ב״ה
Le
« premier Shama´ »
Quelle
est son origine et doit-on encore le réciter ?
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L'un
des plus gros problèmes que posent l’industrialisation et la
standardisation des Siddourim est que la plupart des gens qui les
utilisent n'ont en réalité aucune idée de ce qu'ils disent et
font, car ils partent de la supposition que si tel ou tel texte est
imprimé dans un Siddour c'est qu'il faut forcément le réciter.
Mais ils oublient que certaines des prières imprimées dans les
Siddourim ne furent jamais composées pour être imposées à tout le
monde et que bon nombre d'entre elles sont en réalité liées à des
époques spécifiques et n'ont plus lieu d'être récitées. Et
contrairement à ce que disent les pseudos « conservateurs »,
il n’existe aucune interdiction de retirer les prières se trouvant
dans les Siddourim, surtout lorsqu'elles ne proviennent pas de
HaZa''l ou encore qu'elles se rapportent à des époques
obsolètes. D'ailleurs, certaines communautés ne disent plus
certaines prières ayant été composées pour des époques
particulières, et cela est clairement indiqué dans les Siddourim
qu'ils utilisent.
Nous
allons illustrer ici l'ignorance qui existe autour des textes qui
composent les livres de prières modernes.
Si
vous jetez un coup d’œil dans l'écrasante majorité des
Siddourim, vous verrez que dans les bénédictions du matin, après
le récit de la ´aqédhath Yishoq (qu'il n'y a d'ailleurs
aucune obligation de lire), a été inclus une longue prière qui
commence par לְעוֹלָם
יְהֶא אָדָם יָרֵא שָׁמַיִם בַּסֵּתֶר
« Qu'un
homme ait toujours la crainte des Cieux dans le secret. »
Cette prière est appelée « le premier Shama´ », car il
contient dans l'un de ses paragraphes la déclaration du Shama´. Il
est « premier » puisque ce sera la première récitation
du Shama´ de la journée.
De
nos jours, le Shama´ est récité à quatre reprises au total :
une première fois après la ´aqédhath Yishoq, une deuxième
fois dans l'office de Shahrith avant les Shamônah ´asréh,
une troisième fois lors de l'office de ´arbith (ou « Ma´ariv »)
et une quatrième fois lorsque l'on est couché dans son lit avant de
dormir.
Le
Shama´ est la proclamation du principe le plus fondamental de la foi
israélite, à savoir la croyance en l'unicité d'HaShem ית׳
(le
monothéisme pur). À l'origine, l'obligation de réciter le Shama´
en communauté consistait à le faire deux fois par jour, une fois le
matin et une fois le soir, c'est-à-dire une fois lors de la prière
de Shahrith et une seconde fois lors de la prière de ´arbith.
Telle était la pratique dans les temps bibliques et mishnaïques, et
c'est ce que nous demande la Tôroh. Mais dans les temps talmudiques,
les Israélites furent soumis à d'intenses persécutions religieuses
et furent défendus de réciter le Shama´ durant les offices publics
à la synagogue. Sous le règne du roi perse Jezdegerd
II (438-457), les Israélites furent défendus de proclamer
en public l'unicité d'HaShem. Le dit roi perse était un croyant
fanatique de la religion zoroastrienne qui enseignait le dualisme,
c'est-à-dire la croyance en deux dieux, un bon et un mauvais. Par
conséquent, il ne pouvait tolérer une proclamation publique de la
croyance en l’unicité d'HaShem. Il fit placer des gardes devant
les synagogues afin de s'assurer du respect de cette interdiction de
récitation du Shama´ en public. Les Sages de cette époque-là
instituèrent alors la pratique de réciter le Shama´ à la maison,
dans le secret, après l'étude de la Tôroh mais avant la prière
ordinaire du matin, et composèrent une prière dans laquelle ils
inclurent la récitation du premier paragraphe du Shama´. Puisque
cette récitation était désormais faite en cachette et non plus en
public, ils firent mention dans cette prière du souhait qu'un homme
craigne HaShem même en secret (mais pas seulement en public). Et
cette déclaration rendait quitte de l'obligation du Shama´ le
matin. C'est là l'origine du « premier Shama´ » que
l'on retrouve imprimé dans les Siddourim après la ´aqédhath
Yishoq. Puisque telle était la raison d'origine, il n'y a
plus lieu de réciter ce Shama´ et cette prière dans laquelle le
Shama´ est inclus, étant donné que nous ne sommes plus à une
époque où il nous est défendu de nous rassembler dans les
synagogues et y réciter le Shama´. Nous sommes pleinement libres de
servir HaShem de la façon prescrite, sans encombre, ni persécution
religieuse.
Plus
tard, même lorsque cette interdiction fut levée et que l'impression
en masse de Siddourim se répandit, on conserva néanmoins la
pratique de réciter une première fois le Shama´ à la maison avant
l'office communautaire du matin. Et en voici la raison : Un
temps limite pour la récitation du Shama´ fut fixé par la
Halokhoh. Nos Sages, de mémoire bénie, décrétèrent que le Shama´
du matin devait avoir été fait dans le premier quart de la journée
(c'est-à-dire au plus tard à la troisième heure saisonnière du
jour). Par exemple, si le soleil se levait à 6h et se couchait à
18h, faisant ainsi de cette journée une journée de 12 heures, le
Shama´ ne pourrait pas être récité plus tard que 9h du matin ;
si le soleil se levait à 7h et se coucher à 17h, faisant de cette
journée une journée de 10 heures, un quart de la journée
correspondrait à 2h30, et 9h30 serait alors la limite pour la
récitation du Shama´ du matin. Cependant, il arrive très
fréquemment que l'office du matin ne commence pas avant 9h ou 9h30
(plus particulièrement à Shabboth et Yôm Tôv), et puisque de
nombreuses prières furent ajoutées au fur et à mesure du temps et
que certaines parties considérées comme « optionnelles »
finirent par être vues comme étant « obligatoires »
lorsqu'elles furent imprimées dans les Siddourim, le temps d'arriver
au Shama´ communautaire (qui, dans les Siddourim actuels, a été
placé après toutes les bénédictions du matin, la ´aqédhath
Yishoq, les Qôrbonôth, des passages talmudiques se
rapportant aux Qôrbonôth, la récitation de quelques Mishnoyôth,
un Qaddish, les Pasouqé Dazimro` et enfin un autre Qaddish) l'heure
limite serait probablement dépassée. (Dans un tel cas, on n'aurait
pas accompli la Miswoh de réciter le Shama´ à temps, mais
plutôt celle de l'étude de la Tôroh, ce qui est une Miswoh
complètement différente.) D'où la pratique qui se développa parmi
de nombreux Israélites de réciter les bénédictions du matin et le
« premier Shama´ » tôt matin à la maison, avec
l'intention que si le second Shama´ communautaire se faisait trop
tard, le « premier Shama´ » fait individuellement serait
considéré comme l'accomplissement de la Miswoh de la
récitation du Shama´ en son temps.
Mais
si les gens comprenaient que tout ce qui est imprimé dans le Siddour
n'est pas obligatoire à réciter, et qu'ils se contentaient de
l'essentiel, à savoir le Shama´ et les Shamônah ´asréh, ils
n'auraient ni besoin de courir après le temps ni de réciter deux
fois le Shama´ le matin, et ils retireraient de leurs épaules un
lourd fardeau, car ne nous voilons pas la face : plus les
offices durent moins l'écrasante majorité des gens restent
concentrés du début à la fin. Au contraire, la prière est devenue
une activité mécanique, faite sans cœur pour la plupart des gens,
tout cela parce qu'on leur fait croire qu'ils doivent lire toutes les
centaines de page de l'office !