ב״ה
Que
vaut réellement une Kazzayith ?
L'histoire
halakhique de l'augmentation de la Kazzayith
Première
Partie
Par
le rabbin Nothon Slifkin.
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article peut être téléchargé ici.
- Introduction
Rabbi
Môshah Sôfér (le Hatha''m Sôfér, 1762-1839) fait
remarquer qu'aujourd'hui, alors qu'il n'y a plus de Temple, il ne
reste plus qu'une seule Miswoh d'origine biblique impliquant
le manger : celle de consommer de la Massoh la première
nuit de Pésah.1
C'est pourquoi, il insiste sur le fait de veiller à être minutieux
dans l'accomplissement de cette Miswoh. En plus de la Miswoh
imposant un type spécifique d'aliment, il y a aussi une exigence
d'avoir une quantité minimale suffisante de cet aliment pour être
considéré l'avoir « mangé ». Cette quantité est
définie dans le Midhrosh2 :
« Il n'y a pas de ''manger'' avec moins qu'une Kazzayith
(l'équivalent d'une olive). »
À
quoi équivaut cette quantité ? Rabbi Hayim
de Volozhin (1749-1821) est partout révéré comme étant le père
du monde de la Yashivoh. Mais ce qui est moins connu et certainement
moins répandu dans le monde de la Yashivoh est son opinion quant à
la taille de la Massoh que l'on a l'obligation de consommer à
Pésah. Rabbi Hayim était d'avis que cette Kazzayith
équivaut effectivement à la taille d'une olive, aux environs de
trois ou quatre centimètres cubes.3
Cela nous donne un morceau de Massoh faisant approximativement
la moitié de la taille d'une carte de crédit.
Et
pourtant, cela contraste radicalement avec la coutume communément
répandue aujourd'hui. La politique répandue consiste à quantifier
une Kazzayith comme valant 28,8 centimètres cubes. Le Mishnoh
Barouroh va même jusqu'à dire que l'on devrait consommer un volume
équivalent à un œuf, c'est-à-dire, approximativement 55
centimètres cubes. Et il existe des boites de Massôth faites
à la machine qui mentionnent sur l'emballage qu'une Massoh
entière équivaut à une Kazzayith ! La plus grande ironie dans
tout cela est que sous prétexte de vouloir accomplir la Miswoh
aussi scrupuleusement que possible, certains s'adonnent à de la
`akhiloh Gasoh (se gaver), ce qui n'est sans aucun doute pas
l'intention de la Miswoh et empêche d'accomplir son
obligation.
Récemment,
certains individus ont consenti des efforts pour démontrer que la
Kazzayith devait être revue à la baisse, mais ils n'ont pas
rencontré beaucoup de succès et ont été confrontée à beaucoup
d'opposition. Dans cette étude, tout en démontrant que la Kazzayith
vaut la taille d'une olive ordinaire, l'accent sera mis sur une
exposition des raisons pour lesquelles tant de Pôsqim l'ont tranchée
trop largement, et pourquoi il est difficile de vaincre cette façon
de voir les choses, en dépit des preuves qui l'invalident.
En
toute logique, pour parvenir à la conclusion qu'une Kazzayith est
beaucoup plus large que les olives d'aujourd'hui, deux positions
distinctes doivent être prises : Premièrement, que les olives
des temps anciens étaient plus grosses, et deuxièmement, que nous
avons l'obligation de suivre la taille des olives d'antan plutôt que
celles d'aujourd'hui. Aucune de ces positions ne suffit à elle seule
pour exiger une mesure plus large ; c'est pourquoi elles furent
adoptées les deux à la fois. Commençons par évaluer ces deux
positions l'une après l'autre.
- Les olives étaient-elles plus grosses dans les temps anciens ?
Les
olives des temps bibliques et talmudiques étaient-elles plus grosses
que celles d'aujourd'hui ? Du point de vue de l'archéologie, il
y a des preuves évidentes que les olives des temps anciens n'étaient
pas plus grosses que celles d'aujourd'hui. De nombreux noyaux
d'olives des temps anciens ont été découverts, parmi lesquels un
grand nombre dans les débris des implantations de Masada et dans les
grottes du Désert de Judée datant de la révolte de Bar Kokhvo`.
Ces noyaux provenaient essentiellement de la souche d'olives Nabali,
mais incluaient aussi les variétés locales Souri et Malisi, ainsi
que les grosses olives Shami Tôhaffi qui furent importées d'autres
pays comme produits de luxe. Tous ces noyaux ne sont pas différents
en taille de façon significative des noyaux des souches d'olives
d'aujourd'hui. Certains pourraient affirmer que la ratio de la chair
entourant le noyau pouvait avoir été plus large, mais cela est
improbable, et ne doit pas être accepté sans preuve concluante.4
En
outre, il existe des dizaines d'oliviers vivantes aujourd'hui de la
variété Souri, en Israël et ailleurs, qui datent d'environs deux
mille ans, et sept en Israël qui ont plus de trois mille ans. Ces
arbres produisent encore des fruits, qui ne sont aucunement
différents en taille des fruits produits par des oliviers plus
jeunes. Certains pourraient avancer que dans les temps anciens ils
produisaient des fruits plus larges, mais cela est fortement
improbable d'un point de vue botanique.
Toutes
les preuves empiriques indiquent donc que dans les temps talmudiques,
et même bibliques, les olives n'étaient pas plus grosses que celles
que l'on trouve aujourd'hui. La Mishnoh précise d'ailleurs laquelle
des différentes souches est visée lorsque l'olive est donnée comme
mesure halakhique5 :
La
Kazzayith dont ils parlent n'est ni de grande [taille], ni de
petite [taille], mais de [taille] moyenne ; c'est le `aggôri.
|
כזית
שאמרו--לא
גדול ולא קטן,
אלא
בינוני:
זה
אגורי
|
La
grande olive dont parle la Mishnoh correspond au Shami, qui mesure
environs 12-13 centimètres cubes, et la petite olive dont parle la
Mishnoh correspond au Mélisi, qui mesure environs 0,5-1 centimètres
cubes. La taille moyenne correspond au Souri dominant et/ou à la
souche Nabali dont les olives sont légèrement plus grosses que
celles de la souche Souri. Le Souri varie de 2,5 à 3,5 centimètres
cubes, tandis que le Nabali varie de 4 à 6 centimètres cubes. La
Kazzayith du Talmoudh, qui est la même que la Kazzayith
d'aujourd'hui, varierait entre 2,5 et 6 centimètres cubes, avec une
moyenne tournant autour de 4 centimètres cubes.
- Les Ga`ônim : suivre ce que l’œil voit
Nous
voyons donc déjà qu'il semble n'y avoir aucune raison de même
supposer qu'une olive des temps anciens était plus large que les
olives d'aujourd'hui. Mais qu'en serait-il si, pour quelque raison
que ce soit, quelqu'un croit néanmoins que les olives des temps
anciens étaient plus grosses ? Aurait-il l'obligation de
reproduire cette quantité ? Les Ga`ônim ont tranché qu'il
n'en est pas ainsi ! Il y a approximativement 130 ans d'ici,
trois responsas sur ce sujet de la période gaonique furent
découvertes. La première provient du Rov Shariro` Go`ôn (Babylone,
906-1006)6 :
Tu
m'as demandé d'expliquer s'il y a un poids donné pour la figue,
l'olive, la datte et d'autres mesures, dans le poids des pièces
arabes, et tu as expliqué que le Rov Hila`y Go`ôn a précisé que
le poids d'un œuf vaut 16 pièces d'argent et 2/3. [Tu t'es demandé
ceci] : si les autres ne se sont pas vu attribuer un poids,
pourquoi l’œuf s'est-il fait attribuer un poids ?
Il
est connu que ces autres mesures ne se sont vu attribuer aucun poids
équivalent en argent, que ce soit dans la Mishnoh ou le Talmoudh. Si
[les Sages] avaient désiré donner une mesure de poids en dinarim,
ils l'auraient fait dès le départ. Plutôt, ils donnent les mesures
en se référant à des céréales et des fruits, qui sont toujours
disponibles, et
personne ne doit dire qu'ils ont changé.
...Nous
pratiquons d'après la directive de la Mishnoh : Tout
est déterminé selon ce que l’œil voit... Et de même,
concernant l'olive et la datte, il est expliqué dans cette Mishnoh
que cela e se réfère pas à une grosse olive, ni à une petite
olive, mais plutôt à une olive moyenne ; et cela se
détermine également d'après ce que l’œil voit. La
raison pour laquelle certains rabbins ont exprimé leur opinion quant
à la taille d'un œuf, et n'en ont pas fait de même avec une olive,
une datte ou une figue, c'est parce que beaucoup de choses dépendent
de la taille d'un œuf : le Kav, la Sa´oh, la `éfoh, le
´ômar ; tous s'évaluent en fonction des œufs, et c'est
pourquoi ils l'ont estimé d'après leurs opinions. Mais ces
autres mesures sont laissées à l'opinion de ce que l’œil de
chacun voit...
Le
fils du Rov Shariro` Go`ôn, le Rov Hay
Go`ôn (Babylone, 939-1038), écrit ceci7 :
… C'est pourquoi
la Tôroh a donné des mesures en se rapportant aux œufs et aux
fruits (car les Divré Sôfrim furent donnés au Sinaï), parce qu'on
peut trouver des œufs et des fruits partout. Car il est connu et
révélé devant Celui qui parla et le monde fut, que [le peuple
d']Israël est destiné à être éparpillé parmi les nations, et
que les poids et mesures qui avaient cours du temps de Môshah et
ceux qui furent ajoutés en `aras
Yisro`él ne seraient pas préservés, et que les mesures changent en
différentes époques et différents endroits... Par conséquent, les
Sages ont rapporté les quantités aux fruits et aux œufs, qui
existent toujours et ne changent jamais. Ils ont fait
dépendre la quantité d'un œuf sur ce que l’œil de chacun voit.
Une
dernière responsa, d'un Go`ôn anonyme, stipule8 :
Et concernant ce
que tu as écrit au sujet de la taille d'une grosse figue et d'une
figue moyenne, et de même au sujet d'une olive grosse, petite et
moyenne, ce sont sans aucun doute des mesures, et comment peut-il y
avoir une mesure pour une mesure ? Et si tu prétends que c'est
un problème [pour lequel] un poids [doit être fixé], nos Rabbins
n'ont pas précisé de poids, et Celui qui est Saint n'a pas non plus
estimé approprié de nous fixer un poids. Chaque individu, qui
agit selon sa propre estimation, a accompli son devoir, et il n'y a
nulle besoin d'aller voir la quantité d'un autre...
Dans
toutes ces responsas, nous voyons qu'une Kazzayith doit être
estimée, très simplement, par chaque individu selon ce qu'il
constate en observant lui-même une olive. Même si quelqu'un croit
que les olives des temps talmudiques étaient plus grosses que celles
d'aujourd'hui, il n'y aurait aucune utilité à tenter de reproduire
cette quantité ! Avec les Ga`ônim, nous voyons une présomption
selon laquelle la
taille des olives ne change de toute façon pas,
et qu'en tout cas chacun
est censé suivre sa propre estimation de la taille d'une olive.9
C'était d'ailleurs là le raisonnement sous-jacent de la Tôroh
lorsqu'elle a prescrit des quantités en se référant à des fruits
familiers plutôt qu'à un système de mesure indépendant.
1Responsa
Hatha''m Sôfér, Hôshén Mishpot 196
2Tôrath
Kôhanim, `aharé 12:2 ; `amôr 4:16
3QahillathYa´aqôv,
Pésahim 38. Voir aussi Sha´aré
Rahamim, page 19, #165, note de bas de page 3
4Il
est vrai que le Talmoudh (Sôtoh 48a) déclare que depuis la
destruction du Temple le « Shoumon » des olives fut
réduit. Sauf que ce passage talmudique ne fut jamais cité par
quelque Ri`shôn que ce soit dans leurs discussions halakhiques. La
raison en est très simple : ce passage se réfère aux
bienfaits nutritionnels plutôt qu'à la taille de la chair
5Kélim
17:8
6Cité
dans le Séfar Ha`ashkôl, Volume 2, Hilkôth Halloh
13, page 52
7Ibid.,
pages 56-57
8Tashouvôth
Hagga`ônim 268
9Toutes
ces Responsa sont également citées par Rabbi `ali´azar
Waddenberg, dans Sis
`ali´azar, Volume 13, 76:3