mardi 30 août 2016

Qu'est-ce que le « Môdhim Darabbonon » et quelle est sa formulation ?

ב״ה

Qu'est-ce que le « Môdhim Darabbonon » et quelle est sa formulation ?


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Si l'on jette un coup d’œil dans les Siddourim conventionnels, à la répétition des Shamônah ´asréh (´amidhoh), nous pouvons voir souvent noté que pendant que le Shaliah Sibbour récite la bénédiction de מוֹדִים « Môdhim » (qui est l'avant-dernière) la communauté doit réciter d'une voix plus basse des paroles de gratitude envers HaShem ית׳, et que l'on appelle מוֹדִים דְּרַבָּנָן « Môdhim Darabbonon. » D'où provient cette pratique et pourquoi se nomme-t-elle ainsi ?

Nous lisons ceci dans le Talmoudh Bavli1 :

Pendant que le Shaliah Sibbour dit « Môdhim » que disent les gens ? Rav disait : « Nous faisons preuve de reconnaissance à Ton égard, HaShem notre Dieu, car nous sommes en capacité de Te rendre grâce. » Shamou`él disait : « Dieu de toute chair, pour le fait de pouvoir Te rendre grâce. » Ribbi Sima`y disait : « notre Créateur, Créateur [de toute chose] au commencement, car nous sommes en capacité de Te rendre grâce. » Les habitants de Nehardea disaient au nom de Ribbi Sima`y : « Bénédictions et gratitudes à Ton grand nom pour nous avoir gardé vivants et nous avoir préservés, et car nous sommes en capacité de Te rendre grâce. » Rov `aho` bar Ya´aqôv concluait ainsi : « Puisses-Tu ainsi continuer à nous garder en vie et agir avec grâce à notre égard, et rassemble-nous et assemble nos exilés vers Tes saints parvis pour y garder Tes décrets et accomplir Ta volonté d'un cœur entier, car nous sommes en capacité de Te rendre grâce. » Rov Pappo` a dit : « Par conséquent, récitons-les toutes ! »
בזמן ששליח צבור אומר מודים העם מה הם אומרים אמר רב מודים אנחנו לך ה' אלהינו על שאנו מודים לך ושמואל אמר אלהי כל בשר על שאנו מודים לך רבי סימאי אומר יוצרנו יוצר בראשית על שאנו מודים לך נהרדעי אמרי משמיה דרבי סימאי ברכות והודאות לשמך הגדול על שהחייתנו וקיימתנו על שאנו מודים לך רב אחא בר יעקב מסיים בה הכי כן תחיינו ותחננו ותקבצנו ותאסוף גליותינו לחצרות קדשך לשמור חוקיך ולעשות רצונך בלבב שלם על שאנו מודים לך אמר רב פפא הילכך נימרינהו לכולהו

Nous pouvons clairement voir de ce passage susmentionné qu'il n'existait aucune formule standard à dire pendant que le Shaliah Sibbour faisait le « Môdhim », et qu'en outre, chaque formule rapportée n'était constituée que d'une toute petite phrase. Étant donné qu'il n'y avait pas de Siddourim à ces époques-là et que la prière était beaucoup plus libre et moins formalisée qu'aujourd'hui, c'était le devoir de chaque rabbin d'enseigner à sa communauté certaines formules à faire au cours des offices, et ces formules étaient toujours très courtes de façon à ce que les gens puissent les mémoriser le plus aisément possible. Mais pour éviter que chaque communauté n'ait sa propre version, Rov Pappo` ז״ל, un `amôro` babylonien du 4ème siècle de l’Ère Courante, recommanda de former un texte qui reprenait toutes les versions rapportées ici. C'est la raison pour laquelle cette prière est appelée « Môdhim Darabbonon », c'est-à-dire les « Môdhim de nos Rabbins », car elle est une combinaison de toutes les versions individuelles des rabbins. Et lorsque vous regardez la formule rapportée dans les Siddourim d'aujourd'hui, vous voyez qu'effectivement elle est composée de toutes les phrases que nous avons lues dans le passage talmudique susmentionné.

Mais tout cela est basé sur ce qui se faisait à Babylone. Qu'en était-il en Palestine ? Que disait la communauté pendant que le Shaliah Sibbour faisait le « Môdhim » ? Voici ce que nous lisons dans le Talmoudh Yarousholmi2 :

Lorsque Ribbi Yasso` vint ici3 il les vit se prosterner et murmurer4. Il nous a dit : « Que murmurent-ils ? » [Ils lui ont dit :] « N'as-tu pas entendu ce que Ribbi Halbô [et] Ribbi Shim´ôn [ont dit] au nom de Ribbi Yôhonon, [qui l'a lui-même dit] au nom de Ribbi Yirmayohou, Ribbi Hanino` [qui a dit] au nom de Mayoso`, Ribbi Hiyo` [qui l'a dit] au nom de Ribbi Sima`y, et certains disent que les compagnons [l'ont dit] au nom de Ribbi Sima`y, [que : Lorsque le Shaliah Sibbour fait la bénédiction, la communauté dit à voix basse :] ''Nous faisons preuve de reconnaissance envers Toi, Maître de toutes créatures, Dieu des louanges, Rocher des éternités, Vie Éternelle, Créateur [de toute chose] au commencement, Ressusciteur des morts, car Tu nous as gardés en vie et nous as préservés, et nous as accordé le mérite, nous as aidés et nous as rapprochés pour rendre grâce à Ton nom. Béni Tu es HaShem, Dieu des actions de grâce.'' » Ribbi Bo` bar Zavdo` [a dit] au nom de Rav : « [La communauté dit ceci à voix basse :] ''Nous faisons preuve de reconnaissance envers Toi, car nous avons l'obligation de rendre grâce à Ton nom. Mes lèvres exulteront lorsque j'entonnerai pour Toi des cantiques ; mon âme également, que Tu as délivrée.5 Béni Tu es HaShem, Dieu des actions de grâce.'' » Ribbi Shamou`él bar `ino` [a dit] au nom de Ribbi `aho` : « [La communauté dit ceci à voix basse :] ''Gratitude et louange à Ton nom. À Toi la grandeur, à Toi la puissance, à Toi la gloire. Que cela soit agréable de devant Toi, HaShem notre Dieu et Dieu de nos pères, que Tu nous soutiennes lorsque nous tombons et nous redresses lorsque nous nous courbons, car Tu es Celui qui soutient ceux qui tombent et redresse ceux qui sont courbés, et est plein de miséricorde, et il n'y a rien d'autre en-dehors de Toi. Béni Tu es HaShem, Dieu des actions de grâce.'' » Bar Qapporo` disait [que la communauté dit ceci à voix basse] : « Devant Toi nous nous inclinons, devant toi nous nous courbons, devant Toi nous nous prosternons, devant Toi nous tombons à genou. ''Car devant Toi tout genou fléchira, toute langue jurera.''6 ''À Roi la grandeur, la puissance, la gloire, la victoire et la majesté, car tout ce qui est dans les cieux et sur la terre [T'appartient]. À Toi la Royauté, et Tu es exalté au-dessus de tout. La richesse et l'honneur [proviennent] de devant Toi, et Tu domines en tout. Dans Ta main [se trouvent] la force et la puissance ; et c'est en Ton pouvoir de rendre grand et d'affermir [toute chose]. À présent, notre Dieu, nous faisons preuve de reconnaissance envers Toi, et louons Ton glorieux nom.''7 ''De tout notre cœur et de toute notre âme, nous nous prosternons. Tous mes os diront : Ô HaShem, qui est comme Toi, Toi qui délivres l'affligé de celui qui est plus fort que lui, l'affligé et l'indigent de celui qui le pille ?''8 Béni Tu es HaShem, Dieu des actions de grâce.'' » Ribbi Youdhon a dit : « Les Rabbins sont accoutumés à toutes les réciter ! » Et certains disent : « [Ils ne disent qu']une ou l'autre [de ces formules]. »
רִבִּי יַסָּא כַּד סָלֵיק לְהָכָא חֲמָתוֹן גָּחֲנִין וּמְלַחֲשִׁין. אָמַר לוֹן: מָהוּ דֵּן לְחִישָׁה? וְלָא שְׁמִיעַ דָּמַר רִבִּי חֶלְבּוֹ, רִבִּי שִׁמְעוֹן בְּשֵׁם רִבִּי יוֹחָנָן בְּשֵׁם רִבִּי יִרְמְיָה, רִבִּי חֲנִינָא בְּשֵׁם רִבִּי מְיָשָׁא, רִבִּי חִיָּא בְּשֵׁם רִבִּי סִימַאי, וְאִית דְּאָמְרִין לֵיהּ חַבְרַיָּא בְּשֵׁם רִבִּי סִימַאי: "מוֹדִים אֲנַחְנוּ לָךְ, אֲדוֹן כָּל הַבִּרְיוֹת, אֱלוֹהַּ הַתֻּשְׁבָּחוֹת, צוּר הָעוֹלָמִים, חַי הָעוֹלָם, יוֹצֵר בְּרֵאשִׁית, מְחַיֶּה מֵתִים, שֶׁהֶחֱיִיתָנוּ וְקִיַּמְתָּנוּ וְזִכִּיתָנוּ וְסִיַּעְתָּנוּ, וְקֵרַבְתָּנוּ לְהוֹדוֹת לִשְׁמֶךָ. בָּרוּךְ אַתָּה יי, אֵל הַהוֹדָאוֹת." רִבִּי בָּא בַּר זַבְדָּא בְּשֵׁם רַב: "מוֹדִים אֲנַחְנוּ לָךְ, שֶׁאָנוּ חַיָּבִין לְהוֹדוֹת לִשְׁמֶךָ. "תְּרַנֵּנָּה שְׂפָתַי כִּי אֲזַמְּרָה לָךְ, וְנַפְשִׁי אֲשֶׁר פָּדִיתָ", בָּרוּךְ אַתָּה יי, אֵל הַהוֹדָאוֹת." רִבִּי שְׁמוּאֵל בַּר אִינָא בְּשֵׁם רִבִּי אַחָא: "הוֹדָיָה וָשֶׁבַח לִשְׁמֶךָ. לְךָ גְּדֻלָּה, לְךָ גְּבוּרָה, לְךָ תִּפְאֶרֶת. יְהִי רָצוֹן מִלְּפָנֶיךָ יי אֱלֹהֵינוּ וֵאלֹהֵי אֲבוֹתֵינוּ, שֶׁתִּסְמְכֵנוּ מִנְּפִילָתֵנוּ, וְתִזְקְפֵנוּ מִכְּפִיפָתֵנוּ, כִּי אַתָּה הוּא סוֹמֵךְ נוֹפְלִין וְזוֹקֵף כְּפוּפִים, וּמָלֵא רַחֲמִים, וְאֵין עוֹד מִלְּבַדֶּךָ. בָּרוּךְ אַתָּה יי, אֵל הַהוֹדָאוֹת." בַּר קַפָּרָא אָמַר: "לְךָ כְּרִיעָה, לְךָ כְּפִיפָה, לְךָ הִשְׁתַּחֲוָיָה, לְךָ בְּרִיכָה, "כִּי לְךָ תִּכְרַע כָּל בֶּרֶךְ, תִּשָּׁבַע כָּל לָשׁוֹן". "לְךָ יי הַגְּדֻלָּה, וְהַגְּבוּרָה וְהַתִּפְאֶרֶת וְהַנֶּצַח וְהַהוֹד, כִּי כָל בַּשָּׁמַיִם וּבָאָרֶץ, לְךָ יי הַמַּמְלָכָה, וְהַמִּתְנַשֵּׂא לַכֹּל לָרֹאשׁ. וְהָעֹשֶׁר וְהַכָּבוֹד מִלְּפָנֶיךָ, וְאַתָּה מוֹשֵׁל בַּכֹּל, וּבְיָדְךָ כֹּחַ וּגְבוּרָה וּבְיָדְךָ לְגַדֵּל וּלְחַזֵּק לַכֹּל. וְעַתָּה אֱלֹהֵינוּ, מוֹדִים אֲנַחְנוּ לָךְ, וּמְהַלְלִים לְשֵׁם תִּפְאַרְתֶּךָ."בְּכָל לֵב וּבְכָל נֶפֶשׁ מִשְׁתַּחֲוִים. "כָּל עַצְמוֹתַי תֹּאמַרְנָה: יי מִי כָמוֹךָ מַצִּיל עָנִי מֵחָזָק מִמֶּנּוּ, וְעָנִי וְאֶבְיוֹן מִגֹּזְלוֹ." בָּרוּךְ אַתָּה יי אֵל הַהוֹדָאוֹת." אָמַר רִבִּי יוּדָן: נְהִיגִין רַבָּנִין אָמְרִין כֻּלְּהוֹן. וְאִית דָּמְרִין: אוֹ הָדָא אוֹ הָדָא

Nous voyons de ce passage du Yarousholmi d'autres formules supplémentaires. Là encore, il est évident que la prière à faire pendant que le Shaliah Sibbour est occupé à dire le « Môdhim » ne fut jamais standardisée et qu'elle variait d'une communauté à l'autre en fonction du rabbin qui dirigeait la communauté, car ce sont ces derniers qui enseignaient leurs propres prières à leurs disciples et leur communauté. L'une des différences les plus évidentes avec le passage du Talmoudh Bavli est que les formules étaient plus longues en Palestine. Cela est tout à fait normal, car contrairement à Babylone, les Israélites de `aras Yisro`él prenaient soin de toujours essayer d'inclure des versets bibliques dans leurs prières. Ces versets étant faciles à mémoriser, et étant généralement bien connus de la communauté, cela ne posait pas de problème de les inclure et rallonger légèrement les formules.

Une autre différence notoire entre Babylone et la Palestine est qu'à Babylone nous avons vu que Rov Pappo` recommanda de combiner toutes les versions qui étaient connues chez eux, tandis qu'en Palestine ce n'était pas une obligation. C'était la pratique des Rabbins de combiner toutes les versions connues en Palestine, lorsqu'ils priaient à voix basse pendant que le Shaliah Sibbour faisait le « Môdhim » à voix haute, mais ils n'ont jamais érigé cela au rang d'obligation pour tout le monde, car même dire une seule version (peu importe laquelle) suffit ! Nous pouvons en déduire qu'au sein d'une même communauté tout le monde ne disait pas la même prière pendant le « Môdhim » du Shaliah Sibbour, car chacun pouvait choisir la formule qui lui convenait le plus. En outre, étant donné que cette prière se fait à voix basse, personne n'était vraiment censé savoir avec exactitude ce que chacun disait.

Tout cela nous montre comment est-ce que le Judaïsme authentique accorde une grande liberté aux gens lorsqu'il s'agit de la prière, au contraire de ce qui se passe de nos jours, où la prière est standardisée à outrance et est devenue un fardeau très lourd à assumer sur les épaules de bon nombre de fidèles, qui ne prient plus du tout avec cœur et dévotion, mais par pure obligation et de façon machinale.

1Sôtoh 40a
2Barokhôth 1:4
3En Palestine
4Durant la répétition des Shamônah ´asréh, dans la bénédiction de « Môdhim »
5Tahillim 71:23
6Tiré de Yasha´yohou 45:23
71 Divré Hayyomim 29:11-13

8Tahillim 35:10
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