ב״ה
Qu'est-ce
que le « Môdhim Darabbonon » et quelle est sa
formulation ?
Cet
article peut être téléchargé ici.
Si
l'on jette un coup d’œil dans les Siddourim conventionnels, à la
répétition des Shamônah ´asréh (´amidhoh), nous pouvons voir
souvent noté que pendant que le Shaliah
Sibbour récite la bénédiction de מוֹדִים
« Môdhim »
(qui est l'avant-dernière) la communauté doit réciter d'une voix
plus basse des paroles de gratitude envers HaShem ית׳,
et que l'on appelle מוֹדִים
דְּרַבָּנָן « Môdhim
Darabbonon. » D'où provient cette pratique et pourquoi se
nomme-t-elle ainsi ?
Nous
lisons ceci dans le Talmoudh Bavli1 :
Pendant
que le Shaliah Sibbour dit « Môdhim »
que disent les gens ? Rav disait : « Nous
faisons preuve de reconnaissance à Ton égard, HaShem notre Dieu,
car nous sommes en capacité de Te rendre grâce. »
Shamou`él disait : « Dieu de toute chair, pour le
fait de pouvoir Te rendre grâce. » Ribbi Sima`y
disait : « notre Créateur, Créateur [de toute
chose] au commencement, car nous sommes en capacité de Te rendre
grâce. » Les habitants de Nehardea disaient au nom de
Ribbi Sima`y : « Bénédictions et gratitudes à
Ton grand nom pour nous avoir gardé vivants et nous avoir
préservés, et car nous sommes en capacité de Te rendre grâce. »
Rov `aho` bar Ya´aqôv concluait ainsi : « Puisses-Tu
ainsi continuer à nous garder en vie et agir avec grâce à notre
égard, et rassemble-nous et assemble nos exilés vers Tes saints
parvis pour y garder Tes décrets et accomplir Ta volonté d'un
cœur entier, car nous sommes en capacité de Te rendre grâce. »
Rov Pappo` a dit : « Par conséquent, récitons-les
toutes ! »
|
בזמן
ששליח צבור אומר מודים העם מה הם אומרים
אמר רב מודים אנחנו לך ה'
אלהינו
על שאנו מודים לך ושמואל אמר אלהי כל
בשר על שאנו מודים לך רבי סימאי אומר
יוצרנו יוצר בראשית על שאנו מודים לך
נהרדעי אמרי משמיה דרבי סימאי ברכות
והודאות לשמך הגדול על שהחייתנו וקיימתנו
על שאנו מודים לך רב אחא בר יעקב מסיים
בה הכי כן תחיינו ותחננו ותקבצנו ותאסוף
גליותינו לחצרות קדשך לשמור חוקיך
ולעשות רצונך בלבב שלם על שאנו מודים
לך אמר רב פפא הילכך נימרינהו לכולהו
|
Nous
pouvons clairement voir de ce passage susmentionné qu'il n'existait
aucune formule standard à dire pendant que le Shaliah Sibbour
faisait le « Môdhim », et qu'en outre, chaque
formule rapportée n'était constituée que d'une toute petite
phrase. Étant donné qu'il n'y avait pas de Siddourim à ces
époques-là et que la prière était beaucoup plus libre et moins
formalisée qu'aujourd'hui, c'était le devoir de chaque rabbin
d'enseigner à sa communauté certaines formules à faire au cours
des offices, et ces formules étaient toujours très courtes de façon
à ce que les gens puissent les mémoriser le plus aisément
possible. Mais pour éviter que chaque communauté n'ait sa propre
version, Rov Pappo` ז״ל,
un `amôro` babylonien du 4ème siècle de l’Ère Courante,
recommanda de former un texte qui reprenait toutes les versions
rapportées ici. C'est la raison pour laquelle cette prière est
appelée « Môdhim Darabbonon », c'est-à-dire les
« Môdhim de nos Rabbins », car elle est une
combinaison de toutes les versions individuelles des rabbins. Et
lorsque vous regardez la formule rapportée dans les Siddourim
d'aujourd'hui, vous voyez qu'effectivement elle est composée de
toutes les phrases que nous avons lues dans le passage talmudique
susmentionné.
Mais
tout cela est basé sur ce qui se faisait à Babylone. Qu'en était-il
en Palestine ? Que disait la communauté pendant que le Shaliah
Sibbour faisait le « Môdhim » ? Voici
ce que nous lisons dans le Talmoudh Yarousholmi2 :
Lorsque
Ribbi Yasso` vint ici3
il les vit se prosterner et murmurer4.
Il nous a dit : « Que murmurent-ils ? »
[Ils lui ont dit :] « N'as-tu pas entendu ce que
Ribbi Halbô [et] Ribbi Shim´ôn [ont dit]
au nom de Ribbi Yôhonon, [qui l'a lui-même
dit] au nom de Ribbi Yirmayohou, Ribbi Hanino`
[qui a dit] au nom de Mayoso`, Ribbi Hiyo`
[qui l'a dit] au nom de Ribbi Sima`y, et certains disent que les
compagnons [l'ont dit] au nom de Ribbi Sima`y, [que : Lorsque
le Shaliah Sibbour fait
la bénédiction, la communauté dit à voix basse :] ''Nous
faisons preuve de reconnaissance envers Toi, Maître de toutes
créatures, Dieu des louanges, Rocher des éternités, Vie
Éternelle, Créateur [de toute chose] au commencement,
Ressusciteur des morts, car Tu nous as gardés en vie et nous as
préservés, et nous as accordé le mérite, nous as aidés et
nous as rapprochés pour rendre grâce à Ton nom. Béni Tu es
HaShem, Dieu des actions de grâce.'' » Ribbi Bo` bar
Zavdo` [a dit] au nom de Rav : « [La communauté dit
ceci à voix basse :] ''Nous faisons preuve de reconnaissance
envers Toi, car nous avons l'obligation de rendre grâce à Ton
nom. Mes lèvres exulteront lorsque j'entonnerai pour Toi des
cantiques ; mon âme également, que Tu as délivrée.5
Béni Tu es HaShem, Dieu des actions de grâce.'' »
Ribbi Shamou`él bar `ino` [a dit] au nom de Ribbi `aho` :
« [La communauté dit ceci à voix basse :]
''Gratitude et louange à Ton nom. À Toi la grandeur, à Toi la
puissance, à Toi la gloire. Que cela soit agréable de devant
Toi, HaShem notre Dieu et Dieu de nos pères, que Tu nous
soutiennes lorsque nous tombons et nous redresses lorsque nous
nous courbons, car Tu es Celui qui soutient ceux qui tombent et
redresse ceux qui sont courbés, et est plein de miséricorde, et
il n'y a rien d'autre en-dehors de Toi. Béni Tu es HaShem, Dieu
des actions de grâce.'' » Bar Qapporo` disait [que la
communauté dit ceci à voix basse] : « Devant Toi
nous nous inclinons, devant toi nous nous courbons, devant Toi
nous nous prosternons, devant Toi nous tombons à genou. ''Car
devant Toi tout genou fléchira, toute langue jurera.''6
''À Roi la grandeur, la puissance, la gloire, la victoire et la
majesté, car tout ce qui est dans les cieux et sur la terre
[T'appartient]. À Toi la Royauté, et Tu es exalté au-dessus de
tout. La richesse et l'honneur [proviennent] de devant Toi, et Tu
domines en tout. Dans Ta main [se trouvent] la force et la
puissance ; et c'est en Ton pouvoir de rendre grand et
d'affermir [toute chose]. À présent, notre Dieu, nous faisons
preuve de reconnaissance envers Toi, et louons Ton glorieux
nom.''7
''De tout notre cœur et de toute notre âme, nous nous
prosternons. Tous mes os diront : Ô HaShem, qui est comme
Toi, Toi qui délivres l'affligé de celui qui est plus fort que
lui, l'affligé et l'indigent de celui qui le pille ?''8
Béni Tu es HaShem, Dieu des actions de grâce.'' »
Ribbi Youdhon a dit : « Les Rabbins sont accoutumés
à toutes les réciter ! » Et certains disent :
« [Ils ne disent qu']une ou l'autre [de ces formules]. »
|
רִבִּי
יַסָּא כַּד סָלֵיק לְהָכָא חֲמָתוֹן
גָּחֲנִין וּמְלַחֲשִׁין.
אָמַר
לוֹן:
מָהוּ
דֵּן לְחִישָׁה?
וְלָא
שְׁמִיעַ דָּמַר רִבִּי חֶלְבּוֹ,
רִבִּי
שִׁמְעוֹן בְּשֵׁם רִבִּי יוֹחָנָן
בְּשֵׁם רִבִּי יִרְמְיָה,
רִבִּי
חֲנִינָא בְּשֵׁם רִבִּי מְיָשָׁא,
רִבִּי
חִיָּא בְּשֵׁם רִבִּי סִימַאי,
וְאִית
דְּאָמְרִין לֵיהּ חַבְרַיָּא בְּשֵׁם
רִבִּי סִימַאי:
"מוֹדִים
אֲנַחְנוּ לָךְ,
אֲדוֹן
כָּל הַבִּרְיוֹת,
אֱלוֹהַּ
הַתֻּשְׁבָּחוֹת,
צוּר
הָעוֹלָמִים,
חַי
הָעוֹלָם,
יוֹצֵר
בְּרֵאשִׁית,
מְחַיֶּה
מֵתִים,
שֶׁהֶחֱיִיתָנוּ
וְקִיַּמְתָּנוּ וְזִכִּיתָנוּ
וְסִיַּעְתָּנוּ,
וְקֵרַבְתָּנוּ
לְהוֹדוֹת לִשְׁמֶךָ.
בָּרוּךְ
אַתָּה יי,
אֵל
הַהוֹדָאוֹת."
רִבִּי
בָּא בַּר זַבְדָּא בְּשֵׁם רַב:
"מוֹדִים
אֲנַחְנוּ לָךְ,
שֶׁאָנוּ
חַיָּבִין לְהוֹדוֹת לִשְׁמֶךָ.
"תְּרַנֵּנָּה
שְׂפָתַי כִּי אֲזַמְּרָה לָךְ,
וְנַפְשִׁי
אֲשֶׁר פָּדִיתָ",
בָּרוּךְ
אַתָּה יי,
אֵל
הַהוֹדָאוֹת."
רִבִּי
שְׁמוּאֵל בַּר אִינָא בְּשֵׁם רִבִּי
אַחָא:
"הוֹדָיָה
וָשֶׁבַח לִשְׁמֶךָ.
לְךָ
גְּדֻלָּה,
לְךָ
גְּבוּרָה,
לְךָ
תִּפְאֶרֶת.
יְהִי
רָצוֹן מִלְּפָנֶיךָ יי אֱלֹהֵינוּ
וֵאלֹהֵי אֲבוֹתֵינוּ,
שֶׁתִּסְמְכֵנוּ
מִנְּפִילָתֵנוּ,
וְתִזְקְפֵנוּ
מִכְּפִיפָתֵנוּ,
כִּי
אַתָּה הוּא סוֹמֵךְ נוֹפְלִין וְזוֹקֵף
כְּפוּפִים,
וּמָלֵא
רַחֲמִים,
וְאֵין
עוֹד מִלְּבַדֶּךָ.
בָּרוּךְ
אַתָּה יי,
אֵל
הַהוֹדָאוֹת."
בַּר
קַפָּרָא אָמַר:
"לְךָ
כְּרִיעָה,
לְךָ
כְּפִיפָה,
לְךָ
הִשְׁתַּחֲוָיָה,
לְךָ
בְּרִיכָה,
"כִּי
לְךָ תִּכְרַע כָּל בֶּרֶךְ,
תִּשָּׁבַע
כָּל לָשׁוֹן".
"לְךָ
יי הַגְּדֻלָּה,
וְהַגְּבוּרָה
וְהַתִּפְאֶרֶת וְהַנֶּצַח וְהַהוֹד,
כִּי
כָל בַּשָּׁמַיִם וּבָאָרֶץ,
לְךָ
יי הַמַּמְלָכָה,
וְהַמִּתְנַשֵּׂא
לַכֹּל לָרֹאשׁ.
וְהָעֹשֶׁר
וְהַכָּבוֹד מִלְּפָנֶיךָ,
וְאַתָּה
מוֹשֵׁל בַּכֹּל,
וּבְיָדְךָ
כֹּחַ וּגְבוּרָה וּבְיָדְךָ לְגַדֵּל
וּלְחַזֵּק לַכֹּל.
וְעַתָּה
אֱלֹהֵינוּ,
מוֹדִים
אֲנַחְנוּ לָךְ,
וּמְהַלְלִים
לְשֵׁם תִּפְאַרְתֶּךָ."בְּכָל
לֵב וּבְכָל נֶפֶשׁ מִשְׁתַּחֲוִים.
"כָּל
עַצְמוֹתַי תֹּאמַרְנָה:
יי
מִי כָמוֹךָ מַצִּיל עָנִי מֵחָזָק
מִמֶּנּוּ,
וְעָנִי
וְאֶבְיוֹן מִגֹּזְלוֹ."
בָּרוּךְ
אַתָּה יי אֵל הַהוֹדָאוֹת."
אָמַר
רִבִּי יוּדָן:
נְהִיגִין
רַבָּנִין אָמְרִין כֻּלְּהוֹן.
וְאִית
דָּמְרִין:
אוֹ
הָדָא אוֹ הָדָא
|
Nous
voyons de ce passage du Yarousholmi d'autres formules
supplémentaires. Là encore, il est évident que la prière à faire
pendant que le Shaliah Sibbour est occupé à dire le
« Môdhim » ne fut jamais standardisée et qu'elle
variait d'une communauté à l'autre en fonction du rabbin qui
dirigeait la communauté, car ce sont ces derniers qui enseignaient
leurs propres prières à leurs disciples et leur communauté. L'une
des différences les plus évidentes avec le passage du Talmoudh
Bavli est que les formules étaient plus longues en Palestine. Cela
est tout à fait normal, car contrairement à Babylone, les
Israélites de `aras Yisro`él prenaient soin de toujours
essayer d'inclure des versets bibliques dans leurs prières. Ces
versets étant faciles à mémoriser, et étant généralement bien
connus de la communauté, cela ne posait pas de problème de les
inclure et rallonger légèrement les formules.
Une
autre différence notoire entre Babylone et la Palestine est qu'à
Babylone nous avons vu que Rov Pappo` recommanda de combiner toutes
les versions qui étaient connues chez eux, tandis qu'en Palestine ce
n'était pas une obligation. C'était la pratique des Rabbins de
combiner toutes les versions connues en Palestine, lorsqu'ils
priaient à voix basse pendant que le Shaliah Sibbour
faisait le « Môdhim » à voix haute, mais ils
n'ont jamais érigé cela au rang d'obligation pour tout le monde,
car même dire une seule version (peu importe laquelle) suffit !
Nous pouvons en déduire qu'au sein d'une même communauté tout le
monde ne disait pas la même prière pendant le « Môdhim »
du Shaliah Sibbour, car chacun pouvait choisir la
formule qui lui convenait le plus. En outre, étant donné que cette
prière se fait à voix basse, personne n'était vraiment censé
savoir avec exactitude ce que chacun disait.
Tout
cela nous montre comment est-ce que le Judaïsme authentique accorde
une grande liberté aux gens lorsqu'il s'agit de la prière, au
contraire de ce qui se passe de nos jours, où la prière est
standardisée à outrance et est devenue un fardeau très lourd à
assumer sur les épaules de bon nombre de fidèles, qui ne prient
plus du tout avec cœur et dévotion, mais par pure obligation et de
façon machinale.
1Sôtoh
40a
2Barokhôth
1:4
3En
Palestine
4Durant
la répétition des Shamônah ´asréh, dans la bénédiction de
« Môdhim »
5Tahillim
71:23
6Tiré
de Yasha´yohou 45:23
71
Divré Hayyomim 29:11-13
8Tahillim
35:10