lundi 14 septembre 2020

Le rituel simple de la Haṭṭorath Nadhorim

 

בס״ד

 

Le rituel simple de la Haṭṭorath Nadhorim

 



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L’un des rituels les plus populaires en préparation de Rô`sh Hashshonoh consiste à organiser, la veille, une cérémonie de Haṭṭorath Nadhorim (annulation des promesses). L’origine talmudique de la Haṭṭorath Nadhorim fut déjà mentionnée dans l’article intitulé « La formule du Kol Nidhré ». Ce rituel est l’un des plus mécompris, et la forme qu’il a de nos jours ne correspond pas à celle qu’elle avait dans les temps anciens du judaïsme. Nous allons donc ajouter de la lumière sur le sujet, et voir comment, d’après notre tradition ancienne, le rituel devrait se faire.

 

Premièrement, il convient de signaler que la Haṭṭorath Nadhorim ne fut jamais instituée pour automatiquement annuler le moindre Nédhar (promesse) qui aurait été fait durant l’année. En d’autres mots, contrairement à la croyance populaire qui prévaut de nos jours, il ne suffit pas de simplement réciter le rituel devant trois hommes pour se voir automatiquement annuler ses Nadhorim. En effet, il existe deux moyens pour qu’une annulation d’une promesse puisse être effective. L’un consiste à trouver un פֶּתַח « Pathaḥ », une ouverture, de sorte que si la personne avait connu l’existence d’une telle ouverture (ou faille), elle n’aurait jamais fait cette promesse. Le deuxième consiste à introduire sa demande d’annulation par une חֲרָטָה « arotoh » (regret).

 

Deuxièmement, la formule populairement utilisée par les trois « juges » après la requête de celui qui veut voir ses promesses annulées est problématique, et n’est pas en phase avec la pratique originelle. Voici ce que rapporte le Rambo’’m sur la cérémonie de la Haṭṭorath Nadhorim :[1]

 

Comment délient-ils [des vœux] ? Celui qui a juré viendra chez le Ḥokhom distingué ou chez trois Hidhyôtôth[2] s’il n’y a pas là un expert. Et il dit : « J’avais juré concernant ceci ou cela, et j’ai regretté. Et si j’avais su que je serai perturbé par cette affaire  jusqu’à ce point, ou qu’il me serait arrivé ceci ou cela, je n’aurais pas juré. Et si ma connaissance au moment du serment avait été comme à présent, je n’aurai pas juré ». Alors le Ḥokhom ou le plus grand des trois lui dit : « Regrettes-tu déjà ? », et il dit : « Oui ! » [Alors le Ḥokhom ou le plus grand des trois] reprend et dit : « Il t’est libéré », ou « Il t’est délié », ou « Il t’est absout », ou toute autre phrase ayant la même intention dans n’importe quelle langue.

כֵּיצַד מַתִּירִין:  יָבוֹא הַנִּשְׁבָּע לֶחָכָם הַמֻּבְהָק, אוֹ לִשְׁלוֹשָׁה הִדְיוֹטוֹת אִם אֵין שָׁם מֻמְחֶה; וְאוֹמֵר אֲנִי נִשְׁבַּעְתִּי עַל כָּךְ וְכָּךְ, וְנִחַמְתִּי, וְאִלּוּ הָיִיתִי יוֹדֵעַ שֶׁאֲנִי מִצְטַעֵר בְּדָבָר זֶה עַד כֹּה אוֹ שֶׁיֵּארַע לִי כָּךְ וְכָּךְ, לֹא הָיִיתִי נִשְׁבָּע, וְאִלּוּ הָיְתָה דַּעְתִּי בְּעֵת הַשְּׁבוּעָה כְּמוֹ עַתָּה, לֹא הָיִיתִי נִשְׁבָּע.  וְהֶחָכָם אוֹ גְּדוֹל הַשְּׁלוֹשָׁה אוֹמֵר לוֹ, וּכְבָר נִחַמְתָּ, וְהוּא אוֹמֵר הִין; חוֹזֵר וְאוֹמֵר שָׁרוּי לָךְ, אוֹ מֻתָּר לָךְ, אוֹ מָחוּל לָךְ, וְכֵן כָּל כַּיּוֹצֶא בְּעִנְיָן זֶה בְּכָל לָשׁוֹן.

 

Notez la présence de Hatoroh susmentionnée, mais également le fait que la promesse ou le serment peut être annulé même par un seul Ḥokhom s’il y en a. C’est seulement dans le cas où il n’y a pas de Ḥokhom disponible que l’on doit procéder à l’annulation d’un vœu, d’une promesse ou d’un serment en présence de trois hommes qui ne sont pas des Ḥakhomim. Enfin, notez que le Rambo’’m rapporte clairement que le Ḥokhom ou les trois hommes libèrent la personne en prononçant une seule formule d’absolution, qu’ils ne prononcent qu’une seule fois, et qu’ils peuvent faire dans toute langue que comprend celui qui cherche à être absout. Ils peuvent donc dire : שָׁרוּי לָךְ, אוֹ מֻתָּר לָךְ, אוֹ מָחוּל לָךְ « ‘’Il t’est libéré’’, ‘’Il t’est délié’’ ou ‘’Il t’est absout’’ ». C’est en opposition totale avec la pratique courante de prononcer ces trois formules d’absolution et de les répéter à trois reprises.

 

Le Tour diverge légèrement du Rambo’’m. Là encore, il stipule que l’on ne doit prononcer qu’une seule des trois formules, mais qu’il faudrait la répéter trois fois.[3] Le Shoulḥon ´oroukh rapporte l’approche du Tour, à savoir qu’une seule formule doit être prononcée, mais à trois reprises.[4] Néanmoins, le Sha’’Kh écrit que la triple répétition d’une des trois formule n’est pas strictement requis par la Halokhoh.[5] En d’autres mots, la vraie pratique d’après le Din suit ce que tranche le Rambo’’m, à savoir une seule formule d’absolution prononcée qu’une seule fois.

 

Il n’existe aucune source halakhique ancienne prescrivant la pratique courante d’aujourd’hui, à savoir l’emploie des trois formules répétées à trois reprises. Cela fait donc un total de neuf déclarations ! En outre, toute personne ayant déjà procédé à la Haṭṭorath Nadhorim contemporaine sait que ce ne sont pas seulement les trois formules qui sont répétées à trois reprises, mais l’intégralité du paragraphe d’absolution des vœux qui est répétée trois fois, créant ainsi un rituel particulièrement long et fastidieux si un grand nombre de personnes attendent leur tour pour faire annuler leurs vœux, promesses, serments prononcés durant l’année écoulée !

 

Troisièmement, toutes les sources susmentionnées sous-entendent clairement que la personne cherchant à se faire absoudre pour un vœu, une promesse ou un serment qu’elle aurait prononcé doit stipuler devant le Ḥokhom ou les trois hommes la teneur de la promesse, du vœu ou du serment, et pas seulement réciter une formule, contrairement à la pratique contemporaine. La raison à cela est que le Ḥokhom ou les trois hommes doivent pouvoir évaluer si la personne entre dans les conditions pour se faire délier de sa promesse, son vœu ou serment, et si son cas nécessiterait effectivement une Haṭṭorath Nadhorim. D’ailleurs, le Rambo’’m s’étend longuement sur cela dans son Commentaire sur la Mishnoh,[6] où il rapporte le dialogue qu’il doit y avoir entre la personne et celui ou ceux qui l’absolvent de ses vœux ou serments. Le fait que le rituel d’aujourd’hui soit de la simple récitation sans la moindre explicitation de ce qu’on voudrait voir délié vide complètement le rituel de sa substance et raison d’être.

 

Quatrièmement, comme mentionné plus haut, aussi bien par le Rambo’’m que par le Shoulḥon ´oroukh, la réponse d’absolution du Ḥokhom ou des trois hommes peut se faire dans n’importe quelle langue. Cela sous-entend qu’en réalité, ils doivent s’adresser à la personne dans la langue que celle-ci comprend. Or, là encore, le rituel tel qu’il est accompli de nos jours est totalement insignifiant et vide, car il se fait en hébreu et araméen, deux langues qu’est loin de maîtriser une partie importante du peuple juif.

 

Nous pouvons donc voir que la cérémonie appelée de nos jours « Haṭṭorath Nadhorim » est en décalage complet par rapport à ce qu’elle devrait véritablement être, mais aussi avec la façon dont elle est censée se dérouler.

 

Enfin, il semble que Lahalokhoh, le Ḥokhom ou les trois hommes puissent annuler les vœux de plusieurs personnes, tout comme ils peuvent annuler plusieurs vœux simultanément. De ce fait, le processus tel qu’il se déroule typiquement à la synagogue, où chacun passe l’un après l’autre, et où il faut refaire à chaque fois toute la récitation du début, est peut-être une perte de temps énorme. Si les gens se regroupent, par exemple, par trois, ils sortent assez rapidement. De plus, puisque la cérémonie telle qu’elle a lieu généralement de nos jours n’est rien d’autre que de la simple récitation de texte, une alternative acceptable consisterait à laisser plusieurs personnes faire leurs récitations en même temps, et de laisser le « Béth Din » leur accorder ensuite l'annulation à toutes en une seule fois.



[1] Mishnéh Ṭôroh, Hilkôth Shavou´ôth 6 :4

[2] Un terme qui désigne des personnes ordinaires, qui ne sont pas des Rabbonim, ni des Ṭalmidhé Ḥakhomim, ni des Kôhanim, mais ont un minimum de connaissances halakhiques.

[3] Tour, Yôréh Dé´oh Simon 228

[4] Shoulḥon ´oroukh, Yôréh Dé´oh Simon 228

[5] Sha’’Kh, Yôréh Dé´oh Simon 228

[6] Nadhorim 10 :8

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