ב״ה
L'interdiction
du Path ´akkou''m
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- Dans le Talmoudh
La
Mishnoh1
rapporte que HaZa''l ont interdit aux Israélites la
consommation du פַּת
עַכּוּ״ם « Path
´akkou''m », c'est-à-dire le pain cuit par les idolâtres. La
Gamoro` sur cette Mishnoh explique que la raison à ce décret est de
limiter l'interaction sociale avec les idolâtres, réduisant ainsi
les risques des mariages mixtes et d'une trop grande fraternisation
avec les idolâtres. Ailleurs2,
la Gamoro` rappelle ce décret faisait partie des fameux dix-huit
décrets émis par Béth Hillél et Béth Shamma`y. De manière
générale, ces dix-huit décrets sont considérés comme étant très
stricts et difficiles, voire impossible, à annuler. (Mais voir le
Chapitre 2 des Hilkôth Mamrim dans le Mishnéh Tôroh, où le
Ramba''m ז״ל
explique
bien que ces décrets peuvent être annulés, ainsi que comment et
pourquoi. Et nous verrons que certains d'entre eux furent
effectivement annulés. De ce fait, le raisonnement qui veut que ces
décrets ne peuvent être annulés ne tient pas.)
La
Mishnoh susmentionnée rapporte également que HaZa''l ont
interdit la consommation du שֶׁמֶן
עַכּוּ״ם « Shaman
´akkou''m », c'est-à-dire l'huile des idolâtres. Mais de
façon tout à fait intéressante, la Gamoro` sur cette Mishnoh
rapporte que Rébbi Yahoudhoh Hannosi` ז״ל
(le
compilateur de la Mishnoh) annula ce décret parce qu'il était avéré
qu'il était trop difficile à respecter pour la majorité de la
communauté israélite. Dans le monde pré-moderne, où les poêles
en Téflon n'étaient pas disponibles, l'huile était souvent
essentielle pour cuisiner (autrement, la nourriture brûlait), et il
était par conséquent extrêmement difficile d'adhérer au décret
de Shaman ´akkou''m.
Le
Ri''f ז״ל
(Rabbi
Yishoq
`alfasi, 1013-1103)3
et les Tôsofôth ז״ל
(les
gendres, disciples et petits-fils de Rash''i ז״ל)4
rapporte d'ailleurs le Talmoudh Yarousholmi5
qui déclare que HaZa''l ont en fait également annulé le décret de
Path ´akkou''m en raison de la difficulté pour la majorité des
Israélites d'y adhérer, étant donné que le pain est חַיֵּי
נֶפֶשׁ
« Hayé
Nafash » (la vie en dépend ; c'est-à-dire que c'est un
élément vital et essentiel de l'alimentation humaine). Il convient
donc de rappeler que dans les temps pré-modernes et même encore
aujourd'hui dans de nombreuses sociétés, le pain est l'élément
principal du repas. Citons d'ailleurs le verset suivant, de Dowidh
Hammalakh ע״ה
dans
ses Tahillim6 :
וְיַיִן,
יְשַׂמַּח
לְבַב-אֱנוֹשׁ--
לְהַצְהִיל
פָּנִים מִשָּׁמֶן;
וְלֶחֶם,
לְבַב-אֱנוֹשׁ
יִסְעָד « le
vin qui réjouit le cœur du mortel, l'huile qui rend brillante sa
face, et le pain qui soutient le cœur du mortel ».
La société Nord-Américaine dans lequel le pain ne remplit pas une
telle fonction est une exception. À l'évidence, dans les temps
bibliques, mishnaïques et talmudiques, le pain était un élément
indispensable à un repas, à tel point que du point de vue de la
Halokhoh, seul un repas au cours duquel du pain aura été consommé
est considéré comme un repas. Puisque restreindre les Israélites
en leur interdisant de consommer le pain des idolâtres n'était pas
pratique et trop difficile à respecter, ce décret fut annulée.
Mais
attention, le Talmoudh Yarousholmi est très précis, et cite
également une opinion selon laquelle ce décret ne fut annulé que
pour permettre le פת
פלטר
« Path
Paltér », c'est-à-dire le pain provenant d'un boulanger
idolâtre et que l'on achète dans un contexte commercial, mais pas
le pain qui fut obtenu auprès d'un idolâtre dans un contexte
social. Étant donné que l'annulation du décret de Path `akkou''m
fut motivée par des soucis de Hayé
Nafash, cette opinion citée par le Talmoudh Yarousholmi soutient que
HaZa''l
ne l'ont annulé que lorsqu'on achète son pain auprès d'un
boulanger idolâtre, et non pas lorsqu'un idolâtre nous offre du
pain ou nous propose d'en manger avec lui. Cela reste interdit afin
de limiter les interactions et la fraternisation avec les idolâtres.
Mais le fait d'acheter son pain dans une boulangerie n'est pas un
problème (dès lors que les ingrédients du pain sont évidemment
Koshér.)
Ce
qui est fascinant, c'est que contrairement au Talmoudh Yarousholmi
qui est clair, le Talmoudh Bavli (que l'on traite généralement
comme faisant autorité) semble être volontairement ambiguë sur la
question. Tout d'abord, la Gamoro`7
rapporte l'affirmation faite par Rov Yôhonon
ז״ל
selon
laquelle le décret de Path ´akkou''m ne fut pas annulé. Mais la
Gamoro` ajoute toutefois que le besoin pour Rov Yôhonon
d'affirmer cela découlait du fait que quelqu'un l'avait
effectivement annulé, mais qu'il n'était pas d'accord avec son
annulation ! La Gamoro` cite alors quelques épisodes ambigus
dans lesquels il semble que Rébbi Yahoudhoh Hannosi` ait annulé ce
décret partiellement ou entièrement. Une possibilité proposée par
la Gamoro` est qu'il a permis de ne consommer que le pain acheté
auprès d'un boulanger idolâtre (le « Path Paltér »).
Ce passage se conclut en rapportant que `ibbou ז״ל
(l'une
des premiers `ammôro`im, et le père de Rov) consommait sans
problème du Path ´akkou''m et que certains autres `ammôro`im venus
après lui refusaient systématiquement de citer ses enseignements
sur la Tôroh à cause de cela (ce qui peut expliquer pourquoi `ibbou
est rarement mentionné dans la Gamoro`).
Un
peu plus loin8,
la Gamoro` du Bavli rapporte une anecdote sur Rébbi Yahoudhoh
Hannosi` et son assistant, Rébbi Simla`y ז״ל.
Rébbi Yahoudhoh Hannosi` fit remarquer à Rébbi Simla`y qu'il
(Rébbi Simla`y) avait manqué la séance dans le Béth Midhrosh au
cours de laquelle les Sages ont annulé le décret de Shaman
´akkou''m. Entendant cela, Rébbi Simla`y répondit en demandant
pourquoi est-ce qu'ils n'avaient pas non plus annulé le décret de
Path ´akkou''m. Rébbi Yahoudhoh Hannosi` lui répondit que s'ils
l'avaient fait, son Béth Din aurait été considéré comme trop
permissif.
Ainsi,
le Talmoudh Bavli sous-entend qu'il y avait une bonne raison
d'annuler le décret de Path ´akkou''m, mais ne dit jamais
explicitement que cela a été fait. Ces anecdotes révèlent que la
majorité des Israélites trouvaient trop difficile d'adhérer au
décret de Path ´akkou''m. C'est pourquoi Rébbi Yahoudhoh Hannosi`
était désireux d'annuler, du moins en théorie, ce décret, mais
craignait qu'il ne soit pas approprié de le faire (alors que le
Talmoudh Yarousholmi dit explicitement et sans ambiguïté qu'il l'a
bel et bien annulé). L’ambiguïté du Talmoudh Bavli est le point
de départ pour les différentes approches existant aujourd'hui sur
cette question du Path ´akkou''m. En effet, on retrouve diverses
positions aujourd'hui, des plus permissives (les communautés qui
permettent tous les pains des non Juifs) aux plus strictes (les
communautés qui interdisent catégoriquement tout pain cuit par des
non Juifs), en passant par les modérées (les communautés qui ne
permettent que le pain des boulangers non Juifs, mais s'interdisent
les pains cuits par les particuliers).
- Les Ri`shônim : Ramba''m et les Tôsofôth
Beaucoup
font souvent dire au Ramba''m ce qu'il n'a pas dit. Ainsi, le passage
suivant du Mishnéh Tôroh est souvent cité pour démontrer que le
Ramba''m était d'avis que l'interdiction du Path ´akkou''m est
encore en vigueur9 :
Et
il y a d'autres choses que les Sages ont interdites. Bien qu'il
n'y ait pas de base provenant de la Tôroh pour les interdire, ils
ont émis un décret contre elles afin de s'éloigner des Gôyim,
de sorte que les Israélites ne se mélangent pas à eux et n'en
arrivent au mariage [mixte]. Les voici : ils ont interdit de
boire avec eux, même là où il n'est pas à soupçonner qu'il y
ait du vin de libation ; ils ont interdit de consommer leur
pain ou leur plats cuits, même là où il n'est pas à soupçonner
que la nourriture est interdite.
|
וְיֵשׁ
שָׁם דְּבָרִים אֲחֵרִים,
אָסְרוּ
אוֹתָן חֲכָמִים,
וְאַף
עַל פִּי שְׁאֵין לְאִסּוּרָן עִיקָר
מִן הַתּוֹרָה,
גָּזְרוּ
עֲלֵיהֶן כְּדֵי לְהִתְרַחַק מִן
הַגּוֹיִים--עַד
שֶׁלֹּא יִתְעָרְבוּ בָּהֶן יִשְׂרָאֵל,
וְיָבוֹאוּ
לִידֵי חַתְנוּת;
וְאֵלּוּ
הֶן:
אָסְרוּ
לִשְׁתּוֹת עִמָּהֶן,
וְאַפִלּוּ
בִּמְקוֹם שֶׁלֹּא לָחוּשׁ לְיֵין
נֶסֶךְ;
וְאָסְרוּ
לֶאֱכֹל פִּתָּן אוֹ בִּשּׁוּלֵיהֶן,
וְאַפִלּוּ
בִּמְקוֹם שֶׁלֹּא לָחוּשׁ לְגֵעוּלֵיהֶן
|
Étant
donné que le Ramba''m mentionne l'interdiction de Path ´akkou''m
dans ce contexte-ci, avec les interdictions de boire le vin des
idolâtres et consommer leurs plats cuits (interdiction de « Bishoul
´akkou''m ». Nous en avions parlée ici),
beaucoup déduisent que le Ramba''m considérait que cette
interdiction s'applique encore. Mais c'est complètement faux !
Le Ramba''m ne fait que citer le décret d'origine, et va seulement
après expliquer, dans les autres Halokhôth, comment les comprendre
et appliquer. Ainsi, par exemple, concernant le décret interdisant
de boire du vin des idolâtres, notez que le Ramba''m ne dit pas
qu'il est interdit d'en boire, mais qu'il est interdire d'en boire
avec eux.
C'est pourquoi, dans les deux Halokhôth juste après (Halokhôth 10
et 11), il écrit ceci :
10.
Comment ça ? Un homme
ne doit pas boire à une fête des Gôyim, quand bien même ce
serait du vin cuit qui n'est pas versé en libation, ou même s'il
buvait de ses propres ustensiles. Mais si la majorité des
convives sont Israélites, c'est permis. On ne peut pas boire une
bière qu'ils ont faite à partir de dattes, de figues, et de
choses semblables, et cela n'est interdit que là où ils la
vendent. Mais si on a apporté la bière dans sa maison et qu'on
la boit là, c'est permis, car la base du décret est afin que
l'on ne dîne pas avec eux.
|
י כֵּיצַד:
לֹא
יִשְׁתֶּה אָדָם בִּמְסִבָּה
שֶׁלַּגּוֹיִים,
וְאַף
עַל פִּי שְׁהוּא יַיִן מְבֻשָּׁל
שְׁאֵינוּ נֶאֱסָר,
אוֹ
שֶׁהָיָה הַשּׁוֹתֶה מִכֵּלָיו לְבַדּוֹ;
וְאִם
הָיָה רֹב הַמְּסִבָּה יִשְׂרָאֵל,
מֻתָּר.
וְאֵין
שׁוֹתִין שֵׁכָר שֶׁלָּהֶן שֶׁעוֹשִׂין
מִן הַתְּמָרִים וְהַתְּאֵנִים
וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן;
וְאֵינוּ
אָסוּר אֵלָא בִּמְקוֹם מְכִירָתוֹ,
אֲבָל
אִם הֵבִיא הַשֵּׁכָר לְבֵיתוֹ וְשָׁתָהוּ
שָׁם,
מֻתָּר:
שֶׁעִיקַר
הַגְּזֵרָה,
שֶׁמֶּא
יִסְעֹד אֶצְלוֹ
|
11.
Du vin de pommes, du vin de
grenades, et des choses semblables, il est permis d'en boire en
tout lieu. Ils n'ont pas émis de décret contre une chose qui
n'est pas courante. Du vin de raisins est comme du vin [ordinaire]
et il a été versé en libation.
|
יא יֵין
תַּפּוּחִים וְיֵין רִמּוֹנִים
וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן,
מֻתָּר
לִשְׁתּוֹתָן בְּכָל מָקוֹם--דָּבָר
שְׁאֵינוּ מָצוּי,
לֹא
גָזְרוּ עָלָיו;
יֵין
צִמּוּקִים,
הֲרֵי
הוּא כְּיַיִן וּמִתְנַסֵּךְ
|
Le
Ramba''m est très clair sur le fait que lorsque nos Sages ont
interdit le vin des idolâtres, ce n'était pas le vin en lui-même
qu'ils ont interdit, mais plutôt trois choses :
- boire du vin avec eux, lors de leurs fêtes, car cela crée une trop grande promiscuité, alors que c'est justement pour éviter que l'on soit trop proches d'eux que cela fut interdit. Et pour bien faire comprendre que cela n'a rien à voir avec la Kashrouth des ustensiles utilisés pour boire le vin, le Ramba''m précise que même si on a apporté nos propres ustensiles, il restera interdit de boire du vin avec des Gôyim lors de leurs fêtes. Par contre, si la majorité de ceux qui assistent à cette fête sont des Israélites, l'interdiction ne s'applique plus ;
- consommer des bières là où les Gôyim les vendent est interdit, puisqu'en les consommant là, on va en arriver à discuter avec eux, à être trop familier avec eux, etc. Mais si on rapporte ces bières chez soi pour les boire chez nous, cela ne pose aucun problème, puisque ce n'était pas les boissons des Gôyim en tant que telles qui furent interdites, mais le fait de dîner, manger avec eux, créant ainsi un lien trop étroit. Par conséquent, le fait de les boire chez soi ne pose aucun problème ;
- boire du vin à base de raisin a été interdit parce que cette sorte de vin s'utilise dans un culte idolâtre, pour offrir des libations à des faux dieux, ce qui n'est pas le cas des autres sortes de vin. Voilà pourquoi les vins qui ne sont pas à base de raisins sont autorisés, et puisque ce ne sont pas des boissons de fête si courantes, même en boire en présence des Gôyim est permis, car nos Sages n'émettent jamais de décret contre ce qui est inhabituel.
Il
faut donc mettre les propos du Ramba''m en perspective, plutôt que
simplement citer une partie. Ainsi, pour revenir au sujet du Path
´akkou''m, après avoir dit que nos Sages l'ont interdit, voici ce
qu'explique le Ramba''m10 :
Bien
qu'ils aient interdit le pain des Gôyim, il y a des endroits qui
sont indulgents à ce sujet et achètent du pain des boulangers
Gôyim là où il n'y a pas de boulangers Israélites, ainsi qu'en
campagne, parce que c'est une situation de grande nécessité.
Mais du pain de particuliers, il n'y a aucune opinion qui permette
d'être indulgent, car la base du décret est causé [par
l'interdiction] du mariage [mixte] et parce que si on mange du
pain de particuliers, on en arrivera à dîner avec eux.
|
אַף
עַל פִּי שֶׁאָסְרוּ פַּת גּוֹיִים,
יֵשׁ
מְקוֹמוֹת שֶׁמְּקִילִין בַּדָּבָר
וְלוֹקְחִין פַּת מִן הַנַּחְתּוֹם
הַגּוֹי,
בִּמְקוֹם
שְׁאֵין שָׁם נַחְתּוֹם יִשְׂרָאֵל;
וּבַשָּׂדֶה,
מִפְּנֵי
שְׁהִיא שָׁעַת הַדֹּחַק.
אֲבָל
פַּת בַּעֲלֵי בָּתִּים,
אֵין
שָׁם מִי שֶׁמּוֹרֶה בָּהּ לְהָקֶל:
שֶׁעִיקַר
הַגְּזֵרָה מִשּׁוֹם חַתְנוּת;
וְאִם
יֹאכַל פַּת בַּעֲלֵי בָּתִּים,
יָבוֹא
לִסְעֹד אֶצְלָן
|
En
d'autres mots, le Ramba''m, en rapportant qu'à certains endroits on
se permet de manger du pain de boulangers Gôyim, et en prenant la
peine d'expliquer pourquoi cela est permis à ces endroits-là, veut
nous faire comprendre qu'il existe des raisons valables pour
permettre le pain des Gôyim. Le Ramba''m ne dit pas s'il fait comme
eux ou s'il considère que c'est interdit, mais montre que ceux qui
le permettent ont sur quoi s'appuyer. En fait, cette non prise de
décision du Ramba''m est normale en quelque sorte : puisque le
Talmoudh Bavli est ambiguë sur la question, il préfère ne pas se
prononcer définitivement sur la question, et fait comprendre que
même si on permet le pain des Gôyim, c'est une position valable. Et
notez là encore que le Ramba''m est clair sur le fait que ce décret
n'a rien à voir avec des soucis de Kashrouth, mais le fait d'être
trop proche des Gôyim. C'est pourquoi, il y a une différence entre
acheter du pain chez un boulanger Gôy et accepter du pain qu'un
particulier Gôy nous offre ou a cuit spécialement pour nous. Dans
le premier cas, la relation n'est que commerciale, et cela ne crée
donc aucun lien, alors que dans le deuxième cas, c'est un
rapprochement qui peut amener à accepter de manger avec le Gôy,
fraterniser, etc.
Il
est très important et primordial de toujours avoir le réflexe de se
demander pourquoi HaZa''l
ont émis certains décrets, voir si leurs raisons s'appliquent
encore et chercher ce qu'en ont dit les Ri`shônim. C'est comme ça
que l'on étudie le Talmoudh avec sagesse et que l'on ne peut pas se
tromper dans sa pratique religieuse, en dépit du fait que la
majorité fasse autrement. Et croire que parce que HaZa''l
ont émis un décret, il est impossible qu'il ne s'applique plus, est
totalement faux !
Les
Tôsofôth11
adoptent une approche totalement différente de celle du Ramba''m.
Alors que le Ramba''m reste plutôt neutre et permet aussi bien
d'être strict qu'indulgent sur la question du Path ´akkou''m, les
Tôsofôth sont catégoriques sur le fait que ce décret ne
s'applique plus du tout ! Ils font remarquer qu'à leur époque,
la pratique commune consistait à consommer du Path ´akkou''m. Ils
relèvent également que la Gamoro` du Talmoudh Bavli implique
clairement qu'il y a une base valable pour annuler le décret du Path
´akkou''m. Les Tôsofôth déduisent également du comportement des
Juifs de leur époque qu'un Béth Din a bien dû, à un moment donné,
annuler cette interdiction du Path ´akkou''m, bien que cela ne soit
pas explicitement dit dans le Talmoudh Bavli, car autrement il serait
impossible d'expliquer pourquoi tant de Juifs se permettaient de
consommer du Path ´akkou''m. Enfin, ils citent dans ce contexte
l'affirmation faite dans le Talmoudh Yarousholmi selon quoi ce décret
a bien été annulé. (De toute façon, bien que les gens suivent
généralement le Talmoudh Bavli, lorsqu'un sujet n'y est pas
clairement expliqué, tandis que dans le Talmoudh Yarousholmi (qui
est toujours plus clair) il y est expliqué clairement, c'est
l'approche du Yarousholmi qu'il faut suivre.) C'est ainsi que les
Pôsqim `ashkanazim de l'ère des Ri`shônim permettaient sans aucun
problème le Path ´akkou''m. Citons par exemple le Ra''n12
ז״ל,
le Rô''sh13
ז״ל,
ou encore le Mordékhay14
ז״ל.
Les Tôsofôth notent toutefois que certains sont stricts et ne
s'appuient pas sur leur approche indulgente, et concluent en disant
que ceux qui suivent l'approche indulgente et ceux qui suivent
l'approche stricte peuvent coexister et manger ensemble à la même
table !
- Les `aharônim : Le Shoulhon ´oroukh et ceux qui l'ont commenté
Rabbi
Yôséf Qa`rô ז״ל
tranche
dans son Shoulhon
´oroukh que le décret de Path ´akkou''m est encore d'application,
mais il admet toutefois qu'il existe des endroits qui permettent le
Path ´akkou''m dans des situations où du Path Yisro`él (pain cuit
par un Israélite) n'est pas disponible.15
Un peu plus loin16,
il rapporte que certains s'appuient sur l'opinion du Rashba''` ז״ל
(Rabbi
Shalômôh ban `addarath, 1235-1310) selon qui, si du Path ´akkou''m
est d'une qualité supérieure à du Path Yisro`él disponible dans
une certaine localité, dans ce cas, dans cette localité, on doit
considérer que du Path Yisro`él n'est pas disponible, et on peut
donc consommer du Path ´akkou''m, bien qu'il y ait du Path Yisro`él
en vente dans cette localité. HoRov Môshah Feinstein (1895-1986)17
fait remarquer que Rabbi Yôséf Qa`rô ne cite pas le Tour ז״ל,
qui était pourtant opposé à l'approche du Rashba''`, et conclut
donc que cela indique que bien que Rabbi Yôséf Qa`rô soit d'avis
que le décret de Path ´akkou''m s'applique encore, il n'est pas
opposé à ceux qui suivent la position du Rashba''`. Cela nous
montre clairement que même Rabbi Yôséf Qa`rô n'était pas d'avis
que sa position était définitivement celle de la Halokhoh, et il
permet donc d'être indulgent, car il y a des bases solides (comme
nous l'avons montré) pour permettre le Path ´akkou''m.
De
même, dans ses gloses sur le Shoulhon
´oroukh, le Ramo''` ז״ל
(Rabbi
Môshah `issarlès de Cracovie, 1520-1572)18
note qu'une opinion permet de consommer du Path ´akkou''m même
lorsque du Path Yisro`él est disponible dans cette localité. Là
encore, HoRov Môshah Feinstein fait remarquer que le Ramo''` ne cite
aucune opinion divergente, indiquant par-là que c'est la position à
adopter. Le Sha''h
ז״ל
(Rabbi
Shabbatha`y ban Mé`ir Hakkôhén, 1621-1662)19
relève que la pratique courante parmi les `ashkanazim consiste à
permettre de consommer du Path ´akkou''m même lorsque du Path
Yisro`él est disponible. Cependant, il adopte personnellement une
position e compromis et écrit qu'il croit qu'il ne faudrait pas
suivre l'opinion indulgente, à moins que le Path ´akkou'''m soit
d'une qualité supérieure au Path Yisro`él disponible (en accord
avec la position du Rashba''`, et non celle du Ramo''`).
Le
Hokhmath
`odhom ז״ל
(Rabbi
`avrohom ban Yahi`él
Mikhél Danzig, 1748-1820)20
rapporte que la pratique courante consiste à suivre la décision
indulgente du Ramo''`. Cependant, il tranche qu'il serait préférable
pour un individu pieux de suivre quelque peu la position plus stricte
du Sha''h.
Le
´oroukh Hashoulhon
ז״ל
(Rabbi
Yahi`él
Mikhél Epstein, 1829-1908)21
adopte une approche plus stricte. Il semble dire que la pratique dans
sa localité (il ne précise pas si telle était la pratique
seulement dans sa ville, Navaradok, ou dans toute la région où il
vivait) consistait à adopter l'opinion stricte du Ramba''m et du
Shoulhon
´oroukh, à savoir, que le décret du Path ´akkou'''m s'appliquait
encore et que l'on ne devait pas en consommer (or, nous avons vu que
ce n'est pas exactement ce que dit le Ramba''m). Ainsi, dans sa
localité, les Juifs évitaient soigneusement de consommer du Path
´akkou''m même lorsqu'il était de qualité supérieure à du Path
Yisro`él disponible. Il écrit que « C'est
l'approche appropriée, et on ne doit pas en dévier ».
(Voir cependant dans le ´oroukh
Hashoulhon,
`ôrah
Hayim
603:2, où il se
contredit.)
Le
Hofés
Hayim
ז״ל
(Rabbi
Yisro`él Mé`ir Hakkôhén Kagan, 1838-1933)22
écrit qu'il est « approprié » qu'à Shabboth et Yôm
Tôv on ne consomme que du Path Yisro`él, car cela constitue un
accomplissement du Kavôdh Shabboth et Yôm Tôv (honneur dû au
Shabboth et à Yôm Tôv). Il s'appuie en cela sur une déclaration
explicite du Moghén `avrohom ז״ל
(Rabbi
`avrohom `avéli Halléwi Gombiner, 1635-1682)23.
Cela sous-entend donc que le Hofés
Hayim
n'était pas opposé au fait de consommer du Path ´akkou''m le reste
de l'année, et qu'en abstenir pour Shabboth et Yôm Tôv n'est
qu'une recommandation, pas une obligation !
Enfin,
terminons par rapporter qu'aussi bien le Darkhé Tashouvoh (Rabbi
Savi
Hirsch Spira de Mounkatch, qui fut le quatrième Rébbé de la secte
hassidique Mounkatch)24
que le Kaf Hahayim
(Rabbi Ya´aqôv Hayim
Sôfér, 1870-1939)25
citent le `ari comme ayant exhorté à scrupuleusement éviter de
consommer du Path ´akkou''m sur
base de considérations kabbalistiques
(et même pas halakhiques. Ainsi, manger du Path ´akkou''m
amènerait, entre autres choses, à boucher le cœur du Juif, ce qui
le désensibiliserait à la Tôroh, etc. Bref, des sottises comme la
« Qabboloh » en raffole). Cela explique pourquoi les
Hasidhim
(qui prennent énormément en compte les choses kabbalistiques) sont
plus particulièrement minutieux sur cette question, et évitent plus
que n'importe quel autre Juif de consommer du Path ´akkou''m.
- Conclusion
Notons
qu'aucune de ces autorités venus après les Ri`shônim ne prend
réellement en compte le Talmoudh. Ces Pôsqim ne tranchent pas sur
base du Talmoudh, sur base de ce qu'untel et untel a dit ! À la
différence d'eux, les Ri`shônim débattaient sur base du Talmoudh,
et uniquement du Talmoudh ! Et d'un point de vue strictement
talmudique, nous voyons dans le Yarousholmi que le décret du Path
´akkou''m a été annulé par HaZa''l.
Et bien que le Bavli ne soit pas aussi clair sur ce sujet que le
Yarousholmi, il indique qu'il y a des bases raisonnables et valables
pour conclure que le décret a été annulé.
Par
conséquent, ceux qui veulent être stricts et ne consommer que du
Path Yisro`él ont parfaitement le droit de le faire. Néanmoins, ils
n'ont pas le droit de prétendre que « la Halokhoh interdit le
Path ´akkou'''m », car nous avons vu que non seulement le
Talmoudh implique que ce décret n'est plus d'application, mais qu'en
plus il existe parmi les `aharônim différentes positions sur la
question : certains tranchent que le décret de Path ´akkou'''m
est encore d'application, un deuxième groupe soutient qu'il fut
annulé et ne s'applique plus si on achète du Path Paltér, un
troisième groupe soutient que le Path Paltér n'est permis que si du
Path Yisro`él n'est pas disponible, et un quatrième groupe soutient
que même si du Path Yisro`él est disponible mais que le Path Paltér
est de meilleur qualité que le Path Yisro`él disponible, on pourra
consommer le Path Paltér. Il est donc faux de prétendre que « la
Halokhoh interdit de consommer du Path ´akkou''m ».
Le
décret a été annulé, comme l'atteste le Talmoudh Yarousholmi, de
la même façon que celui interdisant l'huile des Gôyim fut annulé !
Et il n'y a pas lieu d'être « fanatique », surtout si
c'est sur base de considérations « kabbalistiques » sans
tête ni queue !
1´avôdhoh
Zoroh 35b
2Shabboth
17b
3Commentaire
sur ´avôdhoh Zoroh 14b
4Commentaire
sur ´avôdhoh Zoroh 35b
5´avôdhoh
Zoroh 2:8
6Tahillim
104:15
7´avôdhoh
Zoroh 35b
8Ibid.,
37a
9Hilkôth
Ma`akholôth `asourôth 17:9
10Ibid.,
17:12
11Commentaire
sur ´avôdhoh Zoroh 35b
12Sur
´avôdhoh Zoroh 14b
13´avôdhoh
Zoroh 2:27
14´avôdhoh
Zoroh 830
15Yôréh
Dé´oh 112:1-2
16Ibid.,
112:5
17Tashouvôth
`iggarôth Môshah, Yôréh Dé´oh 2:33
18Yôréh
Dé´oh 112:2
19Yôréh
Dé´oh 112:9
2065:2
21Yôréh
Dé´oh 112:17
22Mishnoh
Barouroh 242:6
23242:4
24112:18
25Yôréh
Dé´oh 112:56