dimanche 28 septembre 2014

Prier sur les tombes des Saddiqim - Cinquième Partie

ב״ה

Prier sur les tombes des Saddiqim

Cinquième Partie


  1. Est-il approprié de visiter les cimetières le trentième jour après le décès ou à la date du Yohrzeit, même juste pour honorer le défunt, comme ceux qui visitent la tombe du Mahara''l ז״ל à Prague, celle du Go`ôn de Wilno` ז״ל à Vilnius, etc. ?

Aussi courante que cette pratique puisse -être de nos jours, nous voyons que les Pôsqim les plus éminents la méprisaient. Le Hofés Hayim ז״ל écrit1 :

Et ce qui vient d'être dit, à savoir, visiter les tombes, ne se peut que lorsqu'on se tient à quatre pas de la tombe, même des tombes juives, car nous craignons les Mauvais Esprits.

La source de cette règle est le Moghén `avrohom2 ז״ל, qui a écrit :

Nous voyons dans les écrits du `ariZa''l que l'on ne doit se rendre au cimetière que pour la cérémonie d'enterrement [mais pas à d'autres moments], et cela est plus particulièrement vrai si l'on ne s'est pas repenti du péché des émissions nocturnes, car alors le Mauvais Esprit s'attache à lui.

Le Ba`ér Hétév3 ז״ל cite également les propos du Moghén `avrohom. Ce qui est paradoxal dans toute cette histoire est que la Hasidhouth est principalement basée sur la Qabboloh lurianique, c'est-à-dire les pratiques mystiques du `ari, alors qu'il était opposé au fait de se rendre régulièrement dans les cimetières. Or, s'il y a bien quelque chose qui caractérise aujourd'hui les Hasidhim, c'est bien le fait de se rendre régulièrement sur les tombes des rabbins et Saddiqim.

Le ´oroukh Hashoulhon ז״ל écrit4 :

Le `ariZa''l était opposé au fait de visiter les tombes à un moment autre que l'enterrement. Nous avons déjà fait remarquer que de nos jours, des gens s'y rendent en groupes et s'adonnent à des discussions futiles. Il est préférable de ne pas y aller.

La source du Pasaq du `ari se trouve dans Sha´ar Rouah Haqqôdhash5, où il est rapporté que Rov Hayim Vital ז״ל demanda conseil auprès du `ari concernant l'obligation de se rendre au cimetière et demander pardon auprès du défunt que l'on avait insulté. Le `ari lui conseilla de marcher autour de l'entièreté du cimetière, des quatre côtés, et de prendre soin de ne pas s'approcher à au moins quatre pas de n'importe laquelle des tombes, afin que les Mauvais Esprits ne se saisissent pas de lui, et plus particulièrement les esprits causés par les émissions séminales impures.

De même, le Go`ôn de Wilno` ז״ל était catégoriquement opposé au Minhogh de visiter les tombes. Dans la fameuse lettre d'au revoir qu'il rédigea à destination de sa femme et ses enfants lorsqu'il se rendit en Terre Sainte, il leur écrivit ceci :

Prenez grandement soin de ne pas du tout vous rendre au cimetière, car là les Mauvais Esprits s'attachent à vous, et plus particulièrement aux femmes. Tous les problèmes et péchés découlent de cela.

Maintenant, si quelqu'un ne prie pas dans le cimetière, mais ne s'y rend que pour honorer le défunt, est-ce un Minhogh Koshér ?

Le Hatho''m Sôfér6 ז״ל y était opposé, et décrivit même cette pratique comme faisant partie des דַרְכֵי אֱמוֹרִי « Darakhé `amôri », expression qui signifie littéralement « les voies des Émoréens », et qui désigne un rite superstitieux et idolâtre. Il cite même la Halokhoh suivante que rapporte le Ramba''m ז״ל dans son Mishnéh Tôroh7 :

Nous marquons les tombes et construisons une pierre tombale sur la tombe. Quant aux Saddiqim, nous ne construisons pas pour eux de pierre tombale sur leurs tombes. Leurs paroles sont leur souvenir. Un homme ne visitera pas les tombes.
וּמְצַיְּנִין אֶת הַקְּבָרוֹת, וּבוֹנִין נֶפֶשׁ עַל הַקֶּבֶר; וְהַצַּדִּיקִים, אֵין בּוֹנִים לָהֶם נֶפֶשׁ עַל קִבְרוֹתֵיהֶן--דִּבְרֵיהֶם הֶם זִכְרוֹנָם. וְלֹא יִפְנֶה אָדָם לְבַקַּר הַקְּבָרוֹת

Le Hatho''m Sôfér note que la source de cette Halokhoh du Ramba''m est la Mishnoh de Samohôth 8:1. Il rapporte8 :

Dans le traité Samohôth (Chapitre 8, Mishnoh 1), HaZa''l ont enseigné : « On ne peut pas se rendre au cimetière pour vérifier le mort au-delà de trois jours [après le décès] sans craindre que cela soit du Darakhé `amôri. Il est une fois arrivé que des vivants aient visité la tombe et découvert un [mort présumé] qui vécut après cela pendant vingt-cinq ans ».

Ainsi, il est clair et net que pour nos Sages du Sanhédhrin, visiter les tombes une fois que trois jours sont passés après le décès est une pratique idolâtre.

Dans les trois premiers jours du décès de quelqu'un, on visitait sa tombe pour vérifier le mort. Qu'est-ce que cela signifie-t-il ?

Le Nahalath Ya´aqôv ז״ל (un commentaire contemporain imprimé sur la page du traité Samohôth) a écrit ceci :

La visite consiste à vérifier si celui que l'on pensait mort avait perdu connaissance ou était réellement mort. Le Parishoh9 Yôréh Dé´oh 394:3 écrit que cette Halokhoh n'était d'application que du temps de HaZa''l, étant donné que durant cette période-là les morts étaient placés dans des grottes (et n'étaient pas recouverts de terre), et la visite n'avait pour unique but que de retirer le gros bloc de pierre de l'entrée de la grotte et regarder à l'intérieur10. Mais à notre époque où les morts sont couverts dans la terre, il n'y a plus aucune nécessité d'aller le visiter et vérifier.

Et la raison pour laquelle cette visite de vérification ne pouvait se faire que dans les trois premiers jours après le décès est que nous avons une tradition selon laquelle ressusciter n'est possible que dans les trois jours qui suivent le décès. Seul Moshiah pourra ressusciter quelqu'un mort depuis plus de trois jours.

Ce passage du Nahalath Ya´aqôv est commenté de la façon suivante par le Hatho''m Sôfér :

D'après le Parishoh11, visiter la tombe est une fois de plus du Darakhé `amôri. Et c'est là la source des paroles du Ramba''m.

Certains réinterprètent les propos du Ramba''m et du Hatho''m Sôfér en disant qu'ils ne pensent pas du tout qu'ils aient considéré le fait de visiter les tombes comme faisant partie des Darakhé `amôri. Sur la phrase du Ramba''m, וְלֹא יִפְנֶה אָדָם לְבַקַּר הַקְּבָרוֹת « Et un homme ne visitera pas les tombes », ils font remarquer que plusieurs explications y ont été apportées. La première étant que le Ramba''m ne parlait pas ici de se rendre au cimetière, mais de la pratique consistant à ouvrir les tombes pour vérifier si les personnes s'y trouvant étaient bien mortes.12 C'est cela que le Ramba''m et le Hatho''m Sôfér auraient considéré comme faisant partie des Darakhé `amôri, et non le fait de visiter les tombes. Le Radba''z ז״ל est convaincu que c'est là l'intention des propos du Ramba''m et déclare explicitement dans son commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m que le Minhogh du peuple d'Israël est de permettre la visite des tombes.

La deuxième explication a été donnée par Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל. Dans son Kasaf Mishnéh13 (son commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m), il se base sur le Riva''sh ז״ל, et écrit que lorsque le Ramba''m a déclaré que וְלֹא יִפְנֶה אָדָם לְבַקַּר הַקְּבָרוֹת « Et un homme ne visitera pas les tombes », son intention était de décourager tout attachement à la tombe, mais pas nécessairement le fait de la visiter. Il conclut en disant que visiter une tombe n'est en rien du Darakhé `amôri.

Je vous laisse le soin de consulter et lire par vous-mêmes ces sources et vous faire votre propre idée. Mais lorsqu'on regarde le passage du Mishnéh Tôroh susmentionné dans son contexte et le commentaire du Hatho''m Sôfér, il est clair et évident qu'ils veulent dire ce qu'ils disent, c'est-à-dire qu'on ne doit pas se rendre au cimetière visiter les tombes. (Visiter le cimetière pour entretenir la tombe lorsqu'il n'y a pas quelqu'un qui s'en occupe à plein temps est différent.)

  1. En conclusion

Les plus grands des Pôsqim de premier plan s'opposent tous au fait de visiter les tombes. Le Hatho''m Sôfér considère cette pratique comme n'étant rien d'autre que de l’idolâtrie. Quant au Ramba''m, il considère cette pratique comme étant une interdiction catégorique.

Par conséquent, bien que ceux qui visitent les tombes s'appuient sur des rabbins influents qui leur enseignent à le faire, celui qui désire agir 100% d'une façon appropriée, et qui ne souhaite pas faire quelque chose qui pourrait potentiellement être interdit, devrait prendre en compte les grands maîtres cités tout au long de ces cinq parties.

Tout cela nous montre que la majorité des Juifs de notre temps ont fait le choix de perpétuer leurs Minhoghim au dépend de la Halokhoh.

1Mishnoh Barouroh 559:41
2À la fin du Chapitre 559
3Chapitre 559
4559:7
5Page 49
6Shou''th Yôréh Dé´oh, Responsa 338
7Hilkôth `éval 4:4
8Shou''th Yôréh Dé´oh, Responsa 338
9Un commentaire sur le `arbo´oh Tourim
10Pour vérifier si celui qui s'y trouvait s'était juste évanoui et s'était à présent réveillé.
11Qui dit qu'à notre époque il n'y a plus lieu de vérifier si le mort est bien mort, étant donné que même si un homme présumé mort était réellement vivant et que nous avons pensé à tort qu'il était mort, après qu'il ait été recouvert de terre durant plus de dix minutes, il n'y a plus d'intérêt à vérifier, car la personne n'a pratiquement plus aucune chance de survie après cela.
12Radba''z sur Hilkôth `éval 4:4 ; Tashouvath HaRiva''sh 421

13Sur Hilkôth `éval 4:4
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