jeudi 4 février 2016

Exposer les fausses notions : Qu'est-ce qu'une « Houppoh » ?

ב״ה

Exposer les fausses notions

Qu'est-ce qu'une « Houppoh » ?


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Si vous posez la question suivante, « Qu'est-ce qu'une Houppoh ? », l'écrasante majorité des Juifs d'aujourd'hui vous répondront qu'il s'agit du dais nuptial sous lequel se déroule la cérémonie d'un mariage traditionnel juif. En d'autres mots, ils pensent automatiquement à ceci :


Vous trouverez de la bouche de nombreux rabbins contemporains des explications très sophistiquées sur la Houppoh et ce qu'elle symbolise (d'ailleurs, les explications varient de rabbin en rabbin ! C'est déjà le premier signe de quelque chose qui ne va pas). L'explication la plus répandue est que חֻפָּה « Houppoh » provient du verbe לַחְפּוֹת « Lahpôth », qui signifie « couvrir », et désigne donc une couverture symbolisant le futur foyer que bâtira ensemble le couple qui se marie. Mais c'est complètement faux !

La première personne à avoir appliqué le terme « Houppoh » au dais nuptial que nous connaissons aujourd'hui fut Rabbi Môshah `issarlès (1520-1572), plus connu sous son acronyme de Ramo''`, dans ses gloses sur le Shoulhon ´oroukh de Rabbi Yôséf Qa`rô (1488-1575), surnommé le « Mahabbér » ou « Moran Hashoulhon ´oroukh ». Or, ce concept est ancien, et le Talmoudh considère qu'une « Houppoh » est requise au niveau biblique pour que le mariage soit valable. Il incombe, par conséquent, de clairement comprendre de quoi il s'agit, puisque c'est un précepte biblique, et non rabbinique. Donc, qu'est-ce que réellement, bibliquement et halakhiquement parlant, une Houppoh ?

En réalité, la Houppoh désigne la maison du fiancé, ou un ajout à la maison de son père (dans les temps passé, quand un homme s'était fiancé, il profitait de la période de fiançailles soit pour construire une nouvelle maison, soit pour agrandir la maison de son père, dans laquelle il vivra avec sa future épouse), qui deviendra donc la nouvelle demeure de la fiancée. Plus précisément, il s'agit de la chambre nuptiale, dans laquelle le couple consommera leur union. Il y a d'ailleurs deux références bibliques à la Houppoh :

Tahillim 19:6
Et il est semblable à un fiancé qui sort de sa chambre nuptiale (Houppothô) ; il se fait une joie, tel un héros, de parcourir sa carrière.
וְהוּא--כְּחָתָן, יֹצֵא מֵחֻפָּתוֹ; יָשִׂישׂ כְּגִבּוֹר, לָרוּץ אֹרַח

Yô`él 2:16
Rassemblez les gens, sanctifiez l'assemblée, assemblez les vieillards, rassemblez les enfants et ceux qui tètent les mamelles : que le fiancé sorte de sa pièce et la fiancée de sa chambre nuptiale (Houppothoh).
אִסְפוּ-עָם קַדְּשׁוּ קָהָל, קִבְצוּ זְקֵנִים--אִסְפוּ עוֹלָלִים, וְיֹנְקֵי שָׁדָיִם: יֵצֵא חָתָן מֵחֶדְרוֹ, וְכַלָּה מֵחֻפָּתָהּ

De ces deux passages, trois choses ressortent :

  1. La Houppoh est bien une institution biblique,
  2. elle est liée au mariage, et
  3. il s'agit d'une pièce/maison dans laquelle les nouveaux mariés se sont isolés.

Conformément à la Halokhoh authentique du TaNa''Kh et du Talmoudh, le Ramba''m ז״ל nous explique ceci au Chapitre 10 des Hilkôth `ishouth de son Mishnéh Tôroh :

1. Une `arousoh1 a l'interdiction, Middivré Sôfrim, d'avoir des relations sexuelles tout le temps qu'elle se trouve dans la maison de son père. Celui qui a des rapports sexuels avec sa `arousoh dans la maison de son beau-père se fait flageller par des coups de fouet pour rébellion.2 Et même s'il l'avait sanctifiée3 par une relation sexuelle4, il lui sera interdit d'avoir avec elle une seconde relation sexuelle dans la maison de son père, jusqu'à ce qu'il la fasse entrer dans sa maison, s'isole avec elle et se la réserve [comme épouse]. Cet isolement est ce que l'on appelle « l'entrée dans la Houppoh », et on l'appelle en tout lieu « Nissou`in ». Lorsqu'il a une relation sexuelle avec sa `arousoh dans le but d'établir les Nissou`in après l'avoir sanctifiée, dès qu'il est entré en elle il l'a acquise et en a faite une Nasou`oh5. Elle devient sa femme en tous points.
א  הָאֲרוּסָה אֲסוּרָה לְבַעְלָהּ מִדִּבְרֵי סוֹפְרִים, כָּל זְמָן שְׁהִיא בְּבֵית אָבִיהָ; וְהַבָּא עַל אֲרוּסָתוֹ בְּבֵית חָמִיו, מַכִּין אוֹתוֹ מַכַּת מַרְדּוּת. וְאַפִלּוּ קִדְּשָׁהּ בַּבִּיאָה, אָסוּר לוֹ לָבוֹא עָלֶיהָ בִּיאָה שְׁנִיָּה בְּבֵית אָבִיהָ, עַד שֶׁיָּבִיא אוֹתָהּ לְתוֹךְ בֵּיתוֹ, וְיִתְיַחַד עִמָּהּ וְיַפְרִישֶׁנָּה לוֹ; וְיֵחוּד זֶה--הוּא הַנִּקְרָא כְּנִיסָה לַחֻפָּה, וְהוּא הַנִּקְרָא נִשּׂוּאִין בְּכָל מָקוֹם. וְהַבָּא עַל אֲרוּסָתוֹ לְשֵׁם נִשּׂוּאִין אַחַר שֶׁקִּדְּשָׁהּ--מִשֶּׁיַּעֲרֶה בָּהּ, קְנָאָהּ; וְנַעֲשָׂת נְשׂוּאָה, וַהֲרֵי הִיא אִשְׁתּוֹ לְכָל דָּבָר
2. Lorsque la `arousoh est entrée dans la Houppoh, il lui est permis d'avoir des relations sexuelles avec elle chaque fois qu'il le désire. Elle est totalement sa femme en tous points. Et dès qu'elle est entrée dans la Houppoh, on l'appelle « Nasou`oh », même s'ils n'ont pas eu de rapport sexuel. Et c'est à la condition qu'il était possible d'avoir des rapports sexuels. Mais si elle était Niddoh, quand bien même elle est entrée dans la Houppoh et qu'il s'est isolé avec elle, les Nissou`in n'ont pas été complétés, elle est encore considérée être une `arousoh.
ב  כֵּיוָן שֶׁנִּכְנְסָה הָאֲרוּסָה לַחֻפָּה--הֲרֵי זוֹ מֻתֶּרֶת לוֹ לָבוֹא עָלֶיהָ בְּכָל עֵת שֶׁיִּרְצֶה, וַהֲרֵי הִיא אִשְׁתּוֹ גְּמוּרָה לְכָל דָּבָר. וּמִשֶּׁתִּכָּנֵס לַחֻפָּה--נִקְרֵאת נְשׂוּאָה, אַף עַל פִּי שֶׁלֹּא נִבְעֲלָה: וְהוּא, שֶׁתִּהְיֶה רְאוּיָה לִבְעִילָה; אֲבָל אִם הָיְתָה נִדָּה--אַף עַל פִּי שֶׁנִּכְנְסָה לַחֻפָּה, וְנִתְיַחַד עִמָּהּ--לֹא גָמְרוּ הַנִּשּׂוּאִין, וַהֲרֵי הִיא כַּאֲרוּסָה עֲדַיִן

Nous voyons donc clairement que le terme « Houppoh » désigne en fait la maison du fiancé dans laquelle il s'isolera avec sa fiancée pour en faire sa femme, qu'il y ait relation sexuelle ou pas dans cette maison (sauf si, au moment où elle est entrée dans sa maison, elle était Niddoh, auquel cas le fait d'y être entrée ne permet pas de réaliser les Nissou`in, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus Niddoh). La différence halakhique entre couple fiancé et couple marié est que les fiancés n'ont pas de toit commun et ne vivent donc pas ensemble. C'est ainsi que de nombreux Ri`shônim, parmi lesquels le Ra''n ז״ל (Rabbénou Nissim de Gérone, 1320-1376) ou encore le Ri''f ז״ל (Rabbénou Yishoq `alfasi, 1013-1103), expliquent que dès l'instant où la fiancée est entrée dans la maison de son fiancé, avec l'intention de devenir sa femme et vivre avec lui, la condition de la « Houppoh » est remplie, et elle est considérée être sa femme. Cela n'a rien à voir avec un « dais nuptial » sous lequel devrait se dérouler le mariage.

Chez les Témonim (Juifs yéménites), il n'y avait pas de dais nuptial, contrairement à ce qui se fait de nos jours, mais plutôt une chambre nuptiale qui était, en fait, une pièce dans la maison du fiancé qui était magnifiquement décorée. C'est dès l'instant que les invités et la famille les y ont laissés seuls que le mariage est consommé. C'était la pratique dans la quasi-totalité des communautés juives dans le monde, avant que n'ait lieu la « réforme » rapportée dans les écrits du Ramo''`. C'est ainsi que Rabbénou Yishoq ban `abbo` Mori (1122-1193), un rabbin Provençal, explique ceci dans son ouvrage intitulé « ´ittour Sôfrim » (qui lui a valu son surnom de « ´ittour ») : « La Houppoh, c'est lorsque son père la remet à son mari, la faisant ainsi entrer dans cette maison », et décrit lui aussi qu'elle était magnifiquement décorée pour l'occasion. Il cite d'ailleurs un passage du Talmoudh Yarousholmi6 qui démontre que décorer la maison avant que la fiancée n'y entre se faisait déjà dans les temps talmudiques.

Tout cela est très important à savoir, car cela a des ramifications pratiques quant au moment où les bénédictions du mariage doivent être récitées. De nos jours, elles sont faites sous le dais nuptial. Mais puisque le terme « Houppoh » ne désigne pas le dais nuptial, comme nous l'avons démontré, cette pratique est également erronée ! Voici ce que rapporte donc le Ramba''m :

3. Et on doit faire les bénédictions des fiancés dans la maison du fiancé, avant les Nissou`in. Et voici les six bénédictions...7
ג  וְצָרִיךְ לְבָרַךְ בִּרְכַת חֲתָנִים בְּבֵית הֶחָתָן, קֹדֶם הַנִּשּׂוּאִין; וְהֶן שֵׁשׁ בְּרָכוֹת, וְאֵלּוּ הֶן

En d'autres mots, puisque le mariage prend effet dans la maison du fiancé, les célébrations sont organisées chez lui. Mais les six bénédictions des fiancés doivent être faites avant que le lien du mariage ne soit établi, c'est-à-dire avant que la fiancée n'entre dans la maison du fiancé pour devenir sa femme. Si du vin est disponible, il y aura alors sept bénédictions (les six + celle du vin), et elles ne peuvent être faites qu'en présence d'au moins dix hommes adultes, et le fiancé compte dans les dix.8 (Précisons bien que la pratique actuelle consiste à les faire réciter par un officiant que l'on appelle « Masddér Qiddoushin », et que cela est valable, il est toutefois préférable que le fiancé les récite lui-même plutôt que de laisser d'autres le faire pour lui.) Néanmoins, la récitation de ces bénédictions n'est pas indispensable et n'a pas d'incidence sur la validité du mariage. C'est ainsi que le Ramba''m poursuit en disant :

5. Celui qui s'est fiancé à une femme et a fait les bénédictions des fiancés, mais ne s'est pas isolé avec elle dans sa maison, elle est encore une `arousoh, car les Nissou`in ne sont pas réalisés par les bénédictions des fiancés, mais l'entrée dans la Houppoh. S'il s'est fiancé et est entré dans la Houppoh, mais qu'il n'a pas fait les bénédictions des fiancés, elle est totalement une Nasou`oh, et on pourra les refaire même après plusieurs jours. Une Niddoh ne doit pas se marier tant qu'elle ne s'est pas purifiée, et on ne fait pas les bénédictions des fiancés pour elle tant qu'elle ne s'est pas purifiée. Mais si on a transgressé, qu'on l'a épousée et fait [les bénédictions], on ne bénira plus à nouveau.
ה  הַמְּאָרֵס אֶת הָאִשָּׁה, וּבֵרַךְ בִּרְכַת חֲתָנִים, וְלֹא נִתְיַחַד עִמָּהּ בְּבֵיתוֹ--עֲדַיִן אֲרוּסָה הִיא: שְׁאֵין בִּרְכַת חֲתָנִים עוֹשָׂה הַנִּשּׂוּאִין, אֵלָא כְּנִיסָה לַחֻפָּה. אֵרַס וְכָנַס לַחֻפָּה, וְלֹא בֵּרַךְ בִּרְכַת חֲתָנִים--הֲרֵי זוֹ נְשׂוּאָה גְּמוּרָה; וְחוֹזֵר וּמְבָרֵךְ, אַפִלּוּ אַחַר כַּמָּה יָמִים. וְלֹא תִנָּשֵׂא נִדָּה, עַד שֶׁתִּטְהַר; וְאֵין מְבָרְכִין לָהּ בִּרְכַת חֲתָנִים, עַד שֶׁתִּטְהַר. וְאִם עָבַר וְנָשָׂא וּבֵרַךְ, אֵינוּ חוֹזֵר וּמְבָרֵךְ

Ainsi, ce ne sont pas les bénédictions qui réalisent le lien du mariage, mais le fait pour la fiancée de s'être isolée dans la Houppoh avec son fiancé. Par conséquent, même si ces bénédictions n'auraient pas été faites, mais que la fiancée est entrée dans la Houppoh, le mariage est contracté, mais cela ne fonctionne pas dans le sens inverse. En outre, ces bénédictions pourront être faites devant dix hommes même plusieurs jours après qu'ils se soient isolés dans la Houppoh. Et puisque les bénédictions du mariage sont indépendantes mêmes de la contradiction du mariage, si un homme a récité ces bénédictions pour épouser une femme Niddoh, bien qu'il ne devait pas le faire, cela n'est d'aucune conséquence, même s'il s'est isolé avec elle dans la Houppoh, car elle était dans un état qui ne permet pas de contracter le lien du mariage. Elle ne sera considérée être sa femme que lorsqu'elle sera sortie de son état de Niddoh, et à ce moment-là, il ne sera pas nécessaire de refaire à nouveau les bénédictions.

Pourquoi les `ashkanazim sont-ils passés de la chambre nuptiale au dais nuptial ? Ma réponse personnelle est celle-ci : les `ashkanazim ont toujours été plus « prudes » que les autres ethnies juives, et se sont donc attachés à éliminer les Halokhôth trop « sexuelles » et « impudiques » à leurs yeux. Pour eux, il était considéré « indécent » ou « impudique » de conduire une femme jusqu'à la maison de son fiancé, en sachant ce qu'ils allaient y faire dès qu'on les y laisserait seuls. Par conséquent, cette pratique fut abolie et on cessa d'accompagner et escorter la fiancée jusqu'à la maison de celui qui allait l'épouser. Plutôt, on remplaça la chambre nuptiale par le dais nuptial qui, avec ses quatre côtés et son « toit » rappelle symboliquement une « maison », le foyer que les mariés bâtiront ensemble. Et au lieu que les parents escortent la mariée vers la maison de son mari, ils l'escortent désormais vers cette « maison » symbolique. Ils ont fait la même chose pour d'autres pratiques qu'ils considéraient « dérangeantes », « immorales », « impudiques », etc., comme par exemple la polygamie ou la permission pour un couple d'avoir des rapports de la manière qui leur convient.

Mais tout cela n'a rien à voir avec la Halokhoh, et il n'y a rien de plus honteux que d'avoir honte de la Tôroh et de la Halokhoh !

La conclusion est qu'il est faux de considérer des gens comme étant « mariés » simplement parce qu'ils ont tenu une cérémonie sous un dais nuptial, au cours de laquelle les bénédictions ont été faites. Ils ne sont mariés que dès l'instant où la fiancée est entrée dans la maison de son fiancé, avec l'intention d'être sa femme et vivre avec lui, et qu'elle s'y trouve seule avec lui pour consommer leur union (mais même s'ils ne font rien, comme cela a été dit plus haut, ils seront néanmoins considérés mariés dès l'instant où ils se sont isolés). C'est ce que la Tôroh et HaZa''l appellent « Houppoh », et cela existait même jusqu'à récemment dans pratiquement toutes les communautés juives.

1Une femme qui s'est fiancée, mais n'est pas encore mariée
2Ce qui est la sanction pour la transgression d'un interdit rabbinique. Bibliquement parlant, un couple fiancé pas encore marié peut avoir des rapports sexuels, mais les Sages l'ont interdit plus tard, notamment parce que certains hommes défloraient leurs fiancées, mais les répudiaient ensuite, causant l'annulation du mariage programmé
3C'est-à-dire qu'il en a fait sa fiancée par les Qiddoushin
4Les fiançailles (Qiddoushin) peuvent être contractées de trois manières, et l'une d'elles consiste à avoir un rapport sexuel par lequel on établit le lien des fiançailles (nous aurons l'occasion d'en reparler dans des articles spécifiquement réservés aux lois du mariage)
5Une femme mariée
6Sôtoh 9:5
7Le Ramba''m poursuit en rapportant les six bénédictions à faire

8Halokhoh 4
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