mercredi 28 octobre 2015

Qui sont les « Bané Ho`alôhim » et les « Nafilim » ?

ב״ה

Qui sont les « Bané Ho`alôhim » et les « Nafilim » ?


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Dans la Sidhroh de cette semaine suivant le cycle triennal, la Sidhroh de « Zah Séfar Tôldhôth `odhom » (que vous pouvez télécharger ici), nous lisons un passage que beaucoup interprètent d'une façon plus qu'étrange. Avant de nous parler du Déluge, la Tôroh rapporte les raisons qui ont amené HaShem ית׳ à faire tomber le Déluge et détruire les hommes et les animaux :

Baré`shith 6:1־4
Et il arriva que lorsque l'homme commença à se multiplier sur la face de la terre et que des filles leur naquirent, les fils des `alôhim virent les filles de l'homme car elles étaient belles. Et ils prirent pour eux des femmes parmi toutes celles qu'ils avaient choisies. Et `adhônoy dit : « Mon esprit ne combattra pas toujours dans l'homme ; puisqu'il est aussi de chair, ses jours seront de cent vingt ans ». Et les Nafilim furent sur la terre en ces jours־là, et même après que les fils des `alôhim sont venus vers les filles de l'homme et qu'elles engendraient pour eux. Ce sont les forts qui depuis toujours sont les hommes de renom.
וַיְהִי כִּי־הֵחֵל הָאָדָם, לָרֹב עַל־פְּנֵי הָאֲדָמָה; וּבָנוֹת, יֻלְּדוּ לָהֶם. וַיִּרְאוּ בְנֵי־הָאֱלֹהִים אֶת־בְּנוֹת הָאָדָם, כִּי טֹבֹת הֵנָּה; וַיִּקְחוּ לָהֶם נָשִׁים, מִכֹּל אֲשֶׁר בָּחָרוּ. וַיֹּאמֶר יְהוָה, לֹא־יָדוֹן רוּחִי בָאָדָם לְעֹלָם, בְּשַׁגַּם, הוּא בָשָׂר; וְהָיוּ יָמָיו, מֵאָה וְעֶשְׂרִים שָׁנָה. הַנְּפִלִים הָיוּ בָאָרֶץ, בַּיָּמִים הָהֵם, וְגַם אַחֲרֵי־כֵן אֲשֶׁר יָבֹאוּ בְּנֵי הָאֱלֹהִים אֶל־בְּנוֹת הָאָדָם, וְיָלְדוּ לָהֶם: הֵמָּה הַגִּבֹּרִים אֲשֶׁר מֵעוֹלָם, אַנְשֵׁי הַשֵּׁם

Beaucoup comprennent l'expression ְנֵי־הָאֱלֹהִים « Bané Ho`alôhim » comme voulant littéralement « les fils de Dieu » et se référant à des anges ou d'autres êtres célestes. Ils s'imaginent donc que des anges ou êtres célestes ont commencé à avoir des rapports sexuels avec les filles des êtres humains. Ils interprètent également le terme נְפִלִים « Nafilim », de la racine נפל qui signifie « tomber », comme se référant aux enfants nés de l'union entre ces anges « déchus » (anges qui sont tombés, qui ont été chassés, des cieux)) et les êtres humains, enfants qui devinrent des « géants ». Tout cela n'est que pure mythologie !

L'écrasante majorité des commentateurs de l'ère des Ri`shônim interprètent l'expression « Bané Ho`alôhim », non pas comme les fils de Dieu, mais par « les membres de la noblesse », « les membres de la classe supérieure » de la société (ceux qui étaient puissants), ou « les juges ». Nous voyons dans la Tôroh que très souvent lorsque l'expression « Bané » (les fils de) est employée, cela se réfère aux membres d'un groupe, d'une caste de la société, et non pas littéralement aux fils de quelqu'un. Par exemple, l'expression ְנֵי הַנְּבִיאִים « Bané Hannavi`im », qui signifie littéralement « les fils des Prophètes », désigne tout simplement les élèves qui étudiaient dans les écoles des Prophètes, et non pas littéralement leurs fils. De même, contrairement à ce que certains peuvent penser, le terme « `alôhim » n'est pas exclusivement employé pour désigner Dieu. Tout au long du TaNa''kh, on l'emploie aussi pour se référer aux juges, aux hommes d'autorité, ainsi qu'aux faux dieux. C'est ainsi que la Tôroh rapporte ceci1 :

Et `adhônoy dit à Môshah : « Vois, Je fais de toi `alôhim pour Pharaon, et `aharôn sera ton prophète ».
וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, רְאֵה נְתַתִּיךָ אֱלֹהִים לְפַרְעֹה; וְאַהֲרֹן אָחִיךָ, יִהְיֶה נְבִיאֶךָ

Est-ce que cela signifie qu'HaShem à fait de Môshah Rabbénou ע״ה un « dieu » pour Pharaon ? Absolument pas ! Le terme « `alôhim » se comprend ici par « position d'autorité ». HaShem plaça Môshah Rabbénou en position d'autorité sur Pharaon, tandis que `aharôn ע״ה  serait son porte-parole (car Môshah Rabbénou avait des difficultés à s'exprimer). De même, Dowidh Hammalakh ע״ה écrit ceci2 : אֱלֹהִים, נִצָּב בַּעֲדַת-אֵל; בְּקֶרֶב אֱלֹהִים יִשְׁפֹּט « `alôhim Se tient dans l'assemblée divine ; au milieu des `alôhim Il juge ». Le premier « `alôhim » se réfère à HaShem, tandis que le deuxième se réfère aux juges. Ce verset se comprend donc par « Dieu Se tient dans l'assemblée divine ; au milieu des juges Il juge ». Et tout le contexte du Tahillim 82 démontre que l'on parle de juges humains, à qui Dieu demande plus qu'aux autres hommes, car en tant que juges ils sont Ses représentants sur terre. (C'est d'ailleurs pour cela que le terme « `alôhim » s'emploie pour toute personne en position d'autorité.) Mais au lieu de cela, les juges se sont corrompus et ont refusé de juger avec justice, et se comportent comme n'importe lequel des hommes sans intelligence. C'est pour cela que le Tahillim 82 se termine par une exhortation que Dieu seul nous juge et débarrasse le peuple d'Israël des juges corrompus. Il y a un très grand nombre de cas où « `alôhim » n'est pas utilisé en référence à Dieu, mais aux juges, aux hommes en position d'autorité, ainsi qu'aux faux dieux.

Une croyance en des « anges déchus » qui auraient eu des rapports sexuels avec des êtres humains est une expression supplémentaire de la fantaisie humaine. Car si quelqu'un engageait sa raison, il saurait qu'il ne peut y avoir aucun contact physique entre un ange métaphysique et un être humain. Cette erreur provient d'une dichotomie : la capacité que l'homme a de séparer la religion de la raison. Lorsqu'on fait cela, il devient impossible d'avoir une approche raisonnée et rationnelle. En fait, plus on croit sans preuves, plus les gens se sentent « religieux ». Or, le Judaïsme pense différemment. HaShem désire que l'homme engage sa raison aussi bien dans le monde naturel que dans sa vie religieuse. Car ce n'est que par la sagesse que nous découvrons les merveilles que le Créateur a placées dans la nature et la Tôroh. Ce n'est que par la sagesse que nous nous rendrons compte de notre faculté unique à raisonner, de notre faculté unique de l'intelligence, et que nous atteindrons une plus grande appréciation pour le Créateur.

Que veut-on dire par « Bané Ho`alôhim » et « Nafilim » ? Voici comment le Targoum `ônqalôs traduit les passages susmentionnés (et je vous rappelle que le Targoum `ônqalôs était la traduction araméenne officielle de toutes les Synagogues de `aras Yisro`él dans les temps mishnaïques et talmudiques. De ce fait, il reflète la manière dont la Tôroh était réellement comprise par nos Sages) :

Et ce fut lorsque les fils des hommes commencèrent à se multiplier sur la terre, et que des filles leurs naquirent, que les fils des puissants virent les filles des hommes qu'elles étaient belles, et prirent pour eux des femmes de toutes celles qui leur plaisaient. Et `adhônoy dit : « Cette génération mauvaise ne se tiendra pas devant Moi pour toujours, parce qu'ils sont chair, et leurs œuvres sont mauvaises. Un terme3 leur sera donné, cent vingt ans, s'ils peuvent être ramenés ». Des forts étaient sur terre en ces jours-là ; et aussi lorsque, après que les fils des puissants étaient venus vers les filles des hommes, il naquit d'elles des forts qui, depuis toujours, furent des hommes de renom.
וַהֲוָה כַּד שָׁרִיאוּ בְּנֵי אֲנָשָׁא, לְמִסְגֵּי עַל אַפֵּי אַרְעָא; וּבְנָתָא, אִתְיְלִידָא לְהוֹן. וַחֲזוֹ בְּנֵי רַבְרְבַיָּא יָת בְּנָת אֲנָשָׁא, אֲרֵי שַׁפִּירָן אִנִּין; וּנְסִיבוּ לְהוֹן נְשִׁין, מִכֹּל דְּאִתְרְעִיאוּ. וַאֲמַר יְיָ, לָא יִתְקַיַּם דָּרָא בִּישָׁא הָדֵין קֳדָמַי לְעָלַם, בְּדִיל דְּאִנּוּן בִּסְרָא, וְעוֹבָדֵיהוֹן בִּישִׁין; אַרְכָּא יְהִיב לְהוֹן, מְאָה וְעַסְרִין שְׁנִין אִם יְתוּבוּן. גִּבָּרַיָּא הֲווֹ בְּאַרְעָא, בְּיוֹמַיָּא הָאִנּוּן, וְאַף בָּתַר כֵּין דְּעָאלִין בְּנֵי רַבְרְבַיָּא לְוָת בְּנָת אֲנָשָׁא, וְיָלְדָן לְהוֹן: אִנּוּן גִּבָּרַיָּא דְּמֵעָלְמָא, אֲנָשִׁין דִּשְׁמָא

Il n'y a aucun ange là-dedans, ni êtres célestes, et il est clair que l'on parle d'êtres humains de chair et de sang ! Les « Bané Ho`alôhim » sont les fils des hommes puissants. Dans son commentaire sur ce passage, Rash''i ז״ל nous explique d'ailleurs ceci :

Les Bané Ho`alôhim : Les fils des princes et des juges. Autre explication : les Bané Ho`alôhim sont les princes qui vont en tant qu'émissaires de l'Omniprésent. Eux aussi se sont mélangés avec eux. Toutes les fois que l'on trouve dans l’Écriture le mot « `alôhim », il y a un sens de « suprématie ». En voici la preuve : « tu seras pour lui un `alôhim »4, ou bien : « Vois ! Je fais de toi `alôhim »5.
בְּנֵי הָאֱלֹהִיםבְּנֵי הַשָּׂרִים וְהַשּׁוֹפְטִים. דָּבָר אַחֵר בְּנֵי הָאֱלֹהִים הֵם הַשָּׂרִים הַהוֹלְכִים בִּשְׁלִיחוּתוֹ שֶׁל מָקוֹם אַף הֵם הָיוּ מִתְעָרְבִין בָּהֶם. כָּל אֱלֹהִים שֶׁבַּמִּקְרָא לָשׁוֹן מָרוּת וְזֶה יוֹכִיחַ אַתָּה תִהְיֶה לוֹ לֵאלֹהִים. רְאֵה נְתַתִּיךָ אֱלֹהִים


Nous ne pouvons être plus clair que cela, qu'il n'y a aucune connotation de divinité dans ce passage. On parlait simplement des fils des princes et des juges, d'hommes d'autorité qui étaient censés représenter la justice de Dieu sur terre ! Ils se sont corrompus et se sont mélangés aux impies. Même ces gens d'autorité se sont corrompus, alors que plus que n'importe qui, ils auraient dû se conduire avec justice et faire appliquer la justice sur terre. La raison pour laquelle HaShem nous en parle, c'est afin que l'on comprenne bien pourquoi Il a détruit le monde par le Déluge. L'humanité s'était corrompue à un tel point que même ceux qui avaient été désignés pour faire appliquer la justice et punir les criminels et les impies avaient corrompu leurs voies. Dans un tel monde où la justice ne peut plus du tout être appliquée et dans lequel plus aucun crime ne peut être puni, il n'y a pas d'autre recours que l'annihilation. Mais néanmoins, HaShem, dans Son incroyable bonté, accorda un délai avant d'exterminer le monde : il accorda aux êtres humains cent vingt ans pour qu'ils se repentent ! Beaucoup de gens croient faussement que lorsque la Tôroh parle de cent vingt ans, c'est la limite d'âge que HaShem imposa aux hommes, alors que le Targoum (ainsi que Rash''i ז״ל, le Rashba''m ז״ל, le `ibn ´azro` ז״ל, et beaucoup d'autres Ri`shônim) explique clairement que cela signifie simplement qu'HaShem accorda un délai de cent vingt ans aux hommes afin qu'ils se repentent. C'est au bout de ces cent vingt ans, s'ils ne s'étaient pas repentis, qu'Il appliquerait le décret d'extermination ! C'est la grande bonté d'HaShem ! Mais les hommes ne se sont pas repentis. Interpréter « Bané Ho`alôhim » comme se référant à des anges n'a aucun sens avec tout le contexte de ce passage ! Et lorsque la Tôroh dit qu'ils se choisirent des femmes parmi les « fils des hommes », c'est un euphémisme pour dire qu'ils violaient ou prenaient comme bon leur semblait les filles des hommes simples, démunis, sans pouvoir, et avaient un appétit sans borne. Il n'y avait plus de justice, et ils faisaient tout ce qu'ils voulaient, sans aucune limite.

Qu'en est-il des « Nafilim » ? La plupart des gens interprètent ce terme comme désignant les anges déchus, qui ont été précipités des cieux pour avoir eu des rapports sexuels avec les filles des êtres humains. Mais cela ne se peut pas. Premièrement, les anges ne sont ps physiques, et de ce fait, aucune connotation physique telle que la localisation ou la chute ne peut s'appliquer à eux. Deuxièmement, la Tôroh est claire sur le fait que les « Nafilim » étaient déjà sur terre en ces temps-là, et qu'ils continuèrent à être là même après que les « Bané Ho`alôhim » (c'est-à-dire les fils des juges et des princes) commencèrent à s'en prendre aux filles des hommes simples. De ce fait, il ne se peut pas qu'il s'agisse des anges ayant eu des rapports avec des êtres humains. Les Sages nous disent qu'il s'agit tout simplement d'hommes à la carrure si impressionnante (ils étaient robustes et très forts) que rien que les voir amenaient les cœurs des gens « à tomber », c'est-à-dire à être terrifiés. Raison pour laquelle le Targoum traduit « Nafilim » par גִּבָּרַיָּא « Gibborayo` », c'est-à-dire « les forts », ceux qui étaient de forte corpulence et dotés d'une force physique impressionnante. (Notez que ni la Tôroh, ni le Targoum, ne parle de « géants ». Il s'agissait juste d'hommes de corpulence impressionnantes.) Ils terrorisaient les gens et faisaient répandre la violence. En nous disant qu'ils continuèrent à être là même après que les fils des princes et des juges se débauchèrent, la Tôroh veut nous dire qu'ils continuèrent à commettre leurs méfaits en toute impunité, puisque dorénavant, ils n'avaient rien à redouter des juges et des princes, qui ne faisaient de toute façon plus appliquer le droit et la justice, mais étaient autant corrompus et débauchés que tous les autres !

Tout cela ajoute à notre compréhension du Déluge, l'histoire qui sera rapportée dans la Sidhroh de la semaine prochaine. Car ce fut la grande stature d'autorité des hommes qui contribua au sentiment d'impunité dont il croyait pouvoir jouir, ainsi que son appétit débridé pour le sexe, la richesse et le pouvoir, au point que les hommes prenaient de force ce qui étaient aux autres (leurs filles, leurs femmes, leurs biens, etc.).

Mis bout à bout, tout cela a du sens, contrairement à cette compréhension infantile et mythologique selon quoi des anges déchus auraient eu des rapports sexuels avec des êtres humains, compréhension qui n'est pas soutenue par HaZa''l, les Ri`shônim, et encore moins par la sage Tôroh d'HaShem !

En outre, nous savons que les anges sont entièrement spirituels, et tous disent que contrairement à nous, les anges ne sont pas dotés de libre-arbitre. S'il en est ainsi, comment peut-on croire que des anges aient pu avoir des désirs pour des femmes humaines, avoir des relations sexuelles avec elles, et désobéir à HaShem ? Cela ne tient pas la route ! Nos Sages ont clairement expliqué que dans les mondes spirituels, il n'y avait pas de libre-arbitre, ni de désirs, ni rien que ce soit associé à des actes physiques. C'est ainsi que nos Sages ont, par exemple, affirmé que dans les mondes spirituels, les notions de s'asseoir ou se lever n'existaient pas. Le physique n'est lié qu'aux gens de ce monde, et il n'y a rien de compatible entre des êtres métaphysiques comme les anges et des êtres physiques comme les êtres humains !

Les gens devraient faire attention avant d'accepter n'importe quelle explication ou commentaire, et ne pas oublier de sortir leur raison du placard !

1Shamôth 7:1
2Tahillim 82:1
3Ou « une longueur »
4Shamôth 4:16, en référence à Môshah Rabbénou, qui aura autorité sur Pharaon. On voit bien que cela ne veut pas dire que Môshah Rabbénou était un « dieu »

5Shamôth 7:1, là encore en référence à Môshah Rabbénou, qui sera en position d'autorité sur Pharaon
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