vendredi 18 octobre 2019

Petite histoire de la doctrine de la réincarnation


בס״ד

Petite histoire de la doctrine de la réincarnation


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Dans cet article, nous allons parcourir les sources afin de déterminer si le concept de גלגול « Gilgoul » (réincarnation) est relativement nouveau ou ancien, et s'il est unanimement accepté par nos rabbins comme faisant définitivement partie de la théologie de la Tôroh.

Ø TaNa''Kh

Il n'y a aucune référence directe ou explicite aux Gilgoulim dans le TaNa''Kh. Cependant, à partir du Moyen-âge, ceux qui ont embrassé cette notion ont commencé à voir des allusions allégoriques aux Gilgoulim dans certains versets.

Citons un exemple[1] : וְלֹא אִתְּכֶם, לְבַדְּכֶם--אָנֹכִי, כֹּרֵת אֶת-הַבְּרִית הַזֹּאת, וְאֶת-הָאָלָה, הַזֹּאת...וְאֵת אֲשֶׁר אֵינֶנּוּ פֹּה, עִמָּנוּ הַיּוֹם « Ce n'est pas seulement avec vous que Je contracte cette alliance et ce pacte...mais aussi avec celui qui n'est pas ici avec nous aujourd'hui ». Les adeptes du Gilgoul prennent ce passage comme voulant dire qu'il y a un « vous » qui n'est pas ici aujourd'hui, mais qui se manifestera à un stade ultérieur. (À noter que c'est l'un des nombreux passages que réfute le Rov Sa´adhyoh Go`ôn ז״ל dans ses textes anti-réincarnations.)

Un autre exemple[2] : דּוֹר הֹלֵךְ וְדוֹר בָּא « Une génération part et une autre vient ». Les défenseurs de la notion de Gilgoul disent que ce Posouq signifie qu'une génération qui est décédée reviendra à nouveau dans les générations suivantes. (Mais là encore, c'est une lecture aisément réfutable, puisque le Posouq entier déclare : דּוֹר הֹלֵךְ וְדוֹר בָּא, וְהָאָרֶץ לְעוֹלָם עֹמָדֶת « Une génération part et une autre vient, mais la terre se maintient pour toujours ». Le Posouq signifie tout simplement que bien que les générations se succèdent et que les êtres humains naissent et meurent, la terre, elle, n'a pas besoin de renouvellement et subsiste constamment. Lisez d'ailleurs les versets qui viennent juste après, et qui confirme bien que c'est uniquement cela que voulait dire ici Shalômôh Hammalakh ע״ה.)

Ø  L'ère talmudique (jusqu'à l'an 500 de l’Ère Courante)

De même, il n’existe aucune référence directe ou explicite aux Gilgoulim dans la Mishnoh, la Gamaro` ou le Midhrosh. Et encore une fois, les commentateurs médiévaux qui ont souscrit à la notion du Gilgoul ne pouvaient que tenter de trouver des allusions à l’idée, qui seraient cachées dans les textes talmudiques (quitte à très souvent donner une lecture de ces passages qui en dénature complètement le sens originel, comme pour les deux exemples de versets TaNa''Khiques susmentionnés).

Ø  Les Karaïtes

La première référence explicite à la réincarnation se trouve ironiquement dans les sources karaïtes. Le fondateur de la secte karaite, ´onon ban Dowidh (715 - 795) a écrit que la réincarnation était déjà un principe établi dans les cultures existantes. Il semble vouloir faire allusion aux sectes gnostiques, aux premiers chrétiens et peut-être à certaines sectes islamiques mystiques.

Il est intéressant de noter que l’ensemble des Karaïtes a rejeté la notion de réincarnation, probablement en raison de l’absence totale de références scripturaires.

Cependant, de nombreux juifs peuvent avoir été influencés par certaines de ces premières sectes islamiques et avoir adopté leur doctrine de la réincarnation. Si cela est vrai, cela indique une influence intéressante et hautement controversée sur le concept de réincarnation. Le Rambo''m en parle dans son Môréh Navoukhim[3] (Guide des Égarés). Il y rapporte que certains Ga`ônim ont été influencés par quelques aspects du kalâm islamique. Bien que les membres de la secte islamique des Mutazila étaient des rationalistes et non des mystiques, ils adhéraient à la notion de réincarnation et il y a eu quelques influences mutuelles avec certains Ga`ônim aux 8ème et 9ème siècles qui ont fait entrer la notion de réincarnation dans les milieux de certains Ga`ônim.

Ø  Séphar Habbahir

L'une des premières références claires à la notion de réincarnation, dans les principales sources juives, se trouve dans l’ouvrage kabbalistique connu sous le nom de Séphar Habbahir. C'est là que les choses deviennent encore plus intéressantes, car sa date et sa paternité sont âprement disputées.

Selon les kabbalistes, ce livre aurait été écrit vers l'an 100 de notre ère par Ribbi Nahounyo` ban Haqqonoh ז״ל. D'autres pensent qu'il a été écrit par le fils du Ra`ava''d, Yishoq l'Aveugle au 13ème siècle (tout comme le Zôhar).

D'après le Séphar Habbahir[4] :

Pourquoi y a-t-il un type de Saddiq pour qui arrive du bien et un autre type de Saddiq pour qui arrive du mal ? - C'est parce que le deuxième Saddiq était mauvais auparavant (c'est-à-dire dans une vie antérieure) et est maintenant puni.

Ø  Le Zôhar

Il existe également de nombreuses références à la réincarnation qui se trouvent dans le principal ouvrage kabbalistique, le Zôhar. Et encore une fois, la date et la paternité de ce livre font l’objet d’un différend similaire à celui pour le Séphar Habbahir.

Les mystiques prétendent qu'il a été écrit par Ribbi Shim´ôn ban Yôho`y (80-160 de l’Ère Courante). D’autres prétendent qu’il a été composé en Espagne, au 13ème siècle, par Ribbi Môshah de Léon (1240-1305). [Voir les nombreux articles sur le blog consacré au Zôhar.] Il convient de noter que tout comme pour le Séphar Habbahir, tous ceux qui croient en l'authenticité du Zôhar et l'attribuent à Ribbi Shim´ôn ban Yôho`y ז״ל n'ont aucune preuve textuelle, ancienne, traditionnelle ou même scientifique à apporter, alors que les preuves de la non authenticité et non antiquité de ces livres sont légions (et bon nombre de ces preuves ont été apportées par des rabbins qui acceptent néanmoins ces livres, comme par le Rov Ya´aqôv de Emden qui, bien qu'il croyait en la sagesse contenue dans le Zôhar, a publié un ouvrage d'une centaine de pages démontrant que le Zôhar n'est pas de Ribbi Shim´ôn ban Yôho`y, qu'il contient des erreurs, distorsions de passages bibliques, certaines hérésies, etc.)

Le Zôhar déclare[5] :

Tant qu'un individu échoue dans le dessein qui est le sien dans ce monde, le Saint, béni soit-Il, le déracine et le replante encore et encore.

Le Zôhar est le tout premier ouvrage à employer littéralement le terme de « Gilgoul ».

Ø  Expansion rapide de la notion kabbalistique de « Gilgoul »

Quelle que soit la date que nous choisissons pour dater le Bahir et le Zôhar, il est clair que c'est seulement à partir du 13ème siècle que la doctrine du Gilgoul a commencé à jouir d’une grande popularité (ce qui est étrange si on croit que ces deux ouvrages dateraient du 2ème siècle de l’Ère Courante)

·        Le Rambo''n (Nahmanide, 1194-1270)

Bien que certains kabbalistes espagnols comme le Rambo''n aient au départ hésité à ouvertement mentionner le concept et ne l’aient fait que par « allusions et sous-entendus », il n’a pas fallu longtemps pour que ce concept soit accepté par la population.

Le Rambo''n a écrit que le concept du Gilgoul est essentiel pour comprendre et donner un sens aux histoires de la Tôroh. D'après lui, cette notion permet de voir sous une lumière nouvelle les personnages bibliques et de percer des secrets auxquels nous n'aurions autrement pas pu avoir accès. Grâce à la notion du Gilgoul, le Rambo''n considère que nous pouvons comprendre pourquoi ils ont agi comme ils l'ont fait, parce que nous savons qui ils étaient vraiment dans leurs incarnations précédentes.[6]

·        Le `ar''i (Ribbi Yishoq Louria `ashkanazi, 1534-1572)

À l'époque de Ribbi Yishoq Louria, également connu sous le nom du `ar''i Za''l, le concept a commencé à prendre son essor. C'est notamment à cause de son ouvrage intitulé « Sha´ar Haggilgoulim », ou « La Porte des Réincarnations », qui explique, entre autres idées, les racines spirituelles de bon nombre de nos grands sages, dont il aurait eu la révélation. (Le livre a été finalement achevé par le plus grand Talmidh du `ar''i, à savoir, Ribbi Hayyim Vital, et édité par son fils, Ribbi Shamou`él Vital. Il emprunte beaucoup au Zôhar, Poroshath Mishpotim, où sont traitées ces idées.)

À partir de ce moment, le concept de réincarnation a été inscrit dans le psyché collectif du peuple juif comme étant apparemment un principe fondamental de la foi, et il l’est resté jusqu’à ce jour.

·        Le Shélo''h (Ribbi Yasha´yohou ban `avrohom Halléwi Horowitz, 1555-1630)

Le Rov Yasha´yohou ban `avrohom Halléwi Horowitz a écrit :

Il y a des péchés pour lesquels la purification dans le domaine spirituel seule ne suffit pas… ils sont obligés de subir un deuxième cycle dans ce monde en guise de réhabilitation… ce qui se produit généralement lorsque l'âme est confrontée au même défi auquel elle avait succombé dans sa vie antérieure.

·        Manashshah ban Yisro`él (1604-1657)

Ribbi Manashshah ban Yisro`él (qui s'appelait originellement Manoel Dias Soeiro), auteur du Nishmath Hayyim (un ouvrage sur la réincarnation)[7], a écrit que `odhom Hori`shôn ע״ה avait appris la doctrine de la réincarnation, mais qu'elle avait été oubliée par la suite. Ensuite, Pythagore (qui selon cette source était un Juif) la reçut de nouveau par l'intermédiaire d'une révélation que lui aurait accordé le prophète Yahazqé`l ע״ה.

C’est une référence fascinante, car c'est la première à explicitement considérer la réincarnation comme faisant dès le début partie des croyances de l’humanité, tout en précisant qu'elle ne serait entrée à nouveau dans le judaïsme qu'à partir du 6ème siècle avant notre ère grâce à Pythagore. (Mais évidemment, l'auteur n'appuie ses déclarations d'aucune preuve.)

Il a écrit[8] :

La majorité des sages d’Israël croient [en la réincarnation] et écrivent que c’est une croyance vraie et l’un des principes fondamentaux de la Tôroh. Cela résout le problème d'un Saddiq qui souffre. Nous sommes obligés d’écouter les paroles de ces autorités, et avons cette conviction sans aucun doute ni hésitation que ce soit ...

Ø Popularité de la réincarnation dans les milieux hassidiques

Le principe de Gilgoul a été adopté et embelli par le Ba´al Shém Tôv et ses partisans, de nombreux Rebbe`im hassidiques prétendant être conscients de leurs personnalités antérieures.

Quelques exemples :
·       Le Ba´al Shém Tôv (1700-1760) prétendit être le Gilgoul du Rov Sa´adhyoh Go`ôn (882-942). Ironiquement, comme nous le verrons plus tard, le Rov Sa´adhyoh Go`ôn était un critique virulent de la théorie de la réincarnation. Cela n’a pas dissuadé les Hasidhim de dire que le Ba´al Shém Tôv aurait procédé au Tiqqoun (rectification) de l'âme du Rov Sa´adhyoh.
·       Rabbi Nahmon de Breslev prétendit être la combinaison des âmes de Sho`oul, Ribbi Shim´ôn ban Yôho`y et du Ribbi Nahmon du Talmoudh.
·       Le Hôzah de Lublin a dit un jour à son ami Rabbi Zelka de Grodzisk que la raison pour laquelle ils étaient de si bons amis est qu'ils étaient père et fils dans une vie antérieure.
·       Rabbi `avrohom Yahôshoua´ Heschel a déclaré qu’il en était à son troisième Gilgoul, après avoir été un Nosi` et un Résh Goloutho` dans ses vies antérieures.
·       Rabbi Manahém Mendel de Rouzhin a déclaré qu'il s'était réincarné cent fois et que c'était sa dernière fois.
·        Rabbi Bertzi Leifer de Nadvirna a déclaré qu'il s'était réincarné à trois reprises. La première fois en tant que Qamou`él ban Shiphton, chef de la tribu d'Ephraïm lorsque les Israélites erraient dans le désert (voir Bamidhbor 34:24). La deuxième fois en tant qu'agriculteur, et il a visité sa propre tombe. Sa troisième réincarnation eut lieu avant la deuxième guerre mondiale. (Fait intéressant, il a mentionné qu'il était le plus satisfait lorsqu'il s'était réincarné en agriculteur!)

Ø  Âmes humaines piégées dans des animaux

Il y a des histoires concernant des Rebbe`im hassidiques qui déclaraient « Koshér » des animaux égorgés que d'autres rabbins avaient disqualifiés ! La raison invoquée par ces Rebbe`im hassidiques est que l'âme humaine qui avait été piégée dans cet animal devait être libérée. Ils ont évoqué l'opportunité halakhique de trancher avec indulgence sur certains aspects de la Kashrouth sur base de la notion de « Marouvoh » ou grande perte (généralement financière). Ils ont interprété cela comme une « grande perte spirituelle » pour l'âme, qui s'était logée dans un corps animal. Par conséquent, tout devait être mis en œuvre pour la « libérer ».

Une de ces histoires est rapportée au nom du Hôzah de Lublin, qui a déclaré au sujet d'un poulet dont on avait appris à son épouse qu'il avait été égorgé de manière incorrecte; « Sachez que la pauvre âme transmigrée dans ce poulet attend déjà depuis de nombreuses années, et maintenant, elle plaide que nous mangions ce poulet ce Shabboth pour opérer son Tiqqoun ». C'est un exemple classique des hérésies qui avaient court dans les premiers milieux hassidiques : transgresser la Halokhoh sous des motifs prétendument spirituels.

Une autre histoire raconte comment une oie a été déclarée non Koshér car elle n'avait pas été égorgée correctement, et celui qui se faisait appeler le « Saddiq d'Alsk » prit une partie de sa graisse et en a fabriqué des bougies pour Hanoukkoh. Il déclare que la bénédiction qu’il a récitée sur les bougies a « libéré » l’âme humaine qui avait emprisonnée à l’intérieur de l'oie.

Rabbi Naphtoli Bachrach écrit[9] :

Notre maître, le `ar''i Za''l, a dit : « Quand vous voyez des gens qui sont arrogants et qui n’ont aucune honte, sachez qu’ils ont été transmigrés en une bête, un animal ou un oiseau impur. De la même manière que ceux qui n’ont pas honte - ceux-ci non plus n'ont pas honte ».

Je vous laisse vous-mêmes être juges de croire ou pas en la véracité de telles histoires d'âmes humaines réincarnées dans des animaux, concept que rejetait catégoriquement le Rambo''n, bien qu'il fut un grand kabbaliste. Et sachez aussi que même dans le Zôhar, il n'est jamais fait mention que les hommes pourraient se réincarner dans des animaux.

Ø  Réincarnation et genre

D'après les kabbalistes, en règle générale, les âmes des hommes transmigrent vers d'autres hommes et, de la même manière, celles des femmes transmigrent vers des femmes. Cependant, il existerait des exceptions, par exemple lorsque l'âme d'un homme se réincarne dans le corps d'une femme. Les kabbalistes disent que lorsque cela arrive, la femme est stérile. Ils affirment que c'était le cas de Tomor, qui aurait eu une âme d'homme. Son âme aurait ensuite été transférée à Routh, et elle ne pouvait donc pas avoir d'enfants tant qu'on ne lui donnait pas les aspects d'une autre âme féminine.

Les kabbalistes disent que Yahoudhoh ע״ה, le fils de Ya´aqôv `ovinou ע״ה, serait une autre exception, puisqu'il aurait eu une âme partiellement féminine.

Ø  Opposition à la théorie de la réincarnation

À la lumière de tout ce qui précède, beaucoup de gens pourraient être surpris que la théorie de la réincarnation ne soit pas adoptée à l'unanimité par tous nos sages de la Tôroh :

·        Rov Sa´adhyoh Go`ôn (882-942)

À peu près au moment où le concept de réincarnation pénétrait dans le monde juif, le Rov Sa´adhyoh Go`ôn ז״ל a rapidement réagi pour exprimer sa désapprobation totale de la nouvelle idée.

Il a écrit[10] :

Pourtant, je dois dire que j'ai trouvé certaines personnes, qui se disent juives, professant la doctrine de la réincarnation… ce qu'elles veulent dire, c'est que l'âme d'une personne est transférée à une autre, puis à une autre. Nombre d'entre eux allaient jusqu'à affirmer que l'esprit d'un être humain pouvait entrer dans le corps d'une bête - ou celui d'une bête dans le corps d'un être humain – et encore d'autres absurdités et stupidités de ce type.

Il a expliqué que le concept bien authentifié de la résurrection exclut la théorie de la réincarnation car le corps et l’âme sont en tandem et que l’âme ne peut que retourner vers son « propre » corps et non vers celui d’un autre.

·        Le Rambo''m (Ribbénou Môshah ban Maymôn, 1135-1204) et son fils Ribbénou `avrohom ban HaRambo''m (1186-1237)

Pour certains, il est surprenant de noter que le Rambo''m ז״ל est exceptionnellement silencieux sur la question de la réincarnation. Il est généralement franc sur tant de questions fondamentales de la théologie de la Tôroh qu'il faut se demander pourquoi il a gardé le silence sur cette question essentielle sur laquelle tant d'autres, surtout à cette époque, ont été très critiques. Son fils, Ribbénou `avrohom ben HaRambo''m ז״ל, qui était aussi son successeur, a toutefois exprimé son opposition à la croyance en la réincarnation. Et étant donné que le fils puisait abondamment dans les enseignements de son père, et a même révélé de nombreuses positions soutenues par son père que ce dernier n'avait pas mises par écrit, il ne fait aucun doute que le Rambo''m n'adhérait pas à la notion de réincarnation. Nous pouvons le déduire également des nombreux textes que le Rambo''m a écrit sur le sujet de la résurrection. Enfin, le Rambo''m ne s'attelait qu'aux principes et croyances fondamentales du judaïsme. Son silence sur le sujet de la réincarnation indique clairement qu'il ne considérait pas cette croyance comme faisant partie du système de croyance de la Tôroh et du judaïsme.

Il en est de même de Ribbénou Yahoudhoh Halléwi (1075-1141), l'un des plus grands des Ri`shônim, mais qui n'a pourtant jamais rien dit ou écrit sur la réincarnation, alors que, comme le Rambo''m, il a pourtant abondamment écrit sur tout ce qui concernait le judaïsme.

·        Ribbénou Yôséph `albô (1380-1444)

De même, Ribbénou Yôséph `albô ז״ל a rejeté la théorie de la réincarnation. Il a écrit :

Il y a ceux… [qui affirment qu']il est possible que l'âme qui a déjà servi dans un corps humain revienne pour demeurer dans un [autre] corps. Mais ce n'est pas correct.

Selon lui, une âme n'a pas la liberté de choix avant de naître dans un corps humain. Il est né « contre sa volonté ». Mais ce n'est qu'après s'être uni au corps qu'il acquiert la liberté de choix. Cette liberté de choix atteinte par l'âme est si précieuse que même « les anges se sont égarés ... et ont demandé à se prosterner devant l'homme ... car les anges eux-mêmes n'ont pas le libre arbitre ».

Une fois que l'âme est devenue un agent du libre arbitre « Pourquoi reviendrait-elle dans le corps ? Et pourquoi un corps potentiel serait-il prêt à recevoir l'âme qui a déjà servi dans un autre corps plutôt que de recevoir une âme (nouvelle et originale) ? »

Il ajoute que la seule chose plus absurde que la réincarnation dans une autre forme humaine serait la notion selon laquelle une âme peut aussi « transmigrer dans le corps des animaux ».

Il termine par une expression d'exaspération totale en ajoutant « et HaShem sait ».[11]

·        Le Rasha''sh (Rabbi Shamou`él Strashoun, 1794-1872)

Le Rov Shamou`él Strashoun, dans son célèbre commentaire sur le Talmoudh, rapporte une preuve talmudique contre les Gilgoulim. Il rapporte ceci :

La Tôroh déclare[12] : בָּרוּךְ אַתָּה, בְּבֹאֶךָ; וּבָרוּךְ אַתָּה, בְּצֵאתֶךָ « Béni sois-tu à ta venue, et béni sois-tu à ta sortie ». Nos Sages ont expliqué que cela signifie que tout comme la venue de quelqu'un dans ce monde se fait sans péché, de même la sortie de quelqu'un de ce monde doit être sans péché.[13] Sur base de cela, il est considéré comme allant de soi par nos Sages que l'entrée dans ce monde se fait sans péché. Cela exclut la réincarnation, dont la base même est de retourner dans le monde pour rectifier des péchés antérieurs.

·        Rabbi Shimshôn Rapho`él Hirsch (1808-1888)

Rabbi Shimshôn Rapho`él Hirsch est considéré comme l'un des plus grands penseurs juifs de l'ère moderne. Il a pourtant écrit que la croyance en la réincarnation était l'une des distinctions majeures qui distinguait le judaïsme de la religion des anciens Égyptiens, la réincarnation étant le principe central de la foi égyptienne. En d'autres mots, les anciens Israélites rejetaient catégoriquement la notion de réincarnation, qui était un des fondements de la foi égyptienne. Or, n'oubliez pas que HaShem Lui-même a catégoriquement défendu aux Israélites de conserver ou imiter les croyances, us et coutumes auxquels croyaient les Égyptiens. Et la réincarnation est l'un d'eux.

·        D'autres

De très nombreux autres illustres rabbins de la tradition juive ont catégoriquement rejeté le concept de Gilgoulim. Citons par exemple : le Saphôrnô[14], Ribbénou `avrohom `ibn Daoud[15], Ribbénou `avrohom ban Hiyo`[16] (le maître du `ibn ´azro`), Ribbénou Léon de Modène, Ribbenou Yadhoyoh Bershidi, Ribbénou Dowidh Qimhi (surnommé le Rada''q, l'un des plus grands commentateurs du TaNa''Kh) ou encore Ribbénou Hasda`y Qresqas.

Ø  Conclusion

Bien que la perception commune aujourd’hui soit clairement biaisée en faveur de la croyance dans les Gilgoulim, il est intéressant de découvrir que, sur la base d’une vue d’ensemble des sources, il faut dire que le « jury théologique » n’a toujours pas été choisi, et que les choses sont plus nuancées qu'il n'y parait.

Cela ne signifie pas que le système de croyance personnel doit être compromis d’une manière ou d’une autre. Les croyances religieuses sont par nature très subjectives et émotionnelles, et doivent rester une prérogative religieuse personnelle. Mais ce qui est clair est que ceux qui croient en la réincarnation ne peuvent pas prétendre avec honnêteté et intégrité qu’il n’existe qu’une seule approche hashqaphique définitive concernant la question de la réincarnation, et que cette croyance serait « traditionnelle » ou encore un « fondement de la foi », ce qui sous-entendrait que ceux qui n'y souscriraient pas seraient « hérétiques » ou en-dehors de la foi. En outre, tous ceux qui prétendent que c'est la croyance universelle d'Israël se trompent, car bon nombre d'éminents rabbins passés et présents se sont opposés à la notion de Gilgoulim, avec des preuves souvent beaucoup plus détaillées, développées, sourcées et argumentées que les défenseurs de la réincarnation.


[1]     Davorim 29:13-14
[2]    Qôhalath 1:4
[3]    Volume 1, Chapitres 73 à 76
[4]    Volume 1, page 195
[5]    Zôhar I:186b
[6]    Voir le commentaire du Rambo''n sur `iyôv 33:40
[7]    Il fut publié par son fils, Shamou`él, six ans avant qu'ils ne meurent tous les deux
[8]    Nishmath Hayyim 154b
[9]    ´amaq Hammalakh 31:20a
[10]  `amounoh Wadhé´ôth 6, 8
[11]   Séphar Ha´iqqorim 4:29
[12]   Davorim 28:6
[13]   Voir Bavo` Masi´a` 107a
[14]  Commentaire sur Davorim 30:15, 19
[15]   `amounoh Rabboh, Volume 1, Chapitre 7
[16]  Maghillath Hammagholah 50-51
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