בס״ד
La
pratique consistant à écrire « B''H » ou « BS''D »
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Les
lettres ב״ה
« B''H »
et בס״ד
« BS''D »
sont très populaires, apparaissant sur l'entête de n'importe quoi,
de courriers aux sites Internet en passant par les journaux et les
e-mails. On peut même les retrouver sur des cartes de visite de
plombiers Juifs. Sur pratiquement tous les documents écrits
d'aujourd'hui, nous pouvons retrouver ces lettres en guise d'en-tête.
Ce qui est frappant que que, parmi les Pôsqim majeurs, il n'existe
aucune source à cette pratique. Pas un passage dans le Mishnéh
Tôroh, le Shoulhon ´Oroukh, ou encore le Mishnoh Barouroh... Et
pourtant, c'est considéré être une norme dans de nombreux milieux
religieux. Y a-t-il une base à ce Minhogh ?
Les
Responsas contemporaines renvoient toujours à des sources
relativement récentes pour expliquer cette pratique. Or, le point de
départ pour répondre à notre question est le Talmoudh, dans lequel
nous lisons ceci1 :
Le
trois Tishri, la mention [du nom de Dieu] sur les contrats fut
abolie2,
car le gouvernement Grec3
avait décrété que le nom des Cieux ne devait plus être
mentionné par leurs bouches4,
et lorsque le gouvernement Hasmonéen se renforça et les
vainquit, ils promulguèrent qu'ils devaient mentionner le nom des
Cieux même sur les contrats, et ils avaient ainsi l'habitude
d'écrire : « En l'an unetelle de Yôhonon,
Kôhén Godhôl, au Dieu Très-Haut ». Mais lorsque les
Sages en entendirent parler, ils dirent : « Demain,
cet homme paiera sa dette et le contrat sera jeté dans un gros
tas de fumier ! », et ils les firent cesser [cette
pratique] et firent de ce jour un jour de fête.
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בתשרי
בטילת אדכרתא מן שטרייא שגזרה מלכות
יון <גזרה>
{שמד}
שלא
להזכיר שם שמים על פיהם וכשגברה מלכות
חשמונאי ונצחום התקינו שיהו מזכירין
שם שמים אפילו בשטרות וכך היו כותבים
בשנת כך וכך ליוחנן כהן גדול לאל עליון
וכששמעו חכמים בדבר אמרו למחר זה פורע
את חובו ונמצא שטר מוטל באשפה וביטלום
ואותו היום עשאוהו יו"ט
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Les
Syro-Grecs, parmi les nombreux décrets qu'ils imposèrent aux
Israélites, avaient interdit la mention du nom de Dieu. C'est
pourquoi les Hasmonéens, après leur victoire, décidèrent d'aller
jusqu'à l'autre extrême : ils décrétèrent qu'une mention de
Dieu devait se retrouver sous quelque forme que ce soit sur tous les
documents, peu importe que le contenu n'avait aucun rapport avec un
sujet de Tôroh. Nos Sages de mémoire bénie exprimèrent une
inquiétude évidente face à cette pratique, à savoir que les gens
se mettent à écrire le nom de Dieu sur, par exemple, un contrat
d'achat ou de vente. Une fois que l'achat aurait été achevé, et
qu'il n'y aurait plus aucun besoin du document, il finirait par être
jeté dans les ordures. Par conséquent, ils mirent fin à cette
pratique. La date à laquelle ce Minhogh fut abolie par nos Sages de
mémoire bénie est le 3 Tishri, qui est de nos jours la date du
Jeûne de Gédhalyoh. (Dans les temps Mishnaïques, étant donné que
le Temple existait, le 3 Tishri n'était pas célébré comme un jour
de jeûne, car les quatre jeûnes mentionnés dans le TaNaK''h à la
suite de la destruction du Premier Temple n'étaient pas en vigueur
tout le temps de l'existence du Deuxième Temple.) Mais pourquoi
avoir fait de ce jour un jour de fête ? Rash''i זצ״ל
explique
que cette pratique fut très rapidement adoptée par l'ensemble du
peuple et nos Sages de mémoire bénie avaient peu d'espoir de
parvenir à l'abolir. Dans un certain sens, le fait qu'ils parvinrent
à la faire abolir avec le consentement du peuple fut quelque peu
miraculeux. C'est pourquoi ils instituèrent un Yôm Tôv à cette
date. (La Maghillath Ta´anith nous parle d'une très longue liste de
fête qui étaient célébrées dans les temps mishnaïques et
talmudiques, mais qui ne le sont plus aujourd'hui.)
Nos
Sages ont donc interdit cette pratique consistant à écrire le nom
de Dieu même sur des contrats. (Cela pourrait expliquer pourquoi
ceux qui traitent du sujet ne mentionnent que des sources
relativement récentes ; la pratique est si répandue qu'il est
préférable de ne pas dire que nos Sages l'ont interdite dans le
Talmoudh.) C'est pourquoi il n'y a aucune mention à ce Minhogh dans
le Mishnéh Tôroh, le Shoulhon ´Oroukh, ou encore le Mishnoh
Barouroh.
Tentons
à présent de comprendre l'erreur des Syro-Grecs, ainsi que celle
des Hasmonéens, car cela nous permettra de comprendre du même coup
les excès que l'on constate à notre époque concernant cette
pratique d'écrire « B''H » ou « BS''D » sur
l'entête de tous les documents, peu importe que leur contenu ne
serait pas religieux.
Quel
était l'objectif recherché par les Syro-Grecs en interdisant aux
Israélites toute mention du nom de Dieu ? Dans toute religion,
la divinité qui est adorée et la religion elle-même sont
intrinsèquement liées l'une l'autre. La divinité existe pour la
religion, et la religion (ainsi que ses adhérents) existe pour
servir la volonté de la divinité. L'objectif des Syro-Grecs était
de briser ce lien, de « tuer » la Divinité des
Israélites en interdisant toute mention de cette Divinité. En
rendant illégale la seule mention de Son nom, la cassure entre les
deux serait entière, les rapprochant ainsi de leur objectif de
destruction du Judaïsme.
Les
Hasmonéens, après avoir assuré leur victoire militaire sur les
Syro-Grecs, décidèrent de démontrer un défaut significatif dans
le raisonnement des Syro-Grecs et de la plupart des autres nations.
Dans les autres religions, la divinité est, dans un certain sens,
limitée par la religion elle-même. Mais HaShem ית׳
est
qualitativement différent à cet égard. Il existe en-dehors de la
religion, car Il est le Créateur de l'univers. Peu importe que le
peuple d'Israël ait existé ou pas, cela n'aurait eu aucun effet sur
HaShem ; Il est omniscient, omnipotent et omniprésent. Les
Hasmonéens voulurent démontrer cela par le fait d'inclure le nom de
Dieu dans tous les domaines extra-religieux. Désormais, chaque
document contiendrait une référence à HaShem, montrant par-là
qu'Il ne devait pas être considéré comme étant intrinsèquement
lié au peuple d'Israël, mais qu'Il transcendait non seulement la
religion mais également tout l'univers.
Bien
que cette idée des Hasmonéens soit philosophiquement valable et
appropriée, elle est également dangereuse, comme cela nous est
démontré par la décision prise par HaZa''l de mettre fin à
ce Minhogh. Le problème n'était pas seulement la possibilité
pratique que les gens finissent par jeter le document à la suite
d'un oubli que le nom de Dieu s'y trouvait ou parce que le document
n'avait plus d'utilité ; tout cela, c'est évident et les gens
l'auraient compris sans l'avis de HaZa''l. En fait, l'inquiétude
principale de HaZa''l était le changement de perception des
différents noms et descriptions de Dieu, car à force de les écrire
partout et pour tout et n'importe quoi, l'importance des noms et
descriptions de Dieu finirait par être minimisée, au point que les
gens n'en arrivent à se débarrasser des documents sur lesquels se
trouvent les noms et descriptions de Dieu. Quand on se réfère à
HaShem comme étant « le Dieu Très-Haut », nous ne Lui
offrons pas seulement une louange. À l'intérieur de cette
description se retrouve une idée, un concept, concernant HaShem, une
plus grande perception de Lui. On pourrait en dire de même sur
n'importe quelle autre sorte de description. Chacune sert de véhicule
menant à une idée spécifique, toutes liées à la connaissance
d'HaShem. Marquer le nom de Dieu sur tout document aurait pour effet
d'amener le nom de Dieu à devenir mondain, transgressant ainsi
l'interdiction biblique de mentionner Son nom en vain. Après un
certain point, mentionner Son nom ne sera plus une porte vers une
plus grande connaissance de Dieu. Au contraire, cela deviendra une
chose ordinaire. Et une fois qu'on en arrive à ce stade, la personne
finira par le jeter. Elle ne fera plus la distinction entre
l'importance et la sainteté du nom de Dieu et la non importance du
document sur lequel elle a inscrit le nom de Dieu ! Par
conséquent, il était impératif pour HaZa''l
de mettre fin à cette pratique.
Ainsi,
si nous nous arrêtions là, nous pourrions conclure que toute
mention de Dieu sur un document profane, que ce soit sur une carte de
visite ou à l'entête d'un e-mail, doit être évité. En effet,
tout ce que nous avons vu plus haut interdit clairement la mention
d'HaShem sur des documents profanes. Néanmoins, la pratique actuelle
est une tentative de « contourner le problème » soulevé
par HaZa''l. HaZa''l ont interdit toute mention des
noms de Dieu sur les documents profanes. Afin de respecter cette
interdiction, tout en honorant le décret des Hasmonéens (que
HaZa''l ont pourtant annulé), certains Juifs ont d'abord
développé le Minhogh d'écrire ב״ה
« B''H »,
qui est l'acronyme de ברוך
השם « Boroukh
HaShem » (béni soit HaShem) ou בעזרת
השם « Ba´azrath
HaShem » (avec l'aide d'HaShem). Ainsi, ils font mention
d'HaShem sur des documents profanes conformément au décret des
Hasmonéens, mais sans pour autant mentionner l'un des noms de Dieu,
conformément à l'interdiction des Sages. Il existe un grand débat
quant à savoir quand est-ce que ce Minhogh a commencé et qui y
adhérait. Par exemple, il semblerait que les rabbins de l'école de
Brisq ou encore le Hatho''m Sôfér זצ״ל
n'écrivaient
jamais « B''H », ni quoi que ce soit en fait, à l'entête
de leurs documents. De l'autre côté, le Hiddoushé HaRi''m
(Rabbi Yishoq Mé`ir Alter, 1798-1866. Il fut le premier
Gourrer Rebbe) et le Safath `Amath (Rabbi Yahoudhoh `Aryéh Leib
Alter, 1847-1905. Il fut le deuxième Gourrer Rebbe) écrivaient tous
les deux « B''H » en entête de leurs documents.5
Le débat concernant qui écrivait et qui n'écrivait pas « B''H »
n'a rien à voir avec une compétition, mais sert à illustrer le
fait que ce Minhogh n'était pas, et n'est toujours pas,
universellement accepté, car il n'est basé sur aucune Halokhoh de
HaZa''l.
Ce
qui est encore plus intéressant est que ce Minhogh, qui n'est en
rien une Halokhoh, donna naissance à une Houmroh discutable.
Dans la Responsa citée plus haut (note de bas de page 5), le Basél
Hokhmoh discute du « problème » potentiel qu'il y
aurait avec le « H » de « B''H ». Le
Radhba''z (Rabbi Dowidh ban Shalômôh `Ibn `Abi Zimro´, 1479-1573)
explique que si quelqu'un écrit une lettre d'un nom de Dieu avec
l'intention d'écrire l'entièreté du nom de Dieu, il est alors
interdit d'effacer cette lettre. Par exemple, écrire le `Alaf du nom
אלהים
« `Alôhim »,
puis s'arrêter sans écrire le reste des lettres de ce nom de Dieu
aura pour conséquence que bien qu'on ait écrit qu'une seule lettre
et non le nom en entier, on ne pourra plus effacer ce `Alaf. C'est
sur la base de cette décision du Radhba''z qu'une question fut
soulevée lorsque se développa la pratique consistant à écrire
« B''H » en entête des documents profanes : y
avait-il un problème à écrire le « H » ? La
stupidité dans cette question est que la lettre « H »
signifie « HaShem », qui n'est pas l'un des noms de Dieu
mentionnés dans la Tôroh. (« HaShem » est une
circonvolution servant simplement à ne pas dire ou écrire « YHWH ».
Ce n'est donc pas un des noms sacrés de Dieu et il n'est pas
mentionné dans la Tôroh.) Par conséquent, il n'y a aucune raison
pour laquelle ce serait un problème. Et c'est le consensus général
des Pôsqim. Mais dans cette Responsa susmentionnée, l'auteur écrit
que celui qui choisit toutefois d'écrire « BS''D » (qui
est l’acronyme de בסיעתא
דשמיא « Basi´atho`
Dishmayo` - avec l'aide des Cieux ») plutôt que « B''H »
est digne de louange. On peut se demander pourquoi, puisque
l'écrasante majorité des Pôsqim sont d'accord sur le fait que
« HaShem » n'est pas un des noms de Dieu.
Deux
Pôsqim contemporains se sont le plus penchés sur la pratique
consistant à écrire « B''H » ou « BS''D »
en entête de tout document, à savoir le Rov ´Ôvadhyoh Yôséf et
HoRov Môshah Feinstein זצ״ל.
(Ils sont cités, non en guise d'approbation, mais parce que ce sont
les deux qui se sont le plus documentés sur le sujet.) Le premier a
retracé ce Minhogh en citant les opinions de nombreux Pôsqim de
diverses époques. Il remarque le problème que constitue le fait
d'écrire le nom de Dieu sur un document profane, comme cela est
mentionné dans le Talmoudh (il cite d'ailleurs la source talmudique
que nous avons rapportée plus haut) ; par conséquent, il est
d'avis qu'il n'y a pas de problème à écrire « B''H »
(puisque HaShem n'est pas l'un des noms de Dieu). Il conclut sa
Responsa en disant qu'il est non seulement permis d'écrire « B''H »,
mais qu'en plus c'est une très bonne pratique à suivre.6
On peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles il soutient une
telle position, étant donné qu'il n'offre aucune raison pouvant
justifier d'écrire « B''H » sur des documents profanes
(sans contenu religieux).
Quant
au deuxième, il note le Minhogh qu'ont beaucoup de Juifs d'écrire
« B''H » sur tous les documents et il questionne les
raisons d'une telle pratique. Il se demande même comment des Juifs
osent associer Dieu à un document profane qui contient des propos
insensés ou quelque chose d'interdit, tel que du Loshôn Horo !
En effet, beaucoup de religieux, même lorsqu'ils publient un
document remplit de Loshôn Horo` à l'égard de quelqu'un d'autre,
écrivent « B''H » en entête du document calomniateur !
Ils ne réfléchissent même plus qu'ils écrivent « Boroukh
HaShem » ou « Ba´azrath HaShem » sur un document
dans lequel ils calomnient d'autres personnes ! D'autres encore
écrivent « B''H » en entête d'e-mails alors qu'il n'y a
aucun contenu religieux dans les e-mails qu'ils envoient (parfois
même, ces e-mails contiennent des bêtises). Comment osons-nous donc
associer HaShem à ces sottises, voire même à des transgressions ?
C'est précisément pour cela que nos Sages ont interdit de
mentionner les noms d'HaShem sur des documents profanes, et c'est ce
qu'ils voulaient dire quand ils ont exprimé leur crainte que les
gens finissent par jeter ces documents dans les tas de fumier :
ils craignaient que cela devienne tellement banal de mentionner
HaShem qu'on finirait par le fait même pour des stupidités,
futilités et choses contraire à la Tôroh et la volonté d'HaShem.
Quand on mentionne HaShem pour tout et n'importe quoi, on finit par
faire de la mention d'HaShem une banalité ! Le Rov Feinstein
conclut sa Responsa en insistant sur le fait que toutefois, HaShem
n'étant ps l'un des noms de Dieu il n'y a aucune raison de
s'inquiéter en écrivant « B''H », mais que si quelqu'un
est gêné de l'écrire il n'y a alors aucun soucis à écrire
« BS''D » à la place.7
Cependant, à l'évidence, le Rov Feinstein n'exprimait pas un
soutien envers cette pratique, mais juste le fait que puisqu'il ne
s'agit pas de noms de Dieu, il n'y avait pas de problème halakhique.
1Rô`sh
Hashonoh 18b
2C'est
une phrase tirée de la Maghillath Ta´anith que va à présent nous
expliquer la Baraytho`
3Il
s'agit plus précisément des Syro-Grecs, à l'époque des
événements de Hanoukkoh
4C'est-à-dire,
les Israélites n'avaient plus le droit de mentionner le nom de
Dieu, verbalement ou par écrit
5Shou''th
Basél Hokhmoh 4:105
6Yabia`
`Ômér 3:76
7`Iggarôth
Môshah, Yôréh Dé´oh 2:138