lundi 8 août 2016

Il n'y a pas de période de "Trois Semaines" chez les Sapharadhim

ב״ה

La Tôroh et HaZa''l n'ont jamais demandé « Trois Semaines » de deuil entre le 17 Tammouz et le 9 `ov

Deuxième Partie


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De façon relativement récente, la mode parmi les Sapharadhim ashkénazifiés consiste à reproduire et imiter les Harédhim `ashkanazim en interdisant pratiquement tout durant la période dite des « Trois Semaines » entre le 17 Tammouz et le 9 `ov.

Or, les Sapharadhim n'ont jamais connu cette période des « Trois Semaines », également appelée בֵּין הַמְּצָרִים « Bén Hammasorim » et n'avaient aucun Minhogh de tristesse durant cette période. Les seules choses qu'ils respectaient jusqu'à relativement récemment étaient des restrictions à partir de Rô`sh Hôdhash `ov et la semaine durant laquelle tombe le jeûne du 9 `ov.

Vous pouvez faire des recherches dans les écrits des Ri`shônim Sapharadhim, aucun ne fait référence à des Minhoghim se rapportant aux « Trois Semaines ». Chaque communauté séfarade adhérait à des Houmrôth et indulgences différentes, mais il n'y avait pas de « Halokhoh » s'appliquant à tous les Sapharadhim dans ce domaine précis.

En fait, le tout premier Sapharadhi à mentionner cette période fut Rabbi Yôséf Qa`rô (1488-1575) dans son Béth Yôséf, où il cite une responsa ashkénaze qui mentionne le Séphar Hasidhim de Rabbi Yahoudhoh ban Shamou`él Hahosidh (1148-1217) dans lequel il est écrit : « Certains pieux parmi les Pieux d'autrefois ne consomment pas de fruit nouveau durant les trois semaines, car comment dirions-nous la bénédiction de ''Shahahayonou'' durant une période si triste de l'année ? ». Premièrement, nous n'avons aucune preuve que les Hasidhim Hori`shônim (les « Pieux d'autrefois », une expression qui désigne les pieux de l'ère de la Mishnoh) avaient une telle pratique. Ni la Mishnoh, ni le Talmoudh, n'en parlent. Deuxièmement, la coutume consistant à réciter la bénédiction de « Shahahayonou » lors de la consommation d'un fruit nouveau ne remonte pas du tout au Talmoudh mais est post-talmudique. Comment donc les Hasidhim Hori`shônim auraient-ils pu avoir une telle pratique ? Troisièmement, le passage du Séphar Hasidhim ne mentionne que cette seule pratique durant les trois semaines. Nous sommes très loin de toutes les interdictions ashkénazes que l'on connaît aujourd'hui !

Mais là encore, la source de Rabbi Yôséf Qa`rô est un texte rédigé par l'un des Ri`shônim `ashkanazim. Il ne pouvait trouver aucun texte rédigé par les Ri`shônim Sapharadhim, tout bonnement parce que chez les Sapharadhim il n'y avait toujours eu que des Minhoghim s'appliquant à la période de neuf jours entre Rô`sh Hôdhash `ov et le jeûne, ainsi que d'autres lois et coutumes pour la semaine du jeûne. C'est là la pratique séfarade d'origine !

Comment les communautés séfarades passaient cette période ? Y avait-il des Houmrôth respectées par certaines ou toutes les communautés séfarades ?

  • Izmir, en Turquie

Le Grand-Rabbin Hayim ban Yisro`él Benbenisti (1603-1673) écrit dans ses « Shi´ouré Kanasath Haggadhôloh » que le Minhogh dans sa ville (et certaines autres villes turques) était de ne simplement pas se fiancer ou se marier durant toute la période des trois semaines. Rien de plus, rien de moins ! Il n'y avait donc pas les interdictions d'écouter ou jouer de la musique, de réciter la bénédiction de « Shahahayonou », d'acheter des vêtements neufs, etc.

Le Rov Hayim Pal`aghi (1788-1869), un autre rabbin turque de la ville de Smyrne, écrit la même chose dans le volume 2 de son « Lév Hayim ».

  • Le Caire, en Égypte

Le Grand-Rabbin Rapho`él `aharôn ban Shim´ôn (1847-1928) ne fait aucune mention de ces Minhoghim de deuil dans la section relative aux jeûnes dans son « Néhar Misrayim ».

Par contre, il fait mention du fait qu'il existe quelques communautés qui récitent certaines Qinôth lors des trois Shabbothôth de la période des « Trois Semaines », et que dans certaines autres communautés on lit les Haftorôth de ces Shabbothôth-là avec un air triste et déchirant. Mais il précise que rien de tout cela n'est le Minhogh en Égypte. Shabboth est Shabboth, et il ne doit y avoir aucune tristesse ou allusion à de la tristesse ce jour-là.

Mais là encore, rien n'est dit sur des interdictions d'écouter de la musique, de célébrer des mariages, d'acheter des vêtements neufs, de réciter « Shahahayonou », etc. La seule chose que faisaient ces communautés non égyptiennes qu'il mentionne était de réciter des Qinôth lors des trois Shabbothôth qui tombaient durant les « Trois semaines ».

Il vaut la peine de mentionner le fait que dans la section relative aux lois sur la sorcellerie et la magie, il dit que le Minhogh en Égypte consiste à se marier n'importe quel jour de l'année, mais que la majorité de la communauté est hésitante à tenir des fiançailles ou des mariages durant ces « Trois Semaines » parce que ce n'est pas considéré comme un « bon signe » ou de « bonne augure ». En mentionnant cela dans la section relative aux lois sur la sorcellerie et l’idolâtrie, il veut nous indiquer qu'hésiter à se fiancer ou se marier durant la période des « Trois Semaines » est de la pure superstition !

Nous voyons donc qu'en Égypte, il n'y avait aucune pratique de deuil pendant la période dite des « Trois Semaines ».

  • Bagdad, en Irak

Le Rov ´abdallah Somakh (1813-1889) nous dit dans le volume 3 de son « Zivé Sadhaq » que le Minhogh dans sa ville consistait à suivre la recommandation faite dans le Shoulhon ´oroukh de ne pas réciter « Shahahayonou » durant l'entièreté de la période dite des « Trois Semaines ». Pas plus, pas moins !

Le Grand-Rabbin `alisho´ Nisim Sasson Dangoor (19ème siècle) nous parle dans son « Gadhoulôth `alisho´ » du Minhogh de Bagdad consistant à tenir une Barith Miloh (même durant les neuf jours entre Rô`sh Hôdhash `ov et le jeûne) avec des chants, des danses et des instruments de musique. Il questionne la permissivité d'un tel Minhogh à la lumière de la recommandation faite par HaZa''l de diminuer sa joie lorsqu'arrive le mois de `ov, mais ne fit rien du tout pour y mettre fin.

Le Rov Yôséf Hayim (1834-1909) nous dit dans son célèbre ouvrage intitulé « Ban `ish Hay » que bien que la Halokhoh n'interdit les mariages qu'à partir de Rô`sh Hôdhash `ov, le Minhogh s'est développé de l'interdire depuis le 17 Tammouz. Mais il précise que les fiançailles étaient permises depuis le 17 Tammouz jusqu'à Rô`sh Hôdhash `ov, moment à partir duquel elles devenaient interdites. Il ajoute qu'il était interdit d'organiser la moindre fête avec de la musique et des danses durant toute la période des « Trois Semaines ».

Le Rov ´ôvadhyoh Yôséf (1920-2013), qui était lui aussi de Bagdad, cite un témoignage oral qu'il a entendu du Rov Sliman Houghi `abboudhi, qui fut le `ov Béth Din de Bagdad, et qui rapporta qu'en fait, le Minhogh de Bagdad consistait à autoriser les mariages jusqu'à Rô`sh Hôdhash `ov.

Nous avons donc quatre témoignages divergents quant à ce qu'était le Minhogh de Bagdad. Cela nous permet de conclure qu'en réalité il n'y avait pas un seul Minhogh pour toute la communauté séfarade de Bagdad, mais que diverses communautés de la ville avaient différentes pratiques quant à ce qui pouvait ou ne pouvait pas être fait durant la période dite des « Trois Semaines ».

La ville de Bagdad est donc un bel exemple montrant clairement qu'il n'y a jamais eu de Minhogh universel parmi les Sapharadhim d'accepter des pratiques de deuil depuis le 17 Tammouz !

  • Meknès, au Maroc, et Tlemcen, en Algérie

Le Rov Yôséf Messas (1892-1974), dans le volume 2 de son « Mayim Hayim », répond à une question qui lui a été soumise quant à savoir si l'on doit s'abstenir de se marier dès le 17 Tammouz ou seulement dès Rô`sh Hôdhash `ov. Il répond en citant le Shoulhon ´oroukh1, qui interdit de réciter « Shahahayonou » durant les trois semaines, et le commentaire du Ramo''`2, qui interdit les mariages durant les trois semaines, et conclut que la règle suit ce qu'a écrit le Ramo''`. Il répond également à une autre question concernant la permissivité de se couper les cheveux durant les trois semaines en disant qu'on doit l'interdire durant les trois semaines, mais il ajoute qu'étant donné que les Français ont envahi l'Afrique du Nord beaucoup sont retournés vers le Minhogh consistant à ne l'interdire qu'à partir de Rô`sh Hôdhash `ov. Il conclut qu'il ne faut pas protester contre ceux qui sont retournés vers ce Minhogh, car interdire de se couper les cheveux depuis le 17 Tammouz n'est qu'une Houmroh et une pratique qui fut établie par les `ashkanazim qui s'est lentement frayée un chemin chez les Sapharadhim !

Tout est dit dans ces dernières lignes ! Bien qu'au Maroc et en Algérie ils s'interdisaient les mariages et de se couper les cheveux depuis le 17 Tammouz, ce n'était pas la pratique d'origine des Juifs marocains et algériens, qui n'ont fait qu'imiter les `ashkanazim en adoptant ces Houmrôth !

  • Damas et Alep, en Syrie

Dans le livre « Darakh `amath », par le Rov `avrohom Ades de Bané Baraq, qui rapporte toutes les pratiques des Juifs syriens lorsqu'ils vivaient encore nombreux en Syrie, il est dit que certains s'abstiennent de dire « Shahahayonou » les jours de semaine, mais que même ces « individus pieux » ne s'en abstiennent pas à Shabboth. Il ne dit rien sur d'autres restrictions en vigueur durant les « Trois Semaines ». Mais nous voyons qu'en Syrie, même l'interdiction de dire « Shahahayonou » n'était respectée que par certains, que le Rov Ades lui-même décrit comme « ces individus pieux ».

  • Djerba, en Tunisie

Dans le livre « Barith Kahounnoh », par le Rov Môshah Hakkôhén, il est rapporté ceci :
  1. aucun mariage n'est célébré durant l'entièreté de la période des « Trois Semaines », mais les fiançailles sont permises durant toute la période
  2. on ne se coupe pas les cheveux durant l’entièreté de la période des « Trois Semaines »
  3. durant toute cette période, le Minhogh entre Minhoh et ´arbith consiste à s'asseoir par terre et réciter le dernier chapitre de `ékhoh (Lamentations de Jérémie), ainsi que les Tahillim 137 et 79.
  4. la bénédiction de « Shahahayonou » n'est pas récitée sur un fruit nouveau, ni sur un vêtement neuf, durant l'entièreté de la période des « Trois Semaines ».

Comme vous avez pu le voir, il n'y avait jamais eu de Minhoghim uniformes parmi les Sapharadhim pour la période dite des « Trois Semaines », car les communautés séfarades d'origine se tenaient aux indications données dans le Talmoudh et par les Ri`shônim Sapharadhim (voir la première partie). Dès lors que Rabbi Yôséf Qa`rô alla emprunter aux `ashkanazim certaines de leurs innovations, des divergences sont nées chez les Sapharadhim, avec certains qui continuent à suivre les prescriptions données par le Talmoudh et les Ri`shônim Sapharadhim, d'autres qui reprennent certaines des restrictions des `ashkanazim, et d'autres enfin qui n'ont aucun honneur ni attachement aux pratiques de leurs ancêtres et préfèrent imiter les `ashkanazim en tout au mépris de leurs propres traditions d'origine, comme s'il fallait nécessairement être les plus rigoureux et stricts pour être de bons Juifs !

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