et non à gaz, ou encore avec une plaque à induction, il n'y a pas du tout de flamme, et la cuisson s'opère donc grâce à un phénomène indirect (voir la condition n°7, dans l'article intitulé « Les trente-neuf Malo`khôth de Shabboth : Travail réfléchi »). Puisqu'il n'y a pas de flamme, la cuisinière électrique ou la plaque à induction est automatiquement considérée comme « une flamme couverte ». Et puisqu'il n'y a de toute façon pas de flamme, même augmenter ou diminuer la chaleur sont permis, car ce n'est pas la chaleur que nos Sages ont interdit de contrôler, mais le fait de manipuler la flamme lorsqu'on cuit sur du feu. C'est ainsi que cuire avec le soleil ou encore les sources naturellement chaudes de Tibèriade sont permis, car il ne s'agit pas de feux mais de sources de chaleur. Or, cuire avec des sources de chaleur n'est pas un problème, dès lors que cette chaleur n'est pas causée par une flamme et n'est pas le dérivé d'un feu ! En conclusion, utiliser une plaque chauffante électrique ou une cuisinière électrique, c'est en fait du pareil au même.

Tout au long de ce cours, nous emploierons donc le terme blèkh suivant son sens originel et non dans le sens de la plaque chauffante électrique.

  1. Hazoroh – Remettre de la nourriture sur le blèkh

À Shabboth, nous faisons souvent face à un dilemme. D'un côté, nous désirons consommer des plats chauds le Shabboth après-midi, et de l'autre côté il nous est interdit de cuire. Comment faire ? Il existe deux options :

  1. Laisser quelque chose cuire toute la nuit afin qu'il soit encore chaud le Shabboth matin à l'heure du deuxième repas.
  2. Trouver un moyen halakhiquement acceptable de réchauffer la nourriture.

Rappelez-vous que dans la leçon précédente, nous avions mentionné brièvement les bases du réchauffement d'aliments à Shabboth. Nous avions appris que les aliments solides peuvent être réchauffés. (Ainsi que les liquides, d'après le Ramba''m ז״ל.)

Mais les Sages ont ajouté une autre restriction à cette permission. En plaçant une marmite sur le feu pendant Shabboth, on pourrait donner l'impression de cuire quelque chose de nouveau, ce qui est interdit. Ils émirent alors une règle selon quoi une marmite ne pourrait être replacée sur le feu que lorsqu'on rend évident le fait qu'il ne s'agit pas là d'une cuisson nouvelle, mais plutôt simplement la continuité d'une précédente cuisson. C'est le principe de חֲזָרָה « Hazoroh ».

Pour le rendre évident, HaZa''l ont interdit que la marmite ne soit remise sur le feu que si un certain nombre de conditions sont remplies :

  1. La marmite doit avoir été retirée du feu avec l'intention de la remettre dessus après s'être servi.
  2. Après avoir été retirée du feu, la marmite doit constamment être tenue par la personne.
  3. La flamme sur laquelle on remet la marmite doit être couverte.
  4. La nourriture doit être complètement cuite (voir la première leçon sur la Malo`khoh de Bishoul concernant les niveaux de cuisson à atteindre pour qu'un aliment soit considéré cuit) et encore chaude lorsqu'on la ramène sur le blèkh (même si elle a refroidi à un niveau inférieur à Yadh Sôladhath Bô, tant qu'elle a encore de la chaleur, on peut la remettre sur la flamme couverte).

Comme cela a été expliqué, en agissant ainsi, on maintient clairement une connexion continue entre la nourriture et sa source de chaleur originelle, le blèkh.

Dans une situation de nécessité, la nourriture pourra être remise sur le feu si les conditions 1 et 2 ne sont pas remplies. Prenons le cas suivant :

Avant d'aller au lit le Vendredi soir, Rivqoh remarque que sa cuisinière/gazinière s'est éteinte, ne lui laissant plus aucune source de chaleur pour que le Hamin2 puisse continuer à cuire toute la nuit sur le blèkh. Rivqoh touche la marmite et elle est encore chaude. Et en le goûtant un peu, elle se rend compte qu'il a atteint le niveau de Ma`akkél Ban Darousa`y (voir la première leçon sur la Malo`khoh de Bishoul). Mais évidemment, d'ici au lendemain matin, tout sera abîmé. Y a-t-il un moyen valable pour sauver son Hamin ?

Il existe une excellente solution. Rivqoh peut emporter sa marmite de Hamin chez une voisine et la laisser continuer à cuire toute la nuit sur le blèkh de sa voisine. La raison pour laquelle cela est permis est que, bien que techniquement parlant la marmite de Rivqoh a été « retirée » du blèkh (sans remplir la condition de constamment la tenir et la ramener sur le même blèkh), le simple fait de l'avoir apportée chez sa voisine pour qu'elle continue à cuire est une indication claire qu'il ne s'agit pas d'une cuisson nouvelle. En outre, c'est une situation de nécessité. Or, remettre une marmite sur le feu n'est qu'une interdiction rabbinique et non biblique, et nous sommes donc toujours plus indulgents vis-à-vis des interdictions rabbiniques dans des situations de nécessité. Et enfin, Rivqoh peut « ramener » la marmite sur n'importe quel blèkh, et pas obligatoirement que le sien.

Normalement, lorsque nous plaçons un blèkh sur la cuisinière/gazinière, nous ne gardons allumée qu'une seule des flammes. Cela génère une quantité de chaleur suffisante pour se répandre à l'entièreté de la surface du blèkh. Mais dans le même temps, toutes les parties du blèkh ne seront chauffées équitablement : plus vous êtes proche de la flamme elle-même, plus il fera chaud.

Pour bien comprendre le point que nous voulons développer, il pourrait être utile de diviser le blèkh en trois sections :


Section A (en rouge) : La zone du blèkh directement au-dessus de la flamme.

Section B (en orange) : La zone du blèkh qui n'est pas directement au-dessus de la flamme. Néanmoins, elle est suffisamment chaude que pour que la marmite atteigne la température de Yadh Sôladhath Bô.

Section C (en jaune) : La zone du blèkh qui n'est pas directement au-dessus de la flamme, et chauffe seulement, mais ne peut pas amener la marmite ou la nourriture à atteindre la température de Yadh Sôladhath Bô. Ainsi, si vous placez la nourriture sur cette zone, elle ne peut pas devenir cuite.

Voici une application pour comprendre où nous voulons en arriver avec ça :

La Halokhoh interdit de retirer de la nourriture d'une marmite tandis qu'elle se trouve encore sur la Section A, car le fait de remuer la nourriture a pour conséquence d'accélérer la cuisson ou mieux répartir la chaleur (nous l'avions mentionné dans la première leçon sur la Malo`khoh de Bishoul). Mais si vous faites glisser la marmite sur la Section B (ou même C), il est alors permis de remuer la nourriture ou de la retirer de la marmite sans non plus avoir à être confronté au problème de devoir tenir en main la marmite tout le temps que vous l'aurez retiré du blèkh, ni à celui d'avoir l'intention de le remettre sur le blèkh en la retirant, ni encore à celui de ne remettre sur la marmite sur le blèkh que si l'aliment était cuit, puisque vous n'êtes même pas considéré comme ayant retiré la casserole du blèkh. Mais attention, il faudra prendre soin de remettre le couvercle sur la marmite avant de la faire à nouveau glisser sur la Section A, puisque attendre que la marmite soit à nouveau sur la Section A pour remettre le couvercle est un acte qui favorisera l’accélération de la cuisson et une meilleure isolation de la marmite, ce qui est interdit lorsqu'une marmite se trouve au-dessus du feu, comme nous l’avions vu dans la première leçon sur cette Malo`khoh.

  1. Aliments sortis du réfrigérateur

Tout ce que nous avons vu jusqu'à présent ne concernait que des aliments qui se trouvaient sur le blèkh depuis le Vendredi soir et qui y resteront tout au long du Shabboth. Mais qu'en serait-il pour des aliments que vous ne comptiez pas du tout laisser sur le feu durant toute la nuit ? Par exemple, y a-t-il un moyen de réchauffer une Halloh ou du Kugel pour le deuxième repas de Shabboth ?

La réponse est oui ! La solution courante consiste à réchauffer la nourriture en la plaçant au-dessus d'une marmite/casserole qui se trouve sur la source de chaleur. Par exemple, vous prenez une casserole propre et vide et la placez sur votre cuisinière/gazinière, qui est déjà couverte par un blèkh. Puis, vous placez la nourriture que vous souhaitez réchauffer sur cette casserole. Inhabituel, n'est-ce pas ? En effet, mais au moins le problème de donner « l'impression de cuire » est résolu, puisque personne ne croira même que vous puissiez cuire une chose nouvelle par une telle méthode convolutée.


Une autre solution, et qui est beaucoup plus « normale », consiste à simplement placer la nourriture sur une zone proche de la cuisinière/gazinière, de sorte que la chaleur dégagée par le blèkh la réchauffera. Cela fonctionnera si vous avez une surface dans votre cuisine qui se chauffe bien à cause de la chaleur de la cuisinière/gazinière. Et évidemment, c'est permis puisqu'il n'y a aucune apparence de cuisson tant que la nourriture n'est pas directement placée sur le blèkh (c'est-à-dire, la cuisinière/gazinière).

Qu'en est-il de réchauffer des aliments non cuits ?

Étant donné qu'on ne considère pas qu'une cuisson s'est produite lorsque la température est inférieure à Yadh Sôladhath Bô, vous pouvez placer des aliments non cuits à n'importe quel endroit où la nourriture n'atteindra pas cette température. De ce fait, vous pouvez sans aucun problème réchauffer des aliments non cuits au-dessus d'un radiateur. De même, il est permis de placer un aliment froid sur la Section C du blèkh.

Ceci soulève la question suivante : si je désire réchauffer un aliment non cuit, pus-je le placer à un endroit qui est plus chaud que la température de Yadh Sôladhath Bô, dès lors que je le retire avant qu'il n'atteigne lui-même cette température ? La réponse classique est non, car on pourrait l'oublier et le laisser là. Mais la vraie réponse halakhique est que cela va dépendre. La question à se poser sera celle-ci : si je laissais l'aliment là, pourrait-il atteindre la température de Yadh Sôladhath Bô avant la fin du Shabboth ? Si la réponse est oui, on ne peut pas le placer à cet endroit ; si la réponse est non, on pourra le faire.

  1. Dans d'autres contextes que la nourriture

La Malo`khoh de Bishoul s'applique également en-dehors du contexte de la nourriture. En effet, dans le contexte de la construction et du fonctionnement du Mishkon, cuire ne servait pas qu'au manger, mais également pour produire les teintures par lesquelles on allait teindre les rideaux du Mishkon.

La Malo`khoh de Bishoul s'applique donc avec n'importe quelle matière ou substance qui sera physiquement modifiée par la chaleur du feu. C'est une des raisons invoquées par les « Orthodoxes » pour généralement interdire d'allumer une ampoule à incandescence. C'est très fortement contestable, notamment parce que le filament en tungstène n'est pas chauffé directement par du feu. En appuyant sur le bouton de l'interrupteur, on ne fait qu'enclencher un système préexistant qui va indirectement causer le réchauffement du filament à une température suffisamment élevée que pour produire de la chaleur et de la lumière. C'est un phénomène tout autant indirect que le fait de tirer la chasse des toilettes, ou encore d'ouvrir le robinet d'eau chaude (un acte que les « Orthodoxes » interdisent également, car une nouvelle eau froide est chauffée lorsque le robinet d'eau chaude est ouvert. C'est insensé, car alors même ouvrir le robinet d'eau froide serait problématique, car bien que l'eau ne soit pas chauffée, on enclenche quand même un système qui pompe l'eau jusqu'au robinet. Or, ils ne l'interdisent pas, car il s'agit d'un acte indirect, logique qu'ils ne veulent pas appliquer à l'eau chaude, ce qui est incohérent. Dès lors que nous n'avons pas manuellement nous-mêmes chauffé cette eau avec du vrai feu, il n'y a en cela qu'un acte indirect).

Concernant la Malo`khoh de Bishoul, tout le monde s'accorde à dire que la chaleur du soleil n'est pas considérée comme du feu, puisque ce n'est pas une forme habituelle de cuire. Par conséquent, il est permis de cuire quelque chose avec le soleil. Par exemple, quelqu'un pourrait utiliser une loupe pour diriger la chaleur du soleil dans la direction qu'il souhaite et ainsi cuire un œuf. De l'autre côté, les « Orthodoxes » interdisent d'utiliser un chauffe-eau solaire, parce qu'il s'y retrouve souvent des éléments électriques fonctionnant lorsqu'il fait nuageux. Puisqu'ils considèrent l'électricité comme du feu, un chauffe-eau solaire ne peut être utilisé à Shabboth, selon eux. Mais là encore, si l'on considère que l'électricité n'est pas du feu dans le sens entendu par la Halokhoh, et qu'il s'agit en plus d'un acte indirect, cela ne pose pas de problème.

En vertu des lois du Bishoul, chauffer avec du feu un métal pour qu'il fonde est interdit, tout comme chauffer n’importe quoi d'autre (comme par exemple du plastique) avec du feu, dans le but d'en modifier la forme.

Voilà ! Nous avons non seulement terminé l'analyse de la Malo`khoh de Bishoul, mais avons également terminé de traiter de la Siddouro` Dappath !

1Mishnoh, `ovôth 1:1

2La version séfarade du Tcholent ashkénaze
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