vendredi 17 avril 2020

Le statut de la Massoh ´ashiroh


בס״ד

Le statut de la Massoh ´ashiroh


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La question suivante m'a été soumise :

Quelle est le statut de la matsa achira (que les juifs sépharades d'Alger ont coutumes de consommer faites avec du jus d orange ou du vin)
- pendant Pessa'h
- le reste de l année ?
Doit-on Faire mezonoth (car enrichie avec du vin ou de l'orange)  ou bien motsi ?
Même question pour la matsa chmoura et les autres types de Matsot (celle à l eau, celle a l’œuf, etc...)
Question sans doute complexe....
Merci Rav 

La question est très intéressante, mais pas complexe, toutefois, elle nécessite de comprendre certaines notions préalables pour saisir pleinement le sujet. Je commencerai par donner quelques définitions, puis je poursuivrai par expliquer la pratique séfarade (pour que vous puissiez comprendre la pratique des Juifs d'Alger qui confectionnent des Massôth à l'orange bien connues), et je terminerai par donner la pratique que nous suivons en tant que Talmidhé HaRambo''m.

  1. Comprendre les liquides qui transforme la farine en Homés

La définition biblique du Homés se réfère uniquement à la pâte qui a été pétrie avec de l'eau ou avec des dérivés de l'eau. Seuls l'eau ou ses dérivés peuvent faire lever le grain ou la farine.

La pâte qui est pétrie avec du jus de fruit (ou d'autres liquides définis comme du jus de fruit) ne peut pas devenir du Homés et (Mé´iqqar Haddin) est autorisée à être consommée pendant Pasah. Cela s'applique même si la pâte reste toute la journée sans être travaillée et monte. (Le Minhagh `ashkanazi est cependant de ne pas manger une telle Massoh pendant Pasah, mais telle n'est pas la pratique séfarade, car étant permise Mé´iqqar Haddin les Saphoraddim ne l'interdisent pas.)

La Halokhoh ci-dessus selon laquelle le jus de fruit ne rend pas Homés la farine ne s'applique que si absolument aucune eau n'est mélangée au jus de fruit. Si toutefois même une infime quantité d'eau est mélangée au jus de fruit, cette eau fait que la farine devienne du Homés complet pour lequel on est passible de Koréth si on le consomme. De plus, ce mélange de jus de fruits et d'une infime quantité d'eau fait que la pâte devient Homés en moins de temps que s'il n'y avait eu que de l'eau sans jus de fruit, c'est-à-dire dans même moins que 18 minutes. Enfin, il peut devenir Homés même si l'on travaille la pâte après le pétrissage. Par conséquent, on ne consommera de telles Massôth (qui contiennent de l'eau et du jus de fruit) que s'il y a un Hakhshér (certification de Kashrouth) fiable sur lequel s'appuyer, ou si on est soi-même un expert dans leur confection.

C'est là qu'on en arrive à la מַצָּה עֲשִׁירָה « Massoh ´ashiroh ». Qu'est-ce que c'est ?

  1. Massoh ´ashiroh

Massoh ´ashiroh signifie littéralement de la « Massoh riche ». De la Massoh qui contient certaines qualités (énumérées ci-dessous) reçoit la définition halakhique de pain riche. Une telle Massoh a deux ramifications halakhiques; l'une concernant sa consommation pendant Pasah, et la seconde concernant sa consommation durant la nuit du Sédhar pour l'accomplissement de la Miswoh de manger de la Massoh.

Tous les types de Massôth ´ashirôth sont considérés invalides pour l'accomplissement de la Miswoh de consommer de la Massoh la nuit du Sédhar (pour la raison donnée au point 3, ci dessous) mais peuvent être consommées les autres jours de Pasah, tandis que de la Massoh ´ashiroh au jus de fruit n'est pas toujours autorisée à être consommée durant l'intégralité de la période de Pasah (pour les raisons mentionnées plus haut).

Les caractéristiques suivantes font d'une Massoh de la Massoh ´ashiroh :

    1. Massoh au jus de fruit : Toute pâte qui est pétrie avec un liquide défini comme du jus de fruit est considérée comme de la Massoh ´ashiroh. À cet égard, tout liquide qui ne dérive pas de l'eau est considéré comme du jus de fruit. Par exemple, la pâte qui est pétrie avec du vin, de l'huile, du lait, du miel, des œufs, de la graisse ou d'autres jus (au point qu'on puisse sentir le goût du jus, car il n'a pas été annulé par 60 fois sa quantité), est considérée comme de la Massoh ´ashiroh. Si, cependant, elle a été pétrie avec de l'eau et du jus de fruit et que la quantité d'eau fait 60 fois celle du jus de fruit, annulant ainsi le goût du jus de fruit, alors elle n'est pas définie comme de la Massoh ´ashiroh en ce qui concerne l'accomplissement de la Miswoh la nuit de Pasah. Elle pourra alors être consommée la nuit du Sédhar. Seuls les `ashkanazim s'abstiennent d'en consommer toute la période de Pasah.
    2. Massoh trempée dans du jus de fruit : La Massoh qui est trempée dans du jus de fruits a un statut de Sophéq quant à savoir si elle est similaire à de la Massoh ´ashiroh même si elle a été faite avec 100% d'eau, et l'opinion majoritaire consiste à suivre l'avis strict.
    3. Graines ou épices : Les Massôth qui contiennent des graines ou des épices ont aussi un statut de Sophéq quant à savoir si elles sont définies comme de la Massoh ´ashiroh, et au niveau pratique nous sommes rigoureux (nous n'en consommons donc pas la nuit du Sédhar à cause du doute, mais le reste des jours de Pasah c'est autorisé). Le sel ne fait pas de la Massoh une Massoh ´ashiroh.

  1. Pourquoi ne mangeons-nous pas de Massoh ´ashiroh la nuit du Sédhar ?

La première nuit de Pasah, on a une obligation torahique de manger du pain pauvre, autrement connu sous le nom de לֶחֶם עֹנִי « Laham ´ôni ».1 Ainsi, toute Massoh qui est définie comme de la Massoh ´ashiroh (comme expliqué ci-dessus) est considérée invalide pour l'accomplissement de la Miswoh de consommer de la Massoh la nuit du Sédhar. Celui qui en consomme quand même devrait refaire la Miswoh avec de la Massoh pouvant être qualifiée de « Laham ´ôni ».

Comme indiqué plus haut, la Massoh trempée dans du jus de fruit a un statut de Sophéq quant à savoir si elle est définie comme de la Massoh ´ashiroh, et l'opinion principale suit l'avis strict. Néanmoins, une personne âgée ou malade qui ne peut pas manger de la Massoh ordinaire même si elle est trempée dans l'eau et doit la tremper dans du jus de fruit, peut le faire afin d'accomplir la Miswoh, du moins selon une opinion.

  1. Consommation de Massoh au jus de fruit le reste de Pasah

Comme expliqué au début de cet article, une pâte mélangée à 100% de jus de fruits ne peut pas devenir Homés. Cependant, une pâte mélangée avec de l'eau et du jus de fruit, même s'il ne s'agit que d'une infime quantité d'eau ou de jus de fruit, peut devenir instantanément du Homés biblique, en moins de 18 minutes, et même tout en étant travaillée après le pétrissage. Ainsi, les aliments composés à base de farines provenant des cinq types de céréales et de 100% de jus de fruits ne sont pas du Homés et, selon la lettre de la loi, peuvent être consommés pendant Pasah. En outre, même les aliments composés de farine provenant des cinq céréales et d'un mélange de jus de fruits et d'eau ne sont pas du Homés s'ils ont été cuits immédiatement et n'ont pas attendu du tout avant la cuisson. D'où l'obligation de faire très attention en cuisant ce type d'aliments ou de ne s'appuyer que sur la présence d'un Hakhshér fiable si on ne sait pas les préparer soi-même comme il conviendrait.

  1. Quelle Barokhoh faire en mangeant de la Massoh ´ashiroh ?

Si de la Massoh ´ashiroh est consommée en tant que goûter, collation ou grignotage, elle nécessite la Barokhoh de « Mazônôth », tandis que si elle est consommée en tant que repas, elle nécessite « Hammôsi` ».

  1. La position du Rambo''m

Tout cela étant dit, notre pratique en tant que Talmidhé HaRambo''m diverge quelque peu de la pratique séfarade décrite en longueur dans les points précédents. En effet, voici ce que le Rambo''m ז״ל tranche dans son Mishnéh Tôroh :2

De la Massoh qui a été pétrie avec des jus de fruits, il s'acquitte avec elle de son devoir à Pasah. En revanche, il n'y a pas lieu de la pétrir avec du vin, ou de l'huile, ou du miel, ou du lait, à cause du « pain pauvre », comme nous l'avions clarifié. Et s'il a pétri et mangé, il ne s'est pas acquitté de son devoir. Et ils ne s'acquittent pas ni avec du pain de balle ni avec du pain de son. En revanche, s'il a pétri la farine avec le son de cette farine ou avec la balle de cette farine, et en fait du pain, il s'acquitte par lui de son devoir. Et de même, du pain de fine fleur très pure, voici, celle-ci est autorisée, et il s'acquitte par lui de son devoir à Pasah. Et ils ne disent pas le concernant que ceci n'est pas du « pain pauvre ».
מַצָּה שֶׁלָּשָׁהּ בְּמֵי פֵּרוֹת, יוֹצֶא בָּהּ יְדֵי חוֹבָתוֹ בַּפֶּסַחאֲבָל אֵין לָשִׁין אוֹתָהּ בְּיַיִן, אוֹ שֶׁמֶן, אוֹ דְּבַשׁ, אוֹ חָלָב--מִשּׁוֹם "לֶחֶם עֹנִי", כְּמוֹ שֶׁבֵּאַרְנוּ; וְאִם לָשׁ וְאָכַל, לֹא יָצָא יְדֵי חוֹבָתוֹוְאֵין יוֹצְאִין לֹא בְּפַת מֻרְסָן, וְלֹא בְּפַת סֻבִּין; אֲבָל לָשׁ הוּא אֶת הַקֶּמַח בַּסֻּבִּין שֶׁלּוֹ וּבְמֻרְסָנוֹ וְעוֹשֵׂהוּ פַּת, וְיוֹצֶא בָּהּ יְדֵי חוֹבָתוֹוְכֵן פַּת סֹלֶת נְקִיָּה בְּיוֹתֵר--הֲרֵי זוֹ מֻתֶּרֶת, וְיוֹצֶא בָּהּ יְדֵי חוֹבָתוֹ בַּפֶּסַח; וְאֵין אוֹמְרִין בָּהּ, אֵין זֶה "לֶחֶם עֹנִי".

Le Rambo''m fait une différence entre la Massoh pétrie avec du jus de fruit et celle qui a été pétrie avec d'autres liquides. Concernant la Massoh pétrie avec du jus de fruit, bien que le jus de fruit en lui-même n'amènera pas la farine à devenir Homés, on pourra néanmoins en consommer la nuit du Sédhar et s'acquitter de son devoir de consommer de la Massoh, parce qu'ajouter du jus de fruit dans la Massoh n'en fait pas de la Massoh ´ashiroh et que les cinq céréales, elles, peuvent potentiellement lever. Ainsi, d'après le Rambo''m, de la Massoh pétrie au jus de fruit n'est pas du tout de la Massoh ´ashiroh. Quant au quatre autres liquides mentionnés par le Rambo''m, à savoir le vin, l'huile, le miel, ou le lait, en ajouter dans sa Massoh la qualifie de Massoh ´ashiroh, et on ne pourra pas consommer de telles Massôth la nuit du Sédhar pour la Miswoh de consommation de la Massoh (mais on pourra en consommer le reste des jours de Pasah). C'est également la position du Ra`ava''dh ז״ל, qui s'oppose pourtant souvent au Rambo''m. Le Talmoudh3 rapporte d'ailleurs Ribbi Yahôshoua´ ז״ל demandait à ses fils de lui faire de la Massoh pétrie avec du lait tout au long de Pasah, mais pas pour la nuit du Sédhar. La raison pour laquelle ces quatre liquides ne peuvent pas être utilisés pour pétrir la pâte des Massôth qui seront consommées la nuit du Sédhar est qu'ils altèrent de façon significative le goût de la Massoh, ce qui n'est pas forcément le cas avec de la Massoh pétrie au jus de fruit.

(Quant au pain de balle ou de son, il est anormal de faire du pain en utilisant que de la balle ou du son. Par conséquent, ce type de pain ne peut pas être utilisé la nuit du Sédhar. Par contre, si on y a ajouté de la farine, étant donné que la farine devient l'élément principal, et non la balle ou le son, on pourra consommer ce type de pain la nuit du Sédhar. Quant au pain fait de fine fleur de farine, le Talmoudh4 déclare que c'était comme la Massoh de Shalômôh Hammalakh ע״ה.)

Ainsi, la définition talmudique d'une « Massoh ´ashiroh » n'est pas le fait d'utiliser un liquide autre que de l'eau, mais si cet autre liquide altère de manière significative le goût de la Massoh ! Voilà pourquoi, juste avant cette Halokhoh susmentionnée, le Rambo''m rapporte ceci :5

Celui qui fait une pâte à partir de blé et à partir de riz6, s'il y a en elle un goût de céréale, il s’acquitte par elle de son devoir.
הָעוֹשֶׂה עִיסָה מִן הַחִטִּים וּמִן הָאֹרֶז--אִם יֵשׁ בָּהּ טַעַם דָּגָן, יוֹצֶא בָּהּ יְדֵי חוֹבָתוֹ.

Se basant sur le Talmoudh Yaroushlami,7 le Rambo''m et Ribbénou `oshér ז״ל (le Ro''sh) soutiennent, à juste titre, que tant que la Massoh a un goût de céréale on peut accomplir avec elle son devoir la nuit du Sédhar.

Ils expliquent que lorsqu'il est mélangé à du blé, le riz prend le goût du blé au point que son propre goût n'est plus du tout discernable. À l'inverse, d'autres Qôtnoyôth (légumineuses) n' « acceptent » pas si facilement le goût du blé (tout comme le riz n' « accepte » pas si facilement le goût des quatre autres types de céréale). De ce fait, si d'autres Qôtnoyôth sont mélangées au blé, il doit obligatoirement y avoir une quantité suffisante de blé que pour pleinement couvrir leur goût et pouvoir s'acquitter par elles de son devoir la nuit du Sédhar.

C'est cela la vraie définition d'une Massoh acceptable pour le Sédhar ou pas ; tout dépendra du goût. Or, les Massôth dont vous faîtes mention dans votre question (Massôth d'Oran au goût d'orange) ont un très fort goût d'orange qu'il est facilement possible de discerner. Par conséquent, d'après le Rambo''m et la définition talmudique que nous venons de mentionner, ce type de Massôth ne peuvent pas être consommées la nuit du Sédhar mais sont autorisées les autres jours de Pasah.
1Davorim 16:3
2Hilkôth Homés Oumassoh 6:6
3Pasohim 36a
4Ibid., 36b
5Hilkôth Homés Oumassoh 6:5
6C'est-à-dire qu'il combien les deux dans une même Massoh.
7Halloh 3:5

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