ב״ה
Le
Jeûne d'Esther
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Si
nous jetons un coup d’œil dans la littérature talmudique, nous
serons frappés de voir qu'il n'y a aucune mention à ce que l'on
appelle communément aujourd'hui תַּעֲנִית
אֶסְתֵּר « Ta´anith
`astér – Jeûne d'Esther ». Pourquoi cette omission ? Y
a-t-il ou pas un jeûne la veille de Pourim ? Que disent les
sources anciennes à ce sujet ?
Bien
que le Ramba''m ז״ל
ne
mentionne pas la Ta´anith `astér dans les Hilkôth Maghilloh
Wahanoukkoh (où il traite des lois relatives à Pourim et
Hanoukkoh), il la mentionne bien, en passant, dans les lois
relatives aux jeûnes (Hilkôth Ta´aniyôth), et il nous dit la
chose suivante1 :
Et
tous les Israélites se sont accoutumés,
en ces temps-ci, à jeûner le treize du mois de
`adhor, en souvenir des jeûnes qui furent observés durant les
jours de Homon, car il est dit2 :
« en ce qui concerne les jeûnes et les lamentations ».
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וְנָהֲגוּ
כָּל יִשְׂרָאֵל בִּזְמַנִּים
אֵלּוּ,
לְהִתְעַנּוֹת
בִּשְׁלוֹשָׁה עָשָׂר בַּאֲדָר,
זֵכֶר
לְתַעְנִית שֶׁנִּתְעַנּוּ בִּימֵי
הָמָן,
שֶׁנֶּאֱמָר
דִּבְרֵי הַצּוֹמוֹת,
וְזַעֲקָתָם
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Chaque
mot employé par le Ramba''m, dans son Mishnéh Tôroh, est précis
et minutieusement pesé pour éviter toute ambiguïté.
Tout
d'abord, le Ramba''m écrit וְנָהֲגוּ
כָּל יִשְׂרָאֵל בִּזְמַנִּים
אֵלּוּ « tous
les Israélites se sont
accoutumés, en ces temps-ci ». Il s'est quasiment
uniquement appuyé sur le Talmoudh pour la rédaction de son Mishnéh
Tôroh. Mais chaque fois qu'il rapporte une Halokhoh qui ne provient
pas du Talmoudh, comme par exemple lorsqu'il émet sa propre opinion,
il l'indique clairement dans le texte. Et de par la façon dont il a
rapporté la pratique susmentionnée, en employant les termes « en
ces temps-ci », il indique par-là que ce n'est pas une
Halokhoh talmudique, mais une coutume qui s'est répandue après
l'ère talmudique.
Quand
exactement le Jeûne d'Esther s'est-il frayé un chemin dans la
pratique religieuse juive est un sujet de débat. Ce jeûne n'est
mentionné nulle part dans le Talmoudh, comme cela a été dit plus
haut. En outre, la Maghillath Ta´anith (« Rouleau du Jeûne »),
un texte ancien, connu déjà durant l'ère talmudique puisqu'il est
cité à plusieurs reprises dans le Talmoudh lui-même (la rédaction
de ce rouleau a commencé en l'an 7 de l’Erre Courante., par
Hananyo` ban Hizqiyohou ban Garôn ז״ל,
et qui fut achevé après la destruction du Béth Hammiqdosh par son
propre fils, `al´ozor), énumère tous les jours de l'année où il
est strictement interdit de jeûner en raison de fêtes observées
ces jours-là, et dont les origines ont été divisées en quatre
groupes :
- les fêtes pré-maccabéennes
- les fêtes anté-sadducéennes
- les fêtes anté-romaines
- les fêtes de la Diaspora (ceux qui furent instituées après la destruction du Béth Hammiqdosh).
La
Maghillath Ta´anith rapporte qu'il est interdit de jeûner à la
date du du 13 `adhor (qui est devenue la date du prétendu « Jeûne
d'Esther »), car il s'agit d'un jour de fête appelé « Jour
de Nicanor », qui marque la défaite du général Grec Nicanor
durant les guerres menées par les Hashmounna`im, du temps de
Hanoukkoh. Cela indique donc clairement que le Jeûne d'Esther
fut institué bien plus tard après que le Talmoudh ne fut scellé,
d'où la raison pour laquelle le Ramba''m précise « tous
les Israélites se sont accoutumés, en
ces temps-ci, à jeûner le treize `adhor »,
car ce jeûne n'est mentionné dans aucune source ancienne du
Judaïsme, mais est né aux alentours de l'époque du Ramba''m.
La
référence la plus ancienne de l'existence présumée d'un « Jeûne
d'Esther » se retrouve dans les Sha`iltôth du Rov Hay
Go`on ז״ל,
à la Parashath Wayyaqhél 87, où il est rapporté que
certains avaient la
coutume de faire le « Jeûne d'Esther » dans les temps
mishnaïques. Or, le Rov Hay Go`ôn fait partie des Ga`ônim,
c'est-à-dire, des rabbins qui sont venus juste après que le
Talmoudh fut achevé, et cette affirmation selon quoi certains
respectaient déjà ce jeûne dans les temps mishnaïques n'a jamais
pu être démontrée, ni au niveau historique, ni au niveau textuel,
comme l'ont fait remarquer de nombreux rabbins de différentes
époques. Il y a beaucoup de pratiques actuelles que certaines
personnes essaient de faire remonter au temps de la Mishnoh ou du
Talmoudh, alors que ni la Mishnoh ni le Talmoudh n'en font la moindre
mention. (Exactement comme ceux qui utilisent la carte de la
« Qabboloh » pour justifier certaines pratiques n'étant
pourtant pas mentionnées dans le Zôhar.) Par conséquent, ce n'est
en rien une preuve démontrant que les gens jeûnaient le 13 `adhor
du temps de la Mishnoh.
Apparemment,
du temps du Ramba''m, jeûner le 13 `adhor était donc devenu une
pratique acceptée et suivie par « tous les Israélites »,
quoique la nature « obligatoire » de ce jeûne n'a aucun
fondement, puisqu'il est post-talmudique. C'est la raison pour
laquelle le Ramo''` ז״ל,
dans ses gloses sur le Shoulhon ´oroukh3,
tranche avec beaucoup d'indulgence sur la nature contraignante de ce
jeûne par rapport à tous les autres de l'année. C'est pourquoi, si
quelqu'un ne désire pas du tout jeûner le 13 `adhor, rien ne l'en
oblige. De même, si quelqu'un décide de jeûner ce jour-là, mais
ressent une gène, aussi minime soit-elle, comme un léger mal de
tête, son jeûne peut être interrompu, ce qui n'est pas le cas pour
les autres jeûnes.
Pour
revenir au Mishnéh Tôroh, le Ramba''m mentionne un verset de la
Maghillath `astér qui parle de « jeûnes » au pluriel.
Ce verset semble anodin, mais il est pourtant d'une importance
capitale pour comprendre un fait méconnu de beaucoup. L'intégralité
du passage biblique nous dit ceci4 :
Et
on expédia des lettres à tous les Juifs dans les cent vingt-sept
provinces de l'empire de `ahashwérôsh,
comme un message de paix et de vérité,
à
l'effet d'instituer ces jours de Pourim à leurs dates, comme le
Juif Mordokhay et la reine `astér les avaient acceptés pour leur
compte et pour le compte de leurs descendants,
en
ce qui concerne les jeûnes et les lamentations y afférentes.
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וַיִּשְׁלַח
סְפָרִים אֶל-כָּל-הַיְּהוּדִים,
אֶל-שֶׁבַע
וְעֶשְׂרִים וּמֵאָה מְדִינָה--מַלְכוּת,
אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ:
דִּבְרֵי
שָׁלוֹם,
וֶאֱמֶת.
לְקַיֵּם
אֶת-יְמֵי
הַפֻּרִים הָאֵלֶּה בִּזְמַנֵּיהֶם,
כַּאֲשֶׁר
קִיַּם עֲלֵיהֶם מָרְדֳּכַי הַיְּהוּדִי
וְאֶסְתֵּר הַמַּלְכָּה,
וְכַאֲשֶׁר
קִיְּמוּ עַל-נַפְשָׁם,
וְעַל-זַרְעָם:
דִּבְרֵי
הַצּוֹמוֹת,
וְזַעֲקָתָם
|
De
quels jeûnes (au pluriel) parle-t-on ici ?
Contrairement
à ce qu'on pourrait penser, on ne parle pas du tout des trois jours
qui précèdent Pourim. Mordokhay ע״ה,
`astér ע״ה
et
les Israélites de Perse n'ont pas jeûné trois jours avant Pourim,
mais le 14, le 15 et le 16 Nison. Cette année-là, ils ont donc
« transgressé » la Halokhoh en jeûnant à partir du
premier jour de Pésah, à cause des conditions difficiles qui
prévalaient en ce temps-là, où la joie n'était pas possible,
alors que le peuple était sous une menace d'annihilation. Ils
n'avaient donc d'autres choix que de jeûner pendant Pésah afin
d'éveiller la miséricorde Divine par leur repentir.
`astér
5:1 nous dit que le troisième jour de Pésah,
c'est-à-dire le 16 Nison, `astér demanda au roi d'organiser le
soir-même un festin auquel serait convié Homon ימש״ו.
Deux jours plus tard, c'est-à-dire, le 18 Nison, Homon fut pendu.
Deux mois plus tard, le 23 Siwon5,
le roi permis à Mordokhay et `astér d'écrire des lettres demandant
aux Juifs de se préparer à se défendre le 13 `adhor de cette
année-là, ce qui laissait huit mois et demi aux Juifs pour se
préparer à la guerre contre leurs ennemis. Finalement, le 13
`adhor, ils prirent les armes et combattirent leurs ennemis. Le
lendemain, le 14 `adhor, les Juifs de la majorité des provinces
défirent leurs adversaires, tandis que ceux de la capitale, Suse
(Shoushon), furent totalement délivrés le 15 `adhor.
Comme
jeûner durant le mois de Nison est interdit d'après la Halokhoh,
ces trois jours de jeûnes mentionnés dans la Maghillath `astér
furent replacés en `adhor, à des dates non précisées, car
dépendant de chacun.
En
réalité, on ne devrait même pas jeûner la veille de Pourim !
En effet, le Tour6
ז״ל
explique
qu'il est interdit de jeûner la veille de toute fête mentionnée
dans la Maghillath Ta´anith, tout comme il est interdit d'y faire
des éloges funèbres. De ce fait, la pratique universelle des Juifs
consistant à jeûner la veille de Pourim, le 13 `adhor, est erronée
(sans compter que la Maghillath Ta´anith indique également
explicitement que jeûner le 13 `adhor est également interdit, ce
qui sous-entendant que jeûner le 12 l'est aussi). Donc, pourquoi les
Juifs « Orthodoxes » jeûnent-ils le 13 `adhor, alors que
cette pratique n'est mentionnée nulle part dans le Talmoudh, et
qu'elle pourrait, en fait, contrevenir à la Halokhoh qui interdit de
jeûner à la veille des fêtes et aux fêtes-mentionnées dans la
Maghillath Ta´anith ?
Certains
Ri`shônim disent que c'est parce que les Juifs de Perse ont jeûné
le 13 `adhor, qui est le jour du combat contre leurs ennemis. Ils
disent que c'était également un jour de Salihôth (prières
de pénitence). Mais il y a quatre problèmes qui furent soulevés
face à cette hypothèse :
- le Talmoudh n'en dit pas un mot, alors que tous les versets du TaNa''Kh y sont commentés ;
- nous n'avons aucune source historique attestant que les Juifs ont jeûné ce jour-là, alors qu'ils combattaient leurs ennemis ;
- de nombreux Pôsqim affirment qu'il est interdit de jeûner lorsqu'on va au front, car on a besoin de toute sa force physique. Comment donc purent-ils jeûner le jour où ils combattaient leurs ennemis ? ;
- il est interdit, comme nous l'avons dit plus haut, de jeûner la veille d'une fête. Jeûner le 13 n'est donc pas permis.
À
l'origine, `astér, Mordokhay et le peuple avaient jeûné les 14, 15
et 16 Nison. Mais comme jeûner en Nison n'est pas permis (ce fut
seulement à cause de la situation dramatique exceptionnelle qui
prévalait à ce moment-là qu'ils ont jeûné en Nison), cette
pratique ne fut pas reproduite, et on reporta ces trois jours de
jeûne en `adhor. En effet, le Tour cite également la pratique des
pieux de `aras
Yisro`él qui jeûnaient durant trois jours (n'importe lesquels, mais
pas le 13 `adhor, veille de la fête) en `adhor en souvenir des trois
jours de jeûnes mentionnés dans la Maghillath `astér. Ils ne
voulaient pas jeûner en Nison, car c'est le mois de la délivrance
d’Égypte, ainsi que le mois durant lequel le Béth Hammiqdosh fut
dédicacé. Ainsi, quand la Maghillath `astér nous parle הַצּוֹמוֹת,
וְזַעֲקָתָם
« des
jeûnes et des lamentations »
relatives à la fête de Pourim, c'est une demande faite à tous les
Juifs et leurs descendants de consacrer, en souvenir de Pourim, trois
jours de jeûne durant le mois de `adhor. Ainsi, chacun devrait se
choisir trois jours du mois de `adhor où il jeûnera comme `astér,
Mordokhay et les Juifs de cette époque-là, mais aucun de ces trois
jours ne devrait tomber le 13 `adhor, qui est la veille de Pourim. À
l'origine, les gens jeûnaient sans rien manger, ni boire, la nuit et
le jour, durant trois jours consécutifs, comme cela est mentionné
dans la Maghillath `astér. Il est fort probable qu'étant donné
qu'il est devenu difficile de jeûner de la sorte, cette pratique fut
abandonnée et remplacée après l'ère talmudique par la coutume
qu'on connaît aujourd'hui, qui consiste à jeûner le 13 `adhor au
lieu de trois jours consécutifs. Mais ils choisirent une date
pouvant halakhiquement être problématique.
Certains
Pôsqim conscient que le « Jeûne d'Esther » n'avait
aucune source talmudique sur laquelle s'appuyer, ont avancé comme
hypothèse que le « Jeûne d'Esther » pourrait en fait
n'être rien d'autre qu'un exercice servant à obtenir une expiation
Divine et faire à l'avance amende honorable pour tout excès ou
comportement inapproprié qui pourrait se produire à Pourim.7
Et d'autres Pôsqim encore affirment qu'étant donné que ce jeûne
n'est pas observé à sa date d'origine (puisque les Juifs du temps
de Pourim avaient jeûné en Nison et non en `adhor, et durant trois
jours consécutifs, et non pas un seul jour), jeûner le 13 `adhor
n'est pas même un précepte rabbinique, mais une simple coutume.8
Tout
cela nous montre davantage comment beaucoup de Juifs font des choses
sans même savoir pourquoi ils les font, et d'où proviennent les
pratiques qu'ils observent !
1Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Ta´niyôth 5:5
2`astér
9:31
3`ôrah
Hayim 686:2
4`astér
9:30-31
5Voir
`astér 8:9
6`ôrah
Hayim 686
7Pisqé
Tashouvôth 686:2
8Béth
Yôséf 468