ב״ה
Natillath
Yodhoyim
L'erreur
de Rash''i
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La
Soughyoh1
que nous allons aborder ici est ce que nous allons, pour l'heure,
appeler « la Soughyoh du lavage des mains », et que l'on
peut retrouver aux pages Shabboth 108b-109a
du Talmoudh. La Soughyoh qui nous intéresse commence au bas de la
page 108b par la
phrase אלא
הכי אמר שמואל « Mais
Shamou`él a en fait dit »,
et se termine tout en haut de la page 109a
par la phrase שיער
בעפעפים
« la
croissance des cils »,
juste avant ואמר
מר עוקבא
« Et
Mor ´ouqavo` a dit ».
Nous allons analyser ces deux pages pour voir ensemble de quoi elles
parlent et exposer l'erreur commise par Rash''i ז״ל
dans
son commentaire. Et nous verrons comment un Minhogh respecté par la
majorité des Juifs (principalement `ashkanazim) est en fait à la
fois un מִנְהַג
טָעוֹת
« Minhagh
To´ôth » (une coutume erronée) et un מִנְהַג
שְׁטוּת
« Minhagh
Shatouth » (une coutume insensée), deux catégories de
Minhoghim que nous avons une obligation halakhique d'abandonner, car
elles contreviennent à la Halokhoh et sont basées sur une erreur.
La
Soughyoh qui nous intéresse commence ainsi :
Mais
Shamou`él a en fait dit : « Mieux vaut une goutte
d'eau le matin et un lavage des mains et des pieds dans de l'eau
chaude le soir que toutes les collyres du monde ».
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אלא
הכי אמר שמואל טובה טיפת צונן שחרית
ורחיצת ידים ורגלים בחמין ערבית מכל
קילורין שבעולם
|
Les
deux parties qui suivent cette déclaration sont ensuite tirées
d'une Barayatho` :
Il
a également été enseigné ceci : Rébbi Mouno` a dit au
nom de Rébbi Yahoudhoh : « Mieux vaut une goutte
d['eau] froide le matin et un lavage des mains et des pieds le
soir que toutes les collyres du monde ».
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תניא
נמי הכי:
אמר
רבי מונא משום רבי יהודה:
טובה
טיפת צונן שחרית,
ורחיצת
ידים ורגלים ערבית,
מכל
קילורין שבעולם
|
Il
avait l'habitude de dire : « Une main vers l’œil
doit être coupée, une main vers le nez2
doit être coupée, une main vers la bouche doit être coupée,
une main vers l'oreille doit être coupée, une main vers la veine
ouverte pour la saignée doit être coupée, une main vers le
pénis doit être coupée, une main vers l'anus doit être coupée,
une main vers le réservoir à bière doit être coupée. Une main
aveugle, une main assourdit, une main provoque la polype ».
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הוא
היה אומר:
יד
לעין תיקצץ,
יד
לחוטם תיקצץ,
יד
לפה תיקצץ,
יד
לאוזן תיקצץ,
יד
לחסודה תיקצץ,
יד
לאמה תיקצץ,
יד
לפי טבעת תיקצץ,
יד
לגיגית תיקצץ.
יד
מסמא,
יד
מחרשת,
יד
מעלה פוליפוס
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La
quatrième partie de notre Soughyoh est une autre Barayatho` :
Il
a été enseigné : Rébbi Nothon a dit : « Elle
est libre et elle fait attention jusqu'à ce qu'il lave ses mains
trois fois ».
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תניא:
רבי
נתן אומר בת חורין היא זו ומקפדת עד
שירחוץ ידיו שלש פעמים
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La
cinquième partie fait référence à une déclaration de Rébbi
Yôhonon
ז״ל :
Rébbi
Yôhonon a dit : « L'ombre à paupières
retire la fille d'un roi, bloque les larmes et augmente la
croissance des cils ».
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א"ר
יוחנן פוך מעביר בת מלך ופוסק את הדמעה
ומרבה שיער בעפעפים
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La
sixième et dernière partie de notre Soughyoh est celle-ci :
Il
a également été enseigné ceci : Rébbi Yôsé a dit :
« L'ombre à paupières retire la fille d'un roi, bloque
les larmes et augmente la croissance des cils ».
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תניא
נמי הכי:
רבי
יוסי אומר פוך מעביר בת מלך ופוסק את
הדמעה ומרבה שיער בעפעפים
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Lorsqu'on
analyse textuellement les Baraytôth (qui commencent toujours par
« Il a été enseigné »)
qui servent de témoins à ce que veut enseigner la Gamoro`, nous
remarquons qu'il n'y a quasiment pas de différences entre les textes
de la Gamoro` et les Baraytôth que citent la Gamoro`. Par
conséquent, nous ne nous attarderons pas sur ce point.
Passons
donc à présent à l'analyse de la Soughyoh, et nous allons voir
comment est-ce que Rash''i en a complètement changé le sens, erreur
qui est à l'origine de la coutume erronée d'une majorité de Juifs.
La
déclaration de Shamou`él ז״ל,
qui ouvre cette Soughyoh, concerne l'hygiène personnelle. Bien
qu'elle ait été citée dans la Soughyoh afin de partager un
enseignement sur les collyres et l'hygiène oculaire au matin (ce qui
est le sujet traité par la Gamoro` juste avant la déclaration de
Shamou`él), elle contient également une mention d'un lavage des
mains et des pieds au soir. Lorsque les gens revenaient chez eux
d'une longue journée de travail, de la poussière et de la saleté
s'attachaient à leurs pieds (les gens utilisaient des sandales
ouvertes et très rudimentaires), mais également à leurs mains
(qu'ils utilisaient pour travailler), et ils avaient donc
impérativement besoin de les laver lorsqu'ils rentraient chez eux.
Cette
déclaration de Shamou`él est immédiatement suivie d'une Barayatho`
dans laquelle Rébbi Mouno` ז״ל
cite
Rébbi Yahoudhoh ז״ל
avec
une première partie quasiment similaire à la déclaration de
Shamou`él, quoi que sans préciser que l'eau utilisée pour le
lavage des mains et des pieds le soir devrait être chaude.
La
deuxième partie de la Barayatho` rapporte ce que Rébbi Mouno` a
enseigné sur le fait de toucher certains endroits ou choses (la
majorité des choses citées sont des parties du corps) avec ses
mains. Avec la juxtaposition de ces deux enseignements, la Gamoro`
veut nous faire comprendre que Rébbi Mouno` parle de l'importance de
ne pas toucher ces endroits-là sans s'être lavé les mains au
préalable, parce qu'elles sont poussiéreuses et sales !
Étant donné que la Gamoro` et la première Barayatho` parlent de
laver ses mains et ses pieds le soir, au retour du travail, il est
clair que Rébbi Mouno` parle également de l'interdiction de toucher
ces endroits-là le soir, au retour du travail, sans s'être au
préalable lavé les mains. De même, puisque l'on parle ici
d'hygiène, il va sans dire que même durant la journée, si on est
occupé à faire certaines choses, nos mains (ainsi que nos pieds,
mais nos mains sont utilisées plus souvent) peuvent se salir. Si tel
est le cas, si l'on compte toucher ensuite une des parties du corps
mentionnées dans la deuxième partie de la Barayatho`, il faudra se
laver les mains au préalable. Prenons l'exemple d'une femme qui fait
à manger et a les mains sales. Tout d'un coup, elle désire se
frotter l’œil. Elle ne peut pas le faire avec les mains sales,
pour des raisons d'hygiène évidentes et pour la santé de ses yeux.
Elle se lavera donc les mains, et seulement alors elle se frottera
l’œil.
Après
avoir parlé d'hygiène, Rébbi Mouno` parle à présent de santé.
Voilà pourquoi, si quelqu'un saigne, mais a les mains sales, il ne
doit pas non plus toucher de ses mains l'endroit de la saignée, pour
des raisons de santé. Rébbi Mouno` inclut le pénis et l'anus dans
les régions qu'il ne faut pas toucher les mains sales pour des
raisons de santé, car pour lui, le faire peut également entraîner
des complications médicales.
Nous
en arrivons à présent à la quatrième partie de notre Soughyoh,
qui est la moins claire de toute cette discussion. La première
question que l'on se pose est évidemment celle-ci : qui est
cette femme libre dont parle Rébbi Nothon ז״ל ?
Deuxièmement, pourquoi passe-t-on du genre féminin au masculin
(elle fait attention jusqu'à ce qu'il
lave ses mains trois fois) ?
Troisièmement, qui pourrait être cet homme dont on parle ici ?
Les réponses à toutes ces questions sont en réalité très simples
lorsqu'on prend en considération tout ce qui précède ce passage :
une femme mariée libre (qui n'est pas esclave) prend toujours soin
de rappeler à son mari de se laver trois fois les mains avant de
s'adonner à quelque activité que ce soit lorsqu'il rentre de sa
journée de travail, que ce soit avant de toucher sa nourriture, ou
quoi que ce soit d'autre, à cause de la saleté et de la poussière
qui se sont attachées à ses mains. Autrement, le manque de propreté
serait un dégoût pour elle. Et la raison pour laquelle on précise
qu'elle est libre est qu'une esclave ne peut laver les mains de son
maître. Cette activité n'est réservée qu'à une épouse envers
son mari, comme le stipule la Halokhoh.
Une
dernière question se pose : pourquoi cet enseignement de Rébbi
Nothon fut inséré dans la Soughyoh ? En plus d'être, à
première vue, la déclaration la moins claire, elle semble également
être la moins liée à l'hygiène oculaire et ne se rapporte qu'au
lavage des mains. La réponse est que cet enseignement de Rébbi
Nothon fut mentionné ici, car bien que n'ayant pas de lien avec
l'hygiène oculaire, il est lié à l'hygiène en général, et au
sujet du lavage des mains au soir, lorsqu'on rentre de sa journée de
travail, afin de débarrasser ses mains de la poussière et des
saletés.
Et
c'est là que Rabbénou Hanon`él
ben Houshi`él3
ז״ל
(et
Rash''i, qui s'est basé sur lui) s'est égaré. Rabbénou Hanon`él
écrit dans son commentaire sur le Talmoudh4
que Rébbi Nothon parle d'un « mauvais esprit qui
repose sur l’œil, qui cause une lourdeur d'esprit, comme un homme
libre parmi d'autres hommes, et cet esprit ne s'en va qu'après les
trois [lavages]5
ou qu'une ombre à paupières ne le retire ».
C'est ce commentaire qui est à l'origine d'un sujet qui n'avait
jamais été mentionné dans la Mishnoh, la Gamoro` et le Midhrosh :
le principe du mauvais esprit qui s'attache aux mains6.
Rash''i
s'est attaché à ce commentaire de Rabbénou Hanon`él
et l'a trimbalé avec lui le restant de ses jours, commentant que la
femme libre dont parle Rébbi Nothon était bien un mauvais esprit.
Mais à la différence de Rabbénou Hanon`él,
pour Rash''i ce mauvais esprit reposait sur les mains et non sur
l’œil.7
Rash''i,
poussant ce commentaire encore plus loin, commente cette Soughyoh en
disant que ce mauvais esprit vient reposer sur les mains lorsqu'on
dort la nuit et que l'on doit donc laver ses mains trois fois afin de
retirer cette substance dangereuse de ses mains au matin.
Ce
qui est incroyable avec le commentaire de Rash''i, c'est que non
seulement il s'écarte complètement du sens clair de la Soughyoh,
mais mieux encore, il fait un Hiddoush
en situant la Soughyoh en journée, au réveil, en dépit du fait que
la Soughyoh parle clairement de le faire lorsqu'on revient du boulot
le soir (mais également en journée, si les mains sont poussiéreuses
et sales).
La
Soughyoh se poursuit ensuite en parlant, non plus des collyres, mais
uniquement des ombres à paupières, et répète en fait tout ce qui
a été dit ici. C'est pourquoi nous nous sommes arrêtés au début
de la page 109a, car il n'y a rien de nouveau par la suite.
Bien
que cette Soughyoh, à cause de Rash''i, soit désormais considérée
comme le passage qui parle de la nécessité de faire Natillath
Yodhoyim dès que l'on se réveille le matin, au point que le
Shoulhon
´oroukh écrive qu'il est interdit de toucher n'importe laquelle des
parties de son corps, ni même ses vêtements, lorsqu'on se réveille
au matin sans d'abord s'être lavé les mains, ce n'est absolument
pas ce qu'enseigne le Talmoudh. Cela peut être le sens que ce
passage a aux yeux de Rash''i, mais ce n'est pas du tout vrai à la
lumière du texte lui-même. La Soughyoh ne concerne que l'hygiène
oculaire et les problèmes généraux d'hygiène et de santé que
pourrait causer le fait de toucher certaines parties du corps, une
blessure ouverte et de la nourriture avec des mains sales sans les
avoir lavées au préalable.
À
noter que cette « coutume » du lavage des mains au réveil
n'est mentionnée nulle part par le Ramba''m ז״ל,
ni les autres Ri`shônim. On ne la retrouve pas non plus dans les
écrits des Ga`ônim, et il est bien connu qu'elle n'existe pas chez
les Yéménites et une grande partie des Safaradhim, qui ne se lavent
pas les mains dès qu'ils se réveillent. D'ailleurs, ce Minhogh
erroné contrevient à des Halokhôth claires, comme le fait de
réciter les bénédictions du matin dès que l'on fait l'action pour
lequel on bénit. Le Talmoudh explique, par exemple, que la
bénédictions de פּוֹקֵחַ
עִוְרִים
« Pôqéah
´iwrim » (qui ouvre les yeux aux aveugles) doit être récitée
au moment où, alors qu'on est encore dans son lit, et que l'on vient
de se réveiller, on ouvre les yeux et qu'on les frotte légèrement
avec ses mains. Donc, comment peut-il être interdit de se toucher
les yeux sans avoir fait Natillath Yodhoyim au matin ? Cela n'a
aucun sens !
Voilà
comment on crée des « coutumes » qui ne sont basées sur
rien, si ce n'est un malentendu. Et un Minhogh basé sur une erreur,
une transgression de la Halokhoh, ou quelque chose d'insensé, est un
Minhogh à abandonner !
1Terme
araméen qui désigne un thème, sujet, traité sur une ou un
ensemble de pages talmudiques
2La
narine.
3Un
des Ri`shônim du 11ème siècle
5C'est-à-dire,
après que l’œil n'ait été lavé trois fois à l'eau
6Même
si, pour Rabbénou Hanon`él,
ce mauvais esprit ne s'attache pas aux mains, mais à l’œil !
7Rash''i
sur Shabboth 108b-109a