mardi 25 août 2020

Le ´érouv du Rambo’’m – 1ère Partie

 

בס״ד

 

Le ´érouv du Rambo’’m – 1ère Partie

 


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Beaucoup considèrent aujourd’hui que 600 000 personnes seraient nécessaires pour établir une רְשׁוּת הָרַבִּים « Rashouth Horabbim » (domaine public), et que le fait que beaucoup de gens fassent usage d’une même zone peut contribuer à attester de la nature publique de cette zone. Mais non seulement le Rambo’’m ז״ל n’est pas d’accord avec l’exigence des 600 000 personnes, mais également avec le concept selon lequel un usage ou trafic intense serait un facteur à prendre en compte pour qu’une zone devienne une Rashouth Horabbim. D’où vient cette exigence des 600 000 personnes ? Et quelle est l’approche du Rambo’’m en matière de ´érouv ?

 

Cela en surprendra beaucoup, mais ce nombre de 600 000 personnes n’est jamais explicitement donné dans la littérature talmudique. La Gamoro` tente de résoudre une contradiction sur la question de savoir si un désert peut être qualifié de Rashouth Horabbim par les mots suivants :[1] כאן בזמן שישראל במדבר וכאן בזמן שאין ישראל במדבר « Ici, c’est à l’époque où Yisro`él est dans le désert, tandis qu’ici, c’est à l’époque où Yisro`él n’est pas dans le désert ». Rash’’i ז״ל et tous les autres Ri`shônim interprètent cela comme voulant dire que lorsque le désert a une large quantité de personnes qui s’y trouvent, et d’après Rash’’i 600 000 personnes au même endroit, alors il devient une Rashouth Horabbim, tandis que lorsqu’il est à peine traversé, ce n’est pas une Rashouth Horabbim. Cette interprétation est le point de départ pour la croyance selon laquelle une population exponentielle peut amener une zone à devenir une Rashouth Horabbim. Les Ṭôsophôth considèrent cela comme la source de ceux qui croient que 600 000 personnes sont nécessaires pour faire d’une zone une Rashouth Horabbim. Même les quelques Ri`shônim qui n’exigent pas 600 000 personnes tendent toutefois à accepter le concept selon lequel la présence d’une large population est un facteur à prendre en considération pour faire d’une zone une Rashouth Horabbim.

 

Mais le Rambo’’m, en stipulant la Halokhoh selon quoi un désert est une Rashouth Horabbim,[2] ne rapporte pas que c’est seulement le cas lorsque le désert est traversé régulièrement par un grand nombre de personnes. Ribbénou `avrohom ban HoRambo’’m ז״ל explique que son père interprétait la Gamoro` comme voulant dire que lorsque Yisro`él est dans le désert, alors ce n’est pas une Rashouth Horabbim, tandis que lorsqu’ils n’y sont pas, le désert est alors une Rashouth Horabbim.[3] Le peuplement d’une zone dans le désert peut l’empêcher de devenir une Rashouth Horabbim. Une zone sans Maḥiṣṣôth que des gens peuplent et utilisent est semblable à une vallée, que ḤaZa’’l définissent comme une Karmalith, et n’est ni une Rashouth Hayyoḥidh ni une Rashouth Horabbim.

 

Contrairement aux autres Ri`shônim, le Rambo’’m[4] comprend qu’un type de Rashouth Hayyoḥidh est une zone conjointement peuplée par un groupe de personnes. Apporter de la civilisation vers une zone –la peupler— la transforme en une Rashouth Hayyoḥidh, alors que la forme première d’une Rashouth Horabbim n’est pas une zone qui est partagée par de grandes foules, mais une zone qui n’est pas habitée :

 

Qu’est-ce qui est une Rashouth Horabbim ? Des déserts, des forêts, des champs, et les chemins qui mènent à eux.

אֵיזוֹ הִיא רְשׁוּת הָרַבִּים--מִדְבָּרוֹת וִיעָרִים וְשָׂדוֹת, וּדְרָכִים הַמְּפֻלָּשִׁין לָהֶן

 

Des zones où tous les gens ont un droit de passage égal  mais qui ne sont, en fait, pas des zones d’habitation humaine, et peut-être même qui ne sont pas si fréquemment traversées— les déserts et les forêts— personnifient la Rashouth Horabbim de la Ṭôroh. Les champs, bien qu’ils soient possédés de façon privée mais ne sont pas habités, sont également inclus. Les routes qui furent créées par des efforts humains mais ne sont pas des zones où tous les gens ont un droit de passage égal constituent un autre type de Rashouth Horabbim, mais sont mentionnées en dernier.

 

Rov Yôḥonon ז״ל est cité à un moment donné comme ayant suggéré que l’intégralité de `araṣ Yisro`él devrait être considérée comme une Rashouth Horabbim.[5] La Gamoro` propose qu’il a avancé cela en raison du fait que le Pays est entouré de chaînes de montagne. Bien que quelques Ri`shônim aient avancé que l’intention de la Gamoro` était de considérer les distantes chaînes de montagne comme des Maḥiṣṣôth qui transformeraient les zones à l’intérieur d’elles en Rashouth Hayyoḥidh Da`ôroyatho`. Mais d’après la définition que le Rambo’’m fait d’une Rashouth Horabbim, l’intention de la Gamoro` peut être expliquée bien plus aisément. La Gamoro` n’a jamais suggéré que les routes des zones peuplées – le dernier type de Rashouth Horabbim qu’il cite (ceux créés par l’être humain) – soient classifiées comme une Rashouth Horabbim. Une activité humaine à l’intérieur de `araṣ Yisro`él est identique à celle à l’extérieur du monde, et ses routes sont tout autant une Rashouth Horabbim qu’ailleurs. La Gamoro` traitait plutôt de la question de savoir si les espaces ouverts inoccupés en `araṣ Yisro`él remplissent les conditions pour être considérés comme la forme primaire d’une Rashouth Horabbim. Les déserts, les forêts et les champs sont une Rashouth Horabbim naturelle, mais peut-être que ce n’est le cas que lorsque la zone est plate et ouverte au monde ; mais `araṣ Yisro`él est d’une certaine manière semblable à une בִּקְעָה « Biq´oh – vallée »[6], entourée de chaînes de montagne et isolée du monde extérieur. Tout comme l’isolement de la Biq´oh a poussé ḤaZa’’l à la classifier comme une Karmalith, de même, aussi, ce statut pourrait peut-être être accordé à l’intégralité de `araṣ Yisro`él également.[7] A cela la Gamoro` répond : דכולי עלמא מקיף אוקיינס  - Si nous devions considérer de larges bandes de terre de cette façon, nous devrions alors dire que chaque continent est entouré d’une mer et coupé d’un accès au reste du monde, et alors aucun terrain ouvert ne pourrait jamais être considéré comme une Rashouth Horabbim. Ainsi, conclut la Gamoro`, le souci de Rov Yôḥonon concernait le terrain de `araṣ Yisro`él qui est rempli de pelouses montagneuses - מעלות ומורדות שבארץ ישראל – traduit par Ribbénou Ḥanon`él ז״ל par תל וחריץ  « buttes et tranchées », que le Rambo’’m mentionne en premier dans ses exemples de Rashouth Hayyoḥidh :[8]

 

Et qu’est-ce qu’une Rashouth Hayyoḥidh ? Une butte dont la hauteur est de dix Taphoḥim[9] et la largeur quatre Taphoḥim sur quatre Taphoḥim ou plus que cela. Et de même une tranchée qui est profonde de dix et la largeur est de quatre sur quatre ou plus que cela.

וְאֵי זוֹ הִיא רְשׁוּת הַיָּחִיד--תֵּל שֶׁגָּבוֹהַּ עֲשָׂרָה טְפָחִים, וְרָחֵב אַרְבָּעָה טְפָחִים עַל אַרְבָּעָה טְפָחִים אוֹ יָתֵר עַל כֵּן; וְכֵן חָרִיץ שְׁהוּא עָמוֹק עֲשָׂרָה, וְרָחֵב אַרְבָּעָה עַל אַרְבָּעָה אוֹ יָתֵר עַל כֵּן

 

Le terrain de `araṣ Yisro`él ne permet pas de passage facile, et pour cette raison ses zones ouvertes et non peuplées ne peuvent pas être qualifiées de Rashouth Horabbim, à l’inverse des pays où les zones ouvertes sont des forêts, des champs, et des déserts. À la fin la Gamoro` conclut que les zones qui étaient vallonnées furent distribuées par Yahôshoua´ bin Noun ע״ה en tant que propriétés privées et peuplées, et que ce qui fut donné au public et non peuplé était facile d’accès (ניחא תשמישתא), et remplissait ainsi les critères d’une Rashouth Horabbim.

 

Les terrains naturels, ouverts, à peine peuplés, raisonnablement plats et traversables des déserts, forêts et champs sont une Rashouth Horabbim naturelle. Les tranchées et buttes sont une Rashouth Hayyoḥidh naturelle, et c’est pourquoi la Barraytho`[10] introduit les quatre types de domaine par la phrase suivante :

 

Qu’est-ce qu’une Rashouth Hayyoḥidh ? Une tranchée qui est profonde de 10 et large de 4. Et de même une barrière dont la hauteur est de 10 et large de 4. Ceci est une Rashouth Hayyoḥidh dans le sens plein du terme.

ואיזו היא רה"י חריץ שהוא עמוק י' ורחב ד' וכן גדר שהוא גבוה י' ורחב ד' זו היא רה"י גמורה

 

Nous voyons donc qu’on se réfère ici aux tranchées et aux buttes[11] comme étant un Rashouth Hayyoḥidh Gamouroh de nature.[12] La Biq´oh (vallée) semi-accessible n’est ni une Rashouth Hayyoḥidh ni une Rashouth Horabbim et est plutôt placée dans une catégorie à part appelée Karmalith.

 

Dans la prochaine partie nous verrons comment le Rambo’’m définit les quatre types de domaines.



[1] Shabboth 6

[2] Mishnéh Ṭôroh, Hilkôth Shabboth 14 :1

[3] Voir le Kasaph Mishnéh, Ibid.

[4] Ibid.

[5] ´érouvin 22a-b

[6] Voir Mishnéh Ṭôroh, Hilkôth Shabboth 14 :4.

[7] Voir aussi ´érouvin 87a et le Yaroushlami ´érouvin 8 :8 qui doivent également être interprétés comme voulant dire qu’un accès limité en raison d’un terrain et du peuplement des villes autour du Lac de Galilée sont des raisons pour lesquelles il n’est pas traité comme une Rashouth Horabbim. Quand le Yaroushlami suggère qu’il n’y a en effet aucun Rashouth Hayyoḥidh dans le monde entier, un concept qui annulerait totalement l’interdiction de porter à Shabboth, il ne parle que d’une Rashouth Horabbim faite d’un terrain naturel. Résh Laqqish affirme que ce sera seulement dans le ´ôlom Habbo` que l’on verra un terrain naturel ouvert permettant de passer d’une terre à une autre sans Maḥiṣṣoh.

[8] Mishnéh Ṭôroh, Hilkôth Shabboth 14 :1

[9] Un Taphaḥ vaut 8 centimètres.

[10] Shabboth 6a

[11] D’après cette explication, ces structures sont une Rashouth Hayyoḥidh en raison de leurs structures physiques, non parce qu’elles auraient des Maḥiṣṣôth.

[12] Les Ṭôsophôth n’acceptent l’explication que Rash’’i donne de cette Gamoro`. D’après notre explication, la Barraytho` nous dit que bien que Rov Yahoudhoh permette à des structures artificielles et symboliques de constituer une Rashouth Hayyoḥidh même après que des structures rabbiniques aient été appliquées, les Sages soutiennent que même Da`ôroyatho` il n’existe pas de Rashouth Hayyoḥidh sans caractéristiques physiques fondamentales.

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