בס״ד
L’origine de la bénédiction de « Boroukh
Sha`omar »
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J’ai reçu la question suivante :
Dans les Siddourim actuels (à part dans le vôtre) il y a les bénédictions
de « Baroukh Sheamar » et de « Yishtabakh » (qui se disent
entre les Tehillim) que les séfarades et ashkénazes récitent tous les jours.
Apparemment, il est très important de les dires d’après bon nombre de Poskim et
révèlent de grands secrets .Pourtant, est-ce vraiment une obligation de
les dire ? Sont-ce des prières issues du Talmud créées par nos Sages ou
une source dans le Zohar ou autres ?
Si c est un rajout tardif dans les Siddourim, pourquoi avoir ajouté ces
deux prières et quelles sont les sources ?
Merci Rav pour vos réponses si précieuses !!
L’origine de la bénédiction de בָּרוּךְ שֶׁאָמַר « Boroukh Sha`omar » est enveloppée dans un drap de
mystère. Aucun des deux Ṭalmoudhim (Yaroushlami et Bavli)
ne mentionne la moindre bénédiction à réciter avant ou après les Pasouqé
Dhazimro`, pour la bonne et simple raison que d’après le Ṭalmoudh
les Pasouqé Dhazimro` sont optionnelles. N’étant donc pas
obligatoires, et ne constituant donc l’accomplissement d’aucune Miṣwoh, une
bénédiction avant et après n’étaient pas nécessaires. D’ailleurs, la
nature optionnelle des Pasouqé Dhazimro` est mentionnée
par le Rambo’’m ז״ל
lui-même dans son Mishnéh Ṭôroh :[1]
Et les premiers Ḥakhomim
ont fait l’éloge de quelqu’un qui lit des Zamirôth tirées
du Livre des Ṭillim chaque jour, à savoir, depuis « Ṭahilloh
Ladhowidh » jusqu’à la fin du livre. |
וְשִׁבְּחוּ חֲכָמִים הָרִאשׁוֹנִים, לְמִי שֶׁקּוֹרֶא זְמִירוֹת מִסֵּפֶר תִּלִּים
בְּכָל יוֹם, וְהֶן מִ"תְּהִלָּה, לְדָוִד" (תהילים קמה,א), עַד סוֹף
הַסֵּפֶר |
C’est cette absence de source talmudique qui fait que
la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » ne se trouve pas dans
notre Siddour. Néanmoins, elle apparaît dans le plus ancien Siddour, à savoir,
celui du Rov ´amrom Go`ôn ז״ל,
qui écrit :
Et lorsque les Israélites entrent dans les Boṭṭé Kanosiyôth pour prier, le chantre de l’assemblée ouvre par « Boroukh Sha`omar Wahoyoh Ho´ôlom. Boroukh Hou`, etc. » |
וכשנכנסין ישראל בבתי כנסיות להתפלל עומד חזן הכנסת
ופותח: ברוך שאמר והיה העולם ברוך הוא וכו׳ |
N’étant mentionné nulle part dans les deux Ṭalmoudhim
pour la raison mentionnée plus haut (nature non obligatoire des Pasouqé
Dhazimro`), il semble plus que probable que les Ga`ônim,
après avoir standardisé le rituel de la prière quotidienne, donnant un statut
de quasi obligation aux Pasouqé Dhazimro`, aient par la
suite composé la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » pour
ajouter à l’importance de la récitation quotidienne des Pasouqé Dhazimro`.
C’est ce qui ressort également du Mishnéh Ṭôroh du Rambo’’m, puisqu’après avoir
mentionné la nature optionnelle des Pasouqé Dhazimro`, le
Rambo’’m écrit :[2]
Et les Ḥakhomim instituèrent une
bénédiction avant les Zamirôth, qui est « Boroukh Sha`omar »,
et une bénédiction après eux, qui est « Yishṭabbaḥ ». |
וְתִקְּנוּ חֲכָמִים בְּרָכָה לִפְנֵי
הַזְּמִירוֹת, וְהִיא בָּרוּךְ שֶׁאָמַר, וּבְרָכָה לְאַחֲרֵיהֶן, וְהִיא
יִשְׁתַּבַּח |
Beaucoup ont cru que le Rambo’’m, par l’expression
« Ḥakhomim », se référait aux Sages du Ṭalmoudh.
Or, il n’en est pas ainsi. Il arrive fréquemment que le Rambo’’m se réfère aux
Ga`ônim par le terme « Ḥakhomim », selon
le contexte. Et il s’avère qu’ici il fait la distinction entre les Sages du Ṭalmoudh
et les Ga`ônim en employant deux expressions différentes dans la même Halokhoh :
« Ḥakhomim Hori`shônim » (les premiers Sages) pour
se référer aux Sages talmudiques, et simplement « Ḥakhomim »
(les Sages) pour se référer aux Ga`ônim. Ces derniers sont donc les
auteurs des deux Barokhôth qui entourent les Pasouqé Dhazimro`.
Mais la confusion s’est répandue au sein du peuple
d’Israël quant à l’origine de ces bénédictions en raison d’un commentaire du
Mishnoh Barouroh qui fait remonter l’origine de ces Barokhôth
à beaucoup plus loin dans le temps :[3]
Boroukh Sha`omar – Cette louange fut instituée par
les Hommes de la Grande Assemblée au moyen d’une note qui est tombée des
cieux, et qu’ils trouvèrent avec une écriture à l’intérieur. Et elle
contenait 87 mots, dont le Simon était : « Rô`shô Katham Poz ».
Cela signifie que le début de la Ṭaphilloh est une bénédiction de 87 mots.
Par conséquent, il n’y a pas lieu de retirer ou d’ajouter aux 87 mots. |
ברוך
שאמר - שבח זה תקנוהו אנשי כנה"ג ע"י פתקא דנפל מן שמיא ומצאוהו כתוב
בו ויש בו פ"ז תיבות וסימנו ראשו כתם פז ר"ל ראש התפלה הוא ברכה של
פ"ז תיבות ע"כ אין לגרוע ולא להוסיף על פ"ז תיבות. |
Cette déclaration du Mishnoh Barouroh
suscite deux questions : Premièrement, sur quelle base le Mishnoh Barouroh
avance-t-il que la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » tire
son origine d’une prière qui fut écrite sur une note qui tomba des cieux à
l’époque des Hommes de la Grande Assemblée ? Et deuxièmement, quelle est
la source du Mishnoh Barouroh quant au fait qu’il y aurait une
grande importance à accorder au nombre de mots présents dans la bénédiction de
« Boroukh Sha`omar » ?
La source la plus ancienne renvoyant au nombre de mots
que devrait compter la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » est
le « Péroushé Siddour Haṭṭaphilloh » par le Rôqéaḥ
(1160-1230), qui écrit :
Dans « Boroukh Sha`omar » il y a 87
mots, car ils furent institués pour correspondre à « Rô`shô Katham
Poz ». Et il n’y a pas lieu d’y ajouter. Et ils furent institués
pour correspondre à « Ho`addarath Waho`amounoh ».
Car il a été trouvé ainsi dans le Séphar Riqmoh qu’il fut écrit par les
Mal`okhim, car « Ho`addarath Waho`amounoh »
est un chant provenant d’eux. |
בברוך שאמר יש פ"ז תבות, כי נתקן כנגד ראשו כתם פז, ואין
להוסיף עליו, ונתקן כנגד האדרת והאמונה, שכך נמצא בספר רקמה שנכתב בכתיבת
מלאכים, שהאדרת והאמונה שיר שלהם |
Le Rôqéaḥ écrit donc que l’importance du nombre 87 est
qu’il se rapporte au Posouq suivant :[4]
Sa tête est comme l’or le plus pur, ses boucles qui
pendent sont noires comme le corbeau. |
רֹאשׁוֹ, כֶּתֶם פָּז; קְוֻצּוֹתָיו,
תַּלְתַּלִּים, שְׁחֹרוֹת, כָּעוֹרֵב |
L’éditeur du Rôqéaḥ, qui est le Rov Möshah Hershler,
écrit ceci dans une note de pas de page :
Dans
le Siddour Tahingen, dans la section qui concerne les prières de Yôim
Hakkippourim : la prière de « Ho`addarath Waho`amounoh »
contient 87 mots exactement comme « Boroukh Sha`omar ». En
récitant « Boroukh Sha`omar » on doit faire preuve d’une
grande Kawwonoh, étant donné que c’est un chant du monde céleste. Mais je n’ai
pas trouvé que la prière de « Ho`addarath Waho`amounoh »
contient 87 mots.
Rov Möshah Hershler nous informe donc de la source sur
laquelle s’est appuyé le Rôqéaḥ mais indique toutefois que la version actuelle
du « Ho`addarath Waho`amounoh » que nous
avons actuellement compte 88 mots, ce qui ne correspond donc pas aux 87 mots
qu’est censée compter la bénédiction de « Boroukh Sha`omar ».
Bien que le Rôqéaḥ ne fasse aucunement mention d’une
note qui serait tombée du ciel, il relie la récitation de « Boroukh
Sha`omar » à la récitation de « Ho`addarath Waho`amounoh »,
une prière qu’il affirme avoir été écrite par les Mal`okhim. Le Liqqouté
Mahari’’kh (décédé en 1922) relie directement les deux prières :
Notre
Minhogh est de réciter « Ho`addarath Waho`amounoh »
à Shabboth et Yôm Tôv après le Grand Hallél et avant la bénédiction de « Boroukh
Sha`omar ». La raison est donnée dans le Siddour du Rov Shabbothay
Sôphér et dans le Séphar `ôr Ṣaddiqim : Parce qu’il est écrit qu’au moment
où les Juifs récitent « Boroukh Sha`omar », les Mal`okhim dans
les cieux récitent « Ho`addarath Waho`amounoh ».
L’un des premiers Siddourim à parler d’une note qui
serait tombée du ciel est le Siddour du Rov Ya´aqôv d’Emden (le Ya`avé’ṣ,
1697-1776), où il est écrit :
La
prière du « Boroukh Sha`omar » est un chant d’une grande
louange. Il est bien connu parmi ceux qui ont compilé les Siddourim qu’une note
tomba du ciel sur laquelle le chant était écrit en 87 mots sous la forme que
l’on trouve dans le Nôsaḥ `ashkanaz. C’était l’opinion du `ar’’i.
Nous prenons soin de ne pas changer les mots du « Boroukh Sha`omar »
par rapport à la version que nous avons.
Bien que la version du « Boroukh Sha`omar »
qui fait partie des Siddourim qui suivent le Nôsaḥ `ashkanaz
contiennent bien 87 mots, il existe des versions du « Boroukh Sha`omar »
qui contiennent bien plus que 87 mots, parmi lesquelles la version que l’on
retrouve dans le Siddour du Rov ´amrom Go`ôn (ce qui est( significatif, puisque
c’est le Siddour le plus ancien), celle du Rambo’’m ou encore les Siddourim qui
suivent le Minhagh Sfard.
Vous avez donc trois théories pour expliquer l’origine
de « Boroukh Sha`omar » :
a) Elle
fut composée par les Ga`ônim
b) Elle
provient des Hommes de la Grande Assemblée sur base d’une note qui serait
tombée du ciel
c) Elle
fut composée par une source anonyme pour correspondre à « Ho`addarath Waho`amounoh »,
qui aurait été écrite par les Mal`okhim.
Je vous laisse libre de conclure par vous-même quelle
version est crédible. Pour notre part, en tant que rationalistes, nous ne
croyons pas un instant aux thèses b) et c).
Vous avez mentionné le Zôhar dans votre question. Il y
a effectivement un lien. En effet, certains se sont posés la question de savoir
comment se fait-il que nous récitons la bénédiction de « Boroukh
Sha`omar », bien qu’elle ne soit jamais mentionnée dans le Ṭalmoudh ?
La réponse avancée par le Birkhé Yôséph (1724-1806) est :
Il
n’y a pas lieu d’en être surpris. Il est évident que « Boroukh Sha`omar » fut
composé bien avant l’époque du Ṭalmoudh, puisqu’il est mentionné dans le Zôhar…
En outre, le Ṭalmoudh Yaroushlami mentionne la règle
concernant celui qui parle entre « Yishṭabbaḥ » et « Yôṣér
`ôr »… Par conséquent, nous pouvons conclure que la bénédiction de
« Yishṭabbaḥ » était d’usage à l’époque du Ṭalmoudh Yaroushlami,
qui précède le Ṭalmoudh Bavli. Puisque « Boroukh Sha`omar » et
« Yishṭabbaḥ » forment une paire, ils doivent avoir été
composés en même temps, l’un devant être récité avant les Pasouqé Dhazimro`
et l’autre après.
Aucun des arguments du Birkhé Yôséph n’est concluant
ou pertinent. En effet, concernant le Zôhar, ainsi que cela a été démontré à
maintes reprises à travers le blog, ce n’est pas opinion unanime des Rabbonim
que le Zôhar serait un texte de Ribbi Shim´ôn ban Yôḥo`y, mais fut écrit au 13ème
siècle. Deuxièmement, il n’existe aucune version du Ṭalmoudh Yaroushlami
qui fasse mention de la bénédiction de « Yishṭabbaḥ ». C’est
le Haggohôth Maymôniyôth[5]
et le Manhigh qui furent les premiers à affirmer avoir vu dans le Ṭalmoudh Yaroushlami
une mention de la bénédiction de « Yishṭabbaḥ ». Mais un tel
passage n’a jamais été trouvé dans aucun des différents manuscrits du Ṭalmoudh Yaroushlami.
Par conséquent, rien ne démontre l’antiquité de ces deux bénédictions qui, fort
probablement ne sont pas plus anciennes que l’époque des Ga`ônim.