mercredi 9 décembre 2015

La foi et la superstition - Première Partie

ב״ה

La foi et la superstition

Première Partie


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Le Judaïsme cherche à nous rapprocher d'HaShem ית׳ par la pensée (réflexion et raison) et l'acte. La superstition cherche à contourner la puissance d'HaShem au moyen de formules « magiques » ou rituels étranges. Alors que le Judaïsme demande une excellence intellectuelle et morale, ainsi qu'une relation directe avec HaShem, la superstition offre de prétendus moyens de passer outre HaShem ou de Le manipuler afin de contrer le mal ou atteindre un quelconque autre objectif recherché.

Étant donné que la foi et la superstition transcendent en fin de compte le domaine de la raison humaine, il est possible d'en arriver à effacer les frontières entre les deux. La Tôroh insiste sur le fait de ne pas nous tourner vers des chamans, des faiseurs de miracles, etc., mais que nous restions focalisés sur notre relation personnelle avec HaShem, comme il est écrit1 :

Qu'il ne se trouve pas chez toi quelqu'un qui fasse passer par le feu son fils ou sa fille, qui pratique des enchantements, qui s'adonne aux augures, à la divination, à la magie, qui emploie des charmes, qui ait recours aux évocations ou aux sortilèges, ou qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est une abomination de `adhônoy, et c'est à cause de ces abominations que `adhônoy ton Dieu les2 déposséda à ton profit. Tu seras entier avec `adhônoy ton Dieu !
לֹא-יִמָּצֵא בְךָ, מַעֲבִיר בְּנוֹ-וּבִתּוֹ בָּאֵשׁ, קֹסֵם קְסָמִים, מְעוֹנֵן וּמְנַחֵשׁ וּמְכַשֵּׁף. וְחֹבֵר, חָבֶר; וְשֹׁאֵל אוֹב וְיִדְּעֹנִי, וְדֹרֵשׁ אֶל-הַמֵּתִים. כִּי-תוֹעֲבַת יְהוָה, כָּל-עֹשֵׂה אֵלֶּה; וּבִגְלַל, הַתּוֹעֵבֹת הָאֵלֶּה, יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, מוֹרִישׁ אוֹתָם מִפָּנֶיךָ. תָּמִים תִּהְיֶה, עִם יְהוָה אֱלֹהֶיךָ

Concernant la dernière phrase du passage susmentionné, Rash''i ז״ל commente ceci :

Tu seras entier avec HaShem ton Dieu : Marche avec Lui avec intégrité, aie confiance en Lui, et ne scrute pas l’avenir. Mais accepte avec intégrité tout ce qui t’advient, et alors tu seras avec Lui et tu seras Sa part.
תָּמִים תִּהְיֶה עִם ה' אֱלֹהֶיךָ. הִתְהַלֵּךְ עִמּוֹ בִּתְמִימוּת וּתְצַפֶּה לוֹ וְלֹא תַּחֲקֹר אַחַר הָעֲתִידוֹת, אֶלָּא כָּל מַה שֶּׁיָּבֹא עָלֶיךָ קַבֵּל בִּתְמִימוּת וְאָז תִּהְיֶה עִמּוֹ וּלְחֶלְקוֹ

C'est de là que l'on comprend que toutes les choses qui ont été interdites dans ce passage ne l'ont pas été parce qu'elles servaient vraies (contrairement à ce que beaucoup croient), mais tout simplement parce qu'elles sont fausses, des bêtises, et détournent les gens d'une foi et confiance véritables en HaShem. (Nous y reviendrons une autre fois, plus en détails.) On ne peut pas être croyant et superstitieux à la fois ! Quiconque est superstitieux n'est pas entier avec HaShem et croit, du coup, qu'il peut exister une autre force ou puissance qu'HaShem dans ce monde. Ce qui est non seulement impossible, mais est également de la pure hérésie. (Quelqu'un qui porte une חַמְסָה « Hamsoh »3 autour du cou pour se protéger du Mauvais Œil sous-entend par-là qu'il n'a pas confiance en HaShem et qu'une autre puissance, celle de la Hamsoh, pourrait le protéger.) C'est pour cela que tout ce qui est lié de près ou de loin à la superstition est strictement interdit par la Tôroh.

Le Ramba''m ז״ל clarifie la frontière entre foi et superstition dans sa discussion sur les incantations faites pour guérir une blessure4 :

Quiconque murmure une incantation sur une blessure et récite un verset de la Tôroh, et de même celui qui récite [un verset] au-dessus d'un bébé afin qu'il ne soit pas terrifiée, celui qui place un Rouleau de la Tôroh ou des Tafillin sur un enfant afin qu'il dorme, non seulement ceux-là sont inclus dans la catégorie des sorciers et des incantateurs, mais ils sont [également] inclus dans la catégorie de ceux qui mécroient5 en la Tôroh, car ils font des paroles de la Tôroh un remède du corps, alors qu'elles ne sont qu'un remède des âmes, car il est dit6 : « et elles seront une vie pour ton âme ». Mais quelqu'un en bonne santé qui a récité des versets ou un cantique des Tillim7 afin d'être protégé par le mérite de sa récitation, et délivré des malaheurs et dommages, cela est permis.
הַלּוֹחֵשׁ עַל הַמַּכָּה וְקוֹרֶא פָּסוּק מִן הַתּוֹרָה, וְכֵן הַקּוֹרֶא עַל הַתִּינוֹק שֶׁלֹּא יִבָּעֵת, הַמַּנִּיחַ סֵפֶר תּוֹרָה אוֹ תְּפִלִּין עַל הַקָּטָן בִּשְׁבִיל שֶׁיִּישַׁן--לֹא דַּי לָהֶן שְׁהֶן בִּכְלַל חוֹבְרִים וּמְנַחֲשִׁים: אֵלָא שְׁהֶן בִּכְלַל הַכּוֹפְרִים בַּתּוֹרָה, שְׁהֶן עוֹשִׂין דִּבְרֵי תּוֹרָה רִפְאוּת גּוּף, וְאֵינָן אֵלָא רִפְאוּת נְפָשׁוֹת, שֶׁנֶּאֱמָר "וְיִהְיוּ חַיִּים, לְנַפְשֶׁךָ". אֲבָל הַבָּרִיא שֶׁקָּרָא פְּסוּקִין אוֹ מִזְמוֹר מִתִּלִּים, כְּדֵי שֶׁתָּגֵן עָלָיו זְכוּת קְרִיאָתָן, וְיִנָּצֵל מִצָּרוֹת וּנְזָקִים--הֲרֵי זֶה מֻתָּר

Quelles sont les caractéristiques de ces individus qui « mécroient en la Tôroh » ?

  1. ils traitent les versets bibliques comme s'ils étaient des formules magiques pouvant réaliser une guérison ;
  2. ils utilisent des objets religieux (par exemple, un Séfar Tôroh ou une paire de Tafillin), comme s'ils étaient dotés de pouvoirs magiques indépendants ;
  3. ils ont recourt à des incantations et rituels « magiques », au lieu de se tourner directement vers HaShem.

En gros, ils se comportent superstitieusement, plutôt qu'avec foi !

Mais si nous devions confronter ces individus, ils seraient surpris d'être placés dans la catégorie de ceux qui « mécroient en la Tôroh ». Ils pourraient penser d'eux-mêmes qu'ils sont pieux, de vrais Juifs de Tôroh. Après tout, ils n'ont pas été consulter des diseurs de bonne aventure, des devins ou autres incantateurs pour avoir de l'aide ; ils ont « seulement » récité de paroles saintes tirées de la Bible et n'ont utilisé « que » des objets religieux de leur tradition juive. Qu'ont-ils donc fait d'inapproprié ? En quoi se sont-ils égarés ? Le Ramba''m répond : même si quelqu'un a fait usage de paroles de la Tôroh et de symboles juifs d'une façon superstitieuse, c'est aussi de la superstition ! Effectivement, un tel comportement renie l'ordre explicite d'être entier avec HaShem, de ne nous tourner que vers Lui, directement, et de ne pas s'adonner à des activités « magiques ». C'est donc bel et bien de la pure ְפִירָה « Kafiroh » (mécréance).

Le Ramba''m relève que si quelqu'un en bonne santé récitent des cantiques tirés des Tahillim (ou d'autres passages bibliques) dans l'espoir que par cette Miswoh il pourra jouir de la protection d'HaShem, il se trouve encore du bon côté de la frontière qui sépare la foi de la superstition. Cette personne n’attribue pas une puissance surnaturelle intrinsèque aux versets bibliques ; plutôt, elle dirige ses pensées vers HaShem Lui-même, et espère que cette récitation de versets lui feront mériter (il n'a donc aucune garantie de cela et ne prétend pas qu'HaShem l'exaucera) la protection Divine. Bien que cela ne soit pas du tout un exemple de foi à son maximum, c'est permis, car cette récitation de versets bibliques est comparable à n'importe quelle prière que l'on élèverait à HaShem avant qu'une chose ne se produise. Par exemple, au moment où l'on se dirige vers un endroit que l'on sait être dangereux, la Halokhoh demande de prier HaShem au moment du départ pour demander Sa protection afin que rien de fâcheux ne nous arrive à l'endroit où l'on se rendra. Et quand on en sortira pour rentrer chez soi, on doit à nouveau prier HaShem cette fois-ci pour Le remercier d'avoir permis que rien de fâcheux ne nous soit arrivé. La personne dont parle le Ramba''m est plus ou moins dans le même cas ; elle désire qu'HaShem l'épargne de tout malheur et la protège, mais plutôt que de prier HaShem, elle récite quelques versets qui sont comme sa prière. C'est pourquoi, bien que ce ne soit pas la meilleure chose à faire, cette personne n'est néanmoins pas passée du côté de la superstition et ne compte pas dans la catégorie de ceux qui mécroient en la Tôroh !

Il pourrait être une bonne chose de (re)lire l'article intitulé « Lire des Tahillim pour un malade », dans lequel j'avais abordé le sujet.

Dans sa discussion sur la Mazouzoh, le Ramba''m cite un autre cas très problématique qui permet de distinguer entre la foi et un comportement superstitieux. Il écrit8 :

[Il est] une coutume répandue d'écrire sur la face extérieure de la Mazouzoh, au niveau de l'intervalle entre les deux sections, [le Nom Divin] « Shadday », et il n'y a en cela aucun problème, parce qu'il [est écrit] à l'extérieur. Mais ceux qui y écrivent à l'intérieur des noms d'anges, ou des noms de saints [hommes], ou un verset, ou des marques, ceux-là sont inclus dans la catégorie de ceux qui n'ont pas de part dans le Monde-à-Venir, car non seulement ces fous annulent la Miswoh, mais ils font également de cette importante Miswoh, qui [est l'expression de] l'unicité du Nom du Saint, béni soit-Il, et du fait de L'aimer et Le servir, une espèce de talisman à leur propre profit, comme s'il est monté dans leur cœur stupide que cette chose est avantageuse dans les vanités du monde.
מִנְהָג פָּשׁוּט, שֶׁכּוֹתְבִין עַל הַמְּזוּזָה מִבַּחוּץ, כְּנֶגֶד הָרֵוַח שֶׁבֵּין פָּרָשָׁה לְפָרָשָׁה, שַׁדַּי; וְאֵין בְּזֶה הֶפְסֵד, לְפִי שְׁהוּא מִבַּחוּץ. אֲבָל אֵלּוּ שֶׁכּוֹתְבִין בָּהּ מִבִּפְנִים שְׁמוֹת מַלְאָכִים, אוֹ שְׁמוֹת קְדוֹשִׁים, אוֹ פָּסוּק, אוֹ חוֹתָמוֹת--הֲרֵי הֶן בִּכְלַל מִי שְׁאֵין לָהֶן חֵלֶק לָעוֹלָם הַבָּא: שֶׁאֵלּוּ הַטִּפְּשִׁים, לֹא דַּי לָהֶם שֶׁבִּטְּלוּ הַמִּצְוָה; אֵלָא שֶׁעוֹשִׂין מִצְוָה גְּדוֹלָה, שְׁהִיא יֵחוּד שְׁמוֹ שֶׁלְּהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא וְאַהֲבָתוֹ וַעֲבוֹדָתוֹ, כְּאִלּוּ הִיא קָמִיעַ לַהֲנָיַת עַצְמָן, כְּמוֹ שֶׁעָלָה עַל לִבָּם הַסָּכָל שֶׁזֶּה דָּבָר הַמְּהַנֶּה בְּהַבְלֵי הָעוֹלָם

Là aussi, le Ramba''m châtie ceux qui traitent un objet rituel comme si c'était un talisman, une amulette, etc., pour se protéger de certaines choses. Ces gens-là sont inclus parmi « ceux qui n'ont pas de part dans le Monde-à-Venir », bien qu'ils puissent penser qu'ils agissent pieusement. Le Ramba''m stipule clairement qu'un comportement superstitieux, même habillé de symboles religieux traditionnels, est une transgression grave des enseignements de la Tôroh.

Qu'est-ce qui mène les gens à adopter un comportement superstitieux ? Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas se rendre compte de la stupidité que constitue le fait d'avoir recours à des rites et incantations « magiques » ? Pourquoi les gens s'appuient-ils sur des comportements superstitieux plutôt que de se tourner directement vers HaShem simplement par la prière ?

Voici quelques raisons (et à l'évidence, il en existe d'autres) :

  1. Une vraie foi demande beaucoup de notre part. La superstition demande très peu !
  2. Une vraie foi demande que nous traitions de nos problèmes directement avec HaShem. La superstition offre des raccourcies, des moyens de contourner cette « confrontation » avec HaShem. (Môshah Rabbénou, par exemple, lorsqu'il ne comprenait pas quelque chose, comme la raison pour laquelle le peuple Hébreu souffrait plus encore depuis qu'il avait été envoyé à eux pour les sortir d’Égypte, il n'hésitait pas à faire part à HaShem de ses préoccupations. De même pour Dowidh Hammalakh et les autres personnages bibliques. Ils « confrontaient » HaShem, Lui exprimaient leurs peines, leurs douleurs, leurs inquiétudes, mais aussi leurs joies, leurs remerciements, etc.) Passer par des « intermédiaires » est toujours plus simple.
  3. Les pratiques superstitieuses ont été approuvées ou tolérées par des générations de gens qui semblent avoir une certaine crédibilité religieuse. On se dit donc que puisque ces éminentes personnes croyaient dans les démons et fabriquaient des amulettes (voir l'exemple de la lame en argent magique), c'est que ces choses sont permises. (En dépit des Pasaqé Dinim du Ramba''m.)
  4. Lorsque les gens ont peut ou sont désespérés, il peut arriver qu'ils mettent au placard leur raison pour adopter des pratiques superstitieuses « juste au cas où » ces choses pourraient fonctionner et les rassurer. Pourquoi ne pas tenter sa chance en essayant toutes les méthodes possibles et imaginables ?

L'un des grands défis des dirigeants religieux est d'éloigner les gens des tendances superstitieuses et les rapprocher d'HaShem. On doit rappeler aux gens qu'ils ont une raison, plutôt que de les laisser se soumettre à du surnaturalisme insensé ! La Tôroh était bien consciente de la faiblesse humaine à se tourner vers des bêtises telles que les devins et les magiciens, et elle a strictement interdit de telles pratiques qui forment un obstacle dans la relation directe que l'on doit avoir avec HaShem. La Tôroh enseigne la responsabilité, la réflexion minutieuse, et la confiance en HaShem. La superstition permet d'échapper à la responsabilité personnelle, suspend la réflexion rationnelle, et promeut la dépendance à des forces surnaturelles plutôt qu'à HaShem.

Certaines pressions au sein de la vie juive « Orthodoxe » contemporaine favorisent la superstition plutôt qu'une perspective authentique du Judaïsme, la plus belle foi qui soit. En surface, ces facteurs négatifs se déguisent en paroles et symboles religieuses ; et pourtant, tout comme dans les cas des utilisations détournées d'un Séfar Tôroh, des Tafillin et de la Mazouzoh cités par le Ramba''m dans les passages susmentionnés, ces tendances reflètent les caractéristiques répugnantes et dévoyées de la superstition. Le fait que ces comportements soient présentés et acceptés comme faisant partie du Judaïsme doit être une source d'inquiétude et d'angoisse pour tous les Juifs ayant encore conservé leur raison et intelligence.

Dans la seconde partie, nous citerons quelques exemples frappants de la superstition qui a envahi le prétendu Judaïsme « Orthodoxe ».

1Davorim 18:10-13
2Ceux qui habitaient en Terre de Canaan avant les Israélites
3Une Hamsoh est une main ornée d'un œil qui aurait pour vertu de nous protéger du « Mauvais Œil ». Voir l'image d'illustration de cet article
4Mishnéh Tôroh, Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 11:13
5Ou nient
6Mishlé 3:22
7Le Livre des Psaumes

8Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tafillin Oumazouzoh Waséfar Tôroh 5:4
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