dimanche 13 novembre 2016

Dis peu mais fais beaucoup

ב״ה

Dis peu mais fais beaucoup !


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La Mishnoh1 nous rapporte la maxime suivante au nom de Shamma`y : אֱמוֹר מְעַט וַעֲשֵׂה הַרְבֵּה « Dis peu mais fais beaucoup ! »

Nos Sages, de mémoire bénie, sont très critiques concernant les modalités par lesquelles ´aphrôn céda finalement la grotte de Makhpéloh à `avrohom `ovinou ע״ה lorsque ce dernier lui proposa de la lui acheter afin d'y enterrer son épouse, Soroh `imménou ע״ה, puisqu'à l'origine ´aphrôn s'était proposé de lui offrir ce terrain gratuitement2 mais exigea finalement que notre Patriarche lui paye le tarif plein de quatre cent pièces d'argent3. HaZa''l4 citent ´aphrôn comme une illustration parfaite de l'adage qui dit : « L'impie dit beaucoup mais ne fait même pas un peu ! » Bien qu'il commença par s'exprimer en des termes très généreux et prolixes de sa volonté de céder gratuitement la grotte, à la fin il n'accorda même pas une petite réduction à `avrohom `ovinou sur la valeur du terrain ! Le Ramba''m ז״ל cite ce passage talmudique dans son commentaire sur le proverbe rapporté par Shamma`y ז״ל dans la Mishnoh susmentionnée.

Il est très intéressant de noter qu'un peu plus loin, toujours dans ses commentaires sur ce chapitre de la Mishnoh5, le Ramba''m s'étend davantage sur la valeur de la שְׁתִיקָה « Shathiqoh », c'est-à-dire le silence. Son exposé se rapporte à la remarque faite par Rabban Shim´ôn ban Gamli`él ז״ל, rapportée dans la Mishnoh, qui déclare ceci : כָּל יָמַי גָּדַלְתִּי בֵין הַחֲכָמִים, וְלֹא מָצָאתִי לַגּוּף טוֹב אֶלָּא שְׁתִיקָה « Toutes mes années j'ai grandi au milieu des Sages, mais je n'ai rien trouvé de meilleur pour le corps que le silence. » En commentant sur cette remarque et la valeur générale du fait pour quelqu'un de réduire ses paroles au strict minimum plutôt que de trop parler, le Ramba''m classe toutes les discussions humaines en cinq catégories :

  1. les discussions dont il est une Miswoh de parler, comme par exemple les paroles de la Tôroh ;
  2. les discussions prohibées, comme par exemple le Loshôn Hora´ (médisance) et la Rakhilouth (colportage) ;
  3. les discussions futiles et sans but, comme par exemple des sujets sans valeur ou insignifiants ;
  4. les discussions qui doivent être encouragées, comme par exemple parler de l'importance de la Tôroh ;
  5. les discussions neutres, c'est-à-dire qui touchent aux préoccupations quotidiennes, comme par exemple les sujets relatifs la Parnosoh, à la nourriture, à l'habillement, etc.

Il écrit qu'il est évident que la recommandation faite par la Mishnoh de parler peu ne peut s'appliquer aux premières et quatrièmes catégories, puisque ces discussions sont bénéfiques et louables. De même, poursuit-il, la Mishnoh ne peut se référer ici aux deuxièmes ou troisièmes catégories, car il est évident que l'on doit faire l'effort d'éviter les discussions inclues dans ces catégories. Ainsi, la Mishnoh parle forcément ici de la cinquième catégorie, qui inclut les discussions qui ne sont intrinsèquement ni admirables ni condamnables. Parler d'un sujet qui entre dans cette catégorie est clairement autorisé, écrit le Ramba''m, mais néanmoins il est recommandé de limiter ses discussions même par rapport à ces domaines de la vie.

Il vaut la peine de signaler que le Ramba''m ne fait, dans ce contexte-ci, aucune mention de la maxime de Shamma`y, « Dis peu mais fais beaucoup. » Comme nous l'avons vu, cet adage dans une Mishnoh antérieure (la Mishnoh 15), tandis que la remarque de Rabban Shim´ôn ban Gamli`él apparaît dans une Mishnoh distincte (la Mishnoh 17), et le Ramba''m les traite donc dans deux commentaires indépendants. Cela nous amène à nous poser la question suivante : Où se trouve la différence précise entre les deux déclarations, « Dis peu mais fais beaucoup » et « Je n'ai rien trouvé de meilleur pour le corps que le silence » ?

« Dis peu mais fais beaucoup » exprime une valeur plus spécifique que la vertu générale de la Shathiqoh. Comme nous l'avons vu dans le commentaire du Ramba''m, la gestion de la vente de la grotte de Makhpéloh par ´aphrôn sert de prototype de la personne qui agit à l'opposé de l'exhortation lancée par la Mishnoh, qui parle beaucoup mais fait peu (voire ne fait rien du tout). Cette Mishnoh traite donc du phénomène particulier des gens qui se présentent comme quelqu'un qu'ils ne sont pas vraiment, qui parlent comme s'ils étaient généreux et aimables, mais sont en vérité égoïstes et pingres. « Dis peu mais fais beaucoup » ne se réfère donc pas à la valeur générale du fait de parler le moins possible, mais souligne plutôt l'importance de se présenter honnêtement et fidèlement. Cette maxime nous enseigne qu'il est immoral de gagner le respect, l'admiration ou la confiance de quelqu'un en parlant plus intègrement qu'on ne l'est réellement, en présentant une image qui ne correspond pas à son vrai caractère.

Que quelqu'un aspire à une position, cherche à conclure un accord, ou tente de créer une amitié, c'est son droit de se présenter sous son meilleur profil, mais à la condition que ce « profil » qu'il présente fasse réellement partie de qui il est, à la condition qu'il présente une image précise de ses talents et qualités, plutôt que de donner une impression fausse et trompeuse.

1`ovôth 1:15
2Baré`shith 23:11
3Ibid., verset 16
4Talmoudh, Bavo` Masia´ 87a

5`ovôth 1:17
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