בס״ד
Le Piyout de « ˋél ´odhôn »
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J’ai reçu la question suivante :
J’avais
une question. Pour les bénédictions du Chema du Shabboth matin, qui sont plus
longues que celles de la semaine, on a l’habitude d’insérer « El Adon Al
Kol Hamaassim, etc. ». Comment ce Piyout a-t-il été introduit et
pourquoi ? Le Talmud en parle-t-il ou est-ce un ajout récent ? Est-ce
halakhiquement valable ? Doit-on le chanter ou est-ce facultatif ?
Ce sont toutes des questions très intéressantes
auxquelles je vais essayer d’apporter des réponses.
Comme vous le notez, la Barokhoh de יוֹצֵר אוֹר « Yôṣér ˋôr » est unique en ce que le texte de cette Barokhoh est
différente le Shabboth par rapport à la version des jours de semaine et de Yôm
Tôv. En fait, c’est la seule Barokhoh de toute la liturgie juive
dont le texte n’est différent qu’à Shabboth. Pourquoi ? On aurait pu
penser que la réponse à cette question soit simple. Mais comme vous allez le
voir, c’est une question très difficile à résoudre.
Cela commence par le fait que le Ṭalmoudh (ni aucun
autre ouvrage de la littérature de nos Sages) ne fait jamais mention des
Piyoutim de הַכֹּל יוֹדוּךָ « Hakkôl Yôdhoukho », אֵל אָדוֹן « ˋél ˋodhôn » ou לָאֵל אֲשֶׁר שָׁבַת « Loˋél ˋashar Shovath ». Cela
répond à l’une des discussions : non, le Piyout de « ˋél ˋodhôn » n’a pas
d’origine talmudique, et est donc un ajout ultérieur, comme les autres Piyoutim
susmentionnés ajoutés dans la Barokhoh de « Yôṣér ˋôr », qui la rallongent par
rapport à la version de semaine. La question naturelle qui se pose donc est
celle-ci : Pourquoi cette Barokhoh de « Yôṣér ˋôr » a-t-elle été modifiée
et rallongée par des Piyoutim le jour du Shabboth ?
Le Siddour de Ribbénou Shalômôh ban
Ribbénou Shimshôn de Worms ז״ל
donne
la réponse suivante :
Et ils ont allongé à Shabboth par les louanges parce
qu’il n’y a pas de temps gaspillé vis-à-vis du travail à Shabboth. |
והאריכו בשבת בשבחות משום שאין ביטול מלאכה בשבת |
En d’autres mots, étant donné qu’à Shabboth nous ne
travaillons pas, et avons donc davantage de temps libre, certaines personnes
ont estimé approprié de combler ce temps libre par un allongement de cette Barokhoh,
en y insérant de nombreux Piyoutim, car à Shabboth nous n’aurions rien d’autre
à faire que prier ! C’est la réponse la plus communément donnée encore
aujourd’hui pour justifier la longueur de la Barokhoh de « Yôṣér
ˋôr » à Shabboth
Le Siddour ´avôdhath Yisroˋél offre une réponse différente :
À Shabboth, qui est le jour le plus honorable de la
semaine, ils rallongent les louanges dans la Barokhoh de « Yôṣér
ˋôr ». |
בשבת שהוא יום מכובד מכל הימים מאריכים בשבחים בברכת יוצר
אור |
En d’autres mots, le fait que le Shabboth soit le jour
de la semaine le plus honorable mérite de faire de plus longues louanges que
les autres jours de la semaine.
Mais les deux réponses sont faibles, parce qu’elles
n’expliquent pas pourquoi, entre toutes les Barokhôth et prières
faites à Shabboth, c’est la Barokhoh de « Yôṣér ˋôr », qui appartient à la
Qiryath Shama´, qui fut choisie pour être rallongée par de nombreux
Piyoutim.
Ce qui est davantage troublant est qu’en dépit de
l’absence de sources talmudiques sur laquelle s’appuyer, il semblerait qu’aucun
des Riˋshônim et ˋaḥarônim n’ait vu le moindre
problème dans le fait d’altérer le texte de la Barokhoh de « Yôṣér
ˋôr » à Shabboth.
La seule exception notoire est le Séphar Ho´iṭṭim. Voici ce qu’il écrit au Simon
172 (comme le texte est relativement long, je ne vais faire que la
traduction en français, mais vous pouvez lire par vous-même le texte en hébreu ici
et ici) :
Et
après qu’ils aient répondu au « Borakhou », ils
commencent par étendre la Shama´ avec deux [Barokhôth]
avant elle : « Boroukh ˋaṭṭoh Hashshém ˋalôhénou Malakh Ho´ôlom Yôṣér ˋôr Ouvôréˋ Ḥôshakh ´ôséh Shôlom Ouvôréˋ ˋath Hakkol ». Et ils se
sont accoutumés dans de nombreuses localités à dire aux Shabbothôth « Hakkôl
Yôdhoukho Wahakkôl Yashabbaḥoukho »
jusqu’à « Sarophim ´im ˋôphané Haqqôdhash », « Loˋél ˋashar Shovath Mikkôl
Hamma´asim Bayyôm Hashshavi´i Nith´allah Wayoshav,
etc. »
jusqu’à « Bashshomayim Mimma´al Wa´al Kol Shavaḥ Ma´aséh
Yodhakho », et il achève la Barokhoh comme à chaque jour. C'est
ce qui a été écrit par le Rov ´amrom et c'est ainsi que la plupart des localités
se conduisent. À mon avis, cette coutume n'a aucun
fondement et est une erreur. Nous ne trouvons pas dans la
littérature rabbinique que nos Sages nous ont ordonné de faire référence au Shabboth
dans aucune prière sauf dans les Shamônah ´asréh, dans la quatrième Barokhoh,
et dans la Birkhath Hammozôn dans la Barokhoh de « Bonéh Yarousholayim ».
Quiconque mentionne le Shabboth dans n'importe
quelle autre Barokhoh se trompe et ne remplit pas son obligation
parce qu'il change la formulation que les Sages avaient prévue pour être
utilisée dans les Barokhôth. Le fait que nous
mentionnions le Shabboth dans les Shamônah ´asréh est parce qu'après
avoir récité les trois premiers Barokhôth, ˋovôth, Gavourôth et Qadhoushshath
Hashshém, il est approprié d'inclure une section traitant du Shabboth. Sinon, c'est une erreur de mentionner le Shabboth dans
n'importe quelle autre Barokhoh. Il faut réprimander
quiconque le fait. Quiconque évite une telle action et récite la Barokhoh
de « Yôṣér » telle qu’elle est récitée les jours de semaine
sans aucun ajout car elle a été composée par la Grande Assemblée, un groupe de
120 Grands Hommes comprenant des Anciens et parmi eux des Prophètes, méritera
une récompense de Hashshém. De même, il y a ceux qui
ajoutent « Hakkôl Yôdhoukho » et terminent par le thème du
Shabboth en récitant « Loˋél ˋashar
Shovath ». Eux aussi se trompent. Premièrement, ils
ajoutent le thème du Shabboth à une Barokhoh, ce qui n'était pas
autorisé par les Sages. Ils ne récitent pas non plus la Barokhoh
telle qu'elle est récitée pendant la semaine et y ajoutent d'autres sujets.[1]
Enfin, pourquoi cette Barokhoh a-t-elle été choisie pour être la Barokhoh
devant être modifiée pour ajouter le thème du Shabboth ? Le texte qui est
récité les jours de semaine n'est-il pas approprié pour Shabboth ? Ce
n'est pas un texte qui fait des requêtes comme le sont les Barokhôth
qui composent les Shamônah ´asréh. Ne sommes-nous pas obligés de
réciter la Barokhoh telle que nos Sages l'ont composée, pour la lire
de la même manière un jour de semaine et un Shabboth ? Par conséquent, la
manière appropriée d'agir si l'on croit qu'il est nécessaire d'ajouter la
prière de « Hakkôl Yôdhoukho » et les autres prières est de
réciter ces paragraphes après le « Borakhou » mais
avant de réciter la Barokhoh de « Yôṣér ˋôr » ; puis réciter la Barokhoh
de « Yôṣér ˋôr » et réciter les paragraphes qui ont été établis pour être récités
les jours de semaine comme nos Sages l'avaient ordonné sans aucun ajout ni
changement. Ceux qui prient dans un endroit où ces paragraphes sont lus dans le
Barokhoh de « Yôṣér ˋôr » et le Shaliaḥ Ṣibbour récite ces
paragraphes dans la Barokhoh et il n'a pas le pouvoir de changer
leurs pratiques mais veut toujours agir de manière appropriée ne devraient pas
réciter la Barokhoh de « Yôṣér ˋôr » avec le Shaliaḥ
Ṣibbour, mais devrait d'abord lire les paragraphes supplémentaires qui
concernent le Shabboth, puis se dépêcher de rejoindre la communauté à la Qadhoushshoh
de « Yôṣér » et mettre fin à la Barokhoh avec la communauté.
C'est la manière de se conduire et de cette manière, vous remplissez votre
obligation.
Le Séphar Ho´iṭṭim semble être la seule voix dissonante
sur cette question et de façon surprenante, aucun commentateur venu après lui n’a
adopté sa position. En outre, sa position n’est jamais citée et n’est jamais
contestée ou commentée. La question qui se pose est donc : le Séphar Ho´iṭṭim
est-il une source fiable ? Oui ! Ribbénou Yahoudhoh ban
Barzillaˋy de Barcelone ז״ל, surnommé le Séphar Ho´iṭṭim, s’est
fait connaître à la fin du 11ème siècle et début du 12ème.
Il a rédigé de nombreux ouvrages, dont la plupart ont été perdus en raison de
leur grande longueur. Ses écrits halakhiques sont principalement basés sur les Ṭashouvôth
des Gaˋônim, les Halokhôth
de Ribbénou Shamouˋél
Hannoghidh ז״ל, et les
décisions et Ṭashouvôth du Ri’’ph ז״ל. Les Riˋshônim
venus après lui firent beaucoup usage de ses ouvrages. Fut-il véritablement le
seul à s’être opposé à la pratique d’ajouter des Piyoutim dans la Barokhoh
de « Yôṣér ˋôr » à Shabboth ? Absolument pas ! Voici notamment ce que
rapporte le Liqqouté Mahari’’kh :[2]
Traduction :
Et
vois dans le saint Zôhar, [Poroshath] Ṭaroumoh et dans Wayyaqhél, et
tu verras qu’il n’y est pas mentionné qu’on ajoute quoique ce soit à la Barokhoh
de « Yôṣér » à Shabboth, excepté « ˋél ˋodhôn », mais « Hoˋél Happôthéaḥ » et « Loˋél ˋashar Shovath » n’y sont
pas mentionnés. Dans le Rambo’’m, même « ˋél ˋodhôn » n’est pas mentionné comme étant ajouté dans la Barokhoh
de « Yôṣér ˋôr ». Mais on retrouve tous ces paragraphes mentionnés dans le Siddour
du Rov ´amrom, dans le Maḥzôr Witri, dans le ˋabboudrohom et le Kôl Bô.
Nous pouvons voir de cette source que même dans le Zôhar,
excepté le Piyout du « ˋél ˋodhôn », tous les
autres Piyoutim présents dans la Barokhoh de « Yôṣér ˋôr » du Shabboth ne s’y
trouvent pas. La source mentionne également le Rambo’’m ז״ל. Non seulement ce dernier ne
fait mention d’aucun Piyout à insérer dans la Barokhoh de « Yôṣér
ˋôr » dans son
Mishnéh Ṭôroh, mais en outre, dans l’une de ses Ṭashouvôth il
déclare explicitement qu’il est interdit de le faire.
Mais ce qui surprendra davantage l’orthodoxie juive
est que cette pratique consistant à insérer des Piyoutim dans la Barokhoh
de « Yôṣér ˋôr » fut combattue par nul autre que Ribbi Yôséph Qaˋrô ז״ל ! Voici ce qu’il tranche dans son Shoulḥon ´oroukh :[3]
Il y a des localités qui font des interruptions dans
les Barokhôth de la Qiryath Shama´ pour dire des Piyoutim.
Mais il est correct de s'abstenir de les dire,
parce qu'ils constituent une interruption. |
יֵשׁ מְקוֹמוֹת שֶׁמַּפְסִיקִים בְּבִרְכוֹת קְרִיאַת
שְׁמַע לוֹמַר פִּיּוּטִים, וְנָכוֹן לִמְנֹעַ
מִלְּאָמְרָם, מִשּׁוּם דְּהָוֵי הֶפְסֵק |
Cela est ironique, puisque l’orthodoxie juive prétend suivre
le Shoulḥon ´oroukh ! Or, le Shoulḥon ´oroukh, ici, s’oppose à cette
pratique, et déclare que ceux qui récitent ces Piyoutim dans les Barokhôth
du Shama´ commettent des interruptions, car ces Piyoutim n’ont aucun
lien avec les Barokhôth du Shama´ et qu’il est
halakhiquement interdit d’interrompre une Barokhoh en y insérant des
paroles n’ayant pas de lien avec le thème de la Barokhoh !
Tout cela répond aux autres questions posées :
ces Piyoutim ne sont pas requis, et d’un point de vue halakhique il est
problématique de les réciter en plein milieu des bénédictions du Shama´.
Si on se trouve dans une synagogue où la communauté locale a la coutume
d'entonner des Piyoutim en plein milieu des bénédictions du Shama´,
comme c'est le cas dans la majorité des communautés d'aujourd'hui, on doit, d'après
le Rambo’’m et Ribbi Yôséph Qa`rô, s'abstenir de chanter avec la communauté,
car si on chante, on aurait fait une interruption en plein milieu d'une
bénédiction, ce qui n'est évidemment pas permis. C’est un exemple
supplémentaire d’une pratique populaire qui contrevient en réalité à la Halokhoh !