ב״ה
De
l'interdiction de s'adonner aux augures
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La
Tôroh nous raconte l'histoire de `ali´azar, le principal serviteur
de `avrohom `ovinou ע״ה,
qui fut notamment envoyé pour trouver une épouse à Yishoq
`ovinou ע״ה
dans
la famille du frère de `avrohom, à Horon. `ali´azar élève
une prière à HaShem ית׳
lorsqu'il
approche de la ville, dans laquelle il demande la Siya´to`
Dishamayo` (assistance céleste) et établit les termes par lesquels
il choisira l'épouse la plus appropriée pour le fils de son
maître : il s'approchera d'un puits et demandera à l'une des
femmes de la ville un peu d'eau à boire. La fille qui répondra
favorablement et lui offrira de l'eau ainsi qu'à ses chameaux sera
l'élue destinée à épouser Yishoq.
Le
Ramba''m ז״ל
fait
mention de cet incident dans son Mishnéh Tôroh, dans sa discussion
sur l'interdiction de נִחוּשׁ
« Nihoush
– augurer. » Il écrit ceci1 :
On
ne doit pas se livrer aux augures, comme les Gôyim, ainsi qu'il
est dit2 :
« vous ne
vous livrerez pas aux augures. »
Qu’est-ce qu'augurer ? Par exemple, ceux qui disent :
« Puisque
mon morceau de pain est tombé de ma bouche »
ou « [Puisque]
mon bâton m’a échappé de la main, je n’irai pas à tel
endroit aujourd’hui, car si je m’y rends, je ne réussirai pas
dans mon entreprise. »
[Ou encore :] « Puisqu’un
renard est passé à ma droite, je ne franchirai pas le seuil de
ma maison aujourd’hui, car si je sors, je serai abordé par un
escroc. »
De même en est-il de ceux qui écoutent les gazouillements des
oiseaux et disent : « Ceci
aura lieu »
ou « cela
n’aura pas lieu »,
« Il
convient de faire ceci »
ou « Il
ne convient pas de faire cela. »
De même, [sont inclus] ceux qui disent : « Égorge
ce coq, car il a chanté comme un corbeau »,
« Égorge
cette poule car elle a chanté comme un coq. »
De même, celui qui établit des signes pour lui-même, [disant :]
« S’il
m’arrive ceci, je ferais cela. Et si cela ne m’arrive pas, je
ne ferai pas »,
comme `ali´azar, l’esclave de `avrohom, et de même toutes [les
pratiques] semblables, tout ceci est défendu. Quiconque accomplit
un acte en fonction d’une de ces augures se voit infliger la
flagellation.
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אֵין
מְנַחֲשִׁין כַּגּוֹיִים,
שֶׁנֶּאֱמָר
"לֹא
תְנַחֲשׁוּ".
כֵּיצַד
הוּא הַנִּחוּשׁ:
כְּגוֹן
אֵלּוּ שֶׁאוֹמְרִין הוֹאִיל וְנָפְלָה
פִּתִּי מִפִּי,
אוֹ
נָפַל מַקְלִי מִיָּדִי,
אֵינִי
הוֹלֵךְ לְמָקוֹם פְּלוֹנִי הַיּוֹם,
שְׁאִם
אֵלֵךְ אֵין חֲפָצַי נַעֲשִׂין;
הוֹאִיל
וְעָבַר שׁוּעָל מִיְּמִינִי,
אֵינִי
יוֹצֶא מִפֶּתַח בֵּיתִי הַיּוֹם,
שְׁאִם
יָצָאתִי,
יִפְגָּעֵנִי
אָדָם רַמָּאי.
וְכֵן
אֵלּוּ שֶׁשּׁוֹמְעִין צִפְצוּף
הָעוֹפוֹת וְאוֹמְרִין יִהְיֶה כָּךְ
וְלֹא יִהְיֶה כָּךְ,
טוֹב
לַעֲשׂוֹת דָּבָר פְּלוֹנִי וְרָע
לַעֲשׂוֹת דָּבָר פְּלוֹנִי.
וְכֵן
אֵלּוּ שֶׁאוֹמְרִין שְׁחֹט תֻּרְנְגוֹל
זֶה שֶׁקָּרָא עַרְבִּית,
שְׁחֹט
תֻּרְנְגֹלֶת זוֹ שֶׁקָּרָאת כְּמוֹ
תֻּרְנְגוֹל.
וְכֵן
הַמֵּשִׂים לְעַצְמוֹ סִימָנִים,
אִם
יֵארַע לִי כָּךְ וְכָּךְ אֶעֱשֶׂה
דָּבָר פְּלוֹנִי,
וְאִם
לֹא יֵארַע לֹא אֶעֱשֶׂה,
כֶּאֱלִיעֶזֶר
עֶבֶד אַבְרָהָם.
וְכָל
כַּיּוֹצֶא בַּדְּבָרִים הָאֵלּוּ,
הַכֹּל
אָסוּר;
וְכָל
הָעוֹשֶׂה מַעֲשֶׂה מִפְּנֵי דָּבָר
מִדְּבָרִים אֵלּוּ,
לוֹקֶה
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Établir
des « signes » pour soi-même, en disant « Si
telle ou telle chose m'arrive, je ferai ceci ou cela, et si cela
n'arrive pas, alors je ne le ferai pas », est, du point de
vue du Ramba''m, défendu à titre de Nihoush, et il mentionne
explicitement l'exemple du « signe » de `ali´azar.
Le
Ra´ava''dh ז״ל
et
d'autres ne sont pas d'accord avec l'approche du Ramba''m d'inclure
le « signe » de `ali´azar dans le Nihoush défendu
par la Tôroh, faisant remarquer la fameuse tradition rabbinique qui
vante la piété de `ali´azar. Est-il possible, se demandent les
opposants du Ramba''m, qu'un Saddiq tel que `ali´azar, que le
Midhrosh décrit comme étant un homme qui « puisait de
l'enseignement de son maître et le versait pour d'autres
personnes », ait pu transgresser cette grave interdiction
biblique de Nihoush ?
Mais
plusieurs autres autorités défendent l'approche du Ramba''m et
offrent de nombreuses explications pour la justifier. La plus connue
est certainement celle du Ra''n ז״ל.
Dans sa collection de Daroshôth3,
il explique qu'en vérité le Ramba''m ne désapprouve pas le signe
de `ali´azar. Il défend plutôt uniquement des signes qui n'ont
aucune relation logique avec la décision à prendre.
Par exemple, le Ramba''m mentionne dans le passage susmentionné la
croyance superstitieuse selon laquelle on ne doit pas sortir de chez
soi si un renard est passé à sa droite. Quel lien y a-t-il entre le
fait qu'un renard soit passé à notre droite et le fait de
s'interdire alors de sortir de chez soi ? Aucun ! De même,
il mentionne la croyance superstitieuse selon quoi, puisque notre
pain a glissé de notre bouche lorsqu'on mangeait, on doit
s'interdire ce jour-là de s'adonner à une activité professionnelle
ou financière, car on échouera dans tout ce que l'on entreprendra.
Là encore, il n'y aucun lien entre l'événement et la décision que
l'on a prise. Mais `ali´azar a pris sa décision sur la base d'un
indicateur intrinsèquement logique, à savoir, la Middoh de Hasadh
(bonté, générosité) de la jeune femme. Il recherchait une
femme bonne et généreuse, et par conséquent il a décidé qu'il
choisirait une femme qui lui proposerait généreusement plus d'eau
que ce dont il avait réellement besoin. Le Ramba''m ne renvoyait au
« signe » de `ali´azar, non pas pour nous dire qu'il a
transgressé l'interdiction de Nihoush, mais pour nous
expliquer que la définition même de Nihoush implique de
prendre des décisions sur la base d'une certaine occurrence. En
règle générale, une telle tactique est défendue, car dans la
plupart des cas il n'y a pas de lien entre l'événement et la
décision prise. Mais dans ce cas-ci, elle était permise à cause du
lien logique qui existait entre l'événement en question et la
décision qui en a résulté. En incluant le signe de `ali´azar, le
Ramba''m veut attirer notre attention sur le fait que la frontière
entre ce qui est permis ou défendu en matière de Nihoush est
très mince, et beaucoup, en se basant sur l'exemple de `ali´azar,
pourraient en arriver à tomber dans un Nihoush prohibé,
étant incapables de comprendre la limite de l'usage de telles
tactiques pour prendre des décisions.
Cette
distinction entre ces deux sortes de Nihoush nous aide à
clarifier l'idée sous-jacente de cette interdiction. Les gens
doivent prendre des décisions sur la base de raisonnements solides
et minutieux. Lorsque quelqu'un prend une décision sur la base
d'événements arbitraires, il se dédouane en fait de toute
responsabilité personnelle pour les choix qu'il a faits. De même en
est-il de celui qui se lance à l'aventure, sans penser à l'avenir,
ni prendre le temps de se préparer comme il faudrait, en se disant
tout simplement « HaShem s'occupera de tout ! »
Si un agriculteur n'a pas pris le temps de travailler son champ,
prier HaShem pour la pluie est une folie, car à quoi lui servira la
bénédiction de la pluie alors qu'il n'a pas travaillé son champ ?
Au lieu d'être une bénédiction, ce sera pour lui une malédiction !
La bénédiction ne peut tomber que dans un Kali (réceptacle) bien
préparé !
Plutôt
que de penser en fonction de la situation afin de décider de la
suite des événements et des mesures à prendre, l'individu recourt
à des tactiques hasardeuses, à du « pile ou face », à
du « Tant pis, ça marche ou ça casse », qui ne
donnent pas nécessairement le résultat le plus désirable. Et même
se lancer à l'aventure sans prendre la peine de réfléchir à
toutes les conséquences et problèmes pratiques, mais en se disant
qu'HaShem s'occupera de tout, est une forme de superstition. C'est
pourquoi HaZa''l nous ont dit : « Qui est sage ?
C'est celui qui voit les conséquences de ses actes avant de les
accomplir », c'est-à-dire, celui qui prend le temps de
peser tous les pour et les contre, les bienfaits et les éventuelles
conséquences, et qui se prépare du mieux possible avant de
finalement passer à l'acte. En réalité, il est même défendu de
prendre une décision irrationnelle ou dangereuse en comptant sur un
miracle du Ciel, car c'est ce qui s'appelle mettre HaShem à
l'épreuve, ce qui est strictement défendu.4
La
superstition dépouille l'être humain de sa faculté la plus vitale,
à savoir son intellect, et cela devient alors pour lui une excuse
pour ne pas assumer sa part de responsabilité dans ses échecs. Il
se rassure en se disant que s'il a échoué c'est parce qu'il y a eu
ceci ou cela, ou simplement parce qu'HaShem voulait qu'il échoue.
Mais il ne se dira pas « J'ai échoué, car je n'ai pas
analysé la situation comme il fallait » ou « parce
que je me suis basé sur quelque chose de complètement irrationnel
ou inapproprié », ou « parce que je n'ai pas
pris la peine de bien préparer ce que je voulais faire »,
ou « parce que je n'ai pas voulu regarder la réalité des
conséquences possibles en face. » D'autres se
rassurent en disant que c'est le hasard ou le destin !
C'est
pourquoi le Ramba''m permet de déterminer la suite à donner à des
événements uniquement sur la base de décisions bien réfléchies
et de raisonnements solides et minutieux, comme dans le cas de
`ali´azar, et non sur la base de « signes » aléatoires,
hasardeux et superstitieux.
1Hilkôth
´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 11:4
2Wayyiqro`
19:26
3Daroshoh
n°12
4Davorim
6:16