mercredi 28 octobre 2015

L'interdiction du Path ´akkou''m

ב״ה

L'interdiction du Path ´akkou''m


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  1. Dans le Talmoudh

La Mishnoh1 rapporte que HaZa''l ont interdit aux Israélites la consommation du פַּת עַכּוּ״ם « Path ´akkou''m », c'est-à-dire le pain cuit par les idolâtres. La Gamoro` sur cette Mishnoh explique que la raison à ce décret est de limiter l'interaction sociale avec les idolâtres, réduisant ainsi les risques des mariages mixtes et d'une trop grande fraternisation avec les idolâtres. Ailleurs2, la Gamoro` rappelle ce décret faisait partie des fameux dix-huit décrets émis par Béth Hillél et Béth Shamma`y. De manière générale, ces dix-huit décrets sont considérés comme étant très stricts et difficiles, voire impossible, à annuler. (Mais voir le Chapitre 2 des Hilkôth Mamrim dans le Mishnéh Tôroh, où le Ramba''m ז״ל explique bien que ces décrets peuvent être annulés, ainsi que comment et pourquoi. Et nous verrons que certains d'entre eux furent effectivement annulés. De ce fait, le raisonnement qui veut que ces décrets ne peuvent être annulés ne tient pas.)

La Mishnoh susmentionnée rapporte également que HaZa''l ont interdit la consommation du ֶמֶן עַכּוּ״ם « Shaman ´akkou''m », c'est-à-dire l'huile des idolâtres. Mais de façon tout à fait intéressante, la Gamoro` sur cette Mishnoh rapporte que Rébbi Yahoudhoh Hannosi` ז״ל (le compilateur de la Mishnoh) annula ce décret parce qu'il était avéré qu'il était trop difficile à respecter pour la majorité de la communauté israélite. Dans le monde pré-moderne, où les poêles en Téflon n'étaient pas disponibles, l'huile était souvent essentielle pour cuisiner (autrement, la nourriture brûlait), et il était par conséquent extrêmement difficile d'adhérer au décret de Shaman ´akkou''m.

Le Ri''f ז״ל (Rabbi Yishoq `alfasi, 1013-1103)3 et les Tôsofôth ז״ל (les gendres, disciples et petits-fils de Rash''i ז״ל)4 rapporte d'ailleurs le Talmoudh Yarousholmi5 qui déclare que HaZa''l ont en fait également annulé le décret de Path ´akkou''m en raison de la difficulté pour la majorité des Israélites d'y adhérer, étant donné que le pain est חַיֵּי נֶפֶשׁ « Hayé Nafash » (la vie en dépend ; c'est-à-dire que c'est un élément vital et essentiel de l'alimentation humaine). Il convient donc de rappeler que dans les temps pré-modernes et même encore aujourd'hui dans de nombreuses sociétés, le pain est l'élément principal du repas. Citons d'ailleurs le verset suivant, de Dowidh Hammalakh ע״ה dans ses Tahillim6 : וְיַיִן, יְשַׂמַּח לְבַב-אֱנוֹשׁ-- לְהַצְהִיל פָּנִים מִשָּׁמֶן; וְלֶחֶם, לְבַב-אֱנוֹשׁ יִסְעָד « le vin qui réjouit le cœur du mortel, l'huile qui rend brillante sa face, et le pain qui soutient le cœur du mortel ». La société Nord-Américaine dans lequel le pain ne remplit pas une telle fonction est une exception. À l'évidence, dans les temps bibliques, mishnaïques et talmudiques, le pain était un élément indispensable à un repas, à tel point que du point de vue de la Halokhoh, seul un repas au cours duquel du pain aura été consommé est considéré comme un repas. Puisque restreindre les Israélites en leur interdisant de consommer le pain des idolâtres n'était pas pratique et trop difficile à respecter, ce décret fut annulée.

Mais attention, le Talmoudh Yarousholmi est très précis, et cite également une opinion selon laquelle ce décret ne fut annulé que pour permettre le פת פלטר « Path Paltér », c'est-à-dire le pain provenant d'un boulanger idolâtre et que l'on achète dans un contexte commercial, mais pas le pain qui fut obtenu auprès d'un idolâtre dans un contexte social. Étant donné que l'annulation du décret de Path `akkou''m fut motivée par des soucis de Hayé Nafash, cette opinion citée par le Talmoudh Yarousholmi soutient que HaZa''l ne l'ont annulé que lorsqu'on achète son pain auprès d'un boulanger idolâtre, et non pas lorsqu'un idolâtre nous offre du pain ou nous propose d'en manger avec lui. Cela reste interdit afin de limiter les interactions et la fraternisation avec les idolâtres. Mais le fait d'acheter son pain dans une boulangerie n'est pas un problème (dès lors que les ingrédients du pain sont évidemment Koshér.)

Ce qui est fascinant, c'est que contrairement au Talmoudh Yarousholmi qui est clair, le Talmoudh Bavli (que l'on traite généralement comme faisant autorité) semble être volontairement ambiguë sur la question. Tout d'abord, la Gamoro`7 rapporte l'affirmation faite par Rov Yôhonon ז״ל selon laquelle le décret de Path ´akkou''m ne fut pas annulé. Mais la Gamoro` ajoute toutefois que le besoin pour Rov Yôhonon d'affirmer cela découlait du fait que quelqu'un l'avait effectivement annulé, mais qu'il n'était pas d'accord avec son annulation ! La Gamoro` cite alors quelques épisodes ambigus dans lesquels il semble que Rébbi Yahoudhoh Hannosi` ait annulé ce décret partiellement ou entièrement. Une possibilité proposée par la Gamoro` est qu'il a permis de ne consommer que le pain acheté auprès d'un boulanger idolâtre (le « Path Paltér »). Ce passage se conclut en rapportant que `ibbou ז״ל (l'une des premiers `ammôro`im, et le père de Rov) consommait sans problème du Path ´akkou''m et que certains autres `ammôro`im venus après lui refusaient systématiquement de citer ses enseignements sur la Tôroh à cause de cela (ce qui peut expliquer pourquoi `ibbou est rarement mentionné dans la Gamoro`).

Un peu plus loin8, la Gamoro` du Bavli rapporte une anecdote sur Rébbi Yahoudhoh Hannosi` et son assistant, Rébbi Simla`y ז״ל. Rébbi Yahoudhoh Hannosi` fit remarquer à Rébbi Simla`y qu'il (Rébbi Simla`y) avait manqué la séance dans le Béth Midhrosh au cours de laquelle les Sages ont annulé le décret de Shaman ´akkou''m. Entendant cela, Rébbi Simla`y répondit en demandant pourquoi est-ce qu'ils n'avaient pas non plus annulé le décret de Path ´akkou''m. Rébbi Yahoudhoh Hannosi` lui répondit que s'ils l'avaient fait, son Béth Din aurait été considéré comme trop permissif.

Ainsi, le Talmoudh Bavli sous-entend qu'il y avait une bonne raison d'annuler le décret de Path ´akkou''m, mais ne dit jamais explicitement que cela a été fait. Ces anecdotes révèlent que la majorité des Israélites trouvaient trop difficile d'adhérer au décret de Path ´akkou''m. C'est pourquoi Rébbi Yahoudhoh Hannosi` était désireux d'annuler, du moins en théorie, ce décret, mais craignait qu'il ne soit pas approprié de le faire (alors que le Talmoudh Yarousholmi dit explicitement et sans ambiguïté qu'il l'a bel et bien annulé). L’ambiguïté du Talmoudh Bavli est le point de départ pour les différentes approches existant aujourd'hui sur cette question du Path ´akkou''m. En effet, on retrouve diverses positions aujourd'hui, des plus permissives (les communautés qui permettent tous les pains des non Juifs) aux plus strictes (les communautés qui interdisent catégoriquement tout pain cuit par des non Juifs), en passant par les modérées (les communautés qui ne permettent que le pain des boulangers non Juifs, mais s'interdisent les pains cuits par les particuliers).

  1. Les Ri`shônim : Ramba''m et les Tôsofôth

Beaucoup font souvent dire au Ramba''m ce qu'il n'a pas dit. Ainsi, le passage suivant du Mishnéh Tôroh est souvent cité pour démontrer que le Ramba''m était d'avis que l'interdiction du Path ´akkou''m est encore en vigueur9 :

Et il y a d'autres choses que les Sages ont interdites. Bien qu'il n'y ait pas de base provenant de la Tôroh pour les interdire, ils ont émis un décret contre elles afin de s'éloigner des Gôyim, de sorte que les Israélites ne se mélangent pas à eux et n'en arrivent au mariage [mixte]. Les voici : ils ont interdit de boire avec eux, même là où il n'est pas à soupçonner qu'il y ait du vin de libation ; ils ont interdit de consommer leur pain ou leur plats cuits, même là où il n'est pas à soupçonner que la nourriture est interdite.
וְיֵשׁ שָׁם דְּבָרִים אֲחֵרִים, אָסְרוּ אוֹתָן חֲכָמִים, וְאַף עַל פִּי שְׁאֵין לְאִסּוּרָן עִיקָר מִן הַתּוֹרָה, גָּזְרוּ עֲלֵיהֶן כְּדֵי לְהִתְרַחַק מִן הַגּוֹיִים--עַד שֶׁלֹּא יִתְעָרְבוּ בָּהֶן יִשְׂרָאֵל, וְיָבוֹאוּ לִידֵי חַתְנוּת; וְאֵלּוּ הֶן: אָסְרוּ לִשְׁתּוֹת עִמָּהֶן, וְאַפִלּוּ בִּמְקוֹם שֶׁלֹּא לָחוּשׁ לְיֵין נֶסֶךְ; וְאָסְרוּ לֶאֱכֹל פִּתָּן אוֹ בִּשּׁוּלֵיהֶן, וְאַפִלּוּ בִּמְקוֹם שֶׁלֹּא לָחוּשׁ לְגֵעוּלֵיהֶן

Étant donné que le Ramba''m mentionne l'interdiction de Path ´akkou''m dans ce contexte-ci, avec les interdictions de boire le vin des idolâtres et consommer leurs plats cuits (interdiction de « Bishoul ´akkou''m ». Nous en avions parlée ici), beaucoup déduisent que le Ramba''m considérait que cette interdiction s'applique encore. Mais c'est complètement faux ! Le Ramba''m ne fait que citer le décret d'origine, et va seulement après expliquer, dans les autres Halokhôth, comment les comprendre et appliquer. Ainsi, par exemple, concernant le décret interdisant de boire du vin des idolâtres, notez que le Ramba''m ne dit pas qu'il est interdit d'en boire, mais qu'il est interdire d'en boire avec eux. C'est pourquoi, dans les deux Halokhôth juste après (Halokhôth 10 et 11), il écrit ceci :

10. Comment ça ? Un homme ne doit pas boire à une fête des Gôyim, quand bien même ce serait du vin cuit qui n'est pas versé en libation, ou même s'il buvait de ses propres ustensiles. Mais si la majorité des convives sont Israélites, c'est permis. On ne peut pas boire une bière qu'ils ont faite à partir de dattes, de figues, et de choses semblables, et cela n'est interdit que là où ils la vendent. Mais si on a apporté la bière dans sa maison et qu'on la boit là, c'est permis, car la base du décret est afin que l'on ne dîne pas avec eux.
י  כֵּיצַדלֹא יִשְׁתֶּה אָדָם בִּמְסִבָּה שֶׁלַּגּוֹיִים, וְאַף עַל פִּי שְׁהוּא יַיִן מְבֻשָּׁל שְׁאֵינוּ נֶאֱסָר, אוֹ שֶׁהָיָה הַשּׁוֹתֶה מִכֵּלָיו לְבַדּוֹ; וְאִם הָיָה רֹב הַמְּסִבָּה יִשְׂרָאֵל, מֻתָּר. וְאֵין שׁוֹתִין שֵׁכָר שֶׁלָּהֶן שֶׁעוֹשִׂין מִן הַתְּמָרִים וְהַתְּאֵנִים וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן; וְאֵינוּ אָסוּר אֵלָא בִּמְקוֹם מְכִירָתוֹ, אֲבָל אִם הֵבִיא הַשֵּׁכָר לְבֵיתוֹ וְשָׁתָהוּ שָׁם, מֻתָּר: שֶׁעִיקַר הַגְּזֵרָה, שֶׁמֶּא יִסְעֹד אֶצְלוֹ
11. Du vin de pommes, du vin de grenades, et des choses semblables, il est permis d'en boire en tout lieu. Ils n'ont pas émis de décret contre une chose qui n'est pas courante. Du vin de raisins est comme du vin [ordinaire] et il a été versé en libation.
יא  יֵין תַּפּוּחִים וְיֵין רִמּוֹנִים וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן, מֻתָּר לִשְׁתּוֹתָן בְּכָל מָקוֹם--דָּבָר שְׁאֵינוּ מָצוּי, לֹא גָזְרוּ עָלָיו; יֵין צִמּוּקִים, הֲרֵי הוּא כְּיַיִן וּמִתְנַסֵּךְ

Le Ramba''m est très clair sur le fait que lorsque nos Sages ont interdit le vin des idolâtres, ce n'était pas le vin en lui-même qu'ils ont interdit, mais plutôt trois choses :

  1. boire du vin avec eux, lors de leurs fêtes, car cela crée une trop grande promiscuité, alors que c'est justement pour éviter que l'on soit trop proches d'eux que cela fut interdit. Et pour bien faire comprendre que cela n'a rien à voir avec la Kashrouth des ustensiles utilisés pour boire le vin, le Ramba''m précise que même si on a apporté nos propres ustensiles, il restera interdit de boire du vin avec des Gôyim lors de leurs fêtes. Par contre, si la majorité de ceux qui assistent à cette fête sont des Israélites, l'interdiction ne s'applique plus ;
  2. consommer des bières là où les Gôyim les vendent est interdit, puisqu'en les consommant là, on va en arriver à discuter avec eux, à être trop familier avec eux, etc. Mais si on rapporte ces bières chez soi pour les boire chez nous, cela ne pose aucun problème, puisque ce n'était pas les boissons des Gôyim en tant que telles qui furent interdites, mais le fait de dîner, manger avec eux, créant ainsi un lien trop étroit. Par conséquent, le fait de les boire chez soi ne pose aucun problème ;
  3. boire du vin à base de raisin a été interdit parce que cette sorte de vin s'utilise dans un culte idolâtre, pour offrir des libations à des faux dieux, ce qui n'est pas le cas des autres sortes de vin. Voilà pourquoi les vins qui ne sont pas à base de raisins sont autorisés, et puisque ce ne sont pas des boissons de fête si courantes, même en boire en présence des Gôyim est permis, car nos Sages n'émettent jamais de décret contre ce qui est inhabituel.

Il faut donc mettre les propos du Ramba''m en perspective, plutôt que simplement citer une partie. Ainsi, pour revenir au sujet du Path ´akkou''m, après avoir dit que nos Sages l'ont interdit, voici ce qu'explique le Ramba''m10 :

Bien qu'ils aient interdit le pain des Gôyim, il y a des endroits qui sont indulgents à ce sujet et achètent du pain des boulangers Gôyim là où il n'y a pas de boulangers Israélites, ainsi qu'en campagne, parce que c'est une situation de grande nécessité. Mais du pain de particuliers, il n'y a aucune opinion qui permette d'être indulgent, car la base du décret est causé [par l'interdiction] du mariage [mixte] et parce que si on mange du pain de particuliers, on en arrivera à dîner avec eux.
אַף עַל פִּי שֶׁאָסְרוּ פַּת גּוֹיִים, יֵשׁ מְקוֹמוֹת שֶׁמְּקִילִין בַּדָּבָר וְלוֹקְחִין פַּת מִן הַנַּחְתּוֹם הַגּוֹי, בִּמְקוֹם שְׁאֵין שָׁם נַחְתּוֹם יִשְׂרָאֵל; וּבַשָּׂדֶה, מִפְּנֵי שְׁהִיא שָׁעַת הַדֹּחַק. אֲבָל פַּת בַּעֲלֵי בָּתִּים, אֵין שָׁם מִי שֶׁמּוֹרֶה בָּהּ לְהָקֶל: שֶׁעִיקַר הַגְּזֵרָה מִשּׁוֹם חַתְנוּת; וְאִם יֹאכַל פַּת בַּעֲלֵי בָּתִּים, יָבוֹא לִסְעֹד אֶצְלָן

En d'autres mots, le Ramba''m, en rapportant qu'à certains endroits on se permet de manger du pain de boulangers Gôyim, et en prenant la peine d'expliquer pourquoi cela est permis à ces endroits-là, veut nous faire comprendre qu'il existe des raisons valables pour permettre le pain des Gôyim. Le Ramba''m ne dit pas s'il fait comme eux ou s'il considère que c'est interdit, mais montre que ceux qui le permettent ont sur quoi s'appuyer. En fait, cette non prise de décision du Ramba''m est normale en quelque sorte : puisque le Talmoudh Bavli est ambiguë sur la question, il préfère ne pas se prononcer définitivement sur la question, et fait comprendre que même si on permet le pain des Gôyim, c'est une position valable. Et notez là encore que le Ramba''m est clair sur le fait que ce décret n'a rien à voir avec des soucis de Kashrouth, mais le fait d'être trop proche des Gôyim. C'est pourquoi, il y a une différence entre acheter du pain chez un boulanger Gôy et accepter du pain qu'un particulier Gôy nous offre ou a cuit spécialement pour nous. Dans le premier cas, la relation n'est que commerciale, et cela ne crée donc aucun lien, alors que dans le deuxième cas, c'est un rapprochement qui peut amener à accepter de manger avec le Gôy, fraterniser, etc.

Il est très important et primordial de toujours avoir le réflexe de se demander pourquoi HaZa''l ont émis certains décrets, voir si leurs raisons s'appliquent encore et chercher ce qu'en ont dit les Ri`shônim. C'est comme ça que l'on étudie le Talmoudh avec sagesse et que l'on ne peut pas se tromper dans sa pratique religieuse, en dépit du fait que la majorité fasse autrement. Et croire que parce que HaZa''l ont émis un décret, il est impossible qu'il ne s'applique plus, est totalement faux !

Les Tôsofôth11 adoptent une approche totalement différente de celle du Ramba''m. Alors que le Ramba''m reste plutôt neutre et permet aussi bien d'être strict qu'indulgent sur la question du Path ´akkou''m, les Tôsofôth sont catégoriques sur le fait que ce décret ne s'applique plus du tout ! Ils font remarquer qu'à leur époque, la pratique commune consistait à consommer du Path ´akkou''m. Ils relèvent également que la Gamoro` du Talmoudh Bavli implique clairement qu'il y a une base valable pour annuler le décret du Path ´akkou''m. Les Tôsofôth déduisent également du comportement des Juifs de leur époque qu'un Béth Din a bien dû, à un moment donné, annuler cette interdiction du Path ´akkou''m, bien que cela ne soit pas explicitement dit dans le Talmoudh Bavli, car autrement il serait impossible d'expliquer pourquoi tant de Juifs se permettaient de consommer du Path ´akkou''m. Enfin, ils citent dans ce contexte l'affirmation faite dans le Talmoudh Yarousholmi selon quoi ce décret a bien été annulé. (De toute façon, bien que les gens suivent généralement le Talmoudh Bavli, lorsqu'un sujet n'y est pas clairement expliqué, tandis que dans le Talmoudh Yarousholmi (qui est toujours plus clair) il y est expliqué clairement, c'est l'approche du Yarousholmi qu'il faut suivre.) C'est ainsi que les Pôsqim `ashkanazim de l'ère des Ri`shônim permettaient sans aucun problème le Path ´akkou''m. Citons par exemple le Ra''n12 ז״ל, le Rô''sh13 ז״ל, ou encore le Mordékhay14 ז״ל. Les Tôsofôth notent toutefois que certains sont stricts et ne s'appuient pas sur leur approche indulgente, et concluent en disant que ceux qui suivent l'approche indulgente et ceux qui suivent l'approche stricte peuvent coexister et manger ensemble à la même table !

  1. Les `aharônim : Le Shoulhon ´oroukh et ceux qui l'ont commenté

Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל tranche dans son Shoulhon ´oroukh que le décret de Path ´akkou''m est encore d'application, mais il admet toutefois qu'il existe des endroits qui permettent le Path ´akkou''m dans des situations où du Path Yisro`él (pain cuit par un Israélite) n'est pas disponible.15 Un peu plus loin16, il rapporte que certains s'appuient sur l'opinion du Rashba''` ז״ל (Rabbi Shalômôh ban `addarath, 1235-1310) selon qui, si du Path ´akkou''m est d'une qualité supérieure à du Path Yisro`él disponible dans une certaine localité, dans ce cas, dans cette localité, on doit considérer que du Path Yisro`él n'est pas disponible, et on peut donc consommer du Path ´akkou''m, bien qu'il y ait du Path Yisro`él en vente dans cette localité. HoRov Môshah Feinstein (1895-1986)17 fait remarquer que Rabbi Yôséf Qa`rô ne cite pas le Tour ז״ל, qui était pourtant opposé à l'approche du Rashba''`, et conclut donc que cela indique que bien que Rabbi Yôséf Qa`rô soit d'avis que le décret de Path ´akkou''m s'applique encore, il n'est pas opposé à ceux qui suivent la position du Rashba''`. Cela nous montre clairement que même Rabbi Yôséf Qa`rô n'était pas d'avis que sa position était définitivement celle de la Halokhoh, et il permet donc d'être indulgent, car il y a des bases solides (comme nous l'avons montré) pour permettre le Path ´akkou''m.

De même, dans ses gloses sur le Shoulhon ´oroukh, le Ramo''` ז״ל (Rabbi Môshah `issarlès de Cracovie, 1520-1572)18 note qu'une opinion permet de consommer du Path ´akkou''m même lorsque du Path Yisro`él est disponible dans cette localité. Là encore, HoRov Môshah Feinstein fait remarquer que le Ramo''` ne cite aucune opinion divergente, indiquant par-là que c'est la position à adopter. Le Sha''h ז״ל (Rabbi Shabbatha`y ban Mé`ir Hakkôhén, 1621-1662)19 relève que la pratique courante parmi les `ashkanazim consiste à permettre de consommer du Path ´akkou''m même lorsque du Path Yisro`él est disponible. Cependant, il adopte personnellement une position e compromis et écrit qu'il croit qu'il ne faudrait pas suivre l'opinion indulgente, à moins que le Path ´akkou'''m soit d'une qualité supérieure au Path Yisro`él disponible (en accord avec la position du Rashba''`, et non celle du Ramo''`).

Le Hokhmath `odhom ז״ל (Rabbi `avrohom ban Yahi`él Mikhél Danzig, 1748-1820)20 rapporte que la pratique courante consiste à suivre la décision indulgente du Ramo''`. Cependant, il tranche qu'il serait préférable pour un individu pieux de suivre quelque peu la position plus stricte du Sha''h.

Le ´oroukh Hashoulhon ז״ל (Rabbi Yahi`él Mikhél Epstein, 1829-1908)21 adopte une approche plus stricte. Il semble dire que la pratique dans sa localité (il ne précise pas si telle était la pratique seulement dans sa ville, Navaradok, ou dans toute la région où il vivait) consistait à adopter l'opinion stricte du Ramba''m et du Shoulhon ´oroukh, à savoir, que le décret du Path ´akkou'''m s'appliquait encore et que l'on ne devait pas en consommer (or, nous avons vu que ce n'est pas exactement ce que dit le Ramba''m). Ainsi, dans sa localité, les Juifs évitaient soigneusement de consommer du Path ´akkou''m même lorsqu'il était de qualité supérieure à du Path Yisro`él disponible. Il écrit que « C'est l'approche appropriée, et on ne doit pas en dévier ». (Voir cependant dans le ´oroukh Hashoulhon, `ôrah Hayim 603:2, où il se contredit.)

Le Hofés Hayim ז״ל (Rabbi Yisro`él Mé`ir Hakkôhén Kagan, 1838-1933)22 écrit qu'il est « approprié » qu'à Shabboth et Yôm Tôv on ne consomme que du Path Yisro`él, car cela constitue un accomplissement du Kavôdh Shabboth et Yôm Tôv (honneur dû au Shabboth et à Yôm Tôv). Il s'appuie en cela sur une déclaration explicite du Moghén `avrohom ז״ל (Rabbi `avrohom `avéli Halléwi Gombiner, 1635-1682)23. Cela sous-entend donc que le Hofés Hayim n'était pas opposé au fait de consommer du Path ´akkou''m le reste de l'année, et qu'en abstenir pour Shabboth et Yôm Tôv n'est qu'une recommandation, pas une obligation !

Enfin, terminons par rapporter qu'aussi bien le Darkhé Tashouvoh (Rabbi Savi Hirsch Spira de Mounkatch, qui fut le quatrième Rébbé de la secte hassidique Mounkatch)24 que le Kaf Hahayim (Rabbi Ya´aqôv Hayim Sôfér, 1870-1939)25 citent le `ari comme ayant exhorté à scrupuleusement éviter de consommer du Path ´akkou''m sur base de considérations kabbalistiques (et même pas halakhiques. Ainsi, manger du Path ´akkou''m amènerait, entre autres choses, à boucher le cœur du Juif, ce qui le désensibiliserait à la Tôroh, etc. Bref, des sottises comme la « Qabboloh » en raffole). Cela explique pourquoi les Hasidhim (qui prennent énormément en compte les choses kabbalistiques) sont plus particulièrement minutieux sur cette question, et évitent plus que n'importe quel autre Juif de consommer du Path ´akkou''m.

  1. Conclusion

Notons qu'aucune de ces autorités venus après les Ri`shônim ne prend réellement en compte le Talmoudh. Ces Pôsqim ne tranchent pas sur base du Talmoudh, sur base de ce qu'untel et untel a dit ! À la différence d'eux, les Ri`shônim débattaient sur base du Talmoudh, et uniquement du Talmoudh ! Et d'un point de vue strictement talmudique, nous voyons dans le Yarousholmi que le décret du Path ´akkou''m a été annulé par HaZa''l. Et bien que le Bavli ne soit pas aussi clair sur ce sujet que le Yarousholmi, il indique qu'il y a des bases raisonnables et valables pour conclure que le décret a été annulé.

Par conséquent, ceux qui veulent être stricts et ne consommer que du Path Yisro`él ont parfaitement le droit de le faire. Néanmoins, ils n'ont pas le droit de prétendre que « la Halokhoh interdit le Path ´akkou'''m », car nous avons vu que non seulement le Talmoudh implique que ce décret n'est plus d'application, mais qu'en plus il existe parmi les `aharônim différentes positions sur la question : certains tranchent que le décret de Path ´akkou'''m est encore d'application, un deuxième groupe soutient qu'il fut annulé et ne s'applique plus si on achète du Path Paltér, un troisième groupe soutient que le Path Paltér n'est permis que si du Path Yisro`él n'est pas disponible, et un quatrième groupe soutient que même si du Path Yisro`él est disponible mais que le Path Paltér est de meilleur qualité que le Path Yisro`él disponible, on pourra consommer le Path Paltér. Il est donc faux de prétendre que « la Halokhoh interdit de consommer du Path ´akkou''m ».

Le décret a été annulé, comme l'atteste le Talmoudh Yarousholmi, de la même façon que celui interdisant l'huile des Gôyim fut annulé ! Et il n'y a pas lieu d'être « fanatique », surtout si c'est sur base de considérations « kabbalistiques » sans tête ni queue !

1´avôdhoh Zoroh 35b
2Shabboth 17b
3Commentaire sur ´avôdhoh Zoroh 14b
4Commentaire sur ´avôdhoh Zoroh 35b
5´avôdhoh Zoroh 2:8
6Tahillim 104:15
7´avôdhoh Zoroh 35b
8Ibid., 37a
9Hilkôth Ma`akholôth `asourôth 17:9
10Ibid., 17:12
11Commentaire sur ´avôdhoh Zoroh 35b
12Sur ´avôdhoh Zoroh 14b
13´avôdhoh Zoroh 2:27
14´avôdhoh Zoroh 830
15Yôréh Dé´oh 112:1-2
16Ibid., 112:5
17Tashouvôth `iggarôth Môshah, Yôréh Dé´oh 2:33
18Yôréh Dé´oh 112:2
19Yôréh Dé´oh 112:9
2065:2
21Yôréh Dé´oh 112:17
22Mishnoh Barouroh 242:6
23242:4
24112:18

25Yôréh Dé´oh 112:56
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