vendredi 1 mai 2015

Un obstacle devant l'aveugle

ב״ה

Un obstacle devant l'aveugle


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Nous trouvons dans la Tôroh la célèbre interdiction de לִפְנֵי עִוֵּר, לֹא תִתֵּן מִכְשֹׁל « Liphané ´iwwér Lô` Thittén Mikhshôl – Devant l'aveugle, ne place pas de pierre d'achoppement ».1 HaZa''l, dans un certain nombre de contextes, ont expliqué cette image de « la pierre d'achoppement devant un aveugle » comme étant une allégorie servant à interdire de tromper qui que ce soit. Ainsi, la Tôroh ne défend pas seulement ici de placer un obstacle sur le chemin d'un aveugle, mais également le fait d'amener quelqu'un à « trébucher » dans un sens figuré. À cet égard, les Sages parlent généralement de deux sortes de « pierre d'achoppement » :

  1. donner des conseils malsains ou hasardeux, comme par exemple recommander un achat imprudent ou un mauvais placement financier, ou encore conseiller à quelqu'un de voyager alors que les conditions ne sont pas remplies pour que ce voyage puisse se faire de la meilleure façon possible ;
  2. aider quelqu'un à transgresser la Tôroh.

Dans les deux situations susmentionnées, l'individu ayant apporté ses conseils ou son assistance est coupable d'avoir guidé son prochain le long d'un mauvais sentier, l'amenant à « trébucher. »

À première vue, on pourrait s'interroger sur le lien existant entre ces deux situations et le sujet dont parle la Tôroh. Dans le premier cas, où quelqu'un donne un conseil malsain à son prochain, nous pourrions aisément expliquer que la victime est bien quelqu'un d' « aveugle », dans le sens où elle manque de connaissance et de discernement pour voir que le conseil est mauvais. Tout comme quelqu'un d'aveugle physiquement se repose sur les autres afin d'être guidé sur la route appropriée, de même cette personne manque d'expertise dans un certain domaine et s'est donc appuyée sur le conseil et les directives émanant de ceux qu'elle pensait être plus compétents qu'elle dans ce domaine précis. Comme l'a relevé Rash''i ז״ל dans son commentaire sur ce verset :

Devant l'aveugle, ne place pas de pierre d'achoppement : À celui qui est ''aveugle'' dans un domaine quelconque, ne donne pas un conseil qui ne lui soit pas approprié. Ne lui dis pas : ''Vends ton champ et achète-toi un âne !'', pour aller ensuite l’abuser et le lui prendre
לִפְנֵי עִוֵּר, לֹא תִתֵּן מִכְשֹׁללִפְנֵי הַסּוּמָא בַּדָּבָר, לֹא תִּתֵּן עֵצָה שֶׁאֵינָהּ הוֹגֶנֶת לוֹ. אַל תֹּאמַר: מְכֹר שָׂדְךָ וְקַח לְךָ חֲמוֹר, וְאַתָּה עוֹקֵף עָלָיו וְנוֹטְלָהּ הֵימֶנּוּ

La Tôroh emploie donc la « cécité » comme analogie du manque de connaissances, de lucidité, de capacités ou de compétences de quelqu'un, et exhorte ceux qui possèdent cette connaissance, lucidité, etc., à guider « l'aveugle » sur le chemin de la réussite et non de l'échec.

Mais dans quel sens l'analogie de la « cécité » s'applique-t-elle à la deuxième catégorie de « Liphané ´iwwér Lô` Thittén Mikhshôl – Devant l'aveugle, ne place pas de pierre d'achoppement » ? C'est-à-dire, comment se comprend et s'applique cette analogie au cas de celui qui propose d'assister d'une manière ou d'une autre quelqu'un dans la transgression de la Tôroh ? Dans ce cas-ci, on transgresse l'interdiction de « Liphané ´iwwér Lô` Thittén Mikhshôl » même si son prochain est parfaitement conscient de l'interdiction en question et insiste néanmoins pour commettre l'acte défendu. Ainsi, par exemple, si quelqu'un désire consommer un aliment prohibé, on ne peut pas lui fournir cet aliment même si on l'informe de l'interdiction halakhique qui pèse sur cet aliment. Mais si on le lui fournissait, en quoi l'aurions-nous trompé puisqu'il était déjà au courant de l'interdiction de consommer cet aliment ? À première vue, on ne pourrait pas dire qu'en lui fournissant l'aliment interdit nous aurions guidé une victime naïve et ignorante vers la mauvaise route ! Nous pourrions comparer ce cas à la situation de quelqu'un qui demande à son prochain de lui montrer un chemin dangereux qui passe par les maisons de brigands réputés et le domaine de bêtes sauvages. Là aussi, le transgresseur potentiel (car mettre sa vie en danger est une transgression) demande expressément à ce qu'on le conduise vers un mauvais sentier ou qu'on l'aide dans son mauvais comportement. Par conséquent, en quoi peut-il être décrit comme étant « un aveugle » devant qui nous aurions placé « une pierre d'achoppement », puisqu'il est pleinement conscient de ce qu'il fait et de ce qu'il risque ?

Le Ramba''m ז״ל traite implicitement de cette question dans son exposition des Halokhôth relatives à cette interdiction de « Liphané ´iwwér Lô` Thittén Mikhshôl. » Il écrit ceci dans son Mishnéh Tôroh2 :

Tout ce qu'il est défendu de vendre à un Gôy, il est défendu de le vendre à un Israélite qui est un brigand, car se faisant, on renforce un transgresseur et le fait trébucher. De même, quiconque fait trébucher quelqu'un d' « aveugle » dans un domaine, et lui donne un conseil inapproprié ou renforce un transgresseur, qui est considéré être un « aveugle » car il ne voit pas le chemin de la vérité à cause des désirs de son cœur, celui-là transgresse un Commandement Négatif, ainsi qu'il est dit : « Devant l'aveugle, ne place pas de pierre d'achoppement »
כָּל שֶׁאָסוּר לִמְכֹּר לַגּוֹי--אָסוּר לְמָכְרוֹ לְיִשְׂרָאֵל שְׁהוּא לִסְטִיס, מִפְּנֵי שֶׁנִּמְצָא מְחַזֵּק יְדֵי עוֹבֵר עֲבֵרָה וּמַכְשִׁילוֹ. וְכֵן כָּל הַמַּכְשִׁיל עִוֵּר בְּדָבָר, וְהִשִּׂיאוֹ עֵצָה שְׁאֵינָהּ הוֹגֶנֶת, אוֹ שֶׁחִזַּק יְדֵי עוֹבְרֵי עֲבֵרָה שְׁהוּא עִוֵּר וְאֵינוּ רוֹאֶה דֶּרֶךְ הָאֱמֶת מִפְּנֵי תַּאֲוַת לִבּוֹ--הֲרֵי זֶה עוֹבֵר בְּלֹא תַעֲשֶׂה, שֶׁנֶּאֱמָר: וְלִפְנֵי עִוֵּר, לֹא תִתֵּן מִכְשֹׁל

Ainsi, un pécheur potentiel est « aveuglé » par ses passions, qui mettent non seulement son engagement et sa résolution personnelle à l'épreuve, mais peuvent aussi obscurcir sa vision morale et l'amener à devenir « aveugle » quant au « chemin de la vérité. » Quelqu'un qui est contrôlé par ses instincts et ses pulsions ne peut pas planifier ses actes sur la base d'un jugement objectif, véritable et clair. Il est incapable de faire une différence précise entre le bien et le mal, et suit aveuglément le comportement que lui dicte son cœur.

La Tôroh applique donc à juste titre l'analogie de la « cécité » à une telle personne, qui manque la clarté et l'objectivité nécessaire pour choisir le chemin de la piété et de la vertu. Tout comme un aveugle physique marche sans être capable de déterminer quelle est la route saine et correcte à suivre, la personne qui est contrôlée par ses instincts pécheurs traverse la vie sans la capacité de déterminer le chemin menant à une vie de spiritualité accomplie, qu'elle devrait normalement poursuivre et suivre.

Par conséquent, assister quelqu'un dans l'accomplissement d'un péché est bel et bien la transgression de « Liphané ´iwwér Lô` Thittén Mikhshôl – Devant l'aveugle, ne place pas de pierre d'achoppement. »

1Wayyiqro` 19:14

2Hilkôth Rôséah Oushamirath Naphash 12:10
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