ב״ה
Les
relations avunculaires dans le Judaïsme
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Question :
J'ai
été surprise d'apprendre que le Talmud permettait d'épouser sa
propre nièce. Est-ce vrai ? Et si tel est le cas, comment
peut-on autoriser une telle union incestueuse, et existe-t-il des
opinions divergentes sur la question dans la littérature
rabbinique ?
Réponse :
Je
commencerai par dire qu'il faut absolument s'éloigner du
présentisme,
qui consiste à juger le passé à la lumière des conditions
présentes. Ce n'est pas parce qu'un acte est mal vu à notre époque
que cela signifie que ceux qui agissaient ainsi dans le passé
faisaient quelque chose de mal. De même, ce n'est pas parce qu'un
acte était mal vu dans le passé et bien vu dans le présent que
cela valide l'acte en question.
Deuxièmement,
la source de notre moralité est la Tôroh, ainsi que la Halokhoh de
nos Sages de mémoire bénie. C'est seulement à la lumière de ces
sources que nous devons déterminer ce qui est approprié ou
inapproprié, et non pas en fonction de nos goûts (ou dégoûts)
personnels. Les valeurs de la société, qui sont très changeantes
et subjectives, ne sont pas toujours en phase avec celles de la
Tôroh, qui sont divines, immuables et éternelles. Ainsi, la société
considère qu'il est mal venu de se marier « trop »
jeune, alors que la Tôroh permet de se marier très tôt (déjà
vers 12 ou 13 ans). De même, il est mal vu d'épouser sa cousine,
alors que la Tôroh le permet.
Troisièmement,
les définitions de la Tôroh ne sont souvent pas les mêmes que
celles que la société adopte. Pour reprendre l'exemple du mariage
avec sa cousine, bien que cela soit considéré comme de l'inceste
dans plusieurs pays occidentaux, la Tôroh ne l'inclut pas dans les
relations incestueuses. Lorsqu'on traite de Halokhoh, nous devons
nous tourner vers les définitions halakhiques des termes plutôt que
de juger la Halokhoh à la lumière de la pensée moderne laïcisante,
athéiste, matérialiste et immorale.
Cette
introduction ayant été faite, je vais à présenter traiter la
question.
Il
est rapporté ceci dans le Talmoudh1 :
Nos
Rabbins ont enseigné : Celui qui aime son épouse comme
[s'il s'agissait de] son propre corps2,
qui l'honore plus qu'[il ne le ferait pour] lui-même, qui guide
ses fils et ses filles dans le droit chemin et leur permet de se
marier aux alentours de la période de leur puberté, c'est le
concernant que l’Écriture dit3 :
« Et tu sauras que ta tente est en paix ».
Celui qui aime ses voisins, qui se rapproche d'eux, qui
épouse la fille de sa sœur, ou prête une Séla´4
à un pauvre quand il est dans le besoin, le concernant l’Écriture
dit5 :
« Alors tu invoqueras et HaShem répondra ; tu
supplieras et Il dira ''Me voici !'' ».
|
ת"ר
האוהב את אשתו כגופו והמכבדה יותר מגופו
והמדריך בניו ובנותיו בדרך ישרה והמשיאן
סמוך לפירקן עליו הכתוב אומר וידעת כי
שלום אהלך האוהב את שכיניו והמקרב את
קרוביו והנושא
את בת אחותו
והמלוה
סלע לעני בשעת דחקו עליו הכתוב אומר אז
תקרא וה'
יענה
תשוע ויאמר הנני
|
Nous
voyons de ce passage que HaZa''l ne voyaient pas
d'inconvénient à ce qu'un homme épouse sa nièce sororale. D'où
tirent-ils cela ?
Le
Prophète Yasha´yohou ע״ה
énonce
toute une liste d'actes de bonté qu'un homme peut accomplir et qui
amèneront HaShem ית׳
à
répondre à ses prières lorsque ces actes sont accomplis avec
sincérité et altruisme. Il déclare6 :
Mais
voici le jeûne que J'aime: c'est de rompre les chaînes de
l'injustice, de dénouer les liens de tous les jougs, de renvoyer
libres ceux qu'on opprime, de briser enfin toute servitude;
puis
encore, de partager ton pain avec l'affamé, de recueillir dans ta
maison les malheureux sans asile; quand tu vois un homme nu, de le
couvrir, de
ne pas te dérober à ceux de ta propre chair!
C'est
alors que ta lumière poindra comme l'aube, que ta guérison sera
prompte à éclore; ta vertu marchera devant toi, et derrière toi
la majesté de `adhônoy fermera la marche. Et alors
tu invoqueras
et `adhônoy répondra, tu supplieras et Il dira: "Me voici!"
|
הֲלוֹא
זֶה,
צוֹם
אֶבְחָרֵהוּ--פַּתֵּחַ
חַרְצֻבּוֹת רֶשַׁע,
הַתֵּר
אֲגֻדּוֹת מוֹטָה;
וְשַׁלַּח
רְצוּצִים חָפְשִׁים,
וְכָל-מוֹטָה
תְּנַתֵּקוּ.
הֲלוֹא
פָרֹס לָרָעֵב לַחְמֶךָ,
וַעֲנִיִּים
מְרוּדִים תָּבִיא בָיִת:
כִּי-תִרְאֶה
עָרֹם וְכִסִּיתוֹ,
וּמִבְּשָׂרְךָ
לֹא תִתְעַלָּם.
אָז
יִבָּקַע כַּשַּׁחַר אוֹרֶךָ,
וַאֲרֻכָתְךָ
מְהֵרָה תִצְמָח;
וְהָלַךְ
לְפָנֶיךָ צִדְקֶךָ,
כְּבוֹד
יְהוָה יַאַסְפֶךָ.
אָז
תִּקְרָא וַיהוָה יַעֲנֶה,
תְּשַׁוַּע
וְיֹאמַר הִנֵּנִי
|
Nos
Sages déclarent que וּמִבְּשָׂרְךָ
לֹא תִתְעַלָּם
« ne
te dérobe pas à ceux de ta propre chair »
se réfère à un homme qui ne se refuse pas d'épouser la fille de
sa sœur, en d'autres termes, sa nièce sororale. Bien qu'il existe
une divergence d'opinion parmi les Ri`shônim quant à savoir si on
ne parle que d'une nièce sororale ou si cela s'applique également à
sa nièce fraternelle (nous y reviendrons plus bas), il est clair que
le Talmoudh encourage d'épouser sa nièce. C'est ce qu'on appelle
une relation avunculaire. Et HaZa''l
ont demandé de ne pas s'abstenir d'épouser des femmes de sa propre
famille (comme sa cousine ou sa nièce), dès lors qu'elles ne
faisaient pas partie de la liste interdite. D'ailleurs, dans la
Tôsafto` (une œuvre rabbinique de l'époque de la Mishnoh, et qui
est fréquemment citée dans le Talmoudh sous le nom de
« Barayatho` »), nous lisons ceci7 :
לא
ישא אדם אשה עד שתגדל בת אחותו או עד שימצא
את ההגון לו « Un
homme ne doit pas épouser une femme jusqu'à ce que la fille de sa
sœur n'atteigne la majorité8,
ou jusqu'à ce qu'il ne trouve [une autre femme] qui lui convienne ».
Nous voyons donc que la priorité va d'abord aux femmes de sa propre
famille (la nièce sororale) avant d'envisager épouser une autre
femme.
La
question qui se pose est celle-ci : le fait que la littérature
talmudique ne fasse mention que de la nièce sororale indique-t-il
que l'on ne peut pas épouser sa nièce fraternelle, ou est-ce cela
un exemple, ce qui inclurait alors n'importe quelle nièce, quelle
soit sororale ou fraternelle ? Comme nous l'avons mentionné
plus haut, cette question fait l'objet d'une divergence d'opinion
entre les Ri`shônim.
Rash''i
ז״ל
est
d'avis que le Talmoudh ne permet que d'épouser la nièce sororale.
D'après lui, ce serait un acte de bonté supérieur au fait
d'épouser sa nièce fraternelle, parce qu'un homme aurait une
affection particulière pour sa sœur (plus que pour son frère).
Ainsi, en épousant la fille de sa sœur il s'assurera que son épouse
sera particulièrement chérie. (Je ne crois personnellement pas à
la thèse de Rash''i, car rien ne prouve qu'un homme aurait plus
d(affection pour sa sœur par rapport à son frère.)
Les
Tôsofôth (qui sont les gendres et petits-enfants de Rash''i) sont
divisés sur cette question.9
D'un côté, nous avons l'un des petits-fils de Rash''i, le Rashba''m
ז״ל,
qui soutient que l'approbation talmudique s'applique également à la
nièce fraternelle, pas seulement à la nièce sororale. D'après
lui, le Talmoudh ne fait mention que de la nièce sororale parce
qu'il est plus courant pour la sœur de quelqu'un de le convaincre
d'épouser sa fille. De l'autre côté, nous avons un autre des
petits-fils de Rash''i, Rabbénou
Ta''m
ז״ל,
qui s'opposa à cette affirmation du Rashba''m et soutint plutôt que
le Talmoudh ne fait uniquement mention de la nièce sororale et qu'il
serait interdit d'épouser sa nièce fraternelle. Le Riva''n
ז״ל
(un
gendre de Rash''i et oncle du Rashba''m et de Rabbénou Ta''m)
souscrit à cette approche. Voici leur raisonnement : D'après
les lois relatives au mariage
lévirat10,
un homme (A) a la Miswoh
d'épouser la veuve de son frère (B) si ce dernier est mort sans
avoir eu d'enfants. Mais la Mishnoh11
enseigne que si la veuve est la fille de A, A est alors exempt de
cette Miswoh,
puisqu'un homme a l'interdiction d'épouser sa propre fille. D'après
ce raisonnement, les Rabbins auraient donc interdit à B d'épouser
sa nièce, la fille de A afin d'empêcher une situation où la Miswoh
du mariage lévirat ne pourrait être accomplie. Cette interdiction
rabbinique concernant le mariage avec sa nièce fraternelle
démontrerait que l'approbation talmudique d'épouser sa nièce ne
s'appliquerait qu'à sa nièce sororale. Cette approche de Rabbénou
Ta''m est également suivie par le Rov Basal`él
`ashkanazi,
qui fut le maître du `ar''i.
Le rabbin Alsacien Yohonon
Louria` (1440-1514) s'aligne également derrière l'approche de
Rabbénou Ta''m.
Mais
d'après le Ramba''m ז״ל,
l'absence de toute mention de la nièce fraternelle n'exclut pas de
pouvoir l'épouser12,
car il existe des situations où les problèmes soulevés plus haut
ne se pose pas, comme par exemple si A est déjà mort. Dans un tel
cas, B pourrait très bien épouser la fille de A. En outre, quand
bien même A serait vivant, cela ne doit pas empêcher B d'épouser
la fille de A (qui est donc sa nièce fraternelle). Le fait qui B
meurt empêche A d'épouser la veuve de son frère, qui est sa propre
fille, n'est d'aucune importance, puisque la Tôroh elle-même
prévoit des règles spécifiques lorsqu'on ne désire pas procéder
à un mariage lévirat. En effet, ce type de mariage est prévu par
la Tôroh, mais n'est en rien une obligation en soi. Personne n'est
contraint d'épouser la veuve de son frère, bien qu'il soit une
bonne chose de le faire. L'argument de Rabbénou Ta''m n'a donc
aucune solidité lorsqu'on l'analyse sérieusement. C'est pourquoi le
Ramba''m ne fait aucune distinction entre une nièce sororale et une
nièce fraternelle, et tranche ceci dans son Mishnéh Tôroh13 :
Et il est une
Miswoh des Sages qu'un homme épouse la fille de sa sœur,
et la même règle s'applique à la fille de son frère, car il
est dit : « Ne te dérobe pas à ceux de ta
propre chair ».
|
וּמִצְוַת
חֲכָמִים,
שֶׁיִּשָּׂא
אָדָם בַּת אֲחוֹתוֹ;
וְהוּא
הַדִּין לְבַת אָחִיו:
שֶׁנֶּאֱמָר:
וּמִבְּשָׂרְךָ
לֹא תִתְעַלָּם
|
Le
Mé`iri14
ז״ל
est
d'accord avec l'approche du Ramba''m. Rabbénou
Mé`ir Halléwi `abboul´afiyoh
ז״ל,
qui fut un contemporain du Ramba''m, y souscrit également. Il écrit15
qu'épouser sa nièce est considéré être un acte très
recommandable parce qu'en vertu du verset biblique qui nous enjoint à
ne pas craindre d'épouser une personne de sa famille, la personne de
sa propre chair la plus proche qu'il soit permis à un homme
d’épouser est la nièce. Il n'y a, à ses yeux, aucune différence
entre la nièce sororale et la nièce fraternelle, puisque le degré
de parenté dans les deux cas est exactement le même. Il ajoute
néanmoins qu'étant donné que le Talmoudh mentionne explicitement
la nièce sororale, c'est qu'il est bien plus recommandable d'épouser
sa nièce sororale que sa nièce fraternelle. D'après lui, il en est
ainsi car en épousant de préférence la nièce sororale, on
accomplit un grand acte de bonté envers sa sœur, qui pourrait
autrement avoir des difficultés à marier sa fille. De même, le
Hida''`
ז״ל
déclare
que l'on peut aussi bien épouser sa nièce sororale que sa nièce
fraternelle, et qu'il n'y a aucune différence entre les deux. Il
ajoute qu'il conviendrait de donner priorité aux proches en
difficulté financière. Ainsi, si la sœur de quelqu'un s'en sort
bien financièrement, mais que ce n'est pas le cas de son frère, il
sera préférable d'épouser sa nièce fraternelle plutôt que sa
nièce sororale. Le Ramo''`
ז״ל
tranche
lui aussi en accord avec la position du Ramba''m, et rapporte dans
ses gloses sur le Shoulhon
´oroukh16
qu'il n'y a aucune différence à faire entre la fille de sa sœur et
celle de son frère.
Pourquoi
la Tôroh encourage-t-elle à épouser des femmes de sa propre
famille, à quelques exceptions près (par exemple, il est interdit
d'épouser sa mère, sa fille, sa sœur, ou encore sa tante) ?
Le Moggidh
Mishnéh
explique qu'on a une affection naturelle pour ses proches. Ces
sentiments positifs fournissent un sol fertile qui permettra à la
relation de mariage de se développer mieux que lorsqu'on se marie
en-dehors de sa famille. De nombreux mariages « consanguins »
sont couronnés de succès précisément en raison de ces liens très
étroits, et il n'est pas vrai qu'il y a automatiquement des
problèmes génétiques quand ce genre de couples ont des enfants
(cela va dépendre de nombreux facteurs. Il est évident qu'entre
frères et sœurs il y aura des problèmes, et la Tôroh l'a
interdit. Mais entre cousins, oncles et nièces, les problèmes sont
plus rares, et la Tôroh l'a permis. Certains rabbins conseillent
toutefois de faire un test de dépistage de la maladie
de Tay-Sachs
avant d'épouser une nièce).
En
résumé, il n'existe aucune opinion divergente quant à la
permissivité d'épouser sa nièce, et il n'y a rien d'immoral à
cela. Juger des choses sur la base du présentisme est une grave
erreur. Ceux qui voient ce genre d'unions d'un mauvais œil sont
influencés par la société occidentale autour d'eux, qui est
d'ailleurs la même société qui considère « morales »
les relations homosexuelles ! Ce n'est pas d'elle que nous
devons apprendre ce qui est bien ou mal, vrai ou faux, licite ou
illicite ! Nous avons une Tôroh et une Halokhoh pour ça !
La seule divergence dans les textes rabbiniques concerne le fait de
savoir si cette permission d'épouser sa nièce s'applique aussi bien
à la nièce fraternelle que sororale, ou bien uniquement à la nièce
sororale, et il y a d'éminents Ri`shônim pour soutenir les deux
positions.
Je
conclurai en rappelant que nous avons une règle de דִּינָא
דְמַלְכוּתָא דִינָא
« Dino`
Dhamalakhoutho` Dhino` »,
c'est-à-dire que la loi du pays dans lequel on vit est la loi, et
nous devons donc la respecter (à quelques exceptions près, mais ce
n'est pas le sujet). Par conséquent, à moins d'être prêt à aller
en prison pour cela et d'en assumer toutes les conséquences, si la
loi du pays interdit d'épouser sa nièce ou sa cousine, cela devient
une interdiction à laquelle l'Israélite doit se soumettre. Mais
contrairement à ce que beaucoup affirment, la loi n'interdit pas
forcément ces unions. J'ai pu constater que beaucoup ignoraient
réellement qu'elles sont les lois de leurs pays. Par exemple, en
France, les mariages entre cousins sont parfaitement légaux. De
même, il est permis, sous dispense accordée par le Président de la
République, d'épouser sa nièce, son neveu, son oncle ou sa tante.
En Belgique, pour prendre l'exemple du pays dans lequel moi-même je
vis, les mariages entre cousins sont légaux, mais pas les mariages
avec sa tante, son oncle, sa nièce ou son neveu. Comme vous pouvez
le voir, la législation peut varier d'un pays à l'autre, même
lorsqu'ils sont voisins.
Pour
ceux qui croient encore que la mariage entre cousins serait
problématique, je vous invite à lire cet
article.
Il
est dit dans la Tôroh qu'il est interdit d'y ajouter ou retirer
quoique ce soit. En méprisant ce que la Tôroh a autorisé, vous
transgressez justement l'interdiction de retirer au contenu de la
Tôroh ! Or,
la Tôroh d'HaShem est parfaite !
1Yavomôth
62b-63a
2C'est-à-dire,
qui la traite avec respect, comme si elle était une partie de son
propre corps
3`iyôv
5:24
4Une
pièce de monnaie de l’époque talmudique
5Yasha´yohou
58:9
6Ibid.,
versets 6 à 9
7Tôsafto`,
Qiddoushin 1:2
8Afin
de l'épouser
9Tôsofôth
sur Yavomôth 62b
10Voir
Davorim 25:5-10
11Yavomôth
1:1
12Commentaire
sur la Mishnoh, Nadhorim 8:5
13Hilkôth
`issouré Bi`oh 2:14
14Sur
Yavomôth 62b
15Yadh
Rama''h, Sanhédhrin 76b
16`avan
Ho´azar 2:6 et
15:25