ב״ה
Un
obstacle devant l'aveugle
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Nous
trouvons dans la Tôroh la célèbre interdiction de לִפְנֵי
עִוֵּר,
לֹא
תִתֵּן מִכְשֹׁל
« Liphané
´iwwér Lô` Thittén Mikhshôl – Devant l'aveugle, ne place pas
de pierre d'achoppement ».1
HaZa''l,
dans un certain nombre de contextes, ont expliqué cette image de
« la pierre d'achoppement devant un aveugle » comme étant
une allégorie servant à interdire de tromper qui que ce soit.
Ainsi, la Tôroh ne défend pas seulement ici de placer un obstacle
sur le chemin d'un aveugle, mais également le fait d'amener
quelqu'un à « trébucher » dans un sens figuré. À cet
égard, les Sages parlent généralement de deux sortes de « pierre
d'achoppement » :
- donner des conseils malsains ou hasardeux, comme par exemple recommander un achat imprudent ou un mauvais placement financier, ou encore conseiller à quelqu'un de voyager alors que les conditions ne sont pas remplies pour que ce voyage puisse se faire de la meilleure façon possible ;
- aider quelqu'un à transgresser la Tôroh.
Dans
les deux situations susmentionnées, l'individu ayant apporté ses
conseils ou son assistance est coupable d'avoir guidé son prochain
le long d'un mauvais sentier, l'amenant à « trébucher. »
À
première vue, on pourrait s'interroger sur le lien existant entre
ces deux situations et le sujet dont parle la Tôroh. Dans le premier
cas, où quelqu'un donne un conseil malsain à son prochain, nous
pourrions aisément expliquer que la victime est bien quelqu'un d'
« aveugle », dans le sens où elle manque de connaissance
et de discernement pour voir que le conseil est mauvais. Tout comme
quelqu'un d'aveugle physiquement se repose sur les autres afin d'être
guidé sur la route appropriée, de même cette personne manque
d'expertise dans un certain domaine et s'est donc appuyée sur le
conseil et les directives émanant de ceux qu'elle pensait être plus
compétents qu'elle dans ce domaine précis. Comme l'a relevé
Rash''i ז״ל
dans
son commentaire sur ce verset :
Devant
l'aveugle, ne place pas de pierre d'achoppement :
À
celui qui est ''aveugle'' dans un domaine quelconque, ne donne pas
un conseil qui ne lui soit pas approprié. Ne lui dis pas :
''Vends ton champ et achète-toi un âne !'', pour aller
ensuite l’abuser et le lui prendre |
לִפְנֵי
עִוֵּר,
לֹא
תִתֵּן מִכְשֹׁל: לִפְנֵי
הַסּוּמָא בַּדָּבָר,
לֹא
תִּתֵּן עֵצָה שֶׁאֵינָהּ הוֹגֶנֶת
לוֹ.
אַל
תֹּאמַר:
מְכֹר
שָׂדְךָ וְקַח לְךָ חֲמוֹר,
וְאַתָּה
עוֹקֵף עָלָיו וְנוֹטְלָהּ הֵימֶנּוּ
|
La
Tôroh emploie donc la « cécité » comme analogie du
manque de connaissances, de lucidité, de capacités ou de
compétences de quelqu'un, et exhorte ceux qui possèdent cette
connaissance, lucidité, etc., à guider « l'aveugle »
sur le chemin de la réussite et non de l'échec.
Mais
dans quel sens l'analogie de la « cécité »
s'applique-t-elle à la deuxième catégorie de « Liphané
´iwwér Lô` Thittén Mikhshôl – Devant l'aveugle, ne place pas
de pierre d'achoppement » ?
C'est-à-dire, comment se comprend et s'applique cette analogie au
cas de celui qui propose d'assister d'une manière ou d'une autre
quelqu'un dans la transgression de la Tôroh ? Dans ce cas-ci,
on transgresse l'interdiction de « Liphané ´iwwér
Lô` Thittén Mikhshôl »
même si son prochain est parfaitement conscient de l'interdiction en
question et insiste néanmoins pour commettre l'acte défendu. Ainsi,
par exemple, si quelqu'un désire consommer un aliment prohibé, on
ne peut pas lui fournir cet aliment même si on l'informe de
l'interdiction halakhique qui pèse sur cet aliment. Mais si on le
lui fournissait, en quoi l'aurions-nous trompé puisqu'il était déjà
au courant de l'interdiction de consommer cet aliment ? À
première vue, on ne pourrait pas dire qu'en lui fournissant
l'aliment interdit nous aurions guidé une victime naïve et
ignorante vers la mauvaise route ! Nous pourrions comparer ce
cas à la situation de quelqu'un qui demande à son prochain de lui
montrer un chemin dangereux qui passe par les maisons de brigands
réputés et le domaine de bêtes sauvages. Là aussi, le
transgresseur potentiel (car mettre sa vie en danger est une
transgression) demande expressément à ce qu'on le conduise vers un
mauvais sentier ou qu'on l'aide dans son mauvais comportement. Par
conséquent, en quoi peut-il être décrit comme étant « un
aveugle » devant qui nous aurions placé « une pierre
d'achoppement », puisqu'il est pleinement conscient de ce qu'il
fait et de ce qu'il risque ?
Le
Ramba''m ז״ל
traite
implicitement de cette question dans son exposition des Halokhôth
relatives à cette interdiction de « Liphané ´iwwér
Lô` Thittén Mikhshôl. »
Il écrit ceci dans son Mishnéh Tôroh2 :
Tout
ce qu'il est défendu de vendre à un Gôy, il est défendu de le
vendre à un Israélite qui est un brigand, car se faisant, on
renforce un transgresseur et le fait trébucher. De même,
quiconque fait trébucher quelqu'un d' « aveugle »
dans un domaine, et lui donne un conseil inapproprié ou renforce
un transgresseur, qui est considéré être un « aveugle »
car il ne voit pas le chemin de la vérité à cause des désirs
de son cœur, celui-là transgresse un Commandement Négatif,
ainsi qu'il est dit : « Devant l'aveugle, ne place
pas de pierre d'achoppement »
|
כָּל
שֶׁאָסוּר לִמְכֹּר לַגּוֹי--אָסוּר
לְמָכְרוֹ לְיִשְׂרָאֵל שְׁהוּא
לִסְטִיס,
מִפְּנֵי
שֶׁנִּמְצָא מְחַזֵּק יְדֵי עוֹבֵר
עֲבֵרָה וּמַכְשִׁילוֹ.
וְכֵן
כָּל הַמַּכְשִׁיל עִוֵּר בְּדָבָר,
וְהִשִּׂיאוֹ
עֵצָה שְׁאֵינָהּ הוֹגֶנֶת,
אוֹ
שֶׁחִזַּק יְדֵי עוֹבְרֵי עֲבֵרָה
שְׁהוּא עִוֵּר וְאֵינוּ רוֹאֶה דֶּרֶךְ
הָאֱמֶת מִפְּנֵי תַּאֲוַת לִבּוֹ--הֲרֵי
זֶה עוֹבֵר בְּלֹא תַעֲשֶׂה,
שֶׁנֶּאֱמָר:
וְלִפְנֵי
עִוֵּר,
לֹא
תִתֵּן מִכְשֹׁל
|
Ainsi,
un pécheur potentiel est « aveuglé » par ses passions,
qui mettent non seulement son engagement et sa résolution
personnelle à l'épreuve, mais peuvent aussi obscurcir sa vision
morale et l'amener à devenir « aveugle » quant au
« chemin de la vérité. » Quelqu'un qui est contrôlé
par ses instincts et ses pulsions ne peut pas planifier ses actes sur
la base d'un jugement objectif, véritable et clair. Il est incapable
de faire une différence précise entre le bien et le mal, et suit
aveuglément le comportement que lui dicte son cœur.
La
Tôroh applique donc à juste titre l'analogie de la « cécité »
à une telle personne, qui manque la clarté et l'objectivité
nécessaire pour choisir le chemin de la piété et de la vertu. Tout
comme un aveugle physique marche sans être capable de déterminer
quelle est la route saine et correcte à suivre, la personne qui est
contrôlée par ses instincts pécheurs traverse la vie sans la
capacité de déterminer le chemin menant à une vie de spiritualité
accomplie, qu'elle devrait normalement poursuivre et suivre.
Par
conséquent, assister quelqu'un dans l'accomplissement d'un péché
est bel et bien la transgression de « Liphané ´iwwér
Lô` Thittén Mikhshôl – Devant l'aveugle, ne place pas de pierre
d'achoppement. »
1Wayyiqro`
19:14
2Hilkôth
Rôséah Oushamirath Naphash 12:10