jeudi 13 août 2015

Le livre de `Iyôv soutient-il la doctrine de la réincarnation ?

ב״ה

Le livre de `Iyôv soutient-il la doctrine de la réincarnation ?


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Question :

Que pense les rav (chlitta) des chapitres 33:29-30 du sefer Iyyove qui soutiendraient la théorie de la réincarnation ?

Réponse :

La doctrine de la réincarnation est née des Kabbalistes au 13ème siècle. Avant cela, bien qu'une petite poignée de gens y croyaient à l'époque des Ga`ônim, ils n'y croyaient pas sur base de preuves textuelles mais pour d'autres raisons, car il n'y a aucune trace de réincarnation dans nos textes, que ce soit le TaNa''Kh ou le Talmoudh ! C'est seulement depuis l'ère des Kabbalistes, avec le Ramba''n זצ״ל en tête, que certains passages commencèrent à être interprétés comme se référant à la réincarnation. Les passages de `Iyôv 33:29-30 sont un cas d'école de passages ayant toujours été compris dans un sens bien particulier et sans équivoque par tous, mais qui depuis l'ère des kabbalistes reçurent un tout autre sens que l'on considère comme allant de soi. De ce fait, la vraie question à se poser est : comment ces passages étaient-ils interprétés du temps de nos Sages et les générations pré-kabbalistiques ?

Avant de répondre à la question, reproduisons ces versets bibliques :

`Iyôv 33:29-30
Voyez, tout cela, Dieu le fait deux ou trois fois en faveur de l'homme, pour ramener son âme des bords de l'abîme, et l'éclairer de la lumière des vivants.
הן-כל-אלה, יפעל-אל-- פעמים שלוש עם-גבר להשיב נפשו, מני-שחת-- לאור, באור החיים

Le Ramba''n fut le tout premier à voir dans ses versets une preuve de la doctrine de la réincarnation. Mais ce ne fut jamais le sens qu'ont eu ces versets avant lui. Voici ce que nous lisons dans le Talmoudh Bavli :

Yômo` 86b
Il a été enseigné : Rébbi Yôsé bar Yahoudhoh dit : « Si un homme commet une transgression, la première fois on lui pardonne, la deuxième fois on lui pardonne, la troisième fois on lui pardonne, la quatrième fois on ne lui pardonne pas, car il est dit1 : ''Ainsi parle HaShem : pour trois péchés d'Israël, et à cause du quatrième, Je ne renverserai pas [Mon décret]'', et il est dit [aussi]2 : ''Voyez, tout cela, Dieu le fait deux ou trois fois en faveur de l'homme''. Bien. À quoi sert le ''et il est dit [aussi]'' On aurait pu penser que cela ne s'applique qu'à une communauté, mais pas à un individu3 ; c'est pourquoi, viens entendre [le verset supplémentaire] : ''Voyez, tout cela, Dieu le fait deux ou trois en faveur de l'homme''. »4
תניא רבי יוסי בר יהודה אומר אדם עובר עבירה פעם ראשונה מוחלין לו שניה מוחלין לו שלישית מוחלין לו רביעית אין מוחלין לו שנאמר כה אמר ה' על שלשה פשעי ישראל ועל ארבעה לא אשיבנו (ונאמר) [ואומר] הן כל אלה יפעל אל פעמים שלש עם גבר מאי ואומר וכי תימא הני מילי בציבור אבל ביחיד לא תא שמע הן כל אלה יפעל אל פעמים שלש עם גבר

Ces versets de `Iyôv n'ont absolument rien à voir avec la réincarnation mais le nombre de fois que l'on est pardonné pour avoir commis le même péché à plusieurs reprises. Notez d'ailleurs que les versets ne disent pas qu'HaShem ית׳ ramène l'homme de la mort mais « du bord de l’abîme », ce qui signifie que l'homme n'y est pas tombé, juste qu'il est sur le point d'y tomber. On ne parle pas d'un homme qui est mort, mais d'un homme sur le point de tomber dans l’abîme, sur le point de s’enfoncer, sur le point d'atteindre le point de non retour. Par amour et miséricorde, HaShem nous pardonne maximum trois fois les péchés les plus graves. Si ce péché grave est commis une quatrième fois, c'est le point de non retour où Il nous laisse nous enfoncer et mourir dans notre péché, tout comme Il n'a pas pardonné la quatrième fois que les Israélites s'étaient collectivement adonnés à l’idolâtrie et les a donc laissé s'enfoncer ou périr dans leurs fautes, sans plus aucune possibilité de pardon.

Nos Sages s'appuient en outre sur des passages du TaNa''Kh qui démontrent qu'HaShem considère comme morts les gens qui vivent dans le péché comme une routine de vie. Bien qu'ils soient physiquement vivants, ils sont spirituellement morts. Voilà pourquoi celui qui est pardonné de ses péchés péchés graves et ne les commet pas une quatrième fois est considéré comme ayant joui de la lumière des vivants, car se repentir du péché pour ne plus le commettre est une renaissance spirituelle. C'est aussi simple que cela. C'est également de cette façon que sont interprétés ces versets dans le Talmoudh Yarousholmi5.

Voilà pourquoi, en commentant ces versets de `Iyôv, Rash''i זצ״ל écrit ceci :

Deux ou trois fois : Il le châtie pour ses iniquités par sa maladie [dont il est atteint] afin de ne pas le détruire, mais s'il Le provoque davantage, il doit s'inquiéter du Géhinnom ou de la mort, car il est dit : « et à cause du quatrième, Je ne renverserai pas [Mon décret] ».
פעמים שלש - מייסרו על עונותיו בחליו שלא להשחיתו ואם יותר יכעיס לפניו ידאג מן גיהנם ומן המיתה שנאמר ועל ארבעה לא אשיבנו

Rash''i ne fait que confirmer tout ce qui a été dit plus haut dans le Talmoudh ! HaShem nous punit par des plaies, comme la maladie, des malheurs, etc., les deux ou trois premières fois que l'on commet un péché grave. Mais à partir de la quatrième fois, il est possible qu'Il ne pardonne plus et nous condamne à la mort ou au Géhinnom ! Et c'est également de cette manière que ces versets sont expliqués par le Ramba''m זצ״ל et tous ceux qui ont précédé l'ère des Kabbalistes, qui commence à partir du 13ème siècle. Donc, rien à voir avec la réincarnation soutenue et développée par le Ramba''n !

En outre, tous les versets de ce chapitre 33 de `Iyôv qui précèdent les versets 29 et 30 démontrent par eux-mêmes que le thème de ce chapitre est le pardon des péchés de l'homme. Il est très facile d'isoler des versets de leur contexte environnants et leur faire dire ce qu'ils ne disent pas !

Cela doit nous servir de leçon sur l'attitude à adopter vis-à-vis des enseignements et doctrines défendus dans tout milieu, mouvement religieux ou communauté post-talmudique. Nous ne devons pas croire quelque chose sur la seule base qu'un éminent rabbin ou un Rebbe a défendu cette position, ni sur la base qu'un très grand nombre de Juifs soutiennent cette position. Ce qui doit compter pour nous est ce que dit la Tôroh et comment nos Sages de mémoire bénie ont interprété et expliqué la chose. La Qabboloh n'a pas toujours fait partie du Judaïsme, tout comme le Hassidisme n'a pas toujours fait partie du Judaïsme. Le premier est un mouvement né à partir du 13ème siècle, tandis que le deuxième est un mouvement né à partir du 18ème siècle. De ce fait, ils contiennent forcément des faussetés, des inexactitudes philosophiques et doctrinales quelques part, ainsi que des innovations. Ce qui est bien et vrai dans ces courants du Judaïsme doit être accepté, mais ce qui n'est pas conforme à la Tôroh ou aux enseignements de nos Sages de mémoire bénie doit être rejeté, même si cela vient d'éminents hommes comme le Ramba''n, le Ba´al Shém Tôv ou encore Rabbi Nahmon de Breslev.

Nous ne sommes pas des suiveurs d'hommes mais des suiveurs d'HaShem

Concluons en rappelant que la doctrine de la réincarnation n'a pas toujours fait partie de la Qabboloh. En effet, parmi les premiers kabbalistes, beaucoup rejetaient la doctrine de la réincarnation. Aucun texte traditionnel n'avait jamais soutenu la véracité d'une telle doctrine avant le Ramba''n. Par conséquent, plusieurs kabbalistes la rejetèrent.

1´Omôs 2:6
2`Iyôv 33:29
3Le premier verset cité parle de péchés collectifs du peuple d'Israël. On pourrait donc penser que ce principe consistant à être pardonné pas plus de trois fois ne s'appliquait que pour les péchés de la collectivité et non pour les péchés individuels
4C'est-à-dire que le même principe s'applique également pour les péchés individuels
5Sanhédhrin 10:1
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