בס״ד
Des
Séfardîm en vêtements Ashkénazes !
Illustration :
Le Baba Salé זצ״ל
Depuis
plusieurs décennies maintenant, nous sommes témoins d'un phénomène
plus qu'inquiétant, qui est l'ashkénazification des Séfardîm.
Cela ne touche pas que les simples Séfardîm, puisqu'on voit même
d'éminents rabbins Séfardîm s'habiller à l'Ashkénaze, à
savoir, costume et chapeau noir, ce qui ne fait pas partie de la
tradition Séfarade. Lorsqu'on demande à ces éminents rabbins
pourquoi est-ce qu'ils ont abandonné l'ancien style vestimentaire
des Séfardîm pour adopter celui des `Ashkénazîm, c'est
toujours la même réponse qui revient : l'habit Ashkénaze est
devenu « la norme » pour les Talmîdéi Hakhomîm,
et les rabbins Séfardîm ne seraient pas pris au sérieux
s'ils ne s'habillent pas en conformité avec cette mode ! En
d'autres mots, c'est ainsi que les rabbins doivent s'habiller !
Depuis quand et selon qui ? En outre, mon exemple personnel
démontre qu'il est faux d'assumer que si l'on ne s'habille pas à
l'Ashkénaze, on ne sera pas pris au sérieux ! Bien au
contraire, c'est une marque d'authenticité, et cela augmente en
réalité le respect que les autres pourraient avoir, car ils voient
qu'ils sont en présence de quelqu'un qui accorde une énorme
importance aux traditions. Le monde juif a besoin d'une diversité de
rabbins, et d'après quelle « norme » tout le monde
devrait s'aligner sur le modèle Ashkénaze ? Plus large est la
diversité, et plus grande sera notre capacité à attirer un plus
grand public vers la religiosité. En fait, beaucoup de gens aiment
le Judaïsme mais ne veulent pas s'en rapprocher parce qu'ils ne
prennent pas au sérieux l'habit Ashkénaze. Pourquoi ? Tout
simplement parce qu'ils savent que ce style « juif »,
mais est un copier-coller du style qui prévalait dans le monde juif
du 19ème siècle. J'ai une fois assisté à une scène où deux
jeunes hommes, en voyant un Juif habillé à l'Ashkénaze, se sont
exclamés « Ils me font rire ces Juifs ! Comme si leurs
ancêtres s'habillaient comme ça, avec costume et chapeau ! »
Même les Hasîdîm, qui se prétendent les gardiens de
la tradition et s'enorgueillissent de n'avoir rien changé ont
tendance à oublier que non seulement leur habillement est calqué
sur celui des Gôyîm, mais qu'en plus même le saint Ba'al Shém Tôv
זצ״ל,
qui est le fondateur de ce mouvement, ne s'habillait pas en Békishe
et chapeau noir, et encore moins en Shtreimel !
Illustration :
Le Ba'al Shém Tôv
Ce
qui est extraordinaire, c'est que depuis sa tendre enfance, chaque
Juif se fait enseigner la gravité de l'interdiction d'imiter les
Gôyîm, de s'habiller comme eux, ou encore l'importance de se tenir
aux traditions de nos ancêtres. Cela va jusqu'au point de nous
rappeler que si nous sommes sortis d’Égypte, c'était uniquement
en raison de trois choses :
- Nous n'avons pas adopté le style vestimentaire des Égyptiens.
- Nous avons gardé notre langue.
- Nous avons gardé nos noms hébreux plutôt que d'adopter des noms égyptiens.
Mais
à croire que tout cela n'est rien d'autre que de belles paroles,
puisque non seulement les `Ashkénazîm ont adopté le style
vestimentaire des Gôyîm du 19ème siècle, mais ils font également
pression pour que les Séfardîm abandonnent leurs traditions
et adoptent celles des `Ashkénazîm (mais lorsqu'on demande aux
`Ashkénazîm de suivre les traditions séfarades, car le Judaïsme
est né en Orient et non en Europe de l'Est, ils vous répondent « Il
est interdit d'abandonner les coutumes de ses ancêtres ! »)
Que
l'habillement des `Ashkénazîm d'aujourd'hui (chapeau noir, long
manteau noir, etc.) fut imposé par les Gôyîm est très bien
documenté :
- 1804 : Alexandre Ier fait passer une loi qui encourage les Juifs à adopter l'habillement des non Juifs Germains en permettant à ceux qui y adhèreront de jouir d'une plus grande liberté. Par contre, les enfants Juifs scolarisés n'eurent pas le choix et furent contraints d'adopter le style vestimentaire germain.
- 1835 : Le 13ème jour du 4ème mois, Nicolas Ier durcit la loi susmentionnée en y ajoutant que les Juifs étudiant dans les universités devaient s'habiller en conformité avec les normes germaines. De même pour les Juifs élus à des positions civiles.
- Décembre 1841 : Les Juifs de Riga reçurent la permission de conserver leur citoyenneté à la condition de se conformer au style vestimentaire local.
- 1845 : Durant le 4ème mois, une loi est votée qui contraint tous les Juifs de Russie à s'habiller selon le style vestimentaire germain. Ces Juifs Russes qui soutenaient la « modernisation » du peuple Juif furent heureux de la promulgation de cette nouvelle loi. Leurs critiques sur la façon avec laquelle les Juifs religieux méprisaient cette loi sont rapportées dans la littérature qu'ils rédigèrent à cette époque-là.
Ce
que les gens ne réalisent pas, c'est que cet habillement Ashkénaze,
basé sur le style vestimentaire des non Juifs Germains, va à
l'encontre de diverses Halokhôth. En plus du fait d'adopter
l'habillement des non Juifs, ce qui est une grave interdiction, cela
contrevient aussi à la règle suivante, qui est pourtant rapportée
dans le Qisour
Shoulhon
'Oroukh, Chapitre 3, Paragraphe 3,
à savoir : לא
ילבוש בגדים יקרים כי דבר זה מביא את האדם
לידי גאוה « On
ne se vêtira pas de vêtements coûteux, car une telle chose mène
l'homme à l'orgueil ».
C'est une interdiction qui est rappelée régulièrement dans le
Talmoud
et d'autres Pôsqîm. Vous avez des gens qui ont du mal à joindre
les deux bouts, qui ont à peine ce qu'il faut pour pouvoir manger
chaque jour, mais dépensent des fortunes (ou empruntent de l'argent)
pour s'acheter un Shtreimel à 4 500 € (en sachant que beaucoup
doivent en avoir deux au moins), un chapeau à 180 € (là encore,
il en faut généralement plus qu'un. Le chapeau coûte tellement
cher qu'on le protège avec un sac plastique afin de ne pas l'abimer
lorsqu'il pleut !) et d'autres articles coûteux faisant partie
de la garde-robe Hassidique !
Deuxièmement,
dans les temps talmudiques, le noir était la couleur associée au
deuil, comme nous le rapportent plusieurs passages talmudiques et
midrashiques. En fait, les gens s'habillaient en vêtements colorés,
et le noir était pour les occasions tristes et exceptionnelles.
(Évidemment, les rabbins d'aujourd'hui donnent comme explication que
bien qu'il est vrai qu'il n'était pas courant de se vêtir en noir
tous les jours, nous le faisons aujourd'hui au quotidien en signe de
deuil pour la destruction du Temple. Sauf que les Rabbins du Talmoud
et du Midrosh
qui sont cités comme méprisant cette pratique vivaient après la
destruction du Temple !) Le Talmoud
va jusqu'à dire que s'habiller en noir au quotidien était la
pratique de ceux qui étaient sous un décret d'excommunication !
C'était le signe extérieur qui permettait aux autres d'identifier
celui qui était excommunié.1
Ce signe était important, puisqu'il est interdit de fréquenter
celui qui est excommunié, tout comme il est interdit de manger et
boire avec lui, ou encore de le compter dans un Minyon ! Mais
voilà qu'aujourd'hui, on presse tous les Juifs à s'habiller en noir
au quotidien !
Troisièmement,
tous les kabbalistes sur lesquels les Juifs religieux s'appuient ont
employé des termes très durs à l'égard de ceux qui s'habillaient
en noir à Shabboth, allant jusqu'à dire que ces gens
compromettaient leur part dans le Monde-à-Venir ! (Cela fera
l'objet d'un autre article, D.ieu voulant.) Et tous les premiers
Hasîdîm
se tenaient à cette règle et s'habillaient tout en blanc pour
Shabboth et Yôm Tôv (et souvent m^me durant la semaine).
Les
Hasîdîm
d'aujourd'hui ne peuvent donc pas prétendre prétentieusement qu'ils
n'ont rien changé et qu'ils font tout comme avant, puisque la
pratique des premiers Hasîdîm
et de bon nombre de kabbalistes sur lesquels ils s'appuient (comme
par exemple le `ArîZa''l) contredit leur pratique !
Dans
le monde d'aujourd'hui, c'est devenu à la mode (même dans les
milieux dits « Orthodoxes Modernes ») de montrer sa piété
en revêtant un chapeau noir, un costume noir, une chemise blanche,
de belles chaussettes blanches visibles à des kilomètres et en
arborant des Sîsîth
qui pendent presque jusque par terre ! Tout cela n'est que de
l'orgueil ! Cette tendance s'est aussi frayée un chemin dans la
communauté séfarade, plus particulièrement lorsque des Séfardîm
ont étudié dans des Yéshîvôth ashkénazes. (Le complexe
d'infériorité de beaucoup de Séfardîm
les pousse à inscrire leurs enfants dans des institutions
ashkénazes.) Même des rabbins Séfardîm
ont adopté le look « chapeau noir », de façon à se
« conformer » et s'identifier à une version plus extrême
de l'Orthodoxie. (Il est bien connu que les `Ashkénazîm disent des
Séfardîm
qu'ils soient moins « stricts » et moins « rigoureux »
qu'eux, ce qui a tendance à créer des complexes d'infériorité
chez certains Séfardîm,
alors que la culture et la tradition séfarade sont tellement
riches.)
C'est
une tendance malheureuse, parce que, pour finir, cela développe des
valeurs malsaines :
- cela fait la promotion d'une conformité à des normes purement superficielles ;
- cela compromet les cultures/identités religieuses et traditions séfarades, yéménites et d'autres communautés non ashkénazes ;
- cela développe le rejet de la diversité, qui est pourtant une des sources vitales de la force du Judaïsme et du peuple Juif ;
- cela envoie comme message que pour être un bon Juif religieux, vous devez vous habiller selon un style bien précis, autrement votre religiosité est remise en question ou regardée avec suspicion.
(De
toute façon, il suffit de voir le comportement des Hasîdîm
entre eux : rien que le fait de voir que la personne en face
d'eux appartient à une communauté Hassidique
« rivale », parce qu'elle porte ses chaussettes d'une
autre manière et a un chapeau spécifique qui l'identifie comme
appartenant à telle ou telle communauté, ils deviennent comme fous.
Ils jugent les gens selon le style vestimentaire, et non selon ce
qu'est la personne, à savoir, un Juif religieux qui observent la
Tôroh et les Miswôth
comme eux, mais qui a une tradition et des coutumes différentes des
leurs !)
Ce
serait une excellente chose que les rabbins Séfardîm
cessent d'adopter le look des rabbins Harédîm
`Ashkénazîm. Ce serait une bonne chose si les assemblées séfarades
demandaient à leurs rabbins de ne pas suivre la mode du « chapeau
noir ». Ce serait une bonne chose si les Séfardîm
qui envoient leurs enfants dans des Yéshîvôth ashkénazes
pouvaient inculquer à leurs fils la confiance suffisante pour ne pas
tomber dans le piège de la conformité.
Pourquoi
le slogan אַל-תִּטֹּשׁ,
תּוֹרַת
אִמֶּךָ
« n'abandonne
pas la Tôroh de ta mère »2,
que l'on cite régulièrement pour instruire aux gens qu'ils ne
doivent pas se détourner des traditions de leurs ancêtres, ne
s'appliquerait-il qu'aux `Ashkénazîm et non aux autres, à qui on
demande d'abandonner leurs traditions, leur culture et leur style
vestimentaire, et de s'ashkénazifier ?
Rabbî
Yôséf Karo זצ״ל
Le
Bèn `Îsh Haï
זצ״ל
Le
Rav Kadouri זצ״ל
Des
Juifs Marocains
Un
Juif Algérien
Un
Juif Tuinisien
1Voir
par exemple dans Bavo` Mésîa' 59b.
2Mishléi
6:20