ב״ה
Le
pardon dans la tradition juive
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Nous
lisons ceci dans l'Écriture1 :
Heureux
celui dont la faute est pardonné, celui dont le péché est
couvert. Heureux l'homme à qui `adhônoy n'impute pas l'iniquité
et dans l'esprit duquel il n'y a point de culpabilité |
אַשְׁרֵי
נְשׂוּי-פֶּשַׁע;
כְּסוּי
חֲטָאָה
אַשְׁרֵי
אָדָם--לֹא
יַחְשֹׁב יהוה לוֹ עָוֹן;
וְאֵין
בְּרוּחוֹ רְמִיָּה
|
Le
pardon est un don Divin répandu sur les êtres humains égarés qui,
à cause de leur nature humaine, ont échoué à atteindre le niveau
attendu d'eux par HaShem, כִּי
אָדָם,
אֵין
צַדִּיק בָּאָרֶץ--אֲשֶׁר
יַעֲשֶׂה-טּוֹב,
וְלֹא
יֶחֱטָא
« Car
il n'y a point d'homme juste sur terre qui fasse le bien et ne pèche
pas ».2
Le
pardon est si essentiel pour la survie même de l'humanité et de la
société humaine que ce fut l'une des sept choses qui furent créées
avant même que le monde n'existe3,
comme il est écrit4 :
בְּטֶרֶם,
הָרִים
יֻלָּדוּ--
וַתְּחוֹלֵל
אֶרֶץ וְתֵבֵל וּמֵעוֹלָם עַד-עוֹלָם,
אַתָּה
אֵל תָּשֵׁב אֱנוֹשׁ,
עַד-דַּכָּא;
וַתֹּאמֶר,
שׁוּבוּ
בְנֵי-אָדָם
« Avant
que les montagnes ne furent amenées à l'existence, avant que Tu
n'aies formé la terre et le monde, d'éternité en éternité Tu es
Dieu. Tu ramènes5
les humains à la poussière et leur dit : ''Revenez, Ô fils de
l'homme !'' ».
Selon
la tradition juive, le don de la repentance et la formule standard
pour obtenir le pardon Divin furent révélés à Môshah Rabbénou
ע״ה,
le Père de tous les Prophètes qui l'ont précédé et lui ont
succédé, au Mont Sinaï lorsqu'il plaida auprès de Dieu pour qu'Il
pardonne les Bané Yisro`él après le péché du Veau d'Or. La
sainte Tôroh rapporte ceci6 :
`adhônoy descendit dans
la nuée, s'arrêta là, près de lui et il invoqua le nom de
`adhônoy. `adhônoy passa devant lui et proclama : `ADHÖNOY,
`ADHÖNOY, DIEU, CLEMENT, MISERICORDIEUX, LENT A LA COLERE, PLEIN
DE BIENVEILLANCE ET D'EQUITE; IL CONSERVE SA GRÂCE JUSQU'A LA
MILLIEME GENERATION; IL SUPPORTE LE CRIME, LA REBELLION, LA FAUTE,
MAIS IL NE LES ABSOUT POINT : Il poursuit le méfait des pères
sur les enfants, sur les petits-enfants, jusqu'à la troisième et
à la quatrième descendance. |
וַיֵּרֶד
יהוה בֶּעָנָן,
וַיִּתְיַצֵּב
עִמּוֹ שָׁם;
וַיִּקְרָא
בְשֵׁם,
יהוה
וַיַּעֲבֹר יהוה עַל-פָּנָיו,
וַיִּקְרָא,
יהוה
יהוה,
אֵל
רַחוּם וְחַנּוּן--אֶרֶךְ
אַפַּיִם,
וְרַב-חֶסֶד
וֶאֱמֶת נֹצֵר חֶסֶד לָאֲלָפִים,
נֹשֵׂא
עָוֹן וָפֶשַׁע וְחַטָּאָה;
וְנַקֵּה,
לֹא
יְנַקֶּה--פֹּקֵד
עֲוֹן אָבוֹת עַל-בָּנִים
וְעַל-בְּנֵי
בָנִים,
עַל-שִׁלֵּשִׁים
וְעַל-רִבֵּעִים
|
En
décrivant cette scène extraordinaire rapportée par la Tôroh, Rov
Yôhonon ז״ל
a
expliqué ce qui suit7 :
« `adhônoy
passa devant lui et proclama, etc. » ;
Rov Yôhonon a dit : Si l’Écriture elle-même ne l'avait
pas écrit, il nous aurait été impossible de dire une telle
chose ; ce verset nous enseigne que le Saint, béni soit-Il,
S'est enveloppé comme le Shaliah Sibbour et a
montré à Môshah l'ordre de la prière. Il lui a dit :
''Chaque fois que les Israélites auront péché, qu'ils
accomplissent devant Moi cet ordre [de la prière] devant Moi et
Moi Je leur pardonnerai !.''
|
ויעבור
ה'
על
פניו ויקרא א"ר
יוחנן אלמלא מקרא כתוב אי אפשר לאומרו
מלמד שנתעטף הקב"ה
כשליח צבור והראה לו למשה סדר תפלה אמר
לו כל זמן שישראל חוטאין יעשו לפני כסדר
הזה ואני מוחל להם
|
Et
Rov Yahoudhoh ז״ל
a
ajouté que le verset הִנֵּה
אָנֹכִי כֹּרֵת בְּרִית
« Voici,
J'établis une alliance »8,
mentionné juste après les Treize Attributs de Miséricorde Divine,
indique que la révélation de ces Treize Attributs constitue
effectivement une alliance qui garantie que le peuple ne sera jamais
renvoyé sans pardon lorsqu'ils les récitent avec concentration et
sincérité. Cette formule est le thème central des prières des
Salihôth
récitées durant la période de dix jours allant de Rô`sh Hashonoh
à Yôm Hakkippourim.
Dieu
est un Dieu pardonneur qui désire la repentance des pécheurs. Trois
fois par jours, durant les prières quotidiennes, les Israélites
récitent les bénédictions suivantes dans les Shamônah ´asréh :
Ramène-nous
vers Toi `adhônoy et nous reviendrons. Renouvelle nos jours comme
[aux temps d']autrefois. Béni Tu es `adhônoy, Qui prend plaisir
en la repentance.
|
הֲשִׁיבֵנוּ
יְהוָה אֵלֶיךָ וְנָשׁוּבָה,
חַדֵּשׁ
יָמֵינוּ כְּקֶדֶם.
בָּרוּךְ
אַתָּה יְהוָה הָרוֹצֶה בִּתְשׁוּבָה
|
Pardonne-nous
notre Père, car nous nous sommes égarés de Toi. Efface et
détourne de Tes yeux nos transgressions [volontaires], car
abondante est Ta miséricorde. Béni Tu es `adhônoy, Qui abonde
en pardon.
|
סְלַח
לָנוּ אָבִינוּ כִּי חָטָאנוּ לָךְ,
מְחֵה
וְהַעֲבִר פְּשָׁעֵינוּ מְנֶּגֶד
עֵינֶיךָ,
כִּי
רַבִּים רַחֲמֶיךָ.
בָּרוּךְ
אַתָּה יְהוָה,
חַנּוּן
וּמַרְבֶּה לִסְלֹחַ
|
Ce
thème est répété encore et encore tout au long de l'office
liturgique. Nos Sages, de mémoire bénie, enseignent même que la
bonté et la miséricorde Divine sont reflétées dans le nom de Dieu
Lui-même ! Le Tétragramme, YHWH, est utilisé comme nom Divin
quand Il manifeste Sa Middath Horahamim (mesure d'amour, de bonté et de pardon), alors que « `alôhim » est utilisé pour
désigner Sa Middath Haddin (mesure de justice, de jugement et de rigueur).
Trois
mots sont employés dans la littérature juive pour désigner le
pardon :
- מְחִילָה « Mahiloh » ;
- סְלִיחָה « Salihoh »
- כַּפָּרָה « Kapporoh »
Bien
que ces trois termes traitent du même sujet, ils ne sont pas
totalement synonymes et leurs nuances nous seront très utiles à
connaître. Le terme « Kapporoh » désigne un
pardon si profond qu'il n'y a plus aucune trace ou souvenir de
l'offense commise. C'est ce que permet d'accomplir Yôm Hakkippourim.
« Mahiloh »
est un terme halakhique et technique qui s'applique quand un préteur
abandonne ou annule tout ou une partie de la dette qu'une autre
personne lui devait. Appliqué au contexte du pardon, Mahiloh
est la rémission ou l'annulation de la punition et de toute
conséquence légale du péché commis. Mais dans le processus de
repentance, la Mahiloh ne suffit pas à elle toute seule,
parce qu'en plus de l'obligation pour le pécheur de dédommager la
victime pour les dégâts ou les souffrances qu'elle a endurés à
cause de lui ou pour la punition qu'il doit assumer, le péché a
d'autres conséquences. Le péché, quand on y prend goût, éloigne
de Dieu, comme il est écrit9 :
כִּי
אִם-עֲוֹנֹתֵיכֶם,
הָיוּ
מַבְדִּלִים,
בֵּינֵכֶם,
לְבֵין
אֱלֹהֵיכֶם « Car
vos méfaits ont érigé une séparation entre vous et votre Dieu ».
Un pécheur a alors également besoin des qualités purificatrices et
guérisseuses de la Salihoh. La Salihoh est un
processus qui nettoie et sanctifie la dimension métaphysique de la
personne. La purification et la sanctification qui résultent d'une
repentance appropriée nous sont décrites par Rébbi ´aqivo` ז״ל,
dans l'une de mes Mishnoyôth préférées10 :
Rébbi ´aqivo` a dit :
Heureux êtes-vous Yisro`él ! Qui est Celui devant Qui vous
vous purifiez ? Et Qui est Celui qui vous purifie ?
Votre Père qui est dans les cieux, car il est dit11 :
« Et Je déverserai sur vous des eaux pures et vous
serez purs », et il est aussi dit12 :
« Le Miqwah de Yisro`él est HaShem »13 ;
tout comme le Miqwah rend pur l'impur, de même le Saint, béni
Soit-Il, purifie Yisro`él ! |
אמר
רבי עקיבא,
אשריכם
ישראל,
לפני
מי אתם מטהרין,
ומי
מטהר אתכם,
אביכם
שבשמים,
שנאמר,
וזרקתי
עליכם מים טהורים וטהרתם.
ואומר,
מקוה
ישראל יי,
מה
מקוה מטהר את הטמאים,
אף
הקדוש ברוך הוא מטהר את ישראל
|
Et
le grand sage talmoudhique Rébbi Hanno` ban Hanino`
ז״ל
a
dit :
Grande
est la Tashouvoh, car elle apporte la guérison du monde, comme il
est dit14 :
אֶרְפָּא,
מְשׁוּבָתָם--אֹהֲבֵם,
נְדָבָה
« Je
les guérirai de leurs égarements ; Je les aimerai
gratuitement ».
Et
plus loin, Rébbi Léwi ז״ל
a
dit :
Grande
est la Tashouvoh, car elle permet d'atteindre le Trône de Gloire,
comme il est dit15 :
שׁוּבָה,
יִשְׂרָאֵל,
עַד,
ה׳
אֱלֹהֶיךָ
« Reviens,
Ô Yisro`él, jusqu'à HaShem, ton Dieu ».
Comment
obtient-on le pardon ?
Dieu
n'a le pouvoir d'accorder un pardon unilatéral que pour les péchés
commis contre Lui, c'est à dire dans le domaine des lois rituelles.
L'obtention du pardon pour les offenses perpétrées contre d'autres
êtres humains n'est pas d'abord entre les mains de Dieu, car cela
nécessite d'abord de demander pardon aux victimes et de les
dédommager (réparer notre faute, si possible). La
Mishnoh déclare ceci16 :
Pour les péchés entre
les humains et l'Omniprésent, Yôm Hakkippourim procure
l'expiation. Mais pour les péchés entre quelqu'un et un autre,
Yôm Hakkippourim ne procure aucune expiation, tant que
l'offenseur n'a pas apaisé son coreligionnaire. |
עבירות
שבין אדם למקום יוה"כ
מכפר עבירות שבין אדם לחבירו אין יוה"כ
מכפר עד שירצה את חבירו
|
Cela
est basé sur le verset suivant17 :
Car en ce jour-là, on
fera expiation sur vous pour vous purifier ; de
tous les péchés devant `adhônoy vous serez
purifiés. |
כִּי-בַיּוֹם
הַזֶּה יְכַפֵּר עֲלֵיכֶם,
לְטַהֵר
אֶתְכֶם:
מִכֹּל,
חַטֹּאתֵיכֶם,
לִפְנֵי
יהוה,
תִּטְהָרוּ
|
D'après
Rébbi `al´ozor ban ´azaryoh ז״ל,
le verset déclare « de tous les péchés devant
`adhônoy », ce qu'il explique comme voulant dire que
Yôm Hakkippourim expie et apporte le pardon pour les péchés commis
entre les Israélites et Dieu, mais pas pour ceux qui n'ont pas été
commis « devant `adhônoy », c'est-à-dire contre son
prochain. Pour les péchés commis contre une autre personne, Yôm
Hakkippourim n'apporte aucune expiation ni pardon. Dieu doit attendre
que le pécheur ait obtenu le pardon de celui qui a été offensé et
seulement alors Il pardonne à Son tour ce péché. À l'évidence,
les deux pardons sont nécessaires, car le péché commis contre son
coreligionnaire Israélite, qui est une transgression du commandement
biblique de ne pas nous léser les uns les autres, nuit à deux
relations : celle que le pécheur a avec son coreligionnaire et
celle que le pécheur a avec Dieu.
[La culpabilité] de
celui qui cause un mal physique à un autre est différente de
celui qui cause un mal financier. Car dans le cas de celui qui
cause un préjudice financier, une fois que la compensation a été
faite, l'offenseur obtient l'expiation. Mais dans le cas d'un
préjudice physique, même si l'agresseur a effectué les cinq
paiements19,
il n'y a pas d'expiation pour lui. Et même s'il offrait [en
sacrifices pour Dieu] tous les boucs de Navoyôth20,
il n'y a pas d'expiation pour lui et il n'est pas pardonné, tant
qu'il n'aura pas demandé [pardon] à la victime et que [la
victime] ne lui aura pas pardonné. |
אֵינוּ
דּוֹמֶה מַזִּיק חֲבֵרוֹ בְּגוּפוֹ,
לְמַזִּיק
מְמוֹנוֹ:
שֶׁהַמַּזִּיק
מְמוֹן חֲבֵרוֹ--כֵּיוָן
שֶׁשִּׁלַּם מַה שֶׁהוּא חַיָּב
לְשַׁלַּם,
נִתְכַּפַּר
לוֹ.
אֲבָל
חוֹבֵל בַּחֲבֵרוֹ--אַף
עַל פִּי שֶׁנָּתַן לוֹ חֲמִשָּׁה
דְּבָרִים,
אֵין
מִתְכַּפֵּר לוֹ;
וְאַפִלּוּ
הִקְרִיב כָּל אֵילֵי נְבָיוֹת,
אֵין
מִתְכַּפֵּר לוֹ,
וְלֹא
נִמְחַל עֲווֹנוֹ,
עַד
שֶׁיְּבַקַּשׁ מִן הַנֶּחְבָּל וְיִמְחֹל
לוֹ
|
Lorsqu'on
a fauté contre son prochain, afin d'être pardonné obtienne le
Ramba''m explique que le fauteur doit d'abord regretter ses actes et
ensuite :
- payer (ou dédommager) pour les dégâts qu'il aura causés, ainsi que toute autre amende qu'il aura accumulée en péchant ;
- apaiser la victime et obtenir son pardon. Et seulement alors
- chercher l'expiation auprès de Dieu par la prière, le Widhouy (confession) et d'autres actes de pénitence, comme le jeûne, la Sadhoqoh, etc.21
1Tahillim
32:1-2
2Qôhalath
7:20
3Talmoudh,
Pasohim 54a
4Tahillim
90:2-3
5Le
terme pour dire « ramener » ou « revenir »
est le même que pour dire « repentance »
6Shamôth
34:5-7
7Talmoudh,
Rô`sh Hashonoh 17b
8Shamôth
34:10
9Yasha´yohou
59:2
10Mishnoh,
Yômo` 8:9
11Yahazqé`l
36:25
12Yirmayohou
17:13
13Le
mot « Miqwah » signifie à la fois « espoir »
et « bain rituel »
14Hôshéa´
14:5
15Ibid.,
verset 2
16Yômo`
85b
17Wayyiqro`
16:30
18Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Hôvél Oumazziq 5:9
19Celui
qui blesse un être humain est condamné à payer pour cinq choses :
1) pour la dépréciation de la valeur d'un être humain ; 2)
pour la douleur occasionnée ; 3) pour la guérison (les frais
médicaux) ; 4) pour la perte de temps (tous les jours où la
personne sera incapable de travailler ; 5) et pour la honte
(dégradation) qu'il a causée (Talmoudh,
Bavo` Qammo` 83b)
20Lire
Yasha´yohou 67:7
21Hilkôth
Tashouvoh 1:1 et 2:2