jeudi 14 avril 2016

Quelques questions pratiques sur le déroulement du Sédhar de Pasah

ב״ה

Quelques questions pratiques sur le déroulement du Sédhar de Pasah


Cet article peut être téléchargé ici.

  • De combien de Massôth a-t-on besoin pour le Sédhar ?

Bien que la pratique majoritaire d'aujourd'hui consiste à suivre Rash''i ז״ל et le Rashba''m ז״ל pour qui trois Massôth doivent être utilisées lors du Sédhar (une pour la Miswoh particulière de la Massoh et deux supplémentaires pour respecter la Halokhoh exigeant de consommer deux pains à Shabboth et Yôm Tôv), elle n'est pas, contrairement à ce que l'on pense, universellement acceptée, notamment par les Talmidhé HaRamba''m, les Juifs de rite hispano-portugais, plusieurs Safaradhim et d'autres talmudistes.

Voici ce que tranche le Talmoudh1 :

Rov Pappo` a dit : « Tous admettent qu'à Pasah on doit placer le morceau [de pain] sous [la miche] entière et [les] rompre [ensemble] ». Pour quelle raison ? [Parce que] l’Écriture [parle du] « pain du pauvre »2.
אמר רב פפא הכל מודים בפסח שמניח פרוסה בתוך שלמה ובוצע מאי טעמא לחם עוני כתיב

De là nous voyons qu'à Pasah, lors du Sédhar, on ne doit utiliser qu'une Massoh entière et une Massoh coupée. C'est ainsi que le Ramba''m ז״ל rapporte ceci dans son Mishnéh Tôroh3 :

Et après cela, il fait la bénédiction de « ´al Natilath Yodhoyim » et lave ses mains une deuxième [fois], car il a détourné son attention durant le temps qu'il récitait la Haggodhoh. Et il prend deux parts [de Massoh], brise l'une d'elles, place la moitié brisée à l'intérieur de l'entière et fait la bénédiction de « Hammôsi` Laham Min Ho`oras ». Et pourquoi ne bénit-on pas sur les deux miches comme pour tous les autres Yomim Tôvim ? Parce qu'il est dit : « Le pain du pauvre ». Tout comme le pauvre est habitué au [pain] brisé, de même [un pain] brisé [doit être utilisé].
וְאַחַר כָּךְ מְבָרֵךְ עַל נְטִילַת יָדָיִם, וְנוֹטֵל יָדָיו שְׁנִיָּה--שֶׁהֲרֵי הִסִּיחַ דַּעְתּוֹ בְּשָׁעַת קְרִיאַת הַהַגָּדָה; וְלוֹקֵחַ שְׁנֵי רְקִיקִין, חוֹלֵק אֶחָד מֵהֶן וּמַנִּיחַ פָּרוּס לְתוֹךְ שָׁלֵם, וּמְבָרֵךְ הַמּוֹצִיא לֶחֶם מִן הָאָרֶץ. וּמִפְּנֵי מַה אֵינוּ מְבָרֵךְ עַל שְׁתֵּי כִּכָּרוֹת, כִּשְׁאָר יָמִים טוֹבִים: מִשּׁוֹם שֶׁנֶּאֱמָר "לֶחֶם עֹנִי" (דברים טז,ג)--מַה דַּרְכּוֹ שֶׁלֶּעָנִי בִּפְרוּסָה, אַף כָּאן בִּפְרוּסָה

À Pasah, nous devons reproduire en partie la condition du pauvre. Nous revivons la condition misérable dans laquelle nous nous trouvions avant que Dieu, dans Son incommensurable miséricorde, ne nous délivre de l'emprise de nos ennemis. C'est une des raisons pour laquelle nous consommons de la Massoh, qui est un pain très rudimentaire uniquement à base de farine et d'eau, rien de plus. Et tout comme un pauvre n'a pas les capacités d'avoir beaucoup de pains entiers chez lui, mais se nourrit généralement de pains déjà coupés, nous aussi devons nous contenter ce soir-là de ne consommer qu'une seule Massoh entière et une demi-Massoh, contrairement aux autres Yomim Tôvim et Shabbothôth où nous consommons deux miches de pain entières.

Et puisque l'obligation de la Massoh le soir du Sédhar s'accomplit en consommant au minimum une quantité équivalent à la taille d'une olive ordinaire, une Massoh et demi est largement suffisante pour tout le Sédhar.

  • Quelles sont les autres produits et éléments nécessaires pour le bon déroulement du Sédhar ?

Voici une liste de tout ce dont on a besoin pour le soir du Sédhar.

  1. Les Massôth

Comme nous l'avons mentionné plus haut, on doit utiliser une Massoh entière et une demi-Massoh pour la Miswoh (l'autre moitié de la Massoh coupée en deux sera consommée à la fin du repas).

Contrairement à la pratique qui prévaut aujourd'hui où chaque personne a devant elle des Massôth, la pratique des Talmidhé HaRamba''m (conformément aux instructions talmudiques) consiste à ne mettre à table que les deux Massôth qui serviront au Sédhar.


  1. Un plateau

Contrairement à la pratique qui prévaut de nos jours où chaque personne possède son plateau, notre pratique consiste à n'en avoir qu'un seul.

N'importe quel plateau fera l'affaire. Il n'est pas nécessaire d'en acheter un neuf rien que pour l'occasion, ni de dépenser son argent pour en acquérir un spécialement en argent.

L'idéal consiste à manger sur une table basse placée au milieu de la pièce, de façon à pouvoir manger assis par terre.


On placera sur ce plateau du Morôr (herbes amères), un autre légume, deux Massôth, de la Harôsath et deux sortes d'aliments (un pour remplacer le Qorban Pasah et l'autre pour remplacer le Qorban Haghighoh).

  1. Du vin/jus de raisin

Durant le Sédhar, chaque personne doit boire quatre coupe de vin ou de jus de raisin. Il faudra donc s'assurer qu'il y en ait assez pour chaque participant, de façon à théoriquement pouvoir remplir quatre coupes par personne.

Notons que le but n'est pas de s'enivrer. Par conséquent, il convient de diluer le vin avec de l'eau au cas où il serait trop fort.

Le vin blanc est tout autant valable que le vin rouge. Néanmoins, pour symboliser le sang versé par nos ancêtres, il est de coutume de préférer le vin rouge.

Si on ne peut boire du vin ou que l'on préfère tout simplement le jus de raisin, on pourra s'acquitter de son devoir par quatre coupes de jus de raisin.

  1. Les coupes/gobelets

Chaque personne devrait avoir sa propre coupe ou son propre gobelet. Mais si on en utilise un pour tout le monde, c'est également valable.

Le récipient dans lequel le vin sera bu peut être fait dans n'importe quel matériau, et doit pouvoir contenir au minimum 143,5 millilitres. Rappelons que ce n'est pas la quantité de vin par coupe que l'on a l'obligation de boire, mais bien la capacité de la coupe. Le minimum requis de vin à boire par coupe est ce qui est suffisant pour remplir une joue.

On doit veiller à nettoyer l'extérieur et l'intérieur de chaque coupe avant de les utiliser lors du Sédhar.


La pratique des Talmidhé HaRamba''m et Témonim consiste à nettoyer sa coupe chaque fois avant de boire du vin, de façon à s'assurer qu'il ne reste plus de trace de vin de la précédente coupe, car toutes les quatre coupes constituent une Miswoh indépendante.

  1. Un Kali et une bassine pour les ablutions

Nous nous lavons les mains à au moins deux reprises au cours du Sédhar : une première fois au tout début après avoir fait le Qiddoush pour se préparer à consommer un légume que l'on trempera dans de la Harôsath (la Halokhoh oblige à se laver les mains avant de consommer un aliment qui se trempe dans certains liquides), et une deuxième fois après avoir achevé la première partie du Hallél afin de se préparer à consommer la Massoh (la Halokhoh oblige à se laver les mains avant de consommer du pain).

La pratique des Talmidhé HaRamba''m consiste à se faire laver les mains par quelqu'un d'autre, plutôt que le faire soi-même. On placera ses mains au-dessus d'une bassine et quelqu'un d'eau déversera de l'eau dessus. (Mais si chacun se lave les mains seul, c'est évidemment valable.)


  1. Morôr (herbes amères)

Assurez-vous d'en avoir suffisamment pour que chaque personne participant au Sédhar puisse en consommer dans une mesure équivalent au moins à la taille d'une olive ordinaire, et en prenant en compte que chacun en mangera à deux reprises au cours du Sédhar : une première fois après avoir mangé de la Massoh et une deuxième fois en mélangeant le Morôr à de la Massoh.

Il convient de préciser que contrairement à ce que l'on pense généralement, le terme « Morôr » se réfère à des herbes très spécifiques. Voici ce que rapporte le Ramba''m4 :

Les herbes amères mentionnées dans la Tôroh sont [les suivantes] : la laitue romaine, les endives, le raifort, le panicaut, l'armoise. Chacune de ces cinq espèces végétales s’appelle Morôr. Et si on a mangé le volume d’une olive de l’une d’entre elle ou des cinq [espèces végétales], on est quitte [du devoir de consommer des herbes amères], à condition qu’elles soient humides5. [Néanmoins], on s’acquitte [du devoir de consommer des herbes amères en mangeant] leur tige, même si elle est sèche. Et si on les a bouillies, mises en saumure, ou cuites, on ne s’acquitte pas [du devoir de consommer des herbes amères] avec.
מְרוֹרִים הָאֲמוּרִים בַּתּוֹרָה, הֶן הַחַזֶּרֶת וְהָעֻלְשִׁין וְהַתְּמָכָה וְהַחַרְחֲבוֹנָה וְהַמָּרוֹר; כָּל אֶחָד מֵחֲמֵשֶׁת מִינֵי יָרָק אֵלּוּ, נִקְרָא מָרוֹר. וְאִם אָכַל מֵאֶחָד מֵהֶן אוֹ מֵחֲמִשְׁתָּן כַּזַּיִת, יָצָא--וְהוּא, שֶׁיִּהְיוּ לַחִין; וְיוֹצְאִין בְּקֶלַח שֶׁלָּהֶן, אַפִלּוּ יָבֵשׁ. וְאִם שְׁלָקָן, אוֹ כְּבָשָׁן, אוֹ בִּשְּׁלָן--אֵין יוֹצֶא בָּהֶן

Le Talmoudh6 explique que de ces cinq espèces, il est préférable d'accomplir la Miswoh des herbes amères avec de la laitue romaine, bien que ses feuilles soient douces. Pourquoi ? Tout comme l'exil égyptien commença d'une façon agréable mais s'acheva dans une oppression amère, de même, les feuilles de cette plante sont douces, mais sa racine amère. En outre, son nom araméen חַסָא « Haso` » signifie également « compassion », et fait allusion à la miséricorde dont Dieu a fait preuve à l'égard de notre peuple. D'un point de vue halakhique, il est plus facile de consommer le volume d'une olive ordinaire de Morôr en utilisant de la laitue romaine.

La raison pour laquelle la Miswoh s'accomplit en consommant la tige est que c'est la partie amère de ces cinq espèces d'herbes amères.

Quant à la raison pour laquelle on ne peut les consommer bouillies, mises en saumure (dans du vinaigre, ou laissées dans l'eau pendant plus d'une journée) ou cuites, c'est parce que ces trois activités retirent (ou amoindrissent) l'amertume de ces légumes.

Vous avez donc le choix entre ces cinq légumes. La pratique des Talmidhé HaRamba''m consiste généralement à utiliser de la laitue romaine.

Notez qu'il est possible d'employer plusieurs de ces espèces, et pas seulement une seule.

  1. Karpas

Il doit y avoir un légume (Karpas) par personne. Ce légume sera différent de celui que l'on aura choisi comme Morôr. On utilise généralement du persil, du céleri ou encore du radis. (On peut, en réalité, employer quelque légume que l'on désire. C'est ainsi que les Juifs Russes employaient une pomme de terre cuite ou des oignons crus.) On en mange après le premier lavage des mains dans une mesure minimale équivalent au volume d'une olive ordinaire.

Contrairement à la pratique de bon nombre de Juifs d'aujourd'hui, les Talmidhé HaRamba''m, Témonim et d'autres encore, trempent le Karpas dans la Harôsath, et non dans de l'eau salée.

  1. La Harôsath

Il est très facile de faire de la Harôsath. Voici ce que rapporte le Ramba''m7 :

La Harôsath est une Miswoh émanant des paroles des Scribes en souvenir de l'argile avec laquelle [nos ancêtres] ont travaillée en Égypte. Et comment l'obtient-on ? Nous prenons des dattes, des figues sèches, ou des raisins et ce qui leur ressemble, et nous les écrasons. Nous y ajoutons du vinaigre, et les mélangeons à des épices, tout comme l'argile est mélangée dans de la paille. On la place sur la table la nuit de Pasah
הַחֲרֹסֶת--מִצְוָה מִדִּבְרֵי סוֹפְרִים, זֵכֶר לַטִּיט שֶׁהָיוּ עוֹבְדִין בּוֹ בְּמִצְרַיִם. וְכֵיצַד עוֹשִׂין אוֹתָהּ--לוֹקְחִין תְּמָרִים אוֹ גְּרֹגְּרוֹת אוֹ צִמּוּקִין וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן, וְדוֹרְסִין אוֹתָן, וְנוֹתְנִין לְתוֹכָן חֹמֶץ, וּמְתַבְּלִין אוֹתָן בִּתְבָלִין כְּמוֹ טִיט בְּתֶבֶן; וּמְבִיאִין אוֹתָן עַל הַשֻּׁלְחָן, בְּלֵיל הַפֶּסַח

Nous utilisons généralement (pour quatre personnes) 200 grammes de dattes, 200 grammes de figues sèches, 200 grammes d'amendes et 200 grammes de cerneaux de noix. On mixe tous les fruits secs séparément (mais pas trop, pour que cela ne devienne pas de la mousse), on mélange le tout ensemble et on moud, puis on rajoute du vinaigre (ou trois cuillères à soupe de vin rouge) et des épices. (Il va de soi qu'il existe de nombreuses recettes différentes.)


  1. Deux aliments en souvenir des sacrifices

On placera sur le plateau du Sédhar deux aliments dont l'un représentera le Qorban Pasah et l'autre le Qorban Haghighoh. Le Talmoudh rapporte quatre possibilités8 :

  • des betteraves et du riz
  • du poisson et un œuf
  • deux sortes de viande différentes
  • une seule viande et le jus dans lequel elle a été cuite suffisent.

Il va de soi qu'il ne s'agit là que d'exemples. On peut tout à fait choisir des betteraves et des œufs durs, ou une sorte de viande et du riz. En d'autres mots, les combinaisons peuvent se faire de différentes manières.

Pour ceux qui utilisent de la viande, il est préférable qu'elle soit grillée, tout comme l'était le Qorban Pasah.

  1. Une Haggodhoh

Une seule Haggodhoh, et elle sera utilisée par le meneur. Toutefois, ceux qui veulent suivre peuvent également avoir devant eux leur propre Haggodhoh. Il est préférable d'utiliser une Haggodhoh traduite dans la langue que l'on comprend. Ainsi, au Yémen, la Haggodhoh était systématiquement traduite en Arabe.

Ce sont là les dix choses essentielles que l'on veillera à avoir pour le Sédhar.

  • Que fait-on si on n'a pas de vin ou que l'on n'a que du Morôr ?9

Si on n'a pas de vin pour le Sédhar, on fera tout simplement le Qiddoush sur les Massôth (tout comme on fait le Qiddoush sur le pain lorsqu'on n'a pas de vin pour Shabboth).

Si on a que du Morôr mais pas de Karpas, on utilisera son Morôr aussi bien comme « Morôr » que comme « Karpas » durant le Sédhar.

1Barokhôth 39b
2Davorim 16:3
3Hilkôth Homés Oumassoh 8:6
4Mishnéh Tôroh, Hilkôth Homés Oumassoh 7:15
5C'est-à-dire, fraîches
6Pasohim 39a
7Mishnéh Tôroh, Hilkôth Homés Oumassoh 7:13
8Pasohim 114b

9Hilkôth Homés Oumassoh 8:12
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