vendredi 17 juin 2016

Le Ramba''m interdit-il aux convertis d'occuper des positions d'autorité ?

ב״ה

Le Ramba''m interdit-il aux convertis d'occuper des positions d'autorité dans un Béth Din ?


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De façon tout à fait ironique et lamentable de nombreux Bathé Dinim d'aujourd'hui utilisent un passage du Mishnéh Tôroh du Ramba''m ז״ל pour interdire aux convertis d'occuper des positions d'autorité sur les Juifs de naissance et de siéger au sein d'un Béth Din de trois hommes rassemblés pour procéder à une conversion. Ils prétendent ainsi qu'un converti ne peut occuper une fonction d'autorité que sur d'autres convertis, et ne peut donc siéger dans un Béth Din que pour juger un converti. D'autres encore vont jusqu'à utiliser ce passage du Mishnéh Tôroh pour déclarer tout simplement qu'un converti ne peut devenir rabbin, car les convertis ne peuvent avoir autorité sur les Juifs de naissance. C'est ironique en ce que la plupart des rabbins d'aujourd'hui prétendent que l'on ne doit pas trancher la Halokhoh en suivant le Ramba''m. Mais apparemment, quand ils pensent avoir trouvé quelque chose dans le Mishnéh Tôroh qui soutient leurs erreurs, ils changent d'avis ! Et c'est lamentable en ce que le Ramba''m n'a jamais dit ou écrit une chose pareille !

Le passage du Mishnéh Tôroh sur lequel s'appuient ces rabbins et organisations est celui-ci1 :

Nous ne désignons pas comme roi quelqu'un provenant de l'Assemblée des Convertis, même si ses ancêtres étaient Israélites sur plusieurs générations, à moins que sa mère fasse partie des Israélites, car il est dit2 : « Tu ne placeras point à ta tête un homme étranger, qui n'est pas ton frère ». Cela ne s'applique pas qu'à la royauté, mais plutôt à toutes les positions d'autorité au sein du peuple d'Israël, c'est-à-dire, ni comme chef de l'armée, ni comme chef de cinquante hommes, ni comme chef de dix hommes. Il ne peut pas même superviser la distribution des eaux d'une source aux divers champs. Il est inutile de dire qu'un Dayyon ou un Nosi`3 ne peut être qu'Israélite, car il est dit4 : « Du milieu de tes frères tu placeras sur toi un roi », c'est-à-dire, toute autorité que tu placeras à ta tête ne peut provenir que du milieu de tes frères.
אֵין מַעְמִידִין מֶלֶךְ מִקְּהַל גֵּרִים, אַפִלּוּ אַחַר כַּמָּה דּוֹרוֹת--עַד שֶׁתִּהְיֶה אִמּוֹ מִיִּשְׂרָאֵל: שֶׁנֶּאֱמָר "לֹא תוּכַל לָתֵת עָלֶיךָ אִישׁ נָכְרִי, אֲשֶׁר לֹא-אָחִיךָ הוּא". וְלֹא לְמַלְכוּת בִּלְבָד, אֵלָא לְכָל שְׂרָרוֹת שֶׁבְּיִשְׂרָאֵל--לֹא שַׂר צָבָא, וְלֹא שַׂר חֲמִשִּׁים אוֹ שַׂר עֲשָׂרָה, אַפִלּוּ מְמֻנֶּה עַל אַמַּת הַמַּיִם שֶׁמְּחַלֵּק מִמֶּנָּה לַשָּׂדוֹת; אֵין צָרִיךְ לוֹמַר דַּיָּן אוֹ נָשִׂיא, שֶׁלֹּא יְהֶא אֵלָא מִיִּשְׂרָאֵל: שֶׁנֶּאֱמָר "מִקֶּרֶב אַחֶיךָ, תָּשִׂים עָלֶיךָ מֶלֶךְ"--כָּל מְשִׂימוֹת שֶׁאַתָּה מֵשִׁים עָלֶיךָ, לֹא יִהְיוּ אֵלָא מִקֶּרֶב אַחֶיךָ

Ce passage semble à première vue discriminer à l'égard des convertis, puisqu'il interdit aux convertis d'occuper des positions d'autorité au sein du peuple d'Israël. Or, toute personne qui connaît la position du Ramba''m sur le statut des convertis sait automatiquement que ce ne peut être ce que le Ramba''m veut dire ici. Le Ramba''m était l'un des plus grands défenseurs de l'égalité entre les Israélites de naissance et les convertis à la foi israélite. Il défend les convertis avec ardeur dans son Mishnéh Tôroh et ses Tashouvôth (correspondances halakhiques), enseignant qu'il n'y a aucune différence entre les convertis et les Israélites de naissance. En outre, dans la chaîne de transmission de la Tôroh Orale, que le Ramba''m cite lui-même dans son Introduction au Mishnéh Tôroh, nous retrouvons de nombreux Sages qui étaient eux-mêmes des convertis, comme par exemple `ônqalôs ז״ל, `antighnôs de Sôkhô ז״ל, Shama´yoh ז״ל, `avtalyôn ז״לet beaucoup d'autres. Ces convertis occupaient tous des positions d'autorité en tant que rabbins et dirigeant de Yashivôth. Mais alors, pourquoi une telle position dans ce passage susmentionné du Mishnéh Tôroh ?

Premièrement, la source du Ramba''m pour cette Halokhoh est la Gamoro` de Qiddoushin 73a où il est enseigné qu'une communauté composée exclusivement de convertis ne peut pas être appelé « une assemblée » (Qahal). Le Talmoudh, à plusieurs reprises, nous parle de convertis qui formaient leurs propres assemblées, qui n'étaient donc constituées que de convertis, formant ainsi une caste à part. Au sein du peuple d'Israël, il y avait trois castes : les Kôhanim, les Lawiyim et les Yisro`élim (ceux qui n'étaient ni Kôhén, ni Léwi). Ces convertis formaient donc une quatrième caste que l'on appelait alors « Qahal Gérim – Assemblée des Convertis ». Puisqu'ils ont décidé de se mettre à part des Israélites de naissance et des autres convertis Israélites pour former leurs propres assemblées exclusivement composées de convertis, ils n'étaient pas pleinement traités comme des Israélites. D'où cette décision du Ramba''m selon quoi, puisqu'ils ne sont pas pleinement comme des Israélites, ils ne peuvent pas occuper des positions d'autorité au sein du peuple d'Israël. Par cette Halokhoh, le but du Talmoudh était de rendre quasiment impossible la formation de communautés de convertis qui s'établiraient en assemblées distinctes et séparées du reste du peuple d'Israël.5

Deuxièmement, le Ramba''m cite le fameux enseignement du Talmoudh selon quoi « Les convertis sont aussi difficiles pour les Israélites que l'affliction de la Sora´ath ». Ce n'est évidemment pas une insulte à l'égard des convertis, puisque ce passage ne parle que des convertis qui causent la perte du peuple d'Israël et se retournent contre les principes de la Tôroh et la Halokhoh, comme ceux qui forment des assemblées de convertis à part du reste du peuple d'Israël, ceux qui apostasient et renient la foi ou encore ceux qui se sont convertis pour des motifs ultérieurs. Ces convertis sont une calamité pour le peuple d'Israël. Voilà pourquoi le Ramba''m écrit ceci6 :

14. Un converti [dont les motivations] n'ont pas été vérifiées, ou qui ne s'est pas fait enseigner les Miswôth et leurs punitions, et s'est fait circoncire et s'est immergé en présence de trois tiers, c'est un converti. Même s'il est découvert qu'il s'est converti pour un motif ultérieur, étant donné qu'il s'est fait circoncire et s'est immergé, il a quitté la catégorie des Gôyim, mais nous le considérons avec scepticisme jusqu'à que sa droiture soit clarifiée. Même s'il retourne [à ses anciennes voies] et adore des idoles, il est [traité] comme un Israélite apostat. Ses fiançailles sont considérées être des Qiddoushin, et il est également une Miswoh de lui rendre les objets qu'il a perdus, car dès lors qu'il s'est immergé, il est devenu semblable aux Israélites. C'est pourquoi, Shimshôn et Shalômôh conservèrent leurs épouses, bien que leurs secrets fussent dévoilés.
יד  גֵּר שֶׁלֹּא בָדְקוּ אַחֲרָיו, אוֹ שֶׁלֹּא הוֹדִיעוּהוּ הַמִּצְווֹת וְעָנְשָׁן, וּמָל וְטָבַל בִּפְנֵי שְׁלוֹשָׁה הִדְיוֹטוֹת--הֲרֵי זֶה גֵּר: וְאַפִלּוּ נוֹדַע שֶׁבִּשְׁבִיל דָּבָר הוּא מִתְגַּיֵּר--הוֹאִיל וּמָל וְטָבַל, יָצָא מִכְּלָל הַגּוֹיִים; וְחוֹשְׁשִׁין לוֹ, עַד שֶׁיִּתְבָּאַר צִדְקוּתוֹ. אַפִלּוּ חָזַר וְעָבַד עֲבוֹדָה זָרָה--הֲרֵי הוּא כְּיִשְׂרָאֵל מְשֻׁמָּד, שֶׁקִּדּוּשָׁיו קִדּוּשִׁין; וּמִצְוָה לְהַחְזִיר אֲבֵדָתוֹ, מֵאַחַר שֶׁטָּבַל נַעֲשָׂה כְּיִשְׂרָאֵל. וּלְפִיכָּךְ קִיַּם שִׁמְשׁוֹן וּשְׁלֹמֹה נְשׁוֹתֵיהֶן, וְאַף עַל פִּי שֶׁנִּגְלָה סוֹדָן
15. C'est la raison pour laquelle les Sages ont dit7 : « Les convertis sont aussi difficiles pour les Israélites que l'affliction de la lèpre », car la plupart d'entre eux, pour une raison ou une autre, retournent [à leurs anciennes voies] et amènent des Israélites à s'égarer, et il est une chose difficile de nous séparer d'eux une fois qu'ils se sont convertis. Va et apprends ce qui s'est passé dans le désert lors de l'adoration du Veau d'Or et des Qivrôth Hatta`awoh ! De même, la plupart des [plaintes soulevées dans les épisodes où les Israélites] tentèrent incessamment [Dieu] furent initiées par eux.
טו  וּמִפְּנֵי זֶה אָמְרוּ חֲכָמִים, קָשִׁים לָהֶם גֵּרִים לְיִשְׂרָאֵל כְּנֶגַע צָרַעַת--שֶׁרֻבָּן חוֹזֵר בִּשְׁבִיל דָּבָר, וּמַטְעִין אֶת יִשְׂרָאֵל; וְקָשֶׁה הַדָּבָר לִפְרֹשׁ מֵהֶם, אַחַר שֶׁנִּתְגַּיְּרוּ. צֵא וּלְמַד מַה אֵרַע בַּמִּדְבָּר בְּמַעֲשֵׂה הָעֵגֶל, וּבְקִבְרוֹת הַתַּאֲוָה; וְכֵן רֹב הַנִּסְיוֹנוֹת, הָאסַפְסוּף הָיוּ בָּהֶן תְּחִלָּה

Le Ramba''m ne parle donc pas du tout des convertis sincères, dont il fait les éloges à de nombreuses reprises (en fait, le Ramba''m se soumet pleinement aux enseignements du Talmoudh qui encourage vivement à répandre la Tôroh autour de nous afin de faire beaucoup de convertis et faire diminuer l'immoralité et l'idolatrie dans le monde), tout comme le Talmoudh, mais des convertis renégats et ceux qui ne se sont pas convertis avec sincérité.

Voilà pourquoi les convertis membres de l'Assemblée des Convertis ne sont pas pleinement traités comme des Israélites, et par conséquent ils ne peuvent pas avoir de positions d'autorité sur les Israélites (de naissance ou convertis). D'où la Halokhoh du Mishnéh Tôroh, qui est néanmoins utilisée par quelques rabbins ignorants (qui ont pourtant une « Samikhoh ») pour interdire aux convertis de siéger dans un Béth Din dans des affaires qui concernent des Juifs de naissance, ou même pour procéder à des conversions, voire même de devenir des rabbins. Ces pseudo rabbins font avec le Mishnéh Tôroh ce qu'ils font de la Tôroh et de la Halokhoh en général : de la manipulation, et les sots prennent leur égarement pour de la sagesse !

Puissions-nous avoir le mérite de voir s'accomplir les paroles suivantes tirées des Shamônah ´asréh : הָשִׁיבָה שׁוֹפְטֵינוּ כְּבָרִאשׁוֹנָה וְיוֹעֲצֵינוּ כְּבַתְּחִלָּה, וּמְלֹךְ עָלֵינוּ אַתָּה לְבַדְּךָ « Rends nos juges comme autrefois et nos conseillers comme au commencement. Et règne sur nous, Toi seul », avec la venue de Moshiah Sidhqénou, quand les vraies lois d'HaShem seront instaurées et que nous aurons des juges dignes de ceux des temps d'autrefois qui trancheront les affaires avec vérité, justice et équité dans le Sanhédhrîn de notre roi. Puisse-t-il paraître prochainement et de nos jours pour mettre fin à notre exil et à la folie qui s'empare du ´am Yisro`él ! `omén !

1Hilkôth Malokhim Oumilhomôth 1:5
2Davorim, Ibid.
3Chef de Sanhedrîn, ou Chef spirituel d'une ville ou de l'ensemble du peuple juif. En Hébreu moderne, ce terme désigne également un président, ou un chef d'état.
4Davorim, Ibid.
5Talmoudh, Qiddoushin 70a-b
6Hilkôth `issouré Bi`oh 13:14-15
7Yavomôth 47a
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