vendredi 4 mars 2016

Tout ou une partie des cheveux ?

ב״ה

Tout ou une partie des cheveux ?

Illustration : Trois couvre-chefs différents des femmes Juives Safaradhim et Mizrahim

Cet article peut être téléchargé ici.

Question :

Vous dîtes1 qu'une femme pourrait exposer sans aucun problème les cheveux, et qu'elle n'est seulement tenue que de couvrir sa tête. Mais n'y a-t-il pas une selon laquelle, seul un Tafah des cheveux d'une femme pourrait être exposé ?

Réponse :

Comme je l'ai expliqué, la Miswoh consiste effectivement à se couvrir la tête, et pas nécessairement les cheveux. C'est la raison pour laquelle elle est appelée ִיסוּי הָרֹאשׁ « Kisouy Horô`sh – couvrir la tête ». Pour répondre à la question posée, deux passages talmudiques doivent être mentionnés.

Dans Barokhôth 24a, la Gamoro` rapporte ceci :

Rébbi Yishoq a dit : « Un Tafah2 de cheveux d'une femme est une nudité ! ». Dans quel sens ? Dois-je dire [que c'est une nudité] si on les regarde ? Mais Rov Shéshath n'a-t-il pas [déjà] dit : « Pourquoi l’Écriture a-t-elle compté les ornements extérieurs3 avec les ornements intérieurs4 ? C'est pour te dire que si on regarde le petit doigt d'une femme, c'est comme si l'on avait regardé l'endroit obscène ! »5 ? Mais [Rébbi Yishoq parlait] plutôt [des cheveux] de la propre épouse [de l'homme] et lorsqu'il récite le Shama´ !
אמר רבי יצחק טפח באשה ערוה למאי אילימא לאסתכולי בה והא אמר רב ששת למה מנה הכתוב תכשיטין שבחוץ עם תכשיטין שבפנים לומר לך כל המסתכל באצבע קטנה של אשה כאילו מסתכל במקום התורף אלא באשתו ולקריאת שמע

Rash''i ז״ל explique, à juste titre, que Rébbi Yishoq ז״ל ne parle que du fait( de regarder avec envie ne serait-ce qu'un Tafah des cheveux de sa femme pendant qu'on récite le Shama´. En d'autres mots, ce passage n'est pas une déclaration selon laquelle il ne faudrait voir aucun cheveu de la tête d'une femme, ni que le maximum de cheveux qu'une femme pourrait révéler n'est que d'un Tafah (8 centimètres), mais que c'est plutôt uniquement interdit de prêter attention aux beautés d'une femme pendant qu'on prie ou fait le Shama´. Mais si on les regarde innocemment cela ne pose aucun problème. Et la Gamoro` cite pour preuve le fait qu'il a été dit que quiconque regarde le petit doigt d'une femme, c'est comme s'il avait regardé l'endroit obscène. Il est clair que l'on ne parle pas du simple fait de regarder, mais plutôt de regarder avec passion et désir. Ainsi, bien que les doigts d'une femme ne soient pas une nudité, et qu'il lui est permis de les exposer, un homme n'a tout simplement pas le droit de les scruter avec passion, avec désir. C'est idem pour les cheveux lorsque l'homme récite le Shama´ ou fait la prière en présence des cheveux exposés de sa femme. Le problème n'est pas les cheveux de cette dernière (tout comme son petit doigt), mais le fait qu'il les regarde avec désir au lieu e se concentrer sur le Shama´ ou la prière, En fait, ce passage talmudique apparaît juste avant la déclaration de Shamou`él ז״ל selon laquelle קול באשה ערוה « Qôl Ba`ishoh ´arwoh – la voix d'une femme est une nudité », que nous avions expliqué comme n'ayant aucune portée halakhique, mais venait simplement nous dire que si le fait d'entendre sa femme dire certaines choses ou chanter pendant qu'il récite le Shama´ ou fait la prière peut le distraire, il doit s'arrêter, car il ne peut prier dans de telles conditions avec concentration. (Voir les deux articles intitulés « Qôl Ba`ishoh ´arwoh », première et deuxième partie.) Ce qui signifie que s'il n'est pas distrait par les cheveux de sa femme ou ce qu'elle dit, il n'y a absolument aucun problème à ce qu'il prie. Nous avions expliqué que de nombreux Ri`shônim ne prenaient pas en compte cette Gamoro` dans d'autres contextes. En d'autres mots, il est une grave erreur de déduire de ce passage qu'il serait interdit d'écouter parler ou chanter une femme, ou de regarder ses cheveux. D'ailleurs, toutes les femmes de diverses communautés juives, avaient et ont la pratique de ne pas couvrir l'intégralité de leurs cheveux et d'exposer même plus d'un Tafah de cheveux. De tout le Talmoudh, il n'est fait référence qu'à une seule femme qui couvrait l'intégralité de ses cheveux, même chez elle, à la maison, et de la manière dont nos Sages en parlent, il est évident que c'était un cas inhabituel, et pas du tout la norme halakhique.6

Cela nous amène donc à nous poser la question suivante : qu'est-ce qu'une « nudité » dans le Talmoudh ? La plupart répondront qu'il s'agit de tout ce qui, chez une femme, est de nature érogène. Mais en réalité, ce n'est pas le cas, car autrement tous les cheveux devraient être couverts. En fait, le terme עֶרְוָה « ´arwoh », traduit généralement par nudité, est employé tout au long de la littérature talmudique pour désigner trois choses distinctes, qui constituent trois niveaux. Les voici du plus grave au moins grave :

  1. Les organes sexuels : il est strictement interdit de prier, faire le Shama´ ou prononcer la moindre bénédiction lorsqu'ils sont visibles.
  2. Les parties érogènes du corps d'une femme : ce sont des parties stimulantes qui peuvent causer des mauvaises pensées chez un homme, comme par exemple toute la zone autour des organes sexuels (cuisses, fesses, etc.). On ne peut pas prier, faire le Shama´ ou prononcer la moindre bénédiction lorsqu'elles sont visibles.
  3. Toute autre partie du corps d'une femme qu'un homme peut VOIR et OBSERVER dans un contexte totalement neutre (par exemple, regarder les mains d'une caissière pour voir si elle vous rend la monnaie exacte, mais qu'il ne peut pas OBSERVER dans un contexte « esthétique » ou de séduction (par exemple, une femme n'est tenue halakhiquement parlant, de ne couvrir sa jambe que jusqu'au genou. Tout ce qui est en-dessous du genou peut théoriquement être montré. Un homme peut donc voir la jambe d'une jambe d'une femme. Mais s'il regarde pour tirer un plaisir, draguer une femme, etc., l'acte de cet homme est indécent).

De par ce que nous avions dit concernant la notion de « Qôl Ba`ishoh ´arwoh », en prenant en compte le commentaire de Rash''i, et le fait que la majorité des femmes des temps talmudiques ne couvraient pas l'intégralité de leurs cheveux, il apparaît clairement que les cheveux d'une femme entre dans la troisième catégorie, c'est-à-dire des parties de son corps qu'il est permis de regarder de façon neutre, mais qu'il est interdit de regarder si cela se fait de façon indécente, tout comme nous avions dit qu'écouter chanter une femme un chant indécent était interdit.

Le deuxième passage talmudique est la Mishnoh de Kathoubbôth 7:6. Là, il nous est donné une liste de pratiques qui contreviennent à la דַּת מֹשֶׁה « Dath Môshah », et une seconde liste de pratiques qui contreviennent à la דַּת יְהוּדִית « Dath Yahoudhith ». L'expression « Dath Môshah » se réfère à des commandements d'ordre toranique, et inclut des choses telles qu'une femme qui sert à son mari ou ses enfants de la nourriture non Koshér, qui ne respecte pas les lois de Niddoh, ou qui fait des vœux et ne les respecte pas. À l'inverse, l'expression « Dath Yahoudhith » se réfère à des pratiques de pudeur basées sur la convention et les coutumes locales. La Mishnoh inclut dans cette catégorie des choses telles que sortir en public la « tête sauvage », ou encore ne faire preuve d'aucune retenue envers les hommes (une femme qui s'ouvre à n'importe quel homme, et parle librement à n'importe quel homme, comme si elle n'avait pas de pudeur). La Gamoro`7 de cette Mishnoh soulève un problème évident. Comment la Mishnoh peut-elle affirmer que sortir en public la « tête sauvage » (ce qui peut sous-entendre n'avoir rien pour couvrir sa tête) n'est pas une transgression d'un précepte toranique ? En d'autres mots, nous avons déjà appris de tradition qu'une femme devait couvrir sa tête, et telle était la pratique depuis les temps bibliques. Pourquoi la Mishnoh ne classe-t-elle donc pas cet acte dans la catégorie de « Dath Môshah » mais plutôt dans celle de « Dath Yahoudhith », faisant ainsi penser qu'il ne s'agirait que d'une coutume qui dépend de la pratique locale ? La Gamoro` explique qu'il n'y a en fait aucune contradiction. La Tôroh n'exige qu'une couverture minimale, symbolique, de la tête (et la Gamoro` explique que, par exemple, une femme pourrait très bien sortir en public en ayant qu'un panier sur sa tête. Théoriquement parlant, elle ne transgresse pas du tout la Tôroh en faisant cela. Puisque c'est seulement sa tête, et pas ses cheveux, qui doit être couvert, même placer un panier sur la tête, bien que les cheveux soient visibles, est valable d'un point de vue toranique), tandis que d'un point de vue rabbinique, il peut y avoir des règles plus strictes si telle est la pratique locale. En d'autres mots, « tête sauvage » ne signifie absolument pas qu'elle n'avait rien du tout sur la tête, mais simplement que sa tête était moins couverte que ce que la pratique locale exige. Ainsi, si une femme a la pratique de couvrir sa tête avec un bonnet, mais se retrouve dans une localité où les femmes Juives couvrent leurs têtes avec un voile qui recouvre également tous les cheveux, elle est tenue d'adhérer à la pratique locale.

De cette Gamoro`, nous voyons là encore qu'exposer ses cheveux n'est en rien un problème au niveau toranique si la tête est couverte même au minimum. Mais il faut prendre également en compte la pratique des femmes Juives de la ville où on réside. Précisions toutefois que cela ne s'applique que si la pratique de ces femmes est plus rigoureuse. Si ce n'est pas le cas, on ne doit alors pas y adhérer. Ainsi, si une femme a l'habitude de couvrir sa tête avec un foulard, mais se retrouve dans une localité où les femmes Juives ne se couvrent pas du tout la tête, elle ne peut pas suivre leur pratique et retirer son foulard.

Dans une localité où les femmes Juives ont diverses pratiques, car il n'y a pas une coutume locale, ou parce qu'il existe plusieurs communautés différentes à cet endroit, il n'y a alors pas de « Dath Yahoudhith », et chacune se couvrira comme elle l'entend.

2Un Tafah vaut 8 centimètres
3C'est-à-dire, ceux portés sur le vêtement
4Parmi les ornements que les Israélites prirent des femmes de Midhyon (Bamidhbor 31:50), il y avait le Koumoz, une espèce de ceinture au sujet de laquelle nos Rabbins disent qu'elle était portée sous les vêtements (ce que l'on appelle « ornement intérieur »), tandis que les autres ornements étaient portés au dessus des vêtements (ce que l'on appelle « ornement extérieur »). Et les cheveux d'une femme font partie de ses ornements extérieurs. Les cheveux d'une femme sont un don qu'HaShem lui a faite pour sa beauté, et puisqu'ils sont érogènes, ils font partie des nudités. Mais l’Écriture ne fait pas de distinction entre les ornements intérieurs et extérieurs, alors que l'on aurait pu penser que les artifices de charme qui se voient (extérieurs) doivent être traités avec plus de rigueur que ceux qui ne se voient pas (intérieurs). Pourquoi l’Écriture ne fait donc pas la distinction entre les deux, mais les met sur le même pied d'égalité ?
5Il est donc évident qu'un homme ne doit pas regarder avec envie les cheveux d'une femme, et cela avait déjà été dit par Rov Shéshath. Que vient donc nous apprendre Rébbi Yishoq en nous disant qu'un Tafah de cheveux d'une femme est une nudité ?
6Talmoudh, Yômo` 47a

7Kathoubbôth 72a
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