mercredi 9 décembre 2015

La foi et la superstition : Deuxième Partie

ב״ה

La foi et la superstition

Deuxième Partie


Cet article peut être téléchargé ici.

Pour (re)lire la Premier Partie, voir ici.

Nous avions terminé la première partie en disant que certaines pressions au sein de la vie juive « Orthodoxe » contemporaine favorisaient la superstition plutôt qu'une perspective authentique du Judaïsme, la plus belle foi qui soit. Nous allons illustrer cela par quelques exemples concrets.

  1. Passer par les pseudos « Gadhôlé Haddôr »1 pour être bénis

Comme de nombreux autres Juifs, je reçois périodiquement, dans ma boite de courriels, de nombreux messages de divers organisme de Sadhoqoh demandant de leur faire des dons pour des individus et/ou des familles dans le besoin. Ces publicités incluent toujours des photos d'hommes aux apparences saintes, avec des barbes blanches, en train d'étudier la Tôroh et prier, et qui signent leurs noms en faveur de ces organismes. Un organisme de charité en particulier (« Koupat Ha'ir », pour ne pas le nommer) nous promet que les « Gadhôlé Haddôr sont les membres officiels de l'organisme ». L'un de ces pseudos « Gadhôlé Haddôr » fut une fois cité dans une des publicités comme ayant affirmé que « Tous ceux qui contribuent à [cet organisme de charité] mériteront de voir des miracles manifestes ». Une deuxième catégorie de publicités tout autant fréquente concerne les fêtes. À l'approche de dates importantes de notre calendrier, nous sommes inondés de courriels dans lesquels il nous est demandé d'inscrire les noms de toutes les personnes que nous voudrions voir être bénies, et les « Gadhôlé Haddôr » et d'autres éminents rabbins se chargeront de prier pour ces personnes sur les tombes de Saddiqim, au Kothél, etc., et garantissent que les prières qu'ils élèveront pour nous et ces personnes seront exaucées et qu'on jouira d'innombrables bénédictions.

Voici quelques exemples des torchons idolâtres, mensongers et superstitieux qu'envoient ces organismes soutenus par les prétendus « Gadhôlé Haddôr » (cliquez sur les images afin de les agrandir) :




À la fin du mois dernier, l'organisme de charité Harédhi « Kollel Chatzos » a publié une publicité dans la ville de Détroit, aux États-Unis, afin d'expliquer que faire un don au Kollel Chatzos (un organisme de charité qui paie de jeunes hommes mariés pour étudier la Torah à minuit chaque nuit de la semaine) pouvait vous « épargner » le fait de devoir vivre près de ces « individus » (un terme péjoratif pour désigner les Musulmans, comme le montre clairement le contexte. La publicité étant publique, ils ont préféré ne pas être explicites). La publicité contenait le message suivant :

Mon histoire

Lorsque j'ai vu l'agent immobilier entrer dans le condominium à côté avec les mêmes individus qui étaient venus le visiter quelques jours auparavant, j'ai su qu'il était temps d'appeler le Kollel Chatzos.

Nos seuls voisins Juifs s'étaient installés en Erets Yisroel il y a quelques mois, et ils eurent énormément de difficultés à trouver un acheteur Juif. Il semblait à présent que ces individus allaient résider la porte à côté. Des nouvelles horrifiantes d'Erets Yisroel nous parvenaient quotidiennement, et la pensée de vivre dans une telle proximité de ces individus était carrément effrayante.

Lorsque l'agent immobilier confirma qu'ils étaient effectivement sur le point de signer le contrat, j'ai immédiatement décroché le téléphone et me suis associé au Kollel Chatzos pour un mois.

De nul part, une belle famille juive s'est présentée et a exprimé un intérêt pour le condominium. De façon incroyable, ils sont à présent sur le point d'acquérir la maison !

Par un seul appel au Kollel Chatzos, nous sommes passés de l'arrivée redoutable de voisins indésirables à la perspective de vivre côte à côte avec de magnifiques Yidden.

Le pouvoir incroyable de l'étude nocturne de la Torah nous a sauvés juste à temps !

Des bêtises du même genre sont publiées chaque jour par divers organismes, sites Internet et journaux dits « Harédhim ». Vous n'aurez aucun mal à les trouver.

Pour revenir aux « Gadhôlé Haddôr », ces organismes nous demandent de contribuer à leurs causes afin que les « Gadhôlé Haddôr » nous bénissent et prient pour nous. Il nous est même offert de choisir quel mérite nous aimerions recevoir de leurs prières : avoir du Nahath (satisfaction) de nos enfants ; avoir des enfants ; trouver une femme ou un mari approprié ; gagner facilement ses moyens de subsistance ; jouir d'une longue et belle vie ; obtenir une guérison complète d'une maladie, etc. Sur une des publications, on peut même lire « Les demandes urgentes seront immédiatement expédiées au domicile des Gadhôlé Haddôr ». Si nous prenons l'engagement de faire un don substantiel par nom que l'on aura inscrit, il nous est garanti qu'un Minyon d'éminents Talmidhé Hakhomim priera pour nous au Kothél. Si nous nous engageons à donner une plus petite somme, la prière sera alors récitée uniquement par un seul Talmidh Hokhom de renom. Il nous est également indiqué que nous pouvons formuler notre requête par écrit, et elle sera alors placée dans le Kothél pendant quarante jours ; nous pouvons également transmettre nos demandes de prière par téléphone, après avoir fait une contribution via une carte de crédit.

Mais qu'est-ce que c'est que tout cela ? Où est HaShem ית׳ là-dedans ? Où est notre relation personnelle avec Lui dans tout ce business, dans toutes ces arnaques, dans toutes ces superstitions et idolâtries autour de « Gadhôlé Haddôr » ?

Ces organismes de charité prétendent non seulement proposer une vision authentique de la Tôroh, mais se targuent également d'être soutenues par les « Gadhôlé Haddôr ». Quiconque jette un coup d’œil sur leurs torchons verra qu'il s'agit d'organismes de charité Orthodoxes gérés par des individus ultra-religieux.

Quand bien même vous direz que la cause (assister les nécessiteux) est bonne et noble, et quand bien même les gens qui s'occupent de ces organismes et y travaillent seraient à vos yeux des Juifs religieux de haut calibre, littéralement connectés aux « Gadhôlé Haddôr », les publications de ces organismes ne sont pas du tout un exemple de ce qu'est la vraie foi, mais quelque chose qui équivaut clairement à de la superstition, et au bord §si pas carrément) de l’idolâtrie !

Est-ce approprié pour un pseudo « Godhôl Haddôr » d'assurer aux contributeurs qu'ils mériteront des « miracles manifestes », ou « une bonne et douce année sans angoisse ni graves maladies » ? Quelqu'un peut-il réellement parler au nom du Tout-Puissant lorsqu'il s'agit de décisions se rapportant à l'accomplissement de « miracles manifestes » ? De telles affirmations ne reflètent-elles pas une croyance selon laquelle les prières prononcées par ces pseudos sages (qui agissent comme des gourous, avec des méthodes similaires aux incantations prononcés par des chamans) peuvent contrôler les actions d'HaShem, même au point de Lui faire faire des miracles sur commande ?

En outre, pourquoi doit-on donner aux gens l'impression aux gens qu'ils ne sont pas qualifiés ou aptes à prier HaShem directement ? Pourquoi ces escrocs déguisés en « dirigeants religieux » doivent-ils promouvoir la notion selon laquelle si les gens paient, certains individus « pieux » réciteront une prière au Kothél, et cette prière récitée par cet individu au Kothél est plus efficace que si la personne qui les a sollicités priait elle-même d'où elle se trouve ? Cette notion selon laquelle un Minyon d'éminents Talmidhé Hakhomim prieront pour vous si vous donnez suffisamment d'argent est dégoûtante et contraire à toutes les valeurs de notre foi. Et que dire du fait que si vous n'avez pas donné suffisamment, seule une seule personne priera pour vous ? Mais où va-t-on ?

Dans ces publications, déguisées en vêtements de religion juive authentique, nous avons des exemples flagrants de souillures superstitieuses. Les dirigeants de ces organismes prétendent que :

  1. Les « Gadhôlé Haddôr » (mais on ne nous dit pas qui décide de qui est un « Godhôl Haddôr », ni pourquoi un « Godhôl Haddôr » désirerait courir au Kothél pour prier chaque fois qu'un donateur soumet une « requête urgente ») ont une puissance de prière supérieure à n'importe qui d'autre.
  2. Un « Godhôl Haddôr » peut nous promettre des « miracles manifestes » si nous faisons un don.
  3. Une prière faite au Kothél a plus de valeur qu'une prière faite n'importe où ailleurs. C'est-à-dire que le Kothél est traité comme une entité sacrée et « magique », alors que Shalômôh Hammalakh ע״ה a écrit que peu importe où nous nous trouverons, dès lors qu'on se tournera vers la Ville Sainte, HaShem nous écoutera de n'importe où (et même sans se tourner vers la Ville Sainte, mais qu'on est envahi de respect et de sérieux lorsqu'on prie, Il écoutera).
  4. Les papiers placés dans le Kothél ont une valeur religieuse et une efficacité.

Ces publications s'appuient clairement sur la croyance déplacée des gens dans les pouvoirs surnaturelles des « Gadhôlé Haddôr » et du Kothél.

Il va de soi que ceux qui écrivent leurs bouts de papier afin qu'ils soient placés dans les fissures du Kothél ou qui se tournent vers ces charlatans de « Gadhôlé Haddôr », le font par sentiment de piété, avec un désir sincère que leurs prières parviennent jusqu'à HaShem. Mais ces « dirigeants religieux » ne devraient-ils pas dire à ces gens qu'ils doivent apporter leurs prières à HaShem, en Le priant directement ? Il n'y a aucune utilité de toute façon à écrire des prières pour les déposer dans le Kothél. HaShem est-Il limité par l'espace ou le temps ? Restez chez vous et utilisez vos bouches ! Cette pratiques des papiers glissés dans le Kothél est de la pure superstition et s'appuie sur les prétendus pouvoirs « magiques » que l'on a attribués au Kothél plutôt que de prier directement HaShem.

Les défenseurs de cette pratique avanceront que c'est une coutume très ancienne, approuvée ou tolérée par de grands sages, que c'est une pratique inoffensive qui ne fait de mal à personne, ou que c'est un moyen d'amener les gens à sentir que leurs paroles auront plus de chances d'atteindre HaShem. À ces gens-là, nous dirons qu'il existe de nombreuses croyances et pratiques qui furent approuvées ou tolérées par d'éminents sages dans le passé récent, mais qui entrent dans la catégorie de la superstition, et non dans celle de la foi, comme par exemple rédiger et porter des amulettes magiques, invoquer les morts (comme le faisait le `ari), etc. Le fait que d'éminentes personnes croyaient en ces choses ou les ont accomplies ne les rend pas correctes et appropriées. Le Ramba''m ז״ל a condamné ceux qui ont recours aux Sifré Thôroh, Tafillin ou Mazouzôth comme des charmes magiques, et il ne fait aucun doute que s'il les a condamnés et a pris la peine de le mentionner, c'est qu'il y a eu des Rabbonim avant et pendant son époque qui approuvaient ou toléraient ces pratiques. Le Ramba''m a tenté de faire voir aux gens la différence entre la foi et la superstition ; malheureusement, tout le monde n'était pas désireux d'accepter cette distinction, préférant rester attaché aux croyances et pratiques superstitieuses (qui sont si rassurantes).

Les pratiques superstitieuses nuisent, contrairement à ce qu'on affirme souvent. Elles rongent les fondations rationnelles et intellectuelles de ceux qui s'y adonnent, les amenant à se comporter comme des adhérents d'une secte plutôt que d'une foi. Cela ne rend pas service au Judaïsme, et à cause de ces gens qui disent représenter le Judaïsme avec leurs croyances et pratiques idolâtres et superstitieuses, cela détourne de la Tôroh les personnes raisonnables et intelligentes qui s'intéressent à la Tôroh et veulent la pratiquer de façon authentique, sans ces sottises qu'on y a ajoutées.

Les gens pourraient se dire que se laisser aller à la superstition est un moyen d'obtenir des résultats surnaturels. Mais une telle approche est rejetée des deux mains par la Tôroh. Les rabbins et enseignants doivent rappeler à leurs communautés que l'on n'a pas besoin (et que l'on ne doit pas) de rechercher des moyens superstitieux de contrôler ou apaiser HaShem. On doit plutôt rappeler aux gens leur droit et devoir de prier directement HaShem d'eux-mêmes, sans besoin de recourir aux supposés pouvoirs d'hommes prétendument « saints », ou via des objets saints, ou des lieux saints !

  1. Le Qaddish des Endeuillés

Une autre pratique qui favorise la superstition sur la foi est la récitation du Qaddish dit des Endeuillés.

Le Qaddish est une prière magnifique, par laquelle on glorifie HaShem pour Sa grandeur, Son unicité et Sa force rédemptrice. Le texte du Qaddish est antique, et à l'origine il était exclusivement utilisé comme prière qui suivait une étude de la Tôroh en groupe.2 Cette prière n'a rien à voir avec la mort ! Ce n'est qu'au 13ème siècle, à cause de cette supercherie qu'est le Zôhar et tout le mouvement de la Qabboloh, qu'elle fuit adoptée comme prière des endeuillés, et avec le temps cela devint une pratique répandue à travers le monde juif. (Et pas une seule fois le Ramba''m ne mentionne le Qaddish dit des Endeuillés.)

À l'évidence, le Qaddish a été imprégné d'émotions fortes et de forts sentiments religieux parmi les endeuillés. Néanmoins, la Halokhoh ou la Tôroh ne sont pas jetées sous le tapis simplement par peur d'offenser les gens, ou qu'une pratique serait maintenant trop enracinée que pour être combattue. On doit rappeler aux gens que le Qaddish est une prière, et non une incantation magique. Lorsque, à Dieu ne plaise, quelqu'un perd un parent, les membres de la חֶבְרָה קַדִישָׁא « Havroh Qadhisho` » l'informent souvent que s'il désire que son parent aille au Gan ´édhan, il doit réciter le Qaddish chaque jour. Et si l'endeuillé n'est pas certain de pouvoir le faire chaque jour pendant l'intégralité de l'année du décès, il doit payer à la Havroh Qadhisho` une certaine somme, et ils lui garantiront que quelqu'un d'autre récitera pour lui le Qaddish quotidiennement, lui assurant ainsi de l'acceptation de son parent au Gan ´édhan.

Pour de nombreux Juifs, y compris les plus « pieux », le Qaddish est traité comme une incantation magique plutôt qu'une prière glorifiant la grandeur d'HaShem. Les gens se donnent beaucoup de mal à réciter le Qaddish dans un Minyon, au mépris de choses plus importantes et qui sont, elles, des obligations. (On en arrive même à inventer des histoires comme celle-ci ou celle-là pour souligner l'impératif de ce Qaddish des Endeuillés.) Ils le font avec grande sincérité et dévotion. Mais s'ils croient que le Qaddish est une formule magique permettant de faire entrer leur défunt parent au Gan ´édhan, cette pratique est clairement entrée dans le domaine de la superstition.

  1. Les « charmes » et amulettes

La dernière pratique favorisant la superstition que je vais mentionner en exemple est la tendance très répandue, surtout dans les milieux Safaradhim et Hasidhim, de se fier à des charmes de « bonne chance », comme par exemple les bracelets rouges noués autour du poignet, la nourriture ou boisson bénie par certains sages kabbalistes, etc. Certaines personnes qui, en temps normal, sont très rationnelles, se sont tournées vers des « faiseurs de miracles » afin qu'ils les aident dans une situation de vie ou de mort d'un proche. Les médecins étaient incapables de soigner le patient ; par désespoir, les proches du patient ont recherché des remèdes « spirituels ». Dans un cas, un « saint » rabbin s'est déplacé en personne de Terre Sainte pour prier au chevet d'un enfant mourant. (L'enfant est malheureusement décédé.) Dans un autre cas, un « saint » rabbin a reçu une forte donation après quoi il a fait parvenir à un malade une bouteille d'arak qu'il avait bénie. (Ce malade est également décédé.) Il arrive parfois que les gens se remettent de leurs maladies, et lorsque c'est le cas, ils sont prêts à jurer que leur guérison fut rendue possible par l'intervention d'un « saint » rabbin qui a prié pour eux ou leur a fait parvenir des choses « saintes » à manger ou boire. (Et c'est le Rébbé ou éminent rabbin qui est glorifié ou adulé. Où est HaShem dans le tableau ?) Cela donne davantage l'envie aux personnes désespéramment malades de se tourner vers des « faiseurs de miracles » pour obtenir de l'aide ; après tout, si cela peut les amener à se sentir bien, où est le problème ?

Si vous ne voyez pas où est le problème, la situation est encore plus grave que prévue. Bien que l'on puisse comprendre (et même avoir de l'empathie) cette attitude, nous devons également clairement dire que cela représente un détournement de la vraie foi et une voie qui mène à la superstition et l’idolâtrie.

De ce fait, nous devons enseigner aux gens à éviter de tomber dans cette façon de penser et de se comporter. Nous devons exhorter les gens à ne pas se fier à des bracelets rouges, des amulettes, des aliments/boissons bénis par de « saints » rabbins, etc. Mais leur dire qu'ils doivent plutôt tourner leurs cœurs, leurs esprits et leurs âmes entièrement et exclusivement vers HaShem !

Puissions-nous tous prendre ce message à cœur et faire de notre mieux pour éloigner les gens de ces sottises et les rapprocher plutôt d'HaShem, et Lui seul !

1Grands de la Génération

2Voir dans le Talmoudh, Sôtoh 49a
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