jeudi 10 décembre 2020

Quelques questions de Ḥanoukkoh d’après la voie du Rambo’’m

 

בס״ד

 

Quelques questions de Ḥanoukkoh d’après la voie du Rambo’’m

 


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Les questions suivantes me sont parvenues par un lecteur :

 

Le vendredi soir faut-il d’abord allumer les Nerot de Chabbat ou les Nerot de Ḥanoukka ? Sachant que la Halakha précise qu’une Mitsva habituelle a préséance sur une Mitsva moins régulière et sachant que l’allumage de Chabbat n’a jamais marqué le début du Chabbat. Il me semble qu’il y a divergence parmi les Poskim. Mais quel est le Minhag des Rambamistes ?

 

Enfin, y a-t-il une façon de placer la Menorah (à gauche d’une Mezouzah, comme on nous l’enseigne) ? Et y a-t-il un sens pour allumer la Menorah de gauche à droite, ou bien le Talmud n’en parle pas et ce serait juste encore que de la Kabbalah ?

 

Merci pour vos réponses !

 

Je vais donc traiter de ces questions dans l’ordre dans lequel elles ont été posées.

 

1.     Le vendredi soir, qu’allume-t-on en premier : les Nérôth de Shabboth ou celles de Ḥanoukkoh ?

 

Il y a effectivement une divergence d’opinion entre les Riˋshônim à ce sujet. Le Ba´al Halokhôth Gadhôlôth ז״ל (communément surnommé le « Beha’’g ») est d'avis que les Nérôth de Ḥanoukkoh doivent être allumées avant celles de Shabboth parce que les femmes acceptent habituellement sur elles-mêmes le caractère sacré du Shabboth en allumant les Nérôth de Shabboth et si elles allumaient les Nérôth de Shabboth d'abord, elles seraient alors dans l’incapacité d'allumer les Nérôth de Ḥanoukkoh par la suite. Il est donc clair que, d’après lui, les Nérôth de Ḥanoukkoh doivent être allumées en premières. Cette opinion est citée par le Tour ז״ל, et est le Minhogh communément accepté par les ashkénazes.

 

Mais les Riˋshônim séfarades et orientaux ont toujours dans leur grande majorité rejeté cette position, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, nous avons effectivement, comme vous le mentionnez dans vos questions, une règle générale voulant que la Miṣwoh la plus fréquente a priorité sur celle qui l’est moins. Etant donné que les Nérôth de Shabboth sont allumées chaque semaine, par opposition aux Nérôth de Ḥanoukkoh qui ne sont allumées que huit soirs par an, les Nérôth de Shabboth ont priorité sur celles de Ḥanoukkoh, et sont allumées avant. Cette règle est notamment la raison pour laquelle nous faisons le vendredi soir la Barokhoh de « Haggophan » avant celle du Qiddoush, car le Qiddoush ne se fait qu’une seule fois par semaine et aux moments des Yomim Tôvim, alors que la bénédiction sur le vin peut être faite tous les jours de l’année.[1] Deuxièmement, le Rambo’’n ז״ל et le Rashba’’ˋ ז״ל ne sont pas d'accord avec l'opinion du Beha’’g et ils soutiennent qu'allumer les Nérôth de Shabboth ne constitue en aucun cas une acceptation du Shabboth (point que vous mentionnez également dans vos questions), et puisque cette femme, et n’importe qui d'ailleurs, a à l'esprit d'allumer les Nérôth de Ḥanoukkoh après avoir allumé celles de Shabboth, selon toutes les opinions, elle n'a pas encore accepté le Shabboth sur elle. Ainsi, ils tranchent que l'on doit d'abord allumer les Nérôth de Shabboth et ensuite seulement celles de Ḥanoukkoh, en se basant sur la règle de la réalisation de la plus fréquente des deux Miṣwôth en premier. Et telle est la position majoritaire historique des communautés séfarades. Même dans le Mishnéh Ṭôroh du Rambo’’m ז״ל, bien qu’il ne traite pas directement de la question d’un jour de Ḥanoukkoh qui tomberait un Shabboth, il mentionne clairement que l’allumage des Nérôth de Shabboth n’a rien à voir avec une quelconque acceptation du Shabboth, mais sert à honorer le Shabboth de la même manière que dresser la table, mettre une nappe dessus, nettoyer la maison et revêtir de beaux vêtements (en d’autres mots, l’allumage des Nérôth de Shabboth sert au décorum de la maison), ainsi que pour le Shalôm Bayith. Il déclare explicitement que l’entrée du Shabboth se fait par le coucher du soleil. En outre, il termine ses lois relatives à Ḥanoukkoh en mentionnant la Halokhoh que si quelqu’un n’a pas suffisamment d’argent pour acheter à la fois de l’huile pour les Nérôth Shabboth et de l’huile pour les Nérôth Ḥanoukkoh, ce sont les Nérôth Shabboth qui ont priorité sur celles de Ḥanoukkoh. De là nous voyons que même d’après le Rambo’’m, les Nérôth Shabboth doivent être allumées avant celles de Ḥanoukkoh ! Et telle est la pratique des Rambamistes !

 

C’est pourquoi même le Shoulḥon ´oroukh rapporte que l'allumage par une femme des Nérôth de Shabboth ne constitue pas une acceptation du caractère sacré du Shabboth, surtout si elle a en tête d'effectuer un travail par la suite, comme par exemple allumer les Nérôth de Ḥanoukkoh ou quoique ce soit d’autre, auquel cas elle n'a certainement pas encore accepté sur elle le Shabboth. Cela s’applique d’autant plus au mari de cette femme, qui est habituellement celui qui allume les Nérôth de Ḥanoukkoh, en ce qu’il n’a pas accepté le Shabboth sur la base de l’allumage des Nérôth de Shabboth réalisé par sa femme. Il est plus qu’évident que la Halokhoh devrait suivre la décision du Rambo’’n et d’autres Riˋshônim séfarades selon laquelle les Nérôth de Shabboth doivent en effet être allumées en premier.

 

2.     Quel est l’emplacement de la Manôroh ?

 

La question de l’emplacement de la Manôroh est mentionnée par le Rambo’’m lui-même dans son Mishnéh Ṭôroh :[2]

 

7. Il est une Miṣwoh de placer la lampe de Ḥanoukkoh à l'entrée de sa maison, à l'extérieur, à l'intérieur du Taphaḥ le plus proche de l'entrée, du coté gauche de celui qui entre à la maison, de sorte que la Mazouzoh soit à droite et la lampe de Ḥanoukkoh à gauche. Et s’il habitait à l’étage, il la place à la fenêtre la plus proche du domaine public. Mais une lampe de Ḥanoukkoh qui a été placée à plus de vingt ˋammoh, cela n’accomplit rien car elle n’est pas reconnaissable.

ז  נֵר חֲנֻכָּה, מִצְוָה לְהַנִּיחוֹ עַל פֶּתַח בֵּיתוֹ מִבַּחוּץ, בְּטֶפַח הַסָּמוּךְ לַפֶּתַח, עַל שְׂמֹאל הַנִּכְנָס לַבַּיִת--כְּדֵי שֶׁתִּהְיֶה מְזוּזָה מִיָּמִין, וְנֵר חֲנֻכָּה מִשְּׂמֹאל; וְאִם הָיָה דָּר בַּעֲלִיָּה, מַנִּיחוֹ בְּחַלּוֹן הַסְּמוּכָה לִרְשׁוּת הָרַבִּים.  וְנֵר חֲנֻכָּה שֶׁהִנִּיחוֹ לְמַעֲלָה מֵעֶשְׂרִים אַמָּה--לֹא עָשָׂה כְּלוּם, לְפִי שְׁאֵינוּ נִכָּר.

8. Dans des temps de danger, il place la lampe de Ḥanoukkoh au sein de sa maison à l'intérieur. Et même s’il l’a placé sur sa table, c'est suffisant.

ח  בִּימֵי הַסַּכָּנָה, מַנִּיחַ נֵר חֲנֻכָּה בְּתוֹךְ בֵּיתוֹ מִבִּפְנִים; וְאַפִלּוּ הִנִּיחוֹ עַל שֻׁלְחָנוֹ, דַּיּוֹ.

 

Nous pouvons voir des propos du Rambo’’m que placer la Manôroh à gauche pour avoir la Mazouzoh à droite ne s’applique que dans le cas où les Nérôth Ḥanoukkoh sont allumées devant la porte d’entrée, à l’extérieur de la maison ! En outre, cela n’est d’application que si la maison est entièrement à nous. Par contre, si l’on habite dans un immeuble d’appartements, à l’étage, on allumera alors à la fenêtre qui donne vers le domaine public, de façon à ce que les Nérôth soient visibles à l’extérieur. Mais notons que le Rambo’’m ajoute à ce sujet que si l’on se trouve à l’étage à une hauteur supérieur à 20 ˋammôth (ce qui correspond à 9 mètres), la Miṣwoh ne peut pas être accomplie, car à cette hauteur on ne voit généralement pas de l’extérieur les Nérôth ! Enfin, si on se trouve à une époque ou dans une ville ou pays où il est dangereux pour les Juifs d’afficher leur foi, l’allumage se fera discrètement dans le secret de sa maison, sans que rien ne paraisse de l’extérieur. Et ainsi, on pourra placer la Manôroh n’importe où, même sur sa table.

 

3.     Doit-on nécessairement allumer de gauche à droite ?

 

Concernant la manière d’allumer les Nérôth de Ḥanoukkoh, le Rambo’’m a quelque chose de très intéressant à nous dire, et qui passe souvent inaperçu :[3]

 

1. Combien de lampes allume-t-il durant Ḥanoukkoh ? Sa Miṣwoh est que ce soit allumée dans chaque maison une seule lampe, que les gens de la maison soient nombreux ou qu'il n'y ait dedans qu'une seule personne. Mais celui qui embellit la Miṣwoh allume des lampes suivant le nombre de gens de la maison, une lampe pour chacun, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Et celui qui embellit davantage dans ce domaine, et accomplit la Miṣwoh de la façon la plus désirable, allume une lampe pour chacun la première nuit, et continue d’ajouter une supplémentaire chacune des nuits suivantes.

א  כַּמָּה נֵרוֹת הוּא מַדְלִיק בַּחֲנֻכָּה--מִצְוָתָהּ שֶׁיִּהְיֶה כָּל בַּיִת וּבַיִת מַדְלִיק נֵר אֶחָד, בֵּין שֶׁהָיוּ אַנְשֵׁי הַבַּיִת מְרֻבִּין, בֵּין שֶׁלֹּא הָיָה בּוֹ אֵלָא אָדָם אֶחָד.  וְהַמְּהַדֵּר אֶת הַמִּצְוָה, מַדְלִיק נֵרוֹת כְּמִנְיַן אַנְשֵׁי הַבַּיִת, נֵר לְכָל אֶחָד וְאֶחָד, בֵּין אֲנָשִׁים בֵּין נָשִׁים.  וְהַמְּהַדֵּר יוֹתֵר עַל זֶה וְעוֹשֶׂה מִצְוָה מִן הַמֻּבְחָר, מַדְלִיק נֵר לְכָל אֶחָד וְאֶחָד בַּלַּיְלָה הָרִאשׁוֹן, וּמוֹסִיף וְהוֹלֵךְ בְּכָל לַיְלָה וְלַיְלָה, אֶחָד.

2. Comment ça ? Si les gens de la maison étaient dix, la première nuit il allume dix lampes, et la deuxième nuit vingt [lampes], et la troisième nuit trente [lampes], jusqu'à ce que la huitième nuit il allume quatre-vingt [lampes].

ב  כֵּיצַד:  הֲרֵי שֶׁהָיוּ אַנְשֵׁי הַבַּיִת עֲשָׂרָה--בַּלַּיְלָה הָרִאשׁוֹן, מַדְלִיק עֲשָׂרָה נֵרוֹת; וּבְלֵיל שֵׁנִי, עֶשְׂרִים; וּבְלֵיל שְׁלִישִׁי, שְׁלוֹשִׁים; עַד שֶׁנִּמְצָא מַדְלִיק בְּלֵיל שְׁמִינִי, שְׁמוֹנִים.

3. Le Minhogh Poshout dans toutes nos villes, en Espagne, est que tous les gens de la maison allument une seule lampe la première nuit, et ils continuent d’ajouter une lampe [supplémentaire] chaque nuit, jusqu'à ce qu’il s’avère allumer la huitième nuit huit lampes, que les gens de la maison soient nombreux ou qu'il n'y ait qu'une seule personne.

ג  מִנְהָג פָּשׁוּט בְּכָל עָרֵינוּ בִּסְפָרַד, שֶׁיִּהְיוּ כָּל אַנְשֵׁי הַבַּיִת מַדְלִיקִין נֵר אֶחָד בַּלַּיְלָה הָרִאשׁוֹן, וּמוֹסִיפִין וְהוֹלְכִין נֵר בְּכָל לַיְלָה וְלַיְלָה, עַד שֶׁנִּמְצָא מַדְלִיק בְּלֵיל שְׁמִינִי שְׁמוֹנָה נֵרוֹת--בֵּין שֶׁהָיוּ אַנְשֵׁי הַבַּיִת מְרֻבִּים, בֵּין שֶׁהָיָה אָדָם אֶחָד.

 

Nous avons donc vu ici diverses façons d'accomplir la Miṣwoh de l'allumage des Nérôth de Ḥanoukkoh ; les voici :

 

1.     On peut s'acquitter de son devoir en n'allumant qu'une seule lampe chaque nuit de Ḥanoukkoh. C'est la façon la plus simple d'accomplir la Miṣwoh. C'est le minimum requis par le Din.

2.     On peut s'acquitter de son devoir en allumant chaque nuit de Ḥanoukkoh le nombre de lampes correspondant au nombre de personnes qui composent le ménage. Cette méthode est ce qu'on appelle « Hiddour Miṣwoh ».

3.     On peut s'acquitter de son devoir en allumant la première nuit de Ḥanoukkoh le nombre de lampes correspondant au nombre de personnes qui composent le ménage, et rajouter chacune des nuits suivantes une lampe supplémentaire par personne composant le ménage. Ainsi, si le ménage est composé de cinq personnes, on allumera cinq lampes la première nuit, dix la deuxième, quinze la troisième, etc., et quarante-cinq la huitième et dernière nuit. C'est la façon la plus désirable de s'acquitter de cette Miṣwoh, et correspond à la pratique des « Mahadhrin Min Hammahadhrin ».

4.     On peut s'acquitter de son devoir en allumant une seule lampe la première nuit de Ḥanoukkoh, et en ajoutant chacune des nuits suivantes une lampe supplémentaire, de sorte que la deuxième nuit deux lampes seront allumées, la troisième nuit trois lampes, etc., et la huitième et dernière nuit huit lampes. C'est la méthode de Béth Hillél, celle qui est la plus courante aujourd'hui.

 

Une cinquième méthode non mentionnée par le Rambo’’m existe, et est mentionnée dans le Ṭalmoudh :

 

5.     On peut s'acquitter de son devoir en allumant huit lampes la première nuit de Ḥanoukkoh, et en allumant chacune des nuits suivantes une lampe de moins que la veille, de sorte que la deuxième nuit sept lampes seront allumées, la troisième nuit six lampes, etc., et la huitième et dernière nuit une seule lampe. C'est la méthode de Béth Shamma`y.

 

Vous avez donc cinq façons d'accomplir la Miṣwoh, et toutes sont bonnes. Nous ne sommes pas obligés de faire comme « tout le monde ». La Halokhoh a largement prévu et permis la diversité dans ce domaine, pour la simple raison que comme expliqué dans l’article intitulé « L’allumage public des lampes de Ḥanoukkoh », allumer à la maison n’était pas la pratique originelle. Par conséquent, les Sages n’ont pas tranché de quelle manière on devait les allumer chez soi, et une diversité de pratiques existe. Notez toutefois que dans aucune de ces méthodes il n’est fait mention de l’ordre dans lequel les Nérôth devraient être allumées. Ainsi, il n’y a pas d’importance talmudique de les allumer de gauche à droite ou de droite à gauche. Ce sujet n’est jamais abordé dans le Ṭalmoudh, ni dans les écrits des Gaˋônim, dans les écrits des premiers Riˋshônim, et diverses explications ont été apportées pour la justifier. Mais ce n’est pas une obligation halakhique, pas même un Minhogh ; juste une habitude. Quelle soit suivie ou pas n’a aucune portée halakhique !

 



[1] Voir le Ṭalmoudh, Barokhôth 51b.

[2] Hilkôth Ḥanoukkoh 4 :7-8

[3] Ibid., 4 :1-3

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